Adam admirait la carte de membre qu'il avait enfin reçu de la part de Vika. En carton léger, mais solide, recouverte d'une fine couche de plastique pour laisser sa photographie visible. Il avait un sourire en coin, un air légèrement coincé, et un regard fier, celui d'un gosse qui obtient à la sueur de son front une récompense dûment méritée. Adossé à une fenêtre ouverte, il regardait encore et encore les quelques mots attestant de son importance au sein du club d'arts martiaux : Adam Mayers, membre du club d'arts martiaux, une étoile. Même s'il n'en avait qu'une, il en avait au moins une. Ce qui voulait dire qu'il faisait partie entière de la famille de combattants. Et aussi, qu'il pouvait désormais se sentir appartenant à un groupe. Incroyablement content, le loup soupira, s'étira, et leva le bras en l'air...

Ce fut cet instant que la brise choisit de venir interrompre sa douce brume de fierté. Un courant d'air violent lui arriva en pleine figure, brouillant un bref instant son odorat, et faisait partir son précieux... loin de lui. Il se retourna vivement et regarda sa carte orange virevolter lentement, comme un chaton perdant une croquette sous un volet.

Puis, il se rendit compte de ce que cela représentait, et il paniqua. Se jetant par la fenêtre pour tenter de rattraper son bien, il tomba avec fracas sur le sous-toit à côté de la bibliothèque. Ses genoux se plièrent sous l'effort, et il partit comme une bombe, accrocha le morceau de papier, et se jeta droit sur l'arbre devant lui. Suspendu par un bras aux branches, dans l'autre main sa carte luisait. Satisfait, le loup de Maureen se laissa tomber et poussa un large soupir. S'il avait perdu cette carte, quelqu'un l'aurait tué... ou il aurait tué quelqu'un. Il y tenait plus qu'à la prunelle de ses yeux. Il lui était impossible d'imaginer la perdre, même pour quelques instants.

Rassuré de retrouver son bien, le loup retourna vers la porte de service pour entrer, et tira sur la poignée... qui refusa de pivoter. Sourcils froncés, sa carte dans la poche arrière de son pantalon, il tira plus fort. La porte lui répondit par un grincement étouffé. Adam se tourna pour regarder derrière lui. Il y avait sans doute d'autres issues, mais il ne voulais pas les voir. Lui, il voulait ouvrir cette porte, et aucune autre. S'appuyant avec ses pieds, il tira de toutes ses forces sur la poignée, à en devenir rouge de concentration. Une flopée de jurons lui échappa, alors qui tentait de fracasser la porte en frappant dessus. Finalement, il se frotta les mains, saisit la poignée à pleine force, plaqua ses deux pieds contre le mur, et tira... tira...

Tira.

Le monde passa sens dessus dessous et il dut faire un effort considérable pour se rendre compte qu'il était en train de tomber, et qu'il devait se redresser. Déséquilibré, il atterrit sur ses pieds, trébucha sur quelque chose - ou quelqu'un ? - lui distribua un bon coup de poignée, et atterrit sur les fesses, comme un gamin. L'oeil grand ouvert, il regarda sa poignée, puis la porte toujours fermée, et enfin la personne qu'il avait bousculé.

Le psychopathe du cours de maîtrise de pouvoirs.

Pour de la malchance, c'était une poisse suprême.

Le loup de Maureen sentit un frisson d'adrénaline le parcourir lorsqu'il vit le regard agacé de l'albinos, ses dents trop pointues, et son allure déglinguée. Oh bordel. Il allait passer un sale quart d'heure.

Le loup de Maureen s'attendait à prendre une tempête dans la figure, et il ne fut pas déçu. Le numéro de l'albinos lui avait vrillé les oreilles. Elles devenaient toujours plus sensibles lorsqu'il utilisait ses réflexes, et les vociférations du psychotique lui firent reculer le visage. Mais plus impressionnant encore, la manière dont il encastra son dû dans la porte. Avec une violence et une rage digne d'un gamin mis au coin. Wow. A ce point-là ce n'était plus de l'impulsivité, mais toute une philosophie.

