Night of the Hunter [PV Heliott]

La lune était pleine ce soir. Certains y voyaient la marque des loups-garous, aux performances dopée quand l'astre rond se montraient. D'autres y voyaient une œuvre d'art romantique, un moment à partager avec l'élu(e) de leur cœur, en espérant que les surveillants ne les attraperaient pas. Anod Itochi, lui, ne voyait rien de tout ça. Le fait que l'astre lunaire soit présent ne lui apportait qu'un délicieux sentiment de plénitude. Lorsque le moment viendrait de lui adresser ses prières, il ne pourrait que profiter de ce moment...
Car cette nuit était la nuit du chasseur.

La proie était débusquée. Il s’agissait d'une étudiante de première année, lycanthrope, qui fréquentait son cabinet de psychologie depuis maintenant quelques mois. Coriace au début, elle avait mis longtemps avant d'ouvrir son cœur au psychologue qui l'écoutait patiemment. Il lui avait fallu distiller à la perfection son aura, afin de l'orienter, via de subtiles paroles vers la confiance, d'abord ténue, puis de plus en plus forte, envers le psychologue du lycée Yokai.
Le chasseur avait tendu son appât, et la proie l'avait croqué. Une fois que cela était fait, elle n'avait plus aucune chance de lui échapper.
Surtout pas quand la nuit elle-même lui apportait sa bénédiction.

- « L'heure de la récolte est bientôt atteinte... » , murmura pour lui-même l'Ombre, un maigre sourire se dessinant sur ses lèvres à l'idée de ce qu'il allait pouvoir faire subir à l'innocente lycanthrope.

Trois mois qu'il préparait ce piège. Deux pour la convaincre de sortir, et un pour choisir le meilleur moment.Cette pauvre et adorable lycan qui avait du mal à contrôler ses pulsions meurtrières, de la même manière que Mélanie Crimmens autrefois, avait encore plus de difficultés à se retenir les nuits de pleine lune. Ces nuits ou elle avait envie de hurler à la lune, de laisser sa bestialité de prendre le dessus.
Ces nuits ou de victime, elle avait envie de passer au stade de chasseur.
Mais ce ne serait pas le cas ce soir. C'était la nuit du chasseur, et elle n'était que proie.

Le plan était simple. Anod l'avait persuadée que si elle parvenait à se contrôler une nuit ou l'attraction lunaire était forte, alors elle n'aurait plus jamais de problèmes pour rester maîtresse d'elle-même. Mais comme elle n'était pas sûre d'elle, il lui avait proposé de rester à côté d'elle pour cette nuit la. N'était-ce pas le travail du psychologue du lycée d'être attentifs à ses élèves... ?
Elle avait accepté, gentille fille n'est-ce pas ? Sauf que ce qu'elle ignorait... C'était ce qu'Anod amenait avec lui.

La pauvre lycanthrope devait déjà avoir quelques difficultés à se contrôler, mais... une fois que l'Ombre l'aurait rejointe, ce serait terminé pour elle. Anod avait soigneusement tissé une malédiction, qu'il ne lui restait plus qu'à lancer. La malédiction de la bestialité. Une fois qu'elle serait sous son emprise, la moindre de ses pulsions serait multiplié par cent. Jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus se contrôler.
Et la, le psychologue serait à côté d'elle, lorsqu'elle en serait réduite à se tordre, cherchant à juguler ses pulsions. Et il lui suggérerai que si elle ne voulait pas disparaître et laisser la bête en liberté... Il ne lui restait qu'une possibilité.
La mort. Et il la contemplerait, lutter contre cette idée qui envahirait inexorablement son esprit, jusqu'à ce qu'elle l'adopte. Et qu'elle mette d'elle-même fin à ses jours.

Et il la contemplerait agoniser. Croiser le dernier regard de l'unique être à qui elle avait fait confiance, qui pourrait se régaler de tout son saoul... Comprendre qu'elle avait été trahie, chercher à s'accrocher désespérément à la vie... Avant de céder. De s'abandonner à la souffrance qui envahissait son corps, sans qu'elle ne puisse lutter.
C'était la nuit du chasseur.

