Samedi matin. Une journée parfaite pour faire la grasse matinée. Le futon au sol, le gros oreiller moelleux, la couette chaude, la peluche renard toute douce, les rayons du soleil chauffant à travers la vitre, les pensées qui vagabondent…

Et ben nooooooon! Ce matin, Yûko devait faire cours à un élève! Un élève très particulier même, puisqu'il s'agissait d'un doppleganger. Un reflet ambulant comme il avait l'air de penser. De niveau S! Il portait le nom peu courant (au japon du moins) de Gregory Ogramann. Où Greg, pour aller plus vite. D'après sa fiche, il était Allemand. Ya! Yûko ne savait presque rien dire dans cette langue… Mais ils faisaient des wurst (saucisses) délicieuses!!!

Le pauvre garçon avaient eu quelques problèmes récemment, et c'était à la japonaise blonde de le remettre sur pied! Et pour ça, rien de mieux qu'une bonne séance de yoda! Euh non, yoga. Rah! Elle savait bien qu'elle n'aurait pas du regarder star wars mardi! Mais c'était tellement bien! Tellement "ptiou" "ptiou" "bzoooom" "pshiii".

Olala, il était temps qu'elle dorme elle, elle commençait vraiment à penser à n'importe quoi! La professeur attrapa sa boite de cookies et en grignota un. Elle avait un peu d'avance et attendait tranquillement, assise sur son tapis spécialement pour yoga en admirant le paysage. En tout cas, c'était bien vrai, que les paysages, vus du toit étaient bien plus jolis.

Oui, vu du toit! Yûko comptait y faire cours. Ça vous pose un problème? De ce qu'elle savait du jeune garçon (merci les collègues profs), il n'aimait pas les endroits avec trop de monde, et c'était logique! Et il avait grandement besoin de calme! Donc ouais, à défaut de petites prairies verdoyantes aux fleurs multicolores, avec les petits animaux qui s'y promenait et les oiseaux qui chantaient, le toit irait très bien! De toute façon, les samedi matins, soit les élèves dorment (et les profs aussi, les Yûko du moins, en général) ou ils se baladent, mais ils ne flânent pas sur le toit. En plus, il faisait beau, pas trop frais, et les paysages étaient variés et tranquilles! Donc ça serait le toit, point barre.

À côté d'elle se trouvait son petit guide pour "yogaeur" débutant. Oui le yogaeur! C'est un verbe typiquement yûkoien. Elle le feuilleta pour trouver quelques positions simples. Elle regarda les étirements aussi. Le but c'était de le relaxer, pas de l'achever en lui froissant les muscles! Elle avait aussi son ipod rouge (cadeau de son renard chéri! ♥) sur une petite enceinte, au cas où il voudrait un peu de musique relaxante.

La blonde regarda sa montre. 10h30. Il ne devrait plus tarder à arriver. Elle se leva d'un coup et s'étira looooooooooooooooooooooonguement avant de remettre correctement son T-shirt de sport et son mini short de sport. La porte du toit s'ouvrit au même moment.

Souriante (comme toujours, eh ouais!) elle se tourna vers l'arrivant.

Oh la meuh! Il était pâle comme un cul!

Au moins, ça avait le mérite d'être clair. Le jeune garçon aux cheveux bruns semblait relativement maigre. Tellement que Yûko s'empressa de lui tendre la boite de cookies, en prenant soin de la tenir par l'extrémité pour éviter tout contact. Elle ne tenait pas vraiment à se retrouver face à elle même. Il semblait la fixer avec ses grands yeux bruns, sans doute surpris qu'une professeur lui propose des cookies (ou de faire cours sur le toit). Elle en profita pour se présenter un peu:

- Bonjour Gregory, Je suis Kitsunebi Yûko, mais tu peux m'appeler Yûko. Tu peux même me tutoyer si l'envie t'en prend. Je me moque de la façon dont les élèves me parlent tant que c'est respectueux. Je peux t'appeler Greg?

Qu'on lui demande de rattraper les cours manqués pendant son séjour à l'hôpital étaient somme toute normal. C'était même un avantage ; s'il avait bien compris, il avait le droit à des cours particuliers, sans huluberlus aux hormones bouillonnantes et poules glousseuses pas encore pondeuses.

Mais quand même. Sport... Sur le toit ? Il ne s'y attendait pas. Pas que ça lui déplaise, mais il n'imaginait pas qu'on ait installé des infrastructures sportives là haut. A moins que ce ne soit pour un cours de vol ? Aaaaarg. Pourvu que la nouvelle prof ait pensé à consulter son dossier avant de le jeter du toit ! Le précédent avait tenté d'apprendre à une classe comment rester en apnée une demi-heure, oubliant que tous ses élèves n'étaient pas des sirènes, eux... Remarquez, ils avaient bien compris l'intéérêt du bouche à bouche et massage cardiaque ce cours là.

Bref, en ouvrant la porte menant au tout, Greg s'attendait à tomber sur à peu près n'importe quoi... sauf sur une boite de cookies tendue à bout de bras. Come to the dark side, we have cookies. Ouais ouais, mais c'est le coté lumineux qui a le lait, dommage !

Bref, une boite de cookies. Et à l'autre bout, une petite blonde qui lui souriait. Au moins, la nouvelle prof avait l'air sympathique, et vu la façon dont elle tenait le carton, au courant de son état. Pas de vol plané aujourd'hui, joie. Il lui rendit son sourire - elle avait un je-ne-sais-quoi qui le mettait un peu en confiance et attrapa un cookie d'une main gantée. Sport peut-être, mais il avait revêtu un survêtement intégral sans oublier sa paire de gants : prudence toujours.