Le lycanthrope se redressa, épousseta son pantalon, et observa Noïd... ouvrir la porte. Simplement. En la poussant. Un instant, il se sentit comme un chiot crétin qui a essayé de jouer au plus malin. Celui d'après, une vague de colère l'envahit. Il s'était montré ridicule, et particulièrement faible d'esprit face à quelqu'un qui, de toute évidence, ne l'appréciait guère. Anticipant la tempête, le loup se dépêcha de fournir des excuses.

Adam : Mes excuses, j'étais persuadé d'être enfermé dehors.

Noïd : TU VOIS ? UNE PORTE ÇA SE POUSSE PAUVRE AHURI !

Adam : Je sais, j'ai simplement... agi stupidement.

Noïd : ... DE CRETIN EST PROGRAMME UNIQUEMENT POUR LA VIOLENCE ET LA MANUCURE ?

Le loup de Maureen planta son regard sur le nouveau venu, et sentit une bouffée de chaleur lui monter à la tête. Le regard dur, le coin de sa lèvre droite agitée d'un tic nerveux, il s'avança, lentement, et tenta de maîtriser la colère qui montait en lui. D'accord. Il n'avait pas été malin du tout, voire même carrément stupide. Mais rien. Ni personne. N'avait le droit de l'insulter dans son intelligence et sa virilité. Plus grand que Noïd de quelques centimètres, il le toisa froidement et eut un sourire malsain.

Adam : Ecoute, le cure-dent. Je t'ai dit que j'était désolé. Alors tu redescends d'un étage, tu passes ton chemin, et toi et moi on continue à s'ignorer, vu ?

Saisissant son adversaire au col plus par habitude des combats en face à face que colère réelle, il fusilla les iris carmin de Noïd, et sentit sa respiration se faire plus vibrante, plus profonde. Il n'y avait pas à dire. Ce petit con était en train d'exciter le loup qui n'attendait qu'une occasion pour se mettre sur la gueule avec quelqu'un d'autre. Qu'il fasse un geste de trop, et Adam ne répondait plus de rien. Il l'avait bien cherché.

Adam : Allez, dégages.

Il le projeta plus qu'il ne le lâcha, et poussa un soupir méprisant. Lui offrant le regard le plus noir dont il disposait dans son répertoire "tu me touches, je te bouffe", il lui tourna le dos, et ouvrit la porte avec lenteur et provocation, sourire moqueur aux lèvres.

Noïd : De une. C'est pas une tafiole aux cheveux carottes qui va se permettre de me traiter de cure-dent. De deux...

Le lycanthrope sentit son sang arrêter de circuler un instant, et il fit volte-face. Son oeil ambré se réduisit à une mince fente tandis qu'il avisait l'albinos maigrichon. Tafiole ? C'était cette espèce de serpillière épaisse comme trois chiffons qui venait de l'insulter de la sorte ? Adam jeta un regard à sa propre tenue. Un pull bordeau à col en v, un pantalon de jean noir. Ses épaules étaient toujours aussi épaisses que d'habitude, son menton toujours aussi carré. Il n'avait pas le droit de l'insulter. Non pas le droit.

Adam : Retire ce que tu as dit, pucelle à rayures.

Noïd : ...Continues à me parler comme ça, et je te promet que je vais te créer un deuxième trou du cul, et que je vais enfoncer ta tête dedans.

Le loup de Maureen sentit un grognement menaçant sortir de sa poitrine, et en une seconde il était sur Noïd. Son regard le darda de longues secondes pendant lesquelles il tentait de savoir s'il était mieux de lui frapper directement dessus ou bien s'il devait d'abord l'humilier verbalement. Mais Adam avait un énorme défaut. Un défaut que Vika lui avait mis sous les yeux des dizaines de fois, et auquel il ne parvenait pas à trouver de solution. Adam était un mâle. De ceux qui, même eunuques, finissaient la soirée avec la main dans la culotte de leur conquête. Et en tant que machiste basique et primaire, il ne supportait aucune insulte sur sa virilité. Aucune. Ce freluquet faisait le fanfaron et l'agaçait prodigieusement. Plus porté sur les poings que sur les lèvres, le loup de Maureen quitta son pull qu'il jeta pour ne pas salir, et serra les dents pour empêcher le ronronnement menaçant de sa gorge de sortir.
Adam : Je vais te faire couiner.