Mais soudainement, Anod se crispa. Une aura inconnue. Il sentait clairement l'aura de sa victime, mais... A côté, il sentait une autre présence. Une autre personne. Avec sa victime. Est-ce que... On essaierait de lui enlever son bonheur ?
L'Ombre accéléra. Pas question. Personne n'avait le droit de le priver de ce qui faisait la source de son être. Il arriva sur les lieux... Quelqu'un. Avec sa victime. Une femme, aux cheveux d'un noir profond, aux yeux à l'inverse infiniment clairs...
Une chasseresse.

Était-ce la nuit du chasseur... ? Ou la nuit de la chasseresse ?

Anod se composa une aura neutre. Imperturbable. Ne pas montrer son trouble, ni sa colère. Il ne pouvait qu'apercevoir la chasseresse... Sa victime était cachée par un pan d'ombre. Était-elle encore en vie, ou pas ? Il ne pouvait pas le deviner.

- « Vous deux... Savez-vous que le couvre-feu est tombé depuis longtemps ? Vous n'avez pas à être la. Maintenant, retournez dans vos chambres. »

Il devait assumer le rôle de Anod Itochi, le psychologue. Celui qui réprimandait les élève quand ils ne respectaient pas le règlement.
Toutefois... C'était la nuit du chasseur.
Et elle était loin d'être terminée.

La lune était ronde ce soir là. Certains y voyaient une occasion de fuguer à la faveur de ses lueurs bienfaitrices. D'autres, une nuit infernale où le sommeil les fuiraient sans qu'ils aient l'espoir de le rattraper au fond de leur lit. Heliott Kent n'y voyait rien de tout ça. Le fait qu'une douce lumière ronde baigne le ciel étoilé de sa pâleur hypnotique rappelait à la Psionique des souvenirs enfouis très profondément. Si l'on oubliait tout ceux prodigués par les ombres d'âmes hantant son esprit, elle était délicieusement rappelée à ces nuits intenses de chasses effrénées, passées à traquer des créatures puissantes dans les plus sombres rues... Et c'est avec délectation qu'elle se les remémorait pour mieux en ajouter d'autres à sa liste...
Car cette nuit était la nuit de la chasseresse.

Heliott ferma les yeux à cette merveilleuse pensée, qu'elle laissa glisser le long de son esprit comme elle ferait fondre un morceau de chocolat sur sa langue... Une délicieuse nuit de chasse, passée à traquer des proies sans défense, et repaître sa faim dévorante par une âme surnaturelle, met des plus exquis une fois affaiblit et... Embrassé. L'idée même de satisfaire le creux de son esprit affamé la ravissait, combinée à l'expérience grisante d'une belle chasse... Mais pour cela, elle devait être préparée.

Rater les cours était une chose habituelle pour la Psionique, qui avait cessé de suivre son emploi du temps à al lettre dès sa première semaine ici, mais une journée entière était toutefois une chose assez rare, qui lui avait permit de se préparer au mieux pour le soir même. Elle s'était tout d'abord dirigé vers la ville humaine à proximité du Kekkai, pour s'y abreuver de quelques personnes imprudentes ou droguées, afin d’emmagasiner assez d'énergie pour mener une traque honorable et résister à d'éventuels assauts - avec un monstre, il faut s'attendre à tout. Mais la coquette jeune femme suivit également une doctrine qu'elle s'était imposé depuis son existence marginale de Hunter : toujours chasser sur son trente-et-un.

Etrange principe n'est il pas ? Il venait en fait des semaines qu'elle avait passé sans se changer ou se laver, chassant toute la journée. Très désagréable. Elle avait fini par être repoussante pour tout les humains, et par manquer de mourir de faim (encore une fois). Donc, Heliott commença sans attendre son petit rituel. Pas d'uniforme aujourd'hui, non, pas question. Elle s'était engouffrée dans une boutique de vêtements, et avait passé trois heures à essayer tout et n'importe quoi, pour déterminer ce qui lui irait le mieux pour ce soir. Même si elle était tentée par cette jolie robe jaune, assortie de collant bleu canard, elle comprit au regard de la vendeuse que ce n'était sans doute pas une bonne idée... Une fois son barda emporté (sans payer), elle retourna au lycée, se réfugia dans sa chambre, où elle était heureusement seule, et commença à se préparer.

La salle de bain d'Heliott... Toute une histoire !