"Greg me va très bien, lui répondit-il alors qu'il mordillait un bout du cookie. Pépites de chocolat noir. Miam. Merci pour les gateaux. C'était pour après la séance ? J'ai l'air si malingre que ça ?"

Ca n'aurait pas été la première fois qu'on comparait le brun à un porte-toast humain. M'enfin ce n'est pas comme s'il avait vraiment des occasions de pratiquer du sport, et se shooter à la testostérone pour frimer en exhibant ses pectoraux n'était pas son idée d'un bon passe-temps. De toute façon, à part la course et l'escalade, il n'avait jamais vraiment vu d'intérêt à utiliser son corps.

Machouillant son biscuit - pas mauvais, vraiment - il se pencha sur le coté, fouillant le toit du regard. Qu'était il censé faire comme sport ? Pas de ballons en vue - tant mieux, il n'était pas taillé pour le basket. Pas de poids - exit, le musculeux haltérophile. Juste quelques tapis en mousse et à coté, ce qui ressemblait à un Ipad. Si même les profs se mettaient à faire de la promotion pour Apple maintenant ! Remarquez, ça prouvait au moins qu'elle avait des connaissances sur le monde humain, ce serait bien plus simple si elle avait envie de papoter. Donc tapis, musique,... Il épousseta distraitement les miettes tombées sur sa veste de survêtement et grimaça, craignant un peu d'avoir deviné juste.

- Cours de quoi aujourd'hui ? Danse ? Gymnastique ? Son rictus s'élargit un peu. Yoga ?

C'est à dire que Greg et la relaxation, ça faisait un peu deux. Voire plus, si on comptait tout ce qui trainait sous son crâne. Un truc aux alentours de ... mille trois cents quatre vingt quatorze, au pif ?

Le jeune brun avait prit un cookie en souriant. Au moins ça commençait bien! Yûko avait cru entendre d'un autre professeur qu'il était insolent et perturbateur. Mais elle n'y avait pas prêté attention. Elle préférait toujours se faire son avis elle même. Si ses anciens camarades avaient été assez intelligents pour le faire, elle n'aurait sans doute pas passé sa scolarité seule.

Lorsque Greg lui demanda s'il avait l'air si malingre que ça, elle rit. C'est vrai qu'il ressemblait à un stick dans son survêtement intégral. Il avait même mis des gants, sans doute une protection à cause de son pouvoir. Il devait vraiment avoir chaud en été s'il avait toujours la même tenue! Pour avoir souvent manqué de carboniser sa professeur lorsqu'elle était étudiante, elle savait bien que peu de monstres supportaient bien la chaleur. Dommage, c'était si agréable pourtant!

Quand l'élève s'intrigua sur le sport qu'il allait pratiquer et avait lâché "yoga" dans un rictus, elle avait manqué de rire bien fort!

- Tout juste! Les cookies, c'étaient en attendant, et un peu pour n'importe quand, mais on va bien faire du yoga! Quoi que la séance d'aujourd'hui ressemblera beaucoup plus à de la relaxation. Tu as l'air tout tendu, et je le comprend, alors on va te ramollir un peu!

Comment ça ramollir? Non Yûko, je pense pas que ça soit le bon verbe. C'était pas plutôt détendre?

- Ça ne sera pas une séance très sérieuse, si tu as besoin de parler, tu peux, ça peut aussi faire pas mal de bien! Mais on va plus faire des échauffements, des étirements, des trucs pas trop speed, relax, ce genre de chose. Comme tu sors de l'hôpital, on va essayer de pas trop t'emmêler! En plus, le toit, c'est calme, et on peut voir de sacré paysages!

Sur ce, elle invita son élève à prendre place sur son tapis pour commencer en douceur. Tout d'abord, la professeur lui dit de s'étirer, comme s'il venait de se lever. Il ne devait d'ailleurs pas hésiter à faire le "hmmmm" qui accompagnait généralement ce geste. Et si ça lui donnait envie de bailler, qu'il ne se gène pas! Elle avait lu quelques part que faire ce genre de chose était très bon pour le moral. D'ailleurs, elle le faisait avec son élève et l'envie bailler l'avait prise d'un coup!

Les étirements de sortie de lit n'étaient pas très varié, mais elle misait aussi pas mal sur le côté psychologique. Ainsi, elle lui fit tendre les bras, vers le haut, puis en face de lui, recommencer avec les mains jointes, paumes vers l'extérieure, se pencher d'un côté, de l'autre, étirer les jambes, inspirer à fond et souffler lentement… Elle le fit même se coucher pour étirer tous ses membres d'un coup! Combo!

Ils avaient l'air tellement ridicules tous les deux sur le toit, à gesticuler comme ça, qu'elle ne pouvait s'empêcher de rire! Au moins, ils étaient de bonne humeur tous les deux! Enfin… Elle, c'était sûr. Et elle espérait vraiment que son élève aussi!

À un moment, elle avait mis ses mains sur les hanches et avait courbé le dos en arrière avant d'entendre un sublime *crack* qu'elle explosa de rire!

- Je me fais déjà vieille!

Elle commença aussi les échauffements un peu plus normaux, sans quitter sa bonne humeur. Tranquillement, sans se presser, ils enchainaient les positions. Tantôt une jambe repliée et l'autre tendue, tantôt un petit mouvement rotatif de la tête, des poignées, des petits sautillements sur place, le terrible "j'essaye de toucher la pointe de mes pieds sans plier les genoux", ou encore tenir debout sur un pied et tenir l'autre plié avec une main.

Ils auraient pus en faire encore d'autres, mais ça n'était pas un cours d'échauffement après tout! Et puis bon, ça évitait les coups en traitres, mais ça relaxait pas tant que ça, même s'ils allaient à leur rythme.