Sans prévenir, il prit de l'élan, et lança son poing à la figure du maigrichon. Ses mains, aussi rapides que lui, rencontrèrent un nez qu'il prit plaisir à écraser. Le loup ne sentit pas l'odeur du sang mais eut un air jouissif de celui qui laisse échapper sa colère. L'aura de puissance de son adversaire le traversa, lui causant comme un choc électrique. Quelque chose se débloqua en lui, provoquant un frisson d'adrénaline. Il ne savait pas qui était ce type, mais lui casser la gueule ruinait tout sentiment de culpabilité. Il lui fit signe d'approcher, la partie venait juste de commencer.

Adam : Vient te battre l'albinos !

Sans attendre plus de mots de la part de son adversaire, il commença à cogner.

Même s'il avait promis de ne plus s'emporter librement contre de parfaits inconnus, Adam était incroyablement heureux d'avoir un combat pareil. D'abord parce que ce n'était pas un adversaire qui se laisserait aussi facilement jeter au sol, ensuite parce qu'il avait de répondant le petit. Chaque coup qu'il lui envoyait était châtié d'un regard arrogant qui excitait le chasseur en lui. Les proies les plus intéressantes étaient toujours celles qui vous repéraient avant de mourir.

Il frappait, frappait, et l'ange se dégagea brusquement. Adam sentit ses articulations craquer, comme s'il avait frappé quelque chose de bien trop dur pour lui, et pourra un cri de mécontenement en rebondissant à moitié. Comment un être aussi gringalet pouvait-il frapper aussi fort ? Le loup de Maureen sentit un poing vengeur lui éclater le menton et l'envoyer en arrière. Il ne dut la survie de ses dents qu'à leur extrême solidité de loup, car le coup lui tourna presque la tête. Secoué comme un sac de farine, il se sentit rebondir une seconde fois, l'étoffe de son tshirt ne supporta pas le choc, et craqua lamentablement.

Il sentit une vague de colère sourde le gagner, alors que le maigrichon se mettait à rire comme un dément. Bon sang, ce qu'il pouvait détester les mecs impulsifs et violents. Hé Adam attrape-moi si tu peux lopette. Allez, c'est tout ce dont tu es capable chien de canapé ? Bouge donc un peu ton cul si tu veux me faire mal, bâtard. Oh, Noïd ne lui rappelait que trop bien Dehvi pour qu'il puisse le laisser simplement partir.

Noïd : Ça va faire mal...

Adam : Je te le fais pas dire princesse.

D'un mouvement si vif qu'il en fut presque instinctif, le loup de Maureen joignit ses doigts pour en faire des foreuses à chair tendre, ses griffes longues, à mi-chemin entre la bête et l'homme, ne faisant qu'une pour l'armer comme un mercenaire. Adam se sentait comme ce héros, Volverine, lorsqu'il faisait une chose pareille. Un sourire moqueur passa sur ses traits et son visage. Il saisit au vol la base de la cheville de Noïd, y enfonça avec un plaisir évident ses griffes, et le laissa se lacérer lui-même la chair, de la cheville à mi-mollet. Des effluves de sang lui montèrent à la tête alors qu'il se remettait juste de son coup à la tête, et fixant l'allumette d'un regard joueur.

Adam : Attrappe-moi si tu peux, le kami mal dégrossi.

Dans une tornade de cheveux roux, il mit un coup de boule à Noïd. Pas suffisamment fort pour le sonner, mais assez pour lui remettre les idées en place, et l'éloigner quelques instants. Adam se jeta sur la façade du lycée et grimpa de toute la vitesse qu'il trouvait dans ses membres endoloris et qui commençaient à fourmiller d'envie de se couvrir de poils. En plein jour, et hors combat officiel. Quelle merveilleuse idée.

Poussant la provocation un peu loin, Adam adressa un magnifique doigt d'honneur à Noïd, puis essuya le sang angélique sur son pantalon. Pauvre petite chose. Adam s'accroupit, mains entre les pieds, et sentit son nez se retrousser. Oh oui. Ils allaient bien rire.

