→ Histoire ←
Je flottais dans un espace profondément noir. La seule chose dont j'avais conscience était de mon corps, que je sentais pulser au rythme de mes battements de cœur. Avant, je n'étais rien. Maintenant, j'étais quelque chose. C'était la seule pensée à laquelle je pouvais me raccrocher. La seule dont j'étais sûr, en fait.
Je ne savais pas ou j'étais, ni ce que j'étais. Je ne savais rien, hormis le fait que j'étais en présence de quelque chose d'infiniment vieux. Soudain, des mots se scrutèrent dans mon esprit, aussi clairement que si quelqu'un me l'avait directement dit.
- « Ton nom est Anod Itochi. Noirceur pure. Ténèbres totale. Obscurité absolue. Ce sont tes fondements. »
Je sentais mon esprit s'agiter. Chacun de ses mots sonnait fort, et juste. C'est bien ça ce que j'étais. Une ombre à la lumière, chargé d'apporter un peu de tristesse à ce monde. C'est ça, de la tristesse à ce monde.
- « Tu es né pour la discorde. Tu apporteras malheur, haine, et désespoir autour de toi. Tu seras opposé à l'ange tombé des Cieux, Noïd Ochita, tu seras son ombre. »
Né pour la discorde... Alors qu'ils auraient du me rendre triste, je sentais que ces mots, au contraire, réchauffaient mon cœur. Oui, faire le mal. Cela allait devenir ma raison de vivre, à moi qui jusqu'il y a peine une minute, n'en avait aucune.
Non, qui n'existait même pas il y a une poignée de secondes.
Maintenant, mon existence avait un sens. J'allai devenir un monstre, j'allai faire tomber des rivières de sang, et des océans de larmes. J'allai devenir l'ombre d'un ange, une créature qui distillerait la terreur dans l'esprit de ses victimes jusqu'à les pousser à la folie, ou au suicide.
Même dans les ténèbres, je sentit un sourire se dessiner sur mes lèvres.
Je fermais les yeux.
Et à cette seconde, je sentit le monde s'ouvrir à moi, et un torrent d'informations se déversa dans mon esprit. Le monde, les gens, les anges, les bêtes, les monstres, les lois de la physique, les mœurs, les humains, les secrets du monde...
Pendant une folle seconde, je sentit le savoir absolu entrer dans ma tête. Puis ressortir. Je ne savais pas tout mais... je me sentais complet. Je savais tant de choses maintenant...tant de choses qui pourraient devenir mes armes pour asservir l'esprit des gens.
J'ouvris les yeux.Une ville, inconnue au bataillon. Du moins pour l'instant. Les étoiles brillaient haut dans le ciel, on était visiblement au beau milieu de la nuit.
Anod se redressa, et considéra d'un œil pensif les alentours. Un léger vent le faisait trembler. Il baissa les yeux, et fronça les sourcils en se rendant compte qu'il était entièrement nu. Forcément, ça expliquait la chose. Il épousseta la poussière, conséquence de son séjour au sol, et se regarda dans une flaque d'eau.
Oh, donc c'était lui ? Un visage fin, des yeux et des cheveux aussi sombre que l'endroit ou il s'était « éveillé »... oui, il s'aimait assez. Un physique adéquat vu ce qu'il comptait faire sur son passage.
- « Oh regardez les mecs, une princesse ! »
Anod tourna la tête. Un groupe de jeunes, le genre d'humains crétins qui se croyaient plus fort et plus malin parce qu'ils étaient en bande. Il les observa. Au vu de l'intensité de leur démarche, de leurs yeux... l'ombre analysa qu'un mélange de drogue forte et d'alcool devait circuler dans les veines de chacun.
Bref, des déchets en somme, qui l'entouraient avec un rire provoquant.