Sans quitter son habituelle bonne humeur (c'est psychologique je vous dit! Avoir une prof de bonne humeur est bien plus agréable et déstressant qu'un prof qui se moquait de ses élèves ou pire, faisait la bouille) elle fixa le jeune brun. Parler avec les élèves aussi, c'était très important:

- Ça va pour le moment? Pas trop sportif pour toi?

Greg, tout tendu ? Noooooooooon, pas du tout. Jamais de la vie. Il était un exemple de mollesse - mais de mollesse amidonnée et surgelée après étirement maximal. Au moins, cela faisait rire cette prof. Il hésita à la reprendre sur le mot "ramollir" mais décida qu'il ne fallait pas pousser le bouchon trop loin Maurice.

Il entreprit de dénouer ses lacets, admirant d'un oeil distrait le "splendide paysage" que vantait Yuko. C'est vrai que c'était beau. Sans les élèves piaillants en tout sens, le parc avait des allures de carte postale. Le soleil, bas sur l'horizon, se reflétaient dans les vitres des bâtiments annexes et projetaient de somptueux reflets sur les arbres voisins, les moirant de violet et bleu acier. La forêt même, d'ordinaire sombre, semblait presque accueillante ; les conifères à son orée tendaient leurs branches vers le temps voisin, parodie de prière du matin.

Le temple.

Il se détourna et finit d'ôter ses chaussures, un pied appuyant sur la semelle de l'autre basket. De ses chaussettes, il tira sur le tapis, l'éloignant un peu plus de la prof. Au cas où. Bien campé sur place, il attendit qu'elle commence la séance, prêt à jouer les miroirs humains.

Les exercices de départ étaient de simples étirements de base, destinés à échauffer ses muscles et dénouer ses articulations. Un sourire passa sur ses lèvres alors qu'elle se mettait à bailler en mimant le lever du matin ; sa frimousse ronde était camouflée derrière sa crinière blonde, lui donnant l'air de la plus grande mioche au monde. La gamine ne fit pas long feu et se transforma vite en caricature de grand mère lorsqu'elle entreprit de faire craquer ses vertébres - la plus joyeuse des grand-mères au monde, quand même. Grand-mère sait faire un bon café, accompagné de bon beignets... Il retint un petit rire lorsque son estomac manifesta son accord quant à cette pensée.

Petit à petit Greg commença à se détendre. Les exercices le mettaient certes en sueur, mais il n'avait rien de commun avec les postures de yoga que pratiquait sa mère lorsqu'elle était adolescente, et il n'avait pas à craindre qu'elle remonte prendre la place pour pratiquer cette activité qui lui avait ô combien manqué. Non pas que Hilfe soit dangereuse, mais il s'employait à maintenir le mur le séparant des Autres en toute circonstance et étant la plus ancienne dans son psychisme, c'était elle qui était le plus difficile à retenir.

Bref, lui aussi s'employait à avoir l'air ridicule. Et avoir l'air bête donnait chaud. Il finit par poser sur le coté sa veste de survêtement, se contentant de rester en tee shirt à manches longues (manches coincées dans les gants, pour éviter tout incident) avant de se remettre à imiter le flamand rose déplumé avec Yuko.

Ils finirent par s'arrêter. Alors que Yuko lui parlait, il s'éloigna et attrapa son sac à dos, en sortant deux bouteilles d'eau. Lui tendant l'une d'entre elle, il lui répondit : "C'est supportable. Juste trop chaud." avant d'avaler une gorgée d'eau. Petit bonheur que cette eau fraiche qui apaisait cette gorge assechée ! Il dut bien en boire un quart de litre avant d'en essuyer le goulot d'un revers de la main et de la reposer, bien fermée, à coté de son tapis.

"Je crains bien plus pour la relaxation et le yoga, pour être honnête. Lâcher prise c'est dangereux" avoua-t-il dans une grimace.

Il hésita un instant avant de continuer. Il ne savait pas à quel point Yuko avait lu son dossier ou était au courant de son passif, mais elle devait rester à tout prix en sécurité.

"Si jamais je commence à me comporter bizarrement, faites moi plaisir et partez très vite, en claquant la porte derrière vous d'accord ? Ce sera plus sûr pour tout le monde."

Oh! Il lui donnait une bouteille d'eau! C'était gentil! Elle la prit en prenant soin de ne pas le toucher et le remercia. C'était de l'eau, mais elle allait être bu! Et finir dans les toilettes plus tard! Ah ah! Souffre Eau démoniaque! La professeur déboucha la bouteille et bu à grandes gorgées. Elle n'avait pas chaud, mais soif, oui!

Elle reposa sa bouteille à côté des cookies et l'écouta:

- Et bien essaye de te relaxer au maximum sans pour autant lâcher totalement prise. Oh je sais, dit comme ça, ça sonne trop simple, et je ne suis pas à ta place, je ne sais ce que tu vis au quotidien. Mais de ce que je peux voir, c'est très stressant, et trop de stresse, c'est souvent pire que tout relâcher. Et rassure toi, je suis prof, mais nouvelle, donc encore assez poltronne sur les bords, si je sens que ça peut chauffer pour mes six queues, je me carapate vite sans demander mon reste!

Elle rit. Et oui! Une prof trouillarde! Pratique, pas vrai? Elle ne savait vraiment pas de quoi il était capable, mais elle faisait confiance à son instinct de survie:

- J'appellerais plus ce qu'on va faire comme du Yoga sauce Yûko de toute façon! Et il y a de fortes chances pour que les échauffements soient la partie qui bougent le plus!

Aller! Elle était motivée! Et si ils commençaient par la position stéréotypée du Yoga?! Ouais! Bonne idée! La jeune blonde s'assit en tailleur, posa ses poignées sur ses genoux et fit un rond avec ses doigts. Elle garda le dos droit. Important aussi, le dos droit! Très important même!