La voix de l’ange poussa dans les aigus, et cela aurait pu pousser Adam à rire si la situation n’avait pas été aussi sérieuse. Noïd, puisque c’était son nom, semblait sincèrement furieux et émanait des ondes de colère blanche, pure, et violente. Ce n’était pas de la rage de déception ou de vengeance non, c’était juste de la hargne, une envie d’enfoncer ses poings dans quelque chose, casser la tête de quelqu’un. Manque de bol pour Adam. C’était sa tête à lui qu’il voulait pour cible.

L’aura masculine et violente de l’ange l’atteignit comme un coup de poignard, et le stimula à la fois. Il se sentit excité comme un jeune chiot lorsqu’il le vit libérer quelque chose qu’il n’avait pas prévu : une paire d’ailes duveteuses et blanches.

Il était habitué à voir quelqu’un avec des ailes dans le dos. Après tout il avait passé le plus clair de son temps au club avec Vika, et il se souvenait même d’une folle partie de jeux avec une… succube. Mais les ailes de sa sempai étaient plus agressives, rigides, et plus gracieuses à la fois. Vika était une fille délicate dans ses gestes et forte dans son âme. Enfin, elle avait une prestance quand elle volait qui était loin, très loin du visage tordu par la haine que lui offrit l’albinos.

Le Adam Humain serait allé se cacher dans un trou à toute berzingue. Le Adam loup-garou étira ses babines en un sourire appréciateur, et se pencha vers l’avant.

Noïd : C'est vrai, mon petit Adam... Une fois que ce combat sera terminé, je serai bien devenu ton dieu !

Ah ça. Il y avait peu de chances. Sa véritable déesse, sa déesse unique était Maureen, et elle était bien plus impressionnante que ça. Si lui était un ange – ou un métamorphe perroquet – Maureen avait une puissance de feu que jamais il ne pourrait égaler. Une sorcière qui piège pendant plusieurs siècles des loups-garous sur une zone aussi énorme que la forêt de Blacksheep, ça valait mille fois la tronche d’hystérique que lui offrait Noïd. Cependant, il devait reconnaître qu’il avait une certaine classe à foncer droit sur lui.

Une seconde. Foncer droit sur lui ?

La propulsion de l’ange était démoniaque. Vive, puissante. Il n’aurait pas pu le voir arriver à vitesse humaine. Et son nez lupin, retroussé, afficha un air de totale incompréhension. Il aurait pu réagir, se jeter sur le côté, tendre les crocs pour le faire souffrir. Mais non. Une explosion de douleur se propagea dans ses tripes et jusqu’à son crâne. Le monde passa sens dessus dessous, tandis qu’il sentait son estomac rejeter l’aigreur de son repas matinal : un steak de cerf cru. Hagard, endolori, il sentit ses épaules briser des branches hautes dans un arbre, et le sang battre à ses tempes. Il avait affreusement mal. Plus que quand Dehvi l’avait bardé d’argent. Plus que quand il s’était brisé les deux jambes.

Parce que là, il avait mal à l’égo.

Noïd : Je vais tapisser le sol avec tes larmes de sang, Adaaaam-kun !

Ce fut la phrase de trop. Le lycanthrope entendit quelqu’un hurler. Ses os lui firent mal, sa gorge lui brûla. Oui, il était souvent hors de lui, mais là la rage coulait dans chaque millimètre carré de son être. Son corps douloureux se redressa avec peine, et son nez s’allongea en une grimace qui le fit souffrir atrocement. Ses mains épaisses et maladroites durcirent, lui donnant l’air trapu d’un troll des montagnes, les griffes acérées d’un creuseur de pierre. Son dos craqua, son pantalon se déchira, son corps se recouvrit d’une épaisse fourrure rousse aux reflets mordorés et bordeaux.

A demi métamorphosé, il poussa de toutes ses forces sur ses pattes, crevant ses chaussures, et se jeta avec la grâce de Hulk sur le toit. La taule grinça sous son poids, et le loup pousse un grognement inhumain. Son œil crevé absent, ses poils lui masquant à demi la vue, il ne pouvait compter quasiment que sur son odorat. Et quel odorat. Les relents de l’ange abîmé par ses bons soins le faisaient frémir. Il avait envie de partir en chasse.