Dans la pièce exiguë s'entassait par centaines des produits de beauté, des soins pour la peau, des teintures, du maquillage, de la crème hydratante, du shampoing, de l'après shampoing, de l'après-après shampoing spécial cheveux colorés, du lait pour le corps, du parfum... Bref, une véritable capharnaüm qui était pourtant parfaitement organisé. Heliott avait prit un long bain brûlant, se massant la peau avec diverses crème et gels douches, un doux parfum de fleur emplissant l'eau chaude, prenant un soin excessif de son corps, qu'elle chérissait par dessus tout.

Mais c'était sans parler de ses cheveux. Lorsqu'on a été lauréate d'un concours international de coiffure-teinture, on sait prendre soin de sa chevelure. Surtout quand elle est aussi belle que celle de notre Psionique. Elle les lava, les massa, les re-lava, les enduit d'huile d'argan, les sécha, les démêla, les coiffa, tailla d'une main experte ses mèches en un dégradé calculé pour accentuer la finesse de ses traits et la forme de ses yeux, elle y passa une légère couleur pour souligner les reflets bleutés de ses cheveux, et les passa au fer à boucler. Une opération qui lui prit trois bonnes heures, encore une fois.

La soir arrivait déjà, et elle n'était toujours pas prête. Elle accéléra le mouvement, une fois sa chevelure parfaitement mise en place et son maquillage mit, et se vêtit avec soin, choisissant ses accessoires, puis ses chaussures, dans son armoire gigantesque, avant de se contempler avec satisfaction dans le miroir.
Il fallait bien l'avouer, tout ces efforts payaient. Son visage était encadré de deux mèches bouclées, soyeuses, d'un noir profond teinté de bleu, le reste de ses cheveux étant relevé en une couette haute, donc les boucles chutaient en une cascade sombre dans son dos. Ses yeux étaient maquillés légèrement, mettant en valeur son regard bleu intense et captivant, et ses lèvres fines repassées d'un rouge à lèvre rose clair. Sa peau pâle était douce comme la soie, sans aucune imperfection.
Son corps élancé était enveloppé d'une robe bleue sombre, s'arrêtant au dessus de ses genoux, au décolleté flatteur, dévoilant une paire de jambes glissées dans une paire de collant noir qui s'achevait sur une paire de talons noirs. Elle avait agrémenté sa tenue d'un ruban bleu attachant sa chevelure et de mitaines en résille noire. Elle était prête.

Et c'est dans cet attirail qu'Heliott croisa le regard perdu de la jeune Emilie. Elle sentit immédiatement son aura bestiale de lycanthrope, et une sourire charmeur étira ses lèvres. Une proie difficile... Elle allait se régaler.

Il ne lui fallut pas plus d'une dizaine de minutes pour découvrir ce qu'elle faisait ici, à coup de doucereuses questions et d'influence mentale... Le psychologue ? Heliott fouilla dans sa mémoire. Ah oui, la personne chez qui on avait voulu l'envoyer. Une dizaine de fois. Elle n'y était jamais allé, elle n'aimait pas les états dans lesquels ressortaient ses patients. Et puis, elle connaissait son esprit mieux que personne, elle n'avait pas besoin de lui. Elle ne fit pas plus attention que cela au motif de sa présence ici, et continua à la charmer.

Elle comprit vite qui elle était. Difficulté chronique à se contrôler, complexes évidents, besoin d'attention maladif.... Elle avait déjà connu ce cas une centaine de fois, et elle sut parfaitement où la pousser pour avoir accès à ce qu'elle désirait.

Des compliments, des mots doux, des attentions redoublées, des sourires et des rires discrets... Quelques mots susurrés à son esprit, et Emilie lui tomba dans les bras. Elle contenait depuis son arrivée l'instinct de la Bête, et sans le savoir, avec l'aide d'Heliott, et finit par s'abandonner complètement à elle, comme le lui conseillait la Psionique... Et constata avec stupeur qu'elle n'y cédait pas.

Heliott la maintenait artificiellement en place avec peine, mais y parvenait tout de même. Emilie, les larmes aux yeux, enfin délivrée de son fardeau, demanda à la chasseresse ce qu'elle pouvait faire pour la remercier...

C'est à ce moment précis que la voix du psychologue retentit. Heliott n'attendit pas une seconde de plus, de peur qu'Emilie se révolte, sous la pression de son "ami", et plongea vers ses lèvres, lui offrant un baiser passionné... Passionné et voleur. Elle avait méthodiquement affaiblit chacune de ses défenses, et elle était à présent prête à donner se vie pour elle... Elle le faisait d'ailleurs. Littéralement. La vie s'échappa du corps de la jeune femme, et fut replongée dans le maelström de l'esprit de sa chasseresse... Heliott se redressa, prenant Emilie dans ses bras, la portant comme une princesse, et peint sur son visage un air affolé, rétractant son aura.