La professeur regarda son élève faire de même. Elle lui proposa de fermer les yeux et d'essayer de se détendre, de ne plus penser à rien, si c'était possible pour lui, d'écouter simplement les bruits alentours. Et s'il s'endormait, c'était même pas grave! Elle avait sa Yu-puisette à côté de la porte.

Aaaah sa fidèle Yu-puisette! Elle n'était pas censé être utile hors de la piscine (ou ce qu'il en restait) mais elle pouvait très bien se servir du manche pour toucher Greg et le réveiller si il s'endormait. En fait dès qu'elle savait qu'il y aurait de l'eau, ou un élève frileux niveau tripotage, elle la prenait. En plus, elle était pratique pour attraper des choses en hauteur!

Le silence retomba rapidement. Pour le plaisir, elle gardait la position, mais son regard en amande jaune ne quittait pas l'adolescent. Oui, il était dangereux, et elle le sentait. Elle le sentait très bien même. Depuis la mésaventure avec ce maudit humain, elle sentait bien plus facilement le danger. Elle frissonna en repensant à ce funeste épisode de sa vie.

Allons Yûko, songea la femme, C'est idiot! Il n'est même plus en vie! Il ne peut plus rien te faire! Et les twins sont en sécurité maintenant! Grâce à Kuyo…

Yûûûûûûûkooooooo! Où te caches tu vilaine fille?

Elle sursauta. Elle l'avait encore entendu, cette fichue voix… La voix de l'humain… Elle agita la tête. Ça n'était pas le moment de penser à lui! Elle devait s'occuper de Greg qui avait des problèmes. Et ses problèmes à lui étaient toujours présents! Pas les siens!

Elle bu encore un peu d'eau et recommença à regarder l'Allemand. Elle aussi, devrait essayer de ne penser à rien. Essayer de se détendre.

Six queues ? Une Kitsune ? C'était relativement rassurant, les renards de feu étant censés être parmi les yokai nippons les plus puissants. Elle devrait donc pouvoir s'échapper si ce n'était répliquer, au besoin.

Elle fit asseoir, mettre en position du lotus simplifié - pieds sous les genoux au lieu d'être au dessus - et lui demanda de fermer les yeux. Rester dans cette position. Ne plus penser à rien. Quelle blague. Comment ne plus penser à rien ? Rien, ça n'existait pas.

Greg ferma les yeux à contrecoeur. Il n'aimait pas l'idée d'être aveugle face à quelqu'un. Si cette personne s'approchait de lui et le touchait, ou l'attaquait, ou que quoi que ce soit arrive, ce serait dangereux. Qu'importe que la prof lui inspire confiance, ça restait un risque. Mais il devait apprendre à se détendre... Donc les yeux fermés... et aussitôt ses muscles se crispèrent, prêts à bondir au moindre signe de danger. Totalement aux aguets, écoutant la respiration de Yuko, le léger crissement que produisait son corps sur le matelas, la façon dont le vent soufflait autour d'elle, craignant qu'elle ne bouge.

Calme, on avait dit. Ramol... Détendu.

Il força ses muscles à se détendre. Le dos droit mais le menton tombant jusqu'à toucher sa poitrine. Décrisper les cuisses, doucement. C'était douloureux de s'y forcer. Le matelas accrochait le tissu de son pantalon, tirant désagréablement sur sa peau humide de sueur.  

Zen. Tout mou.

Ses poignets tremblaient sous la double contrainte de rester détendus et contractés en même temps. Ses mains finirent par retomber sur ses genoux, paumes sur l'articulation, cuir contre tissu.

Respirer. Calmement. Amplement.

Elle ne bougeait pas. Tout allait bien. Même si c'était une kitsune qui pouvait possiblement agir sans bouger, à coups de boules de feu ou autres peut-être. Ou que quelqu'un d'autre pouvait se trouver dans son dos, s'approcher de lui, puis le mettre au sol avant de le toucher. Ou pire, que lui, Greg, disparaisse et laisse place à la Bête. Et que ce toit se retrouve noyé sous le sang.

Douleur aux genoux et souffle qui s'accélérait. Calme. C'était son imagination. Il s'oblgea à décontracter ses doigts. A ralentir son souffle. Apnée. C'était lui qui devait controler son corps, pas l'inverse.

Mais le corps ne tenait pas. Tremblottement. Sueurs froides. Le tissu collait désagréablement, comme un suaire funèbre. Sensation d'enfermement, amplifié par le noir sous ses paupières. Ne pas y penser. Ni à son ventre qui gargouillait. Ca grattait sur sa paume de main maintenant, sous le gant, et ça remontait... Raaaaah.... Pas bouger, Greg, pas bouger ! Ne pas y penser. Mais c'était comme si une araignée, petite et vicieuse remontait, remontait, remontait jusqu'à la gouttière et Gypsie tombe par terre. Ca envahissait son crâne.

Il n'y tint plus. Gratta. Et le reste de son corps arrêta de se contracter momentanément. Il rouvrit les yeux de surprise, tomba sur le regard de Yuko. Elle le regardait donc bien depuis le début. Honte.

J'ai... un peu de mal...

Avant qu'elle n'ait le temps de répondre verbalement ou physiquement, il referma les yeux. Allez, Greg, ne pas la décevoir. Essayer au moins. Et si sa méthode ne marchait pas, autant utiliser l'ancienne. Ce qu'il utilisait auparavant pour se calmer quand sa tête n'était qu'un charivari. Sa main se porta à sa bouche et il mordit dans le cuir pour extirper sa main du gant ; L'air frais sur sa peau nue était un délice. Une fois ceci fait, il tira sur sa manche de tee shirt et fit passer sa main sous le tissu. Ses ongles ripèrent sur la peau enduite de sueur puis s'accrochèrent, s'enfoncèrent. Douleur légére, aigue, mais présente. Sa douleur, qu'il controlait.

