Un matin tout tranquille (et serein) comme elle n'en avait pas connu depuis longtemps. Aucun cauchemars n'étaient venu ponctuer ses rêves. Et la journée était plutôt ensoleillée. Même si ça restait l'hiver et qu'il faisait toujours trop froid pour mettre le bout du nez dehors. D'ailleurs, elle n'avait pas cours aujourd'hui. Et de toute façon, quelqu'un devait passer tout à l'heure. Le lavabo de la salle de bain fuyait, heureusement qu'elle l'avait remarqué rapidement, autrement sa chambre serait inondée.  Elle avait remarqué cela hier matin. Le lycée au moins, ne perdait pas de temps, pour les réparations. Cela l'arrangeait bien.

Elle attendit donc le réparateur en compagnie d'un bon bouquin, omettant comme souvent de faire ses exercices. Pas très bonne élève, Jimena parvenait tout de même à la moyenne. Sauf en math. M'enfin son père ne faisait pas tellement gaffe aux relevés de notes de sa fille, elle aurait pu avoir 0 partout, elle n'était même pas sure qu'il le remarque. Heureusement que Jimena avait un minimum de sérieux.

Ces vacances n'avaient pas encore été de tout repos, à vrai dire elle était plus fatiguée maintenant que deux semaines auparavant. N'était-elle pas sensée mieux se sentir ? Pour être motivée à la rentrée ? Et bien il n'en était rien. Elle avait encore moins envie de bosser et quand bien même cette nuit elle dormit comme un loir, elle avait encore quelques heures de sommeil à rattraper. Peut-être une fois que le réparateur serait passé. Une petite sieste. Pourquoi pas.

Toc, toc, toc.

Ah, c'était sûrement son "invité". Elle avait prit quelques précautions avant sa venu. Elle avait rangé sa chambre, laissé quelques cahiers sur le bureau pour faire croire qu'elle bossait et avait arrangé son lit. Sa piaule était parfaite. Elle se leva doucement, un peu stressée peut-être. Elle ne connaissait pas la personne qui allait entrer. Et avec tout ce que l'on pouvait croiser dans le coin. Elle imagina l'espace d'une seconde qu'en ouvrant la porte, elle verrai un gros bonhomme cyclope avec à la place de mains, des tentacules. Comme celui dans Lilo Et Stich. Mais plutôt en vert, parce que le vert c'est bien. Elle sourit à sa bêtise et finit par ouvrir la porte.

Déception. C'était un humain des plus banales. Oh pas moche non, plutôt mignon au goût de Jimena, mais là n'était pas la question. Il se présenta comme le réparateur et Jimena ouvrit la porte.

"Merci d'être venu. C'est par là."
Bon, pas besoin de sortir de Science Po Paris pour trouver la salle de bain, mais elle alla quand même lui ouvrir la porte pour lui montrer le lavabo.

"En fait j'ai remarqué hier que lorsque j'ouvrais le robinet, ben ça fuyait en dessous. Depuis je l'utilise plus."

"Merci d'être venu. C'est par là."

L'humaine ne lui accorda pas plus qu'un regard. Le droïde était habitué à ce genre d'attitude de la part des êtres biologiques. Après tout, le concierge valait autant que la serpillière. Il n'était qu'un outil au service de l'humanité. La femelle lui indiqua la salle de bain. Le droïde connaissait les dimensions précises de toutes les chambres de tous les étages, il avait compilé les archives de l'endroit et il possédait un microprocesseur fonctionnel à 87,6%. Il trouva la salle de bain sans problème : C'était tout droit.

"En fait j'ai remarqué hier que lorsque j'ouvrais le robinet, ben ça fuyait en dessous. Depuis je l'utilise plus."

Il passa une main à sa sacoche en s'accroupissant prêt du lavabo. Les échantillons génétiques étaient en cours d'analyse. Le diagnostic était formel : La pièce B34 dysfonctionnait. Il savait qu'il pourrait trouver une rechange dans le tiroir du débarras. Pour l'instant, il appliqua une couche de duct tape, parant à l'urgence du moment. Techniquement, la durabilité de la matière lui offrirait deux mois d’imperméabilité certaine. Il se releva, levant un regard sur la pièce. Ses récepteurs visuels ne lui apportèrent aucun indice concluant. L'ai chargé en carbone à 29% lui suggéra que la pièce méritait d'être aéré.