Son regard jaune vif traversa le terrain, offrant à Noïd la vision de ses derniers instants. Roulant des épaules, baissant le flanc, il rugit comme un lion. Comme une bête blessée. Comme un prédateur sur le pied de guerre. De la bave éclaboussa devant lui, et son corps fut définitivement celui d’un loup. Celui d’une bête. Ils allaient jouer.

Adam : Viens faire un câlin au grand méchant loup...

Sa voix était déformée, comme s’il avait mâché un chewing-gum trop pâteux pour ses dents de requin. Ses gestes fluides, animaux, le rendaient menaçant. Il frappa une paluche, puis deux le long du toit, puis se propulsa de toutes ses forces, droit devant. Un éclair de fourrure rousse frôla l’ange tandis qu’Adam était déjà au sol, soulevant de la poussière de ses pattes puissantes. On était en pleine journée, mais il leva la gorge en direction du ciel, et poussa un long hurlement.

Lupin.

Adam : Attrapes-moi si tu peux le sachet de thé.

Le narguant de toute sa hauteur, il se mit à courir en cercle, et se propulsa sur la bâtisse, pour en atteindre le toit, s’ébrouer, et commencer à courir. Impossible n’était pas Adam.

Noïd : NYIHIHIHIHIHIHIHI ! OUI, JE VOIS ! TOI ET MOI... ON EST PAREIL, C'EST ÇA ? LE PLAISIR DE SE MESURER A QUELQU'UN … LE RESSENS-TU TOI AUSSI ? CE FRISSON, CETE ADRENALINE ?

Noïd n'était pas en mesure de le savoir, mais il n'aurait pu tomber plus juste sur la personnalité d'Adam. Le loup était en constante lutte contre lui-même et contre les autres pour le pouvoir. Il transpirait tous les jours la domination, et la rage de vouloir plus de pouvoir. Plus de responsabilités. Plus de respect de la part des autres. Il était depuis bien trop longtemps soumis à Dehvi, son propre alpha, et cela frustrait son égo de mâle au plus haut point. Ce qu'il ne pouvait accomplir tant que son père était dans les parages, il se donnait un plaisir de le faire lorsqu'il était à Yôkai, et que personne n'était là pour le rabaisser constamment. Enfin. Personne, sauf l'emplumé qu'il avait juste sous les yeux.

Adam était un lycanthrope né pour être alpha. Il avait tué celui qui l'avait transformé indirectement, et vouait une telle haine au manque total de contrôle de son propre chef qu'il se battait mentalement pour ne pas lui ressembler. Il n'attendait qu'une chose, pouvoir le renverser, prendre le pouvoir. La moindre erreur de sa part pour se hisser à sa place, et renvoyer le piètre alpha qu'il était au placard. Noïd et ses phrases de psychopathe lui rappelèrent pourquoi il était constamment en colère, et son égo se gorgea d'une bouffée d'orgueil. Il voulait imposer à tous une seule volonté. La sienne.

Cet ange pensait être le même que lui ? Non. Cela n'avait rien à voir. Ce kami tout maigre se battait pour le plaisir de se battre. Sentir l'autre prendre des coups. En prendre tout autant dans la tronche. Se prouver qu'il était toujours et envers et contre tout le plus fort. Adam voulait prouver à tous ce dont il était capable. Et en cet instant, il se sentait capable d'écraser le monde. De le dévorer à pleines dents. De le déchiqueter en mille morceaux. Tant de violence pour un seul homme...

Noïd : Je vais te montrer... ce qu'être un ange veut dire.

La réflexion qu'il faillit balancer sur les tafioles et les jupettes en tulle tourna court entre ses deux oreilles.

L'ange fonça sur le toit, créant une tranchée nette dans celui-ci. Des morceaux de béton volèrent dans tous les sens, alors qu'il arrachait au bâtiment une part de lui-même, ayant foncé dans le tas. Si Adam ne s'était pas balancé sur la balustrade aussi vite que sa nature de loup le lui avait permis, il aurait été dans le même état que les gravats qui tombèrent en bas, dans la cour. Le lycanthrope ouvrit l'oeil avec une expression de surprise pure. Ah oui. Alors c'était ça, être un ange ? Il imaginait les Paladins de Dieu un peu moins violents, quand même. Quoi que. Pour être appelés les chiens de chasse de Dieu, les lycanthropes n'étaient pas mal dans leur genre, non plus.