Il se concentra sur cette sensation uniquement. Sur cet accroc de l'ongle qui était à la limite de faire perler du sang. Son épiderme griffé, pincé, maltraité. Cette douleur ténue qui remontait le long de son bras, jusqu'au cerveau. Juste cette sensation rouge et blanche, aigue comme un couteau. Exit le reste, le monde, lui, les autres, yuko, la sueur, le danger, les pots de fleurs, maurice qui pousse le bouchon un peu trop loin... l'ongle s'enfonça un peu plus, effaçant ces pensées parasites. Rouge, blanc, vide. Calme.

Zen. Rien

je ne crois pas que                                              magical-girl                                 oh l'autre                                         pour qui sont ces serpents qui sifflent sur         vos                                                                  saucisses séches                                                                         bertrand                          un tatou à l'envers                           sauna revenu                                                                              ecotaxe du gouvernement                                                  veux sortir siouplait                                       du calme

Ses sourcils se froncèrent. Murmures dans sa tête. Plus fort. Rouge, blanc, simple.

non                                                                                 pas par là             exit incipit salsipit... Oui et ?                                     tape dessus et arrête                                   crève connard                                monte à la gouttière, tiens voilà la pluie                                    eau et gel, contre le feu. Ou pompier              arrêtez               me fait mal                                              obsédé                                   respirer un peu                                                    tuer                  c'est dangereux prends un avec toi                                                          déchiqueter et déchirer quelle mélodie

Plus fort. Rouge qui coule, lave, déteint les pensées. Les brouille. Les transforme.

coule et roule le sang                                     noir et blanc, menteur, tout est rouge rouge coeur rouge sang rouge mort                         lève toi tu as grandi montre le                                          venge                           que dirais tu de                                                foncer droit au foie                                      elle attend                                       crève ou révéle                     exterminate

ROUGE
BLANC
NOIR

Il revint à lui sans savoir trop comment, à moitié affalé sur le sol. Avait-il glissé ? Fait autre chose ? Est-ce que... Il la chercha du regard. Non. Elle était indemne. Sur son tapis. Soupir de soulagement alors qu'il se redressait et essuyait la sueur - les larmes ? - qui lui recouvrait le visage de sa manche de tee shirt. Merde. Mauvaise manche. Elle était rouge de sang, ses ongles étaient allés trop loin.

- Désolé... dit-il en détournant le regard. Je crois que j'y arriverai pas...

Il se détourna, prenant prétexte de vouloir boire un coup  pour ne plus l'avoir dans son champ de vision. Il avait honte, mais honte de lui ! Mais il devait lui expliquer. Qu'au moins, elle ne lui demande pas de retenter l'expérience. D'un voix un peu tremblante, il dit : " Essayer de faire le vide sous mon crâne, ça veut juste dire que je laisse plus de place aux Autres. Aux voix, aux souvenirs dans ma tête. C'est effrayant. Comme si le passé rejoignait le présent. Ou que le "je" de maintenant disparaissait pour laisser la place à autre chose."

Une gorgée d'eau. Souvenir d'un liquide bien plus sirupeux dans sa gorge, à l'arome de fer vivant. Il eut un haut le coeur, faillit recracher son eau. Eurk.

- Je ne sais pas si ça a vraiment du sens, mais c'est comme ça que je le ressens...

Il ne bougeait plus. La professeur observait son élève. Il semblait avoir du mal à se détendre, mais il faisait des efforts. Il n'avait pas l'air rassuré. Pas du tout même. Quelque chose l'inquiétait visiblement. Et son petit doigt lui disait qu'elle ne voulait pas savoir de quoi un élève comme Gregory pouvait être inquiété.

Et il fit une tête.
Une drôle de tête.
Une très drôle de tête.
Genre, comme une parodie, un mec qui essaye de rester sérieux mais qui avait quelque chose qui le démangeais. Un truc qui le grattait? Une envie de rire suite à une pensée drôle? Un besoin de pipi?

Et d'un coup, il se gratta! Comme s'il avait mangé un perle de lait, son visage s'est transformé! Mais… C'était quoi cette pensée à la gomme?!

L'Allemand ouvrit les yeux et vit qu'elle le regardait. Il avoua avoir un peu de mal et recommença. Au moins il était motivé. Ça n'était pas grave s'il n'y arrivait pas dès le début. Non seulement ça n'était pas noté, c'était uniquement pour essayer de le ramollir (le détendre!) mais même si ça l'avait été, la réussite n'était pas la plus grosse partie de la notation des cours de Yûko. Elle préférait amplement voir un élève échouer mais se donner à fond qu'en voir un réussir mais s'en moquer comme de sa première couche! Bon, c'est sûr! C'est mieux qu'il réussisse, mais il essaye et c'est le plus important!

La jeune professeur regarda son élève tenter une autre technique. Il dénuda sa main et… Se pinça?! Yûko allait intervenir mais se ravisa. Non, il savait ce qu'il faisait. Elle devait le laisser faire. Il connaissait ses pouvoirs, il savait donc comment se relaxer logiquement.

Et cette fois, il semblait bien plus concentré. Yûko le fixait. Non, ça n'était pas poli, mais Greg était fascinant! Il semblait chuchoter des choses à voix basse. Très basse même, car même avec son ouïe divine, la renarde ne comprenait pas grand chose. Sauna?

Ne me dites pas qu'il était au courant pour "l'accident" de la piscine?! Ah non! Elle ne voulait plus y penser!

Ecotaxe du gouvernement? Hein?