- Monsieur ! Monsieur ! Vite, Emilie a fait un malaise !

Sa voix, tordue par la détresse, retentit dans l'allée sombre, et des larmes coulèrent sur ses joues. Elle réprima les émotions de l'âme d'Emilie, les utilisant plutôt à son avantage, et se façonna un personnage de jeune fille en détresse, incapable de comprendre ce qui était arrivé à la louve... Avec un peu de chance, ça passerait.

Au pire, la nuit ne faisait que commencer... Et la chasse n'était pas terminée.

Le chasseur avait été doublé. Cela, Anod en était maintenant sûr. Il avait fini par ressentir l'aura de Émilie Haddams, rassuré de voir qu'elle était encore vivante, et prête à être dévorée par le jeu du psychologue, sauf que... La personne à côté de lui en avait décidé autrement. Il pouvait deviner à l'aura d'Emilie qu'elle était sous une autre emprise... En plus de la sienne. Les perturbations dans son aura ne mentaient pas, ou plutôt... Elles ne pouvaient pas mentir.
La compétence du scellé d'aura lui était réservée, après tout.

Mais l'incident se produisit après. Dès qu'elle entendit la voix de l'Ombre, l'inconnue plongea sur la victime du psychologue, lui offrant ce qui semblait être un... baiser ? Mais le pire venait après. Impuissant, Anod sentit l'aura de la lycanthrope disparaître... Ou plutôt être absorbée. La vie l'abandonnait, méthodiquement avalée par la créature mystérieuse. Bon sang, qu'est-ce qui se passait ?
Le psychologue du lycée Yokai passa immédiatement en revue l'immense base de données qu'abritait son esprit. Une forme de manipulation mentale... Une succube, peut-être ? Non, c'était bien plus subtil. Cette forme de vol de vie était la marque d'une autre race... Bien plus dissimulée, bien plus ancienne, bien plus secrète... Psionique.
Une Psionique voleuse, donc, qui lui offrait un jeu d'acteur des plus convaincants. S'il n'avait pas pu sentir la fin de l'aura de la regrettée Emilie, et qu'il n'avait pas eu connaissance des données du monde lui-même, il se serait très certainement laissé prendre. Le problème était que... En tant que Psionique, elle aurait très certainement accès à certains secrets sur lui. Si elle attaquait son cerveau, son point fort, il allait être sans défense. Dans ces conditions, ne valait-il mieux pas jouer le jeu ?

- Monsieur ! Monsieur ! Vite, Emilie a fait un malaise !

Non, a la réflexion, c'était idiot. Pour peu qu'elle ait l'envie de sonder son esprit, elle découvrirait que ce qu'il prétendait être n'était qu'un énorme mensonge... S'il était sur la défensive, il devrait être capable de démêler le vrai du faux dans son esprit. Mais ce n'était hélas pas une certitude... Et pour peu qu'elle soit suffisamment maligne pour agir subtilement, il ne pourrait rien y faire. Non, jouer l'innocent ne rimait à rien.
Anod, qui avait prit des mains le corps de la lycanthrope, hésita une seconde, puis il la lâcha sans une once d'hésitation, la laissant s'écraser telle une poupée de chiffon au sol, avant de mettre son talon sur elle. Vide, elle ne présentait plus le moindre intérêt. N'étant pas morte de sa main, elle n'était plus qu'un simple déchet.

- « J'ai bien peur que... ce genre de malaise ne soit pas facilement traitable. Il faudrait... Lui insuffler une autre vie, et je crains que ce genre de traitement ne soit hors de mes moyens. »

Ou comment signifier de façon subtile qu'il savait. Jouer le jeu ne rimait à rien, il allait falloir qu'il attaque de façon frontale, s'il voulait échapper intègre et entier à cette Psionique inconnue. Le problème était qu'il ne pouvait pas deviner jusqu'à ou s'étendait sa maîtrise... Sa race était tout ce qu'il pouvait deviner. Etait-il en danger ? Il n'en savait rien, et ce sentiment d'impuissance l'agaçait prodigieusement.
Anod aimait contrôler. Il aimait savoir par avance le déroulement des choses, et disposer de deux coups d'avance sur ses potentiels adversaires. Contre cette fille, il ne pouvait rien. Il ne savait rien. Il avait la sentiment de jouer une partie d'échecs en étant à une erreur du échec et mat. Frustrant, très frustrant.
Mais en même temps, très excitant.
La nuit du chasseur pouvait être peuplée d'imprévus, elle en était d'autant plus enrichissante.