"Tu as une colocataire?" demanda il doucement en se dirigeant vers la fenêtre. Il ouvrit, vérifiant que la température extérieur était en hausse. Les échantillons d'adn abandonnés dans la salle de bain confirmaient l'identité de la jeune humaine. Adam était plongé dans une profond dilemme. Devait il reporter l’irrégularité qu'était la petite Jimena? Faire cela ne la mettait elle pas en danger? Il activa ses protocoles de protection des civils et enchaina:

Mademoiselle Jewel, je crois que vous êtes en danger.

Peut être pourrait il la convaincre de quitter l'école. C'était la meilleure chose à faire pour assurer sa sécurité. Il se demandait comment une jeune humaine avait pu se retrouver dans un tel endroit. Etait ce un défaut dans la structure d'accompagnement des mineurs qu'une telle irrégularité se produise? Son regard irisé croisa celui de la jeune mammifère. La surprise qu'il crut lire dans ces subtiles inflexions faciales ne lui suggérèrent rien de bon. Jimena Jewel devait pourtant le savoir : Les humains étaient interdits à Yokai, sous peine de mort. ( Techniquement, il était possible de demander une dérogation pour bénéficier d'un écartèlement. Adam préférait l'exiler plutot qu'une telle chose se produise. )

Elle le regarda passivement, que pouvait-elle faire d'autres de toute façon ? Il vit rapidement d'ou le problème venait et comment le régler. En moins de cinq minutes il avait terminé. Rapide se disait-elle. Elle s'attendait maintenant à ce qu'il se relève et qu'il sorte une phrase typique du genre « et voilà c'est réglé ». Au lieu de cela, il se releva bel et bien, mais pour se diriger vers la fenêtre qu'il ouvrit. Jimena n'aimait pas ouvrir les fenêtres en hiver, il faisait bien trop froid pour cela. Mais elle le laissa faire, il devait savoir ce qu'il faisait... Bien qu'en toute logique, il ait terminé de réparer ce qu'il y avait à réparer. Mais bon, elle partait du principe qu'il savait ce qu'il faisait.

"Tu as une colocataire?"

Cette question lui parut bien étrange, mais elle répondit par l'affirmative. Elle avait effectivement une colocataire qu'elle ne voyait que peu ces derniers temps. Et cela la rendait vaguement triste... Cela avait-il un rapport avec la fuite du robinet ? Elle en doutait, mais s'il posait la question, c'était qu'il y avait une raison. Sans doute. Elle se tenait contre le mur face à la fenêtre, elle attendit la suite.


« Mademoiselle Jewel, je crois que vous êtes en danger. »

Cette fois, elle en était certaine, il n'était pas venu uniquement pour ce foutu robinet. La surprise pouvait se lire dans ses yeux, même les employés des lieux s'y mettaient? Ne pouvait-on pas seulement la laisser tranquille ? Dans quoi encore s'était-elle fourrée ? Elle n'était même pas sorti de sa chambre aujourd'hui ! Alors ouais elle était en danger, tout les jours depuis qu'elle était ici, est-ce que c'est ça qu'il voulait dire ? Mais pourquoi il viendrai la prévenir elle ? Etait-ce une sorte... D'ange gardien lui aussi ? Elle ne savait plus quoi penser, quoi répondre. Il n'avait pas l'air de plaisanter en plus. Mais qu'avait-elle encore fait à la fin...

« Euh je... De quoi vous parlez ? »

Perdue était un euphémisme. Il commençait à lui faire sincèrement peur avec le regard qui lui jeta. Elle ne plaisantait pourtant pas, elle ne savait pas pourquoi elle était en danger. Mise à part tout les monstres bien plus puissants qu'elle qui pourraient lui rouler dessus si l'envie leur prenaient de le faire. A bien y réfléchir, elle avait de la chance. Un peu.

Il fit un pas vers elle, elle recula d'un pas.

"Vous n'avez rien à faire à Yokai. Votre nature humaine vous met en danger."