- « Un beau gosse qui se promène à poil... pas commun ça dis donc, hein les gars ? »
Ils partirent tous d'un grand rire, le genre collectif et qui indiquait clairement que le quotient intellectuel ajouté du groupe de six jeune ne devait pas excéder les cent cinquante. Ils continuèrent à tourner autour de lui, le jaugeant, méprisants. Ils ne devaient pas être habitués à l'intrusion d'un homme nu dans ce qu'ils devaient considérer comme étant leur territoire. Tch, a croire que les animaux n'étaient pas les seuls à se montrer stupide au point d'avoir un territoire.
- « T'es au courant que t'es chez nous ? C'est notre zone, à nous les Skullsbreakers ! »
Les Skullsbreakers... Ben voyons, en matière de dénomination, être encore plus cliché aurait été assez difficile.
- « Chez vous ? Peut-être que, comme des bêtes, vous avez uriné sur les murs pour montrer votre domination sur le lieu ? »
Ils s'empourprèrent de colère, et brandirent leur poing. « Ta gueule sale clodo ! C'est pas un type à poil qui va nous faire la morale ! On va te crever, sale ordure ! »
Crever... un joli mot, en fait. Anod sentit plus qu'il ne vit les jeunes s'approcher de lui. C'est vrai que l'idée de « crever » quelqu'un semblait attrayante. Mais d'abord, il devait faire quelque chose pour sa tenue. A défaut de le gêner, il avait néanmoins froid.
L'ombre laissa une vague aura noire recouvrir son corps, tandis qu'à l'intérieur de cette brume, il modelait des vêtements pour lui. Les jeunes s'étaient arrêtés net, fascinés. Cinq seconde plus tard, il était vêtu d'une tenue qui semblait être constituée de soie entièrement noire. Mais ce n'en était pas, c'était de simples vêtements de ténèbres, qui disparaîtraient dès qu'il cesserait d'y penser. En attendant, c'était amplement suffisant jusqu'à ce qu'il trouve de vrais vêtements.
- « T'es...T'es un monstre ! »
Il leva ses yeux ébène vers les humains qui le regardaient. « Monstre... ça aussi c'est un mot qui me plaît. », murmura-t'il lentement. « Et le monstre que je suis va se repaître de votre douleur... Ha ha ! »
Anod riait, maintenant. Il avait le sentiment que sous cette lune, rien ne pouvait plus l'arrêter, qu'il allait cueillir la tristesse et la souffrance de ces misérables rebuts du monde aussi aisément qu'il aurait pu cueillir un bouquet de fleurs.
Mécaniquement, et un grand sourire aux lèvres, il prononça :
- « J'offre mes prières à la lune... accorde-moi la force de répandre mes ténèbres. »
Une énorme faux, entièrement noire, apparut comme par enchantement dans sa main droite. Il la soupesa, tout sourire, tandis que les jeunes dégainaient leurs couteaux à cran d'arrêt, pathétique moyen de défense comparé à ce qu'il était capable de leur faire.
Il passa méticuleusement sa langue sur ses lèvres.
- « Et... maintenant c'est l'heure de la récolte ! »
**********************************************
- « Il y a une chose d'étrange... »
Assis sur un cadavre, Anod fit disparaître sa faux et maintint sa tête dans sa paume, pensif. Une mare de sang s'étendait autour de lui, et lui ne semblait en avoir strictement rien à faire.
Il venait de les tuer. Il avait joué avec eux pendant longtemps, les avait fait souffrir pendant des heures avant de les achever, s'amusant entre autre à leurs couper les membres un par un.
Et pourtant, il ne se sentait pas satisfait.
Dans la boucherie qu'il venait de commettre, il ne retrouvait pas trace de la plénitude qu'il l'avait envahi lorsqu'il avait su son rôle. C'était navrant, et pourtant, il sentait qu'il avait atteint le paroxysme de la torture physique.
- « Ce n'est...pas assez. Pas assez. »
Mais que pouvait-il faire de plus ? En cette seconde, Anod ne savait pas quoi répondre à cette question.
Comment pouvait-il faire souffrir encore plus les gens ?