- « Discutons simplement, voulez-vous... ? Et commençons par la base. Je suis Anod Itochi, le psychologue du lycée Yokai. Cette personne... était ma proie, et vous me l'avez volée. Par conséquent, vous m'êtes dès à présent redevable... D'une proie. La fierté du chasseur est un concept qui j'imagine ne vous es pas étranger... Alors voulez-vous bien commencer par le début, et me révéler votre patronyme ? »

Sauf qu'en plus de ce dialogue, Anod desserra légèrement la bride qu'il exerçait en permanence sur son aura. Sa véritable aura, profondément sombre et noire, pour ne pas dire diabolique, commença à filtrer légèrement. Tout simplement pour mettre la pression à son interlocutrice, lui faire réaliser que lui non plus n'était pas démuni, et qu'il représentait une menace. Un simple poids psychologique, mais qui pouvait se révéler déterminant dans un tel combat.
Résister à une personne dont l'aura était terrifiante était un réel combat. Seuls les plus expérimentés y parvenaient. Cela permettrait d'une certaine façon de mesurer l'habilité de la personne en face... Afin d'essayer de préparer une stratégie.

- « Je ne cache pas être en colère. Cette fille était ma proie. Cela faisait des mois que je la traquais... Et ce soir, je devais la chasser. Afin que nous puissions partir sur de bonnes bases, je vous recommanderais donc de rembourser cette dette. »

Heliott se rendit compte immédiatement qu’elle n’avait pas affaire à un amateur. Le calme olympien reignant sur ses traits, le regard glacé qu’il lui rendit lorsqu’elle se précipita vers lui de son air le plus affolé, et la maîtrise incroyable de lui-même en prenant le cadavre entre ses bras, lui intimèrent au plus profond de son être de se méfier de l’homme en face d’elle. Elle se félicita intérieurement de ne s’être jamais montrée au rendez-vous prescrits par ses professeurs, car il lui semblait plus dangereux à chaque seconde qui passait...

Impression qui se confirma soudain lorsqu’il lâcha avec une froideur digne d’un iceberg le corps sans vie de sa proie. Il savait, c’était évident… Mais que savait il exactement ?

Tout à coup, Heliott prit peur. Une hypothèse effrayante venait de se frayer un chemin jusqu’à son esprit, réveillant ses souvenirs les plus enfouis, et un étrange sentiment de douceur. Et si il était Psionique ?... Si il faisait partie de cette Caste de glorieux chasseurs, de manipulateurs hors pair ? Et si c’était pour cela qu’Emilie était là ? Pour se faire dévorer par… Oh. Par tout les démons de l’Enfer et du reste. Si elle venait de voler une proie à un Psionique, elle allait le payer cher. Surtout une proie comme celle-ci, apparemment travaillée et éduquée pendant des semaines… Voir plus… Quelle erreur fatale que cette imprudente chasse…

- J'ai bien peur que... ce genre de malaise ne soit pas facilement traitable. Il faudrait... Lui insuffler une autre vie, et je crains que ce genre de traitement ne soit hors de mes moyens.

Elle était en danger. Elle ne savait pas à quel point, mais elle sentait vibrer chaque fibre de son corps si précieux et délicat, comme si il avait voulu s’enfuir à toute jambe, laissant son esprit derrière lui. Il savait. Il n’y avait plus aucun doute, elle allait y passer, elle en était sûre en voyant l’air si parfaitement calme et maîtrisé du psychologue… Non.

Du calme.

Elle était l’une des Psioniques les plus puissantes existant dans le monde, rôder aux manipulations les plus subtiles comme aux assauts les plus douloureux… Elle avait une parfaite maîtrise de son visage et son aura, et pouvait très simplement comprendre de quelle nature était cet homme. Ou du moins, cette créature. Retirant rapidement son masque de lycéenne effrayée, elle laissa se composer sur ses traits harmonieux et fins un visage froid, comme distant, un sourcils levé et un coin de la bouche relevé. Non, la situation n’avait rien d’inhabituel, et l’amusait même un peu. De plus, comme elle avait rétracté son aura au maximum, même si il était Psionique, il devrait passer les mailles extensibles et électrifiée limitant l’accès à son esprit… Elle devait à tout prix rester calme.