Nature humaine.... Oh ! En fait il la prenait pour une simple humaine et comme le lycée Yokai est un lycée de monstres... Mais comment pouvait-il être au courant de sa condition ? Enfin, de sa demi-condition. Elle n'était pas tout à fait humaine, elle avait son côté sorcière. Mais il était étrange que cet inconnu ne soit au courant que de la moitié seulement de sa race. Devait-elle lui faire confiance ? Elle ne savait déjà pas d'ou il tenait cette information. Mais... D'ou il touchait son sac sans son autorisation ? Non seulement il pensait la connaitre, mais en plus il lui donnait des ordres. Non, elle ne ferait pas ses affaires. Non, elle ne prendrait pas le bus. L'envie de s'enfuir de cette endroit, elle l'avait eu plusieurs fois, mais elle ne l'avait jamais fait. Pour plusieurs raisons. Et depuis peu elle avait même des raisons de rester. Alors partir maintenant juste parce qu'un gusse pense tout savoir, c'était hors de question. Il avait beau vouloir se montrer gentil, ce qu'elle trouver par ailleurs plus qu'étrange, il n'avait aucune raison de se mêler des affaires des autres.

Elle reprit donc son sac pour le reposer là ou il l'avait prit.

"Vous ne savez même pas de quoi vous parlez et laissez mes affaires tranquilles !"

A son tour elle lui jeta un regard sévère. La peur avait presque disparut au profit de l'agacement.

"Je ne comprends pas, qui êtes-vous ? Comment savez-vous que je suis en partie humaine ?"


[Désolée pour l'attente, hum.]

Hrp : Heum, Reboot?

Le rythme cardiaque de la jeune Jimena augmentait. Peut être était il temps de lui administrer un tranquillisant. Sous sa peau, les nano machines s'activaient, dégradant les composants chimique pour la production de 0,2mg d'Hypnol. Vu son gabari, une dose supérieure risquait d'être nocif voir dangereux.

Adam avait pourtant été clair dans ses propos. Contre toute attente, la jeune femelle récupéra son sac de voyage pour aller le ranger dans son placard. Avait elle des troubles de l'audition? Mentaux? Pour décider de venir de son gré dans un lycée de non-humain, il fallait avoir un certain grain de folie, le robot en était persuadé.

"Vous ne savez même pas de quoi vous parlez et laissez mes affaires tranquilles !"

Son pouls sembla se stabiliser tandis qu'elle le fixait avec ses deux globes occulaires, les sourcils légèrement froncés dans une moue réprobatrice. Dixon Hill aurait trouvé quelque chose de plus inspiré à dire sur cette môme insolente. Il aurait répliqué avec aplomb quelque chose comme " Eh bien, appellons la police." Son protocole de gestion des civils lui intimait de répéter sa phrase en rajoutant " c'est la dernière somation." Avant qu'il ne puisse construire une phrase, la silhouette rajouta :

"Je ne comprends pas, qui êtes-vous ? Comment savez-vous que je suis en partie humaine ?"

Adam décida de laisser de coté ses protocoles. De toute façon, si la conversation dégénérait, la dose d'Hypnol était prête.

"Je suis Gédéon, le concierge. Je m’inquiète pour votre sécurité mademoiselle."

Sa voix était sincère. Il avait été programmé pour protéger l'humanité. Il ne lui était jamais arrivé que l'humanité refuse son aide. Son processeur analysa la fin de phrase. " En partie humaine." Cette affirmation laissait beaucoup de questions en suspens. Il repassa au crible les différents échantillons d'adn qu'il avait trouvé. Il ne trouva rien de concluant et décida d'ajouter.

" Ce n'est pas la bonne question. Si j'ai pu le découvrir, d'autres le feront. Et si votre identité est révélée, vous serez alors dans un sacré pétrin."

" Sacré pétrin" était une expression récurrente de l'idole d'Adam. Il espérait que cet argot était compréhensible pour la jeune demoiselle. Il s'inclina un instant, alla fermer la fenetre et retourna chercher le sac qu'il vint déposer aux pieds de Jimena

" Mademoiselle Jewel, j'insiste. "