Anod médita longtemps sur cette question, totalement immobile, semblant avoir totalement oublié qu'il n'était pas sur un siège, mais sur un corps qui ne bougerait plus jamais de sa propre volonté. Ce fut seulement lorsque la lumière du jour commença à poindre, qu'il commence à sentir une grosse perte d'énergie, qu'il considéra qu'il fallait qu'il s'en aille.
Soudain alerte, il considéra le ciel avec mépris. Le soleil qui commençait à apparaître surtout. Mais dès qu'il posa son regard dessus, il cru sentit ses yeux brûler, et les endroits de sa peau au soleil commençaient à rougir.
Ah... le carcan de l'ombre, la vulnérabilité face à la lumière... Il se concentra un peu, et une ombrelle se matérialisa dans sa main droite, dont il se servit pour se dissimuler aux assauts de l'astre solaire. Au moins, avec ça, le soleil ne lui poserait pas trop de problèmes.
Il s'éloigna à pas lent de la zone. D'ici au grand maximum quelques dizaines de minutes, les promeneurs du matin allaient apparaître, et au vu de la véritable boucherie qui s'était déroulée ici, il ne désirait pas vraiment y être associé. Non pas que s'échapper lui aurait posé des problèmes, mais il n'éprouvait pas le désir de massacrer d'autre humains.
Cette souffrance ne lui paraissait pas digne d'être utilisée à son objectif. Il devait en exister une autre... bien plus profonde, bien plus intéressante. Il ne lui restait plus qu'à la découvrir.
**********************************************
- « Alors... répondez-moi franchement ? Avez-vous mal... ?
- Ou...Oui. Je vous en prie, laissez-moi partir... »
Anod avait la main plaquée contre la gorge d'une pauvre femme, elle-même contre un mur. Elle se débattait, mais la poigne de fer de l'ombre l'empêchait de n'avoir ne serait-ce qu'un espoir de s'échapper.
Trois semaines. Trois semaines qu'il était apparut, et qu'il avait commencé ses expériences. Chercher à comprendre ce qui faisait le plus mal à l'être doué d'intelligence. L'expérience d'aujourd'hui avait constitué à massacrer devant une femme d'environ vingt-cinq ans son mari, pour ensuite la menacer elle.
D'un œil de connaisseur, il avait apprécié l'étincelle de douleur qui s'était allumée dans ses yeux lorsqu'il l'avait forcé à regarder le corps sans vie de l'amour de sa vie. Visiblement, ce genre de souffrance morale pouvait dépasser, dans certains cas la souffrance physique.
C'était peut-être une piste...
Même s'il la laissait partir, elle se morfondrait de douleur, elle serait choquée à vie. Bon point.
- « Maintenant, rentrez-chez vous. Et ne parlez jamais de moi, sinon je vous retrouverais. Votre mari a disparu dans la nature, c'est clair ? »
Et sur le visage plein de douleur de cette femme, il cru apercevoir quelque chose. La mimique de l'espoir inattendu. Pendant une seconde, elle oublia la mort de son mari, et fut juste soulagée de pouvoir partir en vie.
La réaction de l'ombre fut instantanée. La poigne sur la gorge de la jeune femme se resserra, et il admira la douce saveur de l'espoir se décomposer sur le visage en celle de la mort imminente.
Il lui avait offert de l'espoir, et alors qu'elle le savourait il lui avait retiré. De cette façon, elle avait souffert d'une façon atroce.
Enfin, le sentiment de plénitude l'envahit. Il était certes incomplet, mais il avait la sensation d'avoir fait souffrir quelqu'un comme jamais.
Il tenait enfin l'extrémité d'un fil qui le conduirait à la réponse qu'il désirait tant.
Et il savait sur qui il pourrait obtenir. L'être qui avait conduit à sa naissance...
Noïd Ochita.
**********************************************
- « Noïd... C'est toi... ? », dit, Bruna Brumelune en ouvrant les yeux.