Gregory aimait peut-être la politique? Ce rassemblement d'humain en costume qui dirigeaient le pays, et même le monde. Elle avait beau être adulte, jamais Yûko n'avait aimé ça. La politique. C'était bien trop compliqué pour elle. Trop de lois bizarres, d'affaires complexes, d'histoire à scandale aux informations, et on ne savait quoi. Non, suivre les règles comme un petit mouton, c'était bien aussi. Enfin, pas un parfait mouton non plus, il fallait savoir râler quand quelque chose n'allait pas, mais de là à faire de la politique son métier, non merci!

Déchiqueter et déchirer quelle mélodie

Oula, là ça commençait à devenir flippant. Le jeune brun pâlichon était à présent à moitié affalé, toujours dans son monologue, de plus en plus effrayant. Elle n'entendait pas tout, mais elle le sentait. Et il saignait. Devait-elle aller cherche sa yu-puisette? Yûko allait se lever lorsque le dernier mot se fit entendre

exterminate.

Elle déglutit. La blonde ne comprenait pas tout, mais une chose était sûre, il n'usurpait pas son niveau S. Il était réellement dangereux!

Le jeune homme sembla se réveiller en sursaut et s'excusa avant de prendre sa bouteille. Il n'y arriverait pas? Ça n'était pas grave, elle trouverait autre chose que le yoga pour le faire aller un peu mieux! Il semblait effrayant, certes, mais c'était son élève, et elle n'allait pas le laisser tomber à la première difficulté! Elle l'écouta lui expliquer. Les autres, les voix, les souvenirs.

Ainsi, le doppleganger Gregory gardait en mémoire toutes les personnes qu'il avait touché? Et leurs souvenirs? Elle comprenait mieux maintenant. Et beh mazette! Il était bien vernis le pauvre!

La yôko resta silencieuse un instant. Comment aider une personne qui en avait un paquet d'autres en tête à se détendre sans que l'une d'elle fasse un petit coucou? Ou pire?

- Dis moi Greg, est ce qu'il y a des moments ou tu te sens mieux que d'autres? Si la relaxation ne marche pas, on peut toujours trouver autres choses! Par exemple, pendant nos échauffements, ça allait mieux que là? Ou c'est à oublier aussi? Il y a différentes façon de se détendre. On peut faire le vieux et ne pas bouger, on peut faire du yoga où autres trucs relax à la mode en ce moment, mais on peut aussi se divertir. Jouer, sauter, jongler, bouger, rire, faire le clown et je ne sais quoi d'autres. Bon, ok, des séances avec que des échauffements, c'est ridicule, mais si ça te fais un peu de bien, on peut en faire le temps de trouver autre choses.

Et elle sourit. Yûko et son fidèle sourire, toujours par paire ses deux là! En même temps, le brun en avait besoin, de personnes souriantes dans son entourage. Sa vie avait l'air vraiment dure. Et encore, même dure semblait être un doux euphémisme.

Greg lui avait fait peur. Yuko avait beau sourire et essayer de rester calme, il suffisait de regarder comme elle était crispée et ses yeux scrutateurs pour le comprendre. Ce qu'il avait fait ? Sans doute un geste de travers. Ou des mots chuchotés. Probablement pas usage de pouvoirs, ou elle se serait sauvée. De toute façon, il ne tenait pas à savoir. Parce qu'elle lui mentirait pour adoucir la situation mais qu'il lirait encore la frayeur dans ses yeux.

Attrapant un mouchoir dans son sac, le doppelganger l'imbiba d'eau et après avoir relevé sa manche entreprit de nettoyer ses blessures. Excuse idéale pour ne plus croiser son regard. De toute façon, il fallait vraiment vérifier l'état de son bras après cette tentative de relaxation. Verdict ? Sale histoire. Ce n'était pas si profond mais ça saignait bien. D'ordinaire, il s'arrêtait avant que le saignement soit trop important mais plongé comme il l'avait été dans les limbes, ses limites avaient été franchies. Tant pis. La douleur était tolérable et une cicatrice de plus ou de moins... même sur son bras, on distinguait des cicatrices de griffes ou la chair était blanchâtre, morte. Cadeau de Luka.

"Vous ne dépassez pas le cadre du cours là ? " lui demanda-t-il en même temps qu'il rebaissait sa manche. Où était ce gant ? Il fouilla rapidement les alentours du regard. Sous son genou, évidemment. Il l'enfila, se promettant de nettoyer dès que possible le sang incrusté sous ses ongles.

Yuko attendait toujours sa réponse. Il était sensible à sa bienveillance, bien sûr, mais son honneteté - et sa culpabilité - l'empêchait d'accepter cette offre si généreuse telle quelle.

"Ne le prenez pas mal, mais... à s'impliquer comme ça, vous risquez d'en souffrir. Pour peu que je perde le contrôle. Ou même que j'échoue encore et encore, et m'auto-flagelle pour mes échecs. Souffrir volontairement avec quelqu'un d'inconnu..."

Il s'arrêta avant la fin de sa phrase. L'empathie pouvait être destructrice. Sans compter que sa paranoia - même si elle avait beaucoup diminué ces derniers temps - lui soufflait que ce pouvait n'être qu'un piège pour mieux l'approcher et le frapper lorsqu'il serait le plus faible. Surtout que l'activité qui l'apaisait le plus n'était pas sans risque... Un accident était si vide arrivé. Il devait en avoir le coeur net.

"Alors pourquoi vous voulez m'aider comme ça ? " osa-t-il demander, après avoir dégluti difficilement. Les yeux plongés dans les siens, il tenta d'évaluer ce qu'elle ressentait, les émotions cachées derrière les mots de sa réponse.