- Discutons simplement, voulez-vous... ? Et commençons par la base. Je suis Anod Itochi, le psychologue du lycée Yokai. Cette personne... était ma proie, et vous me l'avez volée. Par conséquent, vous m'êtes dès à présent redevable... D'une proie. La fierté du chasseur est un concept qui j'imagine ne vous es pas étranger... Alors voulez-vous bien commencer par le début, et me révéler votre patronyme ?

Oui, c’est cela, discuter en toute simplicité devant un cadavre. Les soupçons d’Heliott se faisait de plus en plus aigus, comme des pics de glaces plantés dans son crâne, une alarme stridente retentissant sans discontinuer. Danger. Cet homme était soit un Psionique, soit une autre chose tout aussi dangereuse. Voir plus.

Oh… Non. Pas un Psionique. Heliott aggrandit doucement son sourire en sentant l’aura profondément noire de cet être. Ce n’était pas un des leurs… Les pSionique avaient une aura goudronneuse, embourbante, hypnotique et en même temps aussi effrayante qu’une ombre se déformant la nuit contre le mur devant vous… Cette aura était comme faite d’anti-matière, l’inverse de la lumière… Si elle n’avait rien de rassurant, elle n’était certainement aps caractéristique de ses confrères. Cela promettait donc d’être intéressant.

- Je ne cache pas être en colère. Cette fille était ma proie. Cela faisait des mois que je la traquais... Et ce soir, je devais la chasser. Afin que nous puissions partir sur de bonnes bases, je vous recommanderais donc de rembourser cette dette.

Anod Itochi, une créature bien plus dangereuse qu’il ne le laissait croire… Et surtout à qui elle devait une âme. L’expression d’Heliott était toujours la même, légèrement sarcastique et détachée. Elle avait du mal à se concentrer très finement avec cette aura étrange et angoissante qu’elle sentait légèrement s’étendre autour d’elle… Quoi de plus logique alors que de répliquer ?
Avec une lenteur exagérée, Heliott fit le tour du cadavre, relâchant au fur et à mesure qu’elle approchait d’Anod sa propre aura, telle une paire d’ailes noires fascinante, évoluant en volutes complexe autour de son corps, reflétant parfois d’autres bribes d’auras plus lumineuses, qui se laissaient avaler de nouveau par la masse mouvante… Et elle commença à parler d’une voix douce, comme celle d’une jeune fille innocente, mais d’un ton profondément ironique.

- Mais bien évidemment monsieur, tout de suite monsieur, à vos ordres… Monsieur…

Elle s’immobilisa tout près du psychologue, mains croisées dans le dos, regard planté dans celui de son interlocuteur, et se pencha doucement vers lui, comme on s’approche d’une Bête effrayée, prête à sortir les crocs.

- Voyons, nous sommes entre personnes civilisées… Vous vous doutez bien que je ne sors pas d’âme de ma poche, pas plus que vous d’ailleurs… Encore moins, dirais-je même. De plus, je ne pense pas que ma propre âme vous soit utile : vous ne la consommerez même pas… Quel intérêt ? Peut être celui de me voir agoniser lentement, dans d’atroces souffrances tant morales que physiques, tandis que vous jubilez à côté de mon corps se tordant sous le ciel noir ?

Avec une douceur infinie, constrastant avec la dureté de ses paroles, elle laissa son esprit effleurer celui d’Anod, captant au passage ses pensées les plus fugaces, avant de le retirer, comme une caresse… Elle cligna des yeux une fois… Deux fois… Et lorsqu’elle les rouvirt pour la troisième fois, ses orbites étaient devenus deux surface rélféhissantes, dans laquelle se reflétait l’image du psychologue, déformé par la courbe de miroir surnaturelle présenté à son visage. Le sourire de la belle Psionique s’élargit encore, dévoilant une rangée de dent beaucoup plus pointues et longues que la moyenne, un véritable sourire de requin…

Avant de se reculer, faisait disparaître à la volée ses attributs monstrueux, et époussetant nonchalamment sa robe, avant de reprendre d’un ton toujours aussi calme.