- « Mais oui, c'est moi... », grogna le Noïd en question. « Bon, maintenant, tu me dis ce que tu as foutu pour atterrir ici ? Sérieusement, je me suis cassé pour que tu n'ai plus de problèmes, alors... »
Caché derrière un immeuble, et ayant dissimulé son aura à la perfection, Anod observait la scène avec un vague air dédaigneux.
Même s'il s'efforçait de le cacher, Noid semblait heureux de revoir son amie Bruna. Anod connaissait l'histoire qui l'avait forcé à déserter le Paradis, et qui avait par conséquent causé sa création. Toutefois, il ne pensait pas que Bruna allait le suivre.
En cette seconde, l'ange déchu semblait bien trop heureux au goût d'Anod. Oooh il n'allait pas garder cet air longtemps.
Anod savait déjà comment il allait briser ce bonheur. Comment il allait le briser lui.
Fouillant dans la base de données gigantesque qu'était sa tête, il pris l'information la plus récente dont il disposait. Lorsqu'il avait été crée... Une lycanthrope venait de le devenir, Mélanie Crimmens.
On pouvait par conséquent considérer qu'elle ne savait pas se maîtriser, et ça, c'était toujours un bon point pour lui.
Elle devait par conséquent être vulnérable mentalement et facilement manipulable... Anod songeait à cette possibilité avec délectation.
**********************************************
La jeune femme essaya de couvrir sa bouche de sa main pour contenir sa répulsion, mais n'y parvint pas, et vomit sur le sol, à côté du cadavre encore frais. Elle s'en voulut, car en recrachant ce qu'elle venait d'avaler, elle savait qu'elle aurait faim plus vite, et que par conséquent elle risquait de faire d'autres victimes plus vite.
- « Je suis... un monstre. », balbutia Mélanie Crimmens, les yeux emplis de larmes et du sang étalé autour de la bouche.
Cela allait bientôt faire un mois qu'elle était devenue... cette chose. Avant, elle était en pleine forme, diplômée et mordant la vie avec entrain. Mais un jour, en rentrant dans son appartement (petit, mais elle était fière de l'avoir trouvé, car il était bien placé et pas cher), elle avait trouvé sa colocataire morte, et alors qu'elle reculait, horrifiée, une patte griffue l'avait saisie et plaquée contre le mur. Avant même d'avoir eu le temps de comprendre, un homme à l'air... sauvage, elle ne trouvait pas d'autre mots pour le dire, lui avait parlée.
- « Ton amie n'a pas eu de chances... J'avais faim. Et toi, je ne t'autoriserais pas à parler de moi. Donc tu n'as que deux choix. Ou tu meurs, ici et maintenant, ou tu deviens comme moi... une bête, non humaine. »
Ce jour-la, Mélanie Crimmens ressentit la peur au plus profond de son être. Et répondit « Je...Je ne veux pas mourir ! »
Ce jour-la, Mélanie Crimmens cessa d'être une humaine. Et aujourd'hui, elle se dégoûtait, elle se haïssait. Elle ne vivait que dans l'espoir qu'elle n'ait jamais faim, qu'elle puisse toujours garder le contrôle sur elle, et ne plus causer la mort d'innocentes victimes. Et à chaque fois, l'appel de son ventre était le plus fort, l'incitant à traîner tard dehors, en quête d'une proie un peu solitaire qui pourrait la repaître, jusqu'au moment ou elle perdait toute humanité, et qu'elle se transformait en bête pour le dévorer.
Plus d'une fois, la lycanthrope envisagea de se donner la mort, mais ne parvint jamais à s'y résoudre. Malgré ce qu'elle était, elle voulait vivre.
N'avait-elle donc aucune solution ?
- « Comme je vous plains. »
Elle sursauta, regarda autour d'elle, stupéfaite qu'avec ses sens animal, il puisse exister quelqu'un qu'elle n'ait pas détecté.
Un homme, habillé d'une tenue noire, la regardait avec l'expression de gentillesse la plus convaincante qu'elle n'ait jamais vu. Pourtant, il l'avait vu tuer. Et il restait... ?