Yûko laissa son jeune élève faire ce qu'il avait à faire, se calmer. Il semblait mal à l'aise. Risquer de souffrir? Ça ne lui faisait plus peur depuis longtemps maintenant. Enfin, si, un peu quand même (un peu beaucoup). Elle n'est pas une sur-yôko. Mais si la souffrance était nécessaire, alors elle la supporterait.

Grégory aussi, semblait souffrir. Et pas que mentalement. Il avait tellement de cicatrices sur son bras! Et sans doute sur tout le corps du coup. Il n'avait vraiment pas un pouvoir facile le pauvre.

- Alors pourquoi vous voulez m'aider comme ça ?

La question tomba. Elle allait devoir y repenser. À cette partie de sa vie, seule. Ça n'était pas la pire, loin de là! À une époque elle y serait retournée volontiers!

- Je sais que nous n'avons pas le droit de révéler notre race, mais je suis une yôko. Quoi que tu l'as sans doute deviné vu ma tête. J'ai passé toute mon enfance ici. Et j'étais assez connue… Mais pas dans le bon sens. J'étais la seule yôko de Yôkaï pendant toute ma scolarité. Tu dois sans doute savoir que nous n'avons pas une excellente réputation… Considéré comme des dieux par les humains donc hautains, puissants, snobes, et je ne sais quoi d'autres de négatif… J'avais souvent des ennuis avec les élèves. Ils ne m'aimaient pas à cause de cette réputation totalement fausse. C'est dur à croire, mais je n'ai jamais eu d'ami! J'ai passée mon enfance seule…

Je ne vais pas tout te raconter en détail, tu t'en moques bien je suppose! Mais comme on ne m'appréciait pas, on me faisait souvent des crasses. Des méchantes insultes au primaire, au coups et tripotage au collège et lycée… Un jour, des membres du comité, qui était tout sauf fréquentable à l'époque… Encore pire que pendant votre période Kuyo, crois moi... Ont voulu me jeter dans la piscine! Tu m'imagines à la piscine?! J'ai une peur presque phobique de l'eau! Et j'avais une réputation, totalement justifiée, de yôko faible!

Je n'ai jamais reçut d'aide de personne. Que se soit d'élève ou de professeur. Ils s'en moquaient tous… J'ai eu la chance, au lycée de me lier d'amitié avec une professeur de biologie qui n'est plus ici maintenant. Elle est la seule à m'avoir aidé…

Enfin, dans tous les cas, je ne supportes pas les professeurs qui se moquent de leurs élèves quand ils ont des problèmes… Je sais parfaitement ce que les élèves peuvent ressentir… Je n'appelle pas ça des professeurs mais des fonctionnaires. "On fait ce pour quoi on est payé, et c'est faire cours, pas aider des mômes". Heureusement, ils ont bien changé, les profs ici sont bien plus professionnel maintenant.

Même si je ne peux pas toujours faire quelque chose, que je ne suis pas très douée, je veux aider mes élèves! Surtout maintenant que je suis à la place de ceux qui me laissait dans la merde!

Elle soupira avant de sourire. Oui, maintenant elle avait atteint son objectif, être prof, et elle comptait bien être du niveau de sa professeur de biologie! Ne serais se que par respect pour elle et Kuyo qui l'avaient aidé à obtenir son poste ici!

Habilement, la blonde attrapa sa bouteille et bu. Elle reposa ensuite son regard jaune sur le brun.

Regret, douleur, peur, rancoeur, ... Pas de trace de mensonge dans ses prunelles ambrées. Elle disait visiblement vrai pour ce qui était de son passé de bouc émissaire - non, pardon, de renarde émissaire.

-Je comprends. Mais...

Il détourna les yeux, gêné par tout ce qu'il avait compris de ses mots et de son langage corporel. Qu'elle admette être un ancien punching-ball et un faible monstre, passe encore. Mais se rendait elle compte qu'elle frissonnait encore en évoquant l'épisode de la piscine ? Qu'elle agrippait son bras droit lorsqu'elle parlait de brimades et pelotages comme pour s'empêcher de se défendre - réaction de victime ayant appris que se défendre ne valait que plus de douleur encore ? Ou que ses lèvres se pinçaient à l'évocation de ses anciens condisciples, façon comme une autre de s'empêcher d'hurler de colère ou de douleur ?

Elle avait beau être une professeur et une adulte, il avait l'impression d'avoir en face de lui une adolescente meurtrie sur le front de laquelle on aurait tatoué "bottez moi l'cul". C'était perturbant et encore plus dangereux pour elle. Greg était puissant et dangereux, mais ne voulait pas de mal aux autres ; d'autres auraient bien moins de remords. Chantage, bizutage, voire agression : les élèves n'étaient pas des anges. Qu'elle parle à la mauvaise personne et elle risquait de se faire dévorer toute crue.

-Vous ne devriez pas vous livrer autant Yuko... Vraiment pas...Si certains élèves apprenaient ça...

Il se mordit les lèvres, cherchant comment exprimer ses craintes sans paraitre alarmiste.

-Les adolescents ne sont pas tous des anges, souvenez vous. Si jamais ce genre de chose tombe dans la mauvaise oreille, vous risquez une douche froide voire pire.

Devrait-il lui conseiller d'aller voir le psy de l'école ? Il hésita, mais considéra que sa proposition pourrait être bien mal prise. De toute façon, pour le bien que lui avait fait les psy, à lui... serait-ce vraiment utile qu'elle aille en consulter un ? Elle avait l'air de quand même bien vivre ; il lui fallait juste masquer ces moments de faiblesse pour être "sûr".

