Après sa discussion plutôt flippante avec la jeune fille plutôt flippante dans le couloir, Léon avait décidé d'opter pour la sagesse et fini de récurer avec soin la moindre parcelle de sa portion de couloir. Après tout il était plus sage de faire profil bas jusqu'à pouvoir comprendre quelque chose à l'endroit où il se trouvait. Surtout si on menaçait de le priver de nourriture. D'ailleurs, ayant terminé son travail il fonça au réfectoire seul endroit qu'il était toujours sûr de dénicher sans problème, question d'odorat et de motivation.
La bouffe y étant plutôt correct et abondante, le jeune bouquetin reprit un peu courage. Oui il venait de perdre tout son cadre de vie, ses amis, sa famille mais au moins, il avait à manger.
Un fois ce besoin primaire assuré il se focalisa sur le second, lire. Il se demandait avec angoisse quelle serait la bibliothèque qu'il allait trouver. En quelle langue serait les livres ? De quel genre seraient-il ? Trouverait-il le Marquis de Sade ? Ces questions le pressant, il se mit immédiatement en quête de son lieu de prédilection. Ce fut moins simple que pour le réfectoire, pour une histoire d'odeur de papier plus ténue que celle des frites. Mais après quelques circonvolutions dans les couloirs de la grande académie il parvint à son but. Et il ne fut pas déçu ! Calme, spacieuse et bien fournie, il se sentait pour la première fois depuis le début de son exil, à sa place. Se saisissant avec avidité de plusieurs livres au hasard, il alla s'assoir dans un coin, avec un couinement de douleurs lorsque ses fesses touchèrent la chaise. Ces bâtards ne l'avaient pas loupé et il était bon pour garder un cul de schtroumph au moins une bonne semaine. A défaut de pouvoir vérifier, il releva les manches de son sweat et inspecta ses bras, palpant doucement les bleus et grimaçant au contact de ses doigts. Enfin, ici il espérait passer des jours paisibles et avoir le temps de se remettre de ses cavalcades. Qui en voudrait à un bouc balayeur ?

Quel est cette manie que l'on a de tripoter ses bleus pour savoir si ça fait mal ? Evidemment que ça fait mal sinon aurait pas la peau dans cet état !
Néanmoins, Léon continuait de s'inspecter consciencieusement, parce que c'était une occupation toute bête et pas fatigante. Mais une voix chaleureuse ne tarda pas à le tirer de sa comptabilité.

" Bonjour, je ne te dérange pas j'espère... J'ai vu que tu semblais avoir quelques blessures sur les bras, je peux te les soigner si tu veux. "

Relevant la tête, surpris, le chevreau découvrit le grand sourire d'une rouquine, penchée vers lui. D'abord un peu lent à la détente, il prit le temps de réfléchir à sa proposition.

"Bof, tu sais, les bleus y'a pas grand chose à faire à part attendre que ça passe hein ! J'suis pas sûr qu'il y ait plus efficace que le bisou magique ou le glaçon mais bon, c'est très sympa de proposer."

Il prit un instant pour la reconsidérer et se rendit compte que cette jeune fille était la première personne amicale qu'il rencontrait dans ce lieu. Excepté la nana au katana qui semblait armée de bonnes intentions, mais bizarrement, il avait du mal à lui attacher l'adjectif "amical".
C'est pour cela qu'il enchaîna très vite.

" T'es mignonne ! C'est quoi ton nom ? Tu lis quoi ? C'est ta vraie couleur de cheveux ?"

Ce faisant, il avait repoussé du bout du pied la chaise en face de lui pour inviter l'inconnue bientôt connue à s’asseoir. Lunatique, un peu planant, Léon pouvait être bougon et mélancolique comme bavard et insouciant. Actuellement, il avait vraiment besoin de parler. Ou d'entendre parler. En tout cas, d'un truc normal.