L'inconnu s'approcha d'elle, avec toujours sur son visage cette expression qui faisait croire à Mélanie Crimmens qu'il accepterait tout. Non ! Elle ne voulait pas encore tuer !
- « Ne t'approches pas ! Sinon je te tues !
- Ne dites pas de bêtises... Vous n'allez pas me tuer. Car vous voulez changer... Avouez-le moi, vous vous détestez. Vous ne supportez pas de prendre la vie de ces humains qui n'ont commis comme seul crime d'être au mauvais endroit au mauvais moment. »
Mélanie Crimmens se prit la tête entre les mains. « Non... ! NON ! ». Il posa la main sur son épaule, la faisant frémir. Depuis combien de temps un homme n'avait pas pu la toucher comme ça, gentiment ? Depuis combien de temps elle n'avait pas pu parler vraiment à quelqu'un ?
- « Vous n'avez pas à vous sentir coupable, vous savez ? Vous n'avez pas choisi votre transformation, vous avez seulement choisie de vivre. C'est votre droit, personne ne pouvait vous le retirer. »
A ces paroles, elle se redressa. Il parlait bien, et pour une raison inconnue, ses mots frappaient juste. Si seulement elle pouvait réussir à le croire, si seulement elle pouvait se dire qu'elle n'était pas la coupable... Elle secoua la tête. « Tu ne sais rien de moi ! Qui te dit que je n'adore pas ça ? Cette transformation me plaît, car elle me rend plus forte !
- Alors, pourquoi pleurez-vous ? »
Elle sursauta. Elle ne se rendait même pas compte qu'elle avait commencé à pleurer en l'entendant parler. « Je...Je... ». Il l'enlaça, la faisant rougir, et l'étonnant qu'il se permette ce contact, en sachant qu'elle pouvait le tuer d'une morsure.
- « Vous n'êtes pas mauvaise. Vous êtes seulement au prise avec une force qui vous dépasse, et que vous ne maîtrisez pas. Je le sais car moi...J'étais comme vous. »
Elle se crispa dans ses bras, mais, imperturbable, il poursuivit. « Je me suis détesté, j'ai cru ne jamais m'en sortir... Mais on m'a aidé. Et aujourd'hui, c'est moi qui peux vous aider. Vous n'êtes pas un monstre, Mélanie Crimmens. »
Elle commençait à croire que cet homme pouvait la sortir de la. Qu'elle avait encore une chance. Oh, comme elle aimait cette idée ! Cette personne au sourire si doux lui faisait entrevoir un nouvel avenir, un avenir qui lui plaisait.
Et lui aussi, porteur d'une solution inespérée, l'attirait inexorablement. Aussi elle ne protesta pas lorsqu'il redressa son visage mouillé de larmes pour l'embrasser tendrement.
La lycanthrope lui rendit même son baiser.
Elle n'avait pas conscience de l'horreur dans laquelle elle venait de se fourrer.
**********************************************
Le lendemain matin, alors qu'elle se réveillait, après avoir partagé le lit d'Anod, elle s'habilla et alla prendre une douche, pendant que lui était parti « faire une course urgente » selon ses propres termes.
Et elle manqua de défaillir en voyant un tas de viande rouge, humaine selon son odeur, qu'il avait déposé sur la table. Elle le consulta, horrifiée, du regard.
Il lui sourit, de ce sourire qu'elle aimait tant.
- « Vous avez besoin de manger, Mélanie... Pour redevenir humaine, il vous faudra vos forces à leurs pleines mesures. Et je ne voulais pas que vous salissiez vos mains encore plus. Ce sera votre dernière victime, Mélanie. Si tout se passe bien, ce sera votre dernier repas. »
Le pire ? Elle le cru, et lui en fut reconnaissante.
Elle mangea la viande humaine avec sur le visage une expression d'infinie douleur, horrifiée de manger de la viande humaine et de trouver ça bon. Sans qu'elle le remarque, Anod la regardait, avec un sourire aux lèvres. Elle était ferrée.