Il vit Noïd ressortir du toit avec un gros morceau de débris entre les main. Un instant. Il comptait faire quoi, avec ça ? Les traits du loup-garou se détendirent, alors qu'il prenait conscience que Noïd ne visait plus la bâtisse, mais bien sa personne. Il poussa sur ses jambes avec force, et commença un jeu d'esquive. Un torrent de fourrure rousse et jaune passa et repassa entre les pattes de l'ange, esquivant au dernier instant ses attaques barbares. Et il riait, oui, il riait. Comme le psychopathe imitateur d'asperge qu'il était. C'était même pire que ça. Noïd était en train de glisser sur la limite entre la conscience et la violence pure, gratuite. Il se devait de garder la...

Le loup sentit une douleur vive entre ses omoplates, et vit le monde sens dessus dessous. Il entendit un hurlement en dessous de lui, et vit une foule d'élèves amassés là. Des spectateurs inattendus. Le loup de Maureen se propulsa contre le mur, enfonça ses paluches dans le toit métallique en dessous de lui, et regrimpa, ignorant la douleur qui irradiait de partout. Il était, tel le berserker, complètement inconscient de ce qu'avait pu lui causer Noïd. Mais son attaque dans le dos lui avait fait sortir les crocs. Et il était vraiment prêt à lui exploser la tronche. Son bras avait du mal à lui répondre. Il joignit ses griffes tels deux couperets noirs, et gronda furieusement, commençant un jeu du chat et de la souris.

Les deux combattants commencèrent alors un ballet de violence pure. Adam sautait, esquivait, fonçait, se raccrochait au toit, aux gouttières, faisait plier la taule sous son poids. Noïd frappait, piquait, criait, riait, et tentait de l'encastrer dans le mur comme un supplicié. Mais le loup de Maureen refusait même l'idée de perdre. Il dansait, un ballet stupide qui le rapprochait chaque seconde un peu plus de la mort. Et puis, finalement, il se mit hors de portée. Juste une fraction de seconde, lui offrit un regard haineux, ramena ses bras en arrière, et se mit à hurler.

Pas comme le gentil loup qui avait débuté le combat, quelques minutes auparavant.

Non, il poussa un hurlement digne de la Bête du conte pour enfant. Un hurlement noir, sombre, venant du plus profond de sa bestialité, et qui résonna un long moment dans la cour, réduisant au silence les spectateurs. Il était, véritablement, devenu incontrôlable. Vika aurait pu débarquer et lui ordonner de se coucher, il l'aurait dévorée, avec Noïd. Yôkai était son école. Il en était le seul mâle dominant. Et il était le seul à pouvoir se donner des ordres. Il fila dans le dos de l'ange, profitant de la confusion pour le stalker, tel un chasseur pervers prêt à fondre sur sa proie. Il passa furtivement derrière lui, griffant parfois au hasard lorsqu'il était assez prêt, espérant lui mettre une grosse baffe. Et pourtant, il crevait d'envie de le mordre. De les mordre tous. De sentir leur peur, leur peur immense face à sa nature couler dans sa gorge. D'arracher des morceaux de chair, comme un trophée. Mais Noïd était un obstacle infranchissable.

Il l'approcha brusquement, et cessa de courir, se mettant en position vulnérable un bref moment. Il sentit un coup lui entrer en plein dans l'épaule droite, et poussa un glapissement plaintif, avant de répliquer, griffes en avant, en direction de son ventre. Rien ne faisait plus mal que se faire embrocher les organes par des griffes de loup-garou. Il le savait.

S'il avait réussi à le toucher en revanche était une autre question. La douleur afflua dans tout son bras, dans toute sa nuque, dans tout son crâne. Il était comme... drogué. Ivre mort de la frénésie du combat. Il claqua les mâchoires, à quelques millimètres de la tête de l'ange, et fit un pas en arrière, titubant.

En dessous d'eux, les spectateurs étaient bruyants.