- Vous me demandiez mon nom, plus tôt, si je ne m’abuse ? Tout dépend de celui que vous demandez… J’en ai beaucoup, vous savez… Janka, Amy, Hunter, Maïa, Heliott, Marie, Tiana… Prenez celui qui vous plaira le plus, je l’adopterai. L’exercice est aisé lorsque l’on est personne.

Elle pencha doucement la tête sur les côté, ses boucles noire venant frôler son visage doux comme la soie, et son sourire reparu, plus humain cependant.

- Je ne me doute pas que l’expérience peut être contrariante, je l’ai déjà vécu, mais vous aurez sans doute d’autres proies… Du moins si vous arrivez à venir à l’heure… Je peux en tout cas vous assurer qu’Emilie était délectable. Même si votre défaite m’a laissé un arrière-goût… Amer.

Le chasseur avait tendu ses filets. La chasseuse y répliquait. Maintenant, ce n'était plus une simple partie de chasse, mais un jeu. Deux adversaires, qui déplaçaient chacun leur tour des pièces sur le gigantesque plateau qu'était le lycée Yokai. Anod avait déplacé une tour... Et maintenant, elle répliquait. Tournant autour du cadavre, et laissant échapper également son aura... Infiniment plus nombreuse que celle du psychologue, infiniment plus complexe... Attaque du cavalier. Ce n'était pas juste son aura, Anod percevait également d'autres bribes, celles d'autres personnes. Celles de toutes ses victimes.
Le psychologue du lycée Yokai consigna ceci comme un indice. C'était beaucoup trop flou pour qu'il donne un nombre précis, mais il avait perçu un nombre de victimes bien trop important pour qu'il les dénombre... Et cette aura n'était pas feinte... Il avait affaire à quelqu'un d'extrêmement puissant.

- Mais bien évidemment monsieur, tout de suite monsieur, à vos ordres… Monsieur…

Proche. Maintenant très proche de lui. Anod sentit sa gorge s'assécher, sous l'effet d'un vague stress, avant que l'adrénaline n'atteigne son corps, et qu'il ressente un frisson d'excitation. La partie se révélait intéressante, très intéressante. La Psionique sans nom se pencha vers lui, dans un geste si lent qu'il aurait pu être qualifié de doux, mais qui paraissait plus être le geste d'un prédateur qu'autre chose. L'esprit d'Anod hurlait « DANGER ! DANGER ! » mais il restait imperturbable. La puissance de la créature qu'il avait en face de lui, en plus de l'effrayer, l'excitait. Il n'avait jamais eu l'occasion de croiser d'autres personnes aux pouvoirs proches des siens... Des personnes dotées d'un réel sens de l'intellect...

- Voyons, nous sommes entre personnes civilisées… Vous vous doutez bien que je ne sors pas d’âme de ma poche, pas plus que vous d’ailleurs… Encore moins, dirais-je même. De plus, je ne pense pas que ma propre âme vous soit utile : vous ne la consommerez même pas… Quel intérêt ? Peut être celui de me voir agoniser lentement, dans d’atroces souffrances tant morales que physiques, tandis que vous jubilez à côté de mon corps se tordant sous le ciel noir ?

Anod fit mine de réfléchir un instant. La voir agoniser ne présentait pour lui aucune source d'intérêt... Non, ce qui aurait pu l'intéresser en revanche, ça aurait été de la voir expérimenter une autre forme de souffrance... Une souffrance bien plus intime, mentale. La voir se débattre envers une tristesse et un désespoir envahissant, qui ne s'arrêteraient pas, malgré ses supplications... Supplications dont il serait à l'origine, goûtant la moindre de ses larmes comme si elle était faites d'ambroisie... La détresse des êtres puissants était toujours la meilleure. Mais force était d'admettre que ce ne serait probablement pas au programme de la journée... Prendre une âme aussi simplement ne l'intéressait pas. C'était l'apanage des débutants. Quelque part, qu'un être aussi sophistiqué qu'elle se contente de consommer des proies de cette manière le désolait. Elle était venue, avait pris une âme, et cela lui suffisait. Ne connaissait-elle donc pas l'exquis goût de la chasse préparée longtemps à l'avance... ?

Anod n'alla pas plus loin dans ses pensées... Car elles venaient d'être souillées. Un