Une fois qu'elle eut finie de manger, elle le laissa la guider dans une voiture, et la conduire à l'aéroport. Il avait déjà deux billets, à destination de l'Italie. De Rome, pour être plus précis.
Sans protester, elle grimpa dans l'avion à ses côtés. Quelques heures plus tard, ils étaient arrivés.
- « Qu'est ce qu'on fait ici... ?
- Les personnes qui pourront vous rendre votre forme d'origine se trouvent ici, Mélanie. Maintenant écoutez moi-bien... Cela va être dur pour vous, ce que je vais vous demander. Mais pour redevenir humaine... il va falloir que vous preniez la vie une dernière fois. »
Elle le dévisagea, choquée. « Qu...quoi ? Non, je ne veux pas ! », mais avant qu'elle ai le temps de protester plus, il l'avait saisie et l'avait embrassée, de la manière douce qu'il savait si bien faire. Le résultat fut conforme à ses prévisions.
Mélanie Crimmens était totalement dépendante de lui, maintenant. Elle continua à parler un peu : « Mais...Mais...
- Chut... Dites-vous que ces victimes seront celles qui permettront de ne plus faire d'autres victimes. De plus... les personnes que vous aller attaquer ne sont même pas humaines. Ce ne sont que des monstres, en somme.
- Des...Des monstres ?
- Oui, il s'agit d'anges déchus, des personnes qui vivent avec le poids de leurs péchés en permanence et qui ne peuvent pas l'oublier. Les tuer serait leur rendre service. En te libérant, vous les libérerez aussi, en somme.
Même dans ses bras, elle n'était pas encore totalement convaincue. « Mais... pourquoi les tuer me libérerait ? »
Anod avait préparé son mensonge. « La source de ta malédiction vient des ténèbres... Et le corps des anges déchus est constitué de lumière, ils sont de la lumière pure. Boire leur sang te purgera de toute la noirceur de ton organisme, et ainsi, tu redeviendras humaine. Comme moi. »
Deux techniques pour manipuler. Premièrement, il avait inventé un mensonge basé sur des faits de réalité, ce qui le rendait d'autant plus crédible. Et deuxièmement, un simple détail, mais qui avait eu énormément d'importance pour elle.
Anod venait de la tutoyer. Elle s'empourpra, et détourna les yeux. L'ombre sourit. L'heure approchait.
**********************************************
- Une école pour phénomène de foire, hein ? Ils veulent faire quoi, monter un cirque ? », dit Noïd Ochita en se frottant la tête.
- Non, mais nous empêcher de faire exploser une ville par exemple. Ou apprendre à un lycan à ne pas manger n'importe qui n'importe quand aussi. », rétorqua Bruna Brumelune avec un petit sourire.
Dans un coin d'ombre, Anod observait la scène. Mélanie ne devrait pas tarder à arriver... Mais il venait d'apprendre une chose qui méritait qu'on s'y intéresse. Ainsi, Bruna prévoyait de se rendre à l'académie Yokai... ? Vu l'influence qu'elle avait sur lui, elle risquait d'embarquer Noïd avec elle... Hum, peut-être que lui aussi, il pourrait y aller. Une académie de monstre... a coup sûr, il verrait des spécimens intéressants pour la douleur...
L'idée semblait intéressante... « OH PUTAIN ! »
Mélanie Crimmens chargea, entièrement sous forme lycanthropique. Vu son expérience en la matière, lorsque elle se transformait, elle avait tendance à se laisser dicter par ses pulsions.
Et ces mêmes pulsions lui hurlaient de dévorer les deux anges. Quoiqu'un seul lui suffisait, elle ne voulait pas décevoir Anod.
Il croyait en elle, elle en était persuadée, et elle ne voulait pas trahir sa confiance. Une phrase d'Anod résonna dans sa tête.