En attendant, il pensait pouvoir lui faire un minimum confiance pour l'aider en sport. Il croisa les doigts mentalement et demanda d'un ton bien plus léger : " Vous n'auriez pas du matériel d'escalade en réserve ? C'est la seule activité qui arrivait vraiment à me calmer, quand j'étais jeune."

Même s'il était plus pro de l'escalade de bâtiment que du mur d'escalade, ça valait le coup d'être tenté.

Yûko sourit. Greg s'inquiétait pour elle? C'était adorable!

- Rassure toi, je sais différencier les élèves, comme toi, qui ne pensent pas à mal, et ceux qui sont à l'affut de la moindre crasse à faire. J'ai l'oeil maintenant. Et même si je ne suis pas THE monstre de Yôkaï, je sais un peu me défendre maintenant. Kuyo m'a apprit quelques techniques d'intimidations, et je peux compter sur l'aide d'autres professeurs, mais c'est gentil de t'inquiéter pour moi!

Elle était d'encore meilleure humeur, sans trop savoir pourquoi.

En fait, si, elle le savait. Elle qui avait toujours été seule, elle avait maintenant des élèves qui s'inquiétaient pour elle! Oui, c'était pas bien de les inquiéter, n'empêche que ça lui faisait plaisir!

- Oh! Et bien sur qu'on a du matériel d'escalade! Il y a de tout ici! J'adore l'escalade! C'est amusant de grimper à ce qu'on trouve!

La professeur tapota dans ses mains, comme un sims joyeux! Elle devrait ressembler à une gamine, mais elle s'en moquait! C'était amusant l'escalade! Grimper aux arbres, aux murs, les collines, les poteaux!

Ah mais… L'escalade, c'est aussi en salle, sur des murs spéciaux! Surtout les COURS d'escalade! C'était marrant aussi tu me diras! Mentalement, elle se résuma ce qu'il fallait faire pour maximiser la sécurité. Ça, ça, ça, ça aussi, et ça! C'est bon, elle se souvenait! Après tout, c'est vrai qu'elle, elle ne se ferait pas trop mal si elle tombait. Elle savait retomber sur ses pattes (comme un chat! miaou!) et en plus, elle était agile! Mais c'était pas le cas de tout le monde!

- Je peux aller le réserver dès maintenant! Tu as un jour de préférence? On peut aller vérifier au bureau ensemble et trouver le jour qui te convient si tu veux!

Pourvu qu'elle soit vraiment capable de distinguer le bon grain de l'ivraie, sinon il ne donnait pas chez de la peau de la renarde. Quoi qu'il en soit, il ne pouvait rien faire de plus pour elle que de l'avertir et peut-être de prier une hypothétique divinité la haut.

Son comportement de gamine enjouée lui arracha un sourire. Adolescente, vraiment. A se demander qui était le responsable sur ce toit. Il s'accroupit pour remettre ses chaussures tout en lui répondant : "J'adore ça aussi. Quand j'étais gamin je grimpais aux bâtiments dès que je le pouvais. Mais ça fait un moment..." Enfin, si on ne comptait pas ses quelques escapades de nuit au sein de l'école, mais il n'allait certainement pas avouer ça à un professeur, fut-il bienveillant.

"Le plus gros problème, c'est que je risque d'annuler au dernier moment, ajouta-t-il en remettant sa veste sur laquelle était accrochée son insigne du comité. Mais je suis disponible a priori tous les mardi, mercredi et samedi soir sauf urgence."

Ah non, c'est vrai, pensa-t-il en repliant par habitude son tapis. Le jeudi, il avait football mais vu la dernière séance... "Et le jeudi soir aussi." conclut-il en lui tendant le matelas de mousse. "Comme ça vous arrange, il suffira de me faire passer la date qui vous va. Vous avez vos classes à gérer, c'est à moi de m'arranger."

La professeur attrapa le tapis et le remercia. Elle enfila rapidement ses basquet et grignota les derniers cookies avant de tout ranger rapidement dans son sac.

La jeune blonde sortit au passage son agenda avant de regarder ses disponibilitées. Elle en profita pour jeter un oeil à la photo de ses twins qu'elle gardait précieusement. Oui oui, maman gâteau!

- Je n'ai pas beaucoup de cours le mardi, ça te va? Vers 18h comme ça tu auras fini tes cours et tu auras le temps de te reposer un peu!

Elle nota "Greg - Escalade" rapidement avant de tout ranger:

- On commencera en intérieur, mais si jamais tu t'ennuis trop, rien ne nous empêchera de "prendre un peu l'air"

Elle eu un petit sourire malicieux. Elle était prof, et alors? Rien n'empêchait d'utiliser "plus de moyen" pour les cours de sports! Même si ça entraînait une petite infraction des règles… Elle verrait bien comment il se débrouille, mais s'il grimpe aux bâtiments, il doit déjà avoir une bonne maîtrise.

Yûko salua l'élève avant de le racompagner à l'intérieur de l'école et aller vers sa chambre.

La porte claqua alors que la femme et son élève reprenaient l'escalier. Le bruit fit s'envoler une troupe de corbeaux, auparavant occupés à se dorer les plumes à quelques mètres de la.

Un instant le soleil fut caché par le nuage de volatiles ; un instant seulement, avant qu'ils ne reprennent la direction de leur volière, située près du club d'arts martiaux, là où Vika leur amie les hébergeait. Une ombre néanmoins s'isole du groupe lors de sa descente et alla se poser un peu plus loin, au sein de la forêt.

Une ombre qui se révéla être trop massive pour être un corbeau. Une corneille.

Ainsi donc la professeur de sport n'était qu'une faible yoko, visiblement fragile psychologiquement... Voilà qui était intéressant, nota Elrik en reprenant sa forme humaine. Il en informerait Rose dès que possible ; peut-être pourrait elle trouver moyen d'utiliser cette information à son profit.