« Si tu peux, essaie d'avoir la fille, elle est plus vulnérable, et son corps est plus lumineux que celui de son ami. Il te purgera à coup sûr de ta malédiction. »Non, elle ne le décevrait pas ! Elle ne décevrait pas l'homme qui était venu la sortir de la misère pour lui indiquer une porte de sortie, elle ne décevrait pas l'homme qu'elle aimait ! Accrochée à cette pensée, que ses pulsions rendirent encore plus forte, elle cru sentir ses forces se démultiplier. Et elle colla le coup du poing du siècle à Noïd, assez pour le sonner, et c'était un exploit.
Aussitôt, elle fondit sur sa première cible, Bruna Brumelune. Cette dernière poussa un cri de frayeur.
Qui se transforma en un cri de douleur.
Mélanie Crimmens enfonça ses crocs dans la gorge de l'ange déchue, dans la gorge de celle qui aurait pu conquérir le cœur de Noïd Ochita.
Dans son coin, Anod sourit.
Bruna hurla.
Mélanie ne s'était jamais senti aussi heureuse, alors qu'elle engloutissait le morceau de viande qui provenait de la gorge de la déchue, qu'elle buvait avec avidité son sang.
Par ce geste, elle réussissait ses deux plus grands désirs. Exaucer le souhait d'Anod, et redevenir humaine. Et lorsqu'elle serait redevenue normale, peut-être même qu'elle pourrait devenir sa petite amie et...
Elle avala une gorgée de sang de plus.
Bientôt, elle serait libre ! Libre de vivre comme elle le sentait ! Elle ne serait bientôt plus une lycanthrope !
Il ne se passa rien.
Pendant une brève et folle seconde, la lycanthrope resta figée. Le temps d'entendre Noïd hurler qu'il allait la tuer. D'une voix emplie de douleur. Non, elle avait encore semé le mal... ? Mais elle devait les tuer ! Ça les libèrerait ! Noïd chargea.
Elle para. Mais... Mais... Mais... pourquoi elle n'était pas encore devenue humaine ? Anod lui avait garantit qu'en buvant le sang de Bruna, elle redeviendrait humaine ! Alors...
Cherchant son avis sur la question, elle tourna la tête, et l'aperçut, dans l'ombre.
Il souriait, mais pas de ce sourire doux qu'elle adorait. Non, en cette seconde, il affichait un pur sourire de psychopathe, il semblait juste heureux de son désarroi. Heureux du hurlement que Noïd avait poussé. Heureux d'avoir causé la mort et le désespoir.
Non, ce n'était pas l'homme qu'elle aimait, ce n'était pas... Ce moment de distraction lui fut fatal. Un coup chargé en énergie de Noïd l'atteint à la gorge et la décapita proprement.
Mélanie Crimmens mourut, avec sur ses lèvres le goût amer du désespoir, et celui, infiniment plus douloureux, de s'être fait tromper.
Anod se retint de pousser un cri d'extase. Il avait enfin trouvé ! Cette douleur, cette expression ! Celle qui se trouvait sur le visage de la lycanthrope juste avant qu'elle n'expire, et qui était immortalisé dans cette tête coupée !
Et pas seulement pour elle... Le visage plein de larmes de Noïd, alors qu'il embrassait le cadavre de Bruna Brumelune, c'était... c'était... parfait.
Enfin, il avait trouvé sa voie, enfin il avait trouvé la manière de faire souffrir parfaite ! Parfaitement dissimulé, et un énorme sourire aux lèvres, il regarda Noïd détruire le corps de la déchue, et s'en aller.
Alors seulement, il s'autorisa à rire.
Fort. Longtemps.
Et d'une voix si effrayante qu'elle aurait pu figer sur place un démon.
Maintenant, il savait ou il allait aller. Il poursuivrait ce genre d'exploits, au lycée Yokai. Il sèmerait la haine et le désespoir sur son chemin. Cette idée le faisait ricaner.
Et Noïd... Noïd Ochita n'avait pas fini d'entendre parler de lui.
Pour son objectif, il allait essayer d'obtenir un certain poste.
Psychologue, cela semblait parfaitement adapté.
Le lycée Yokai allait abriter un monstre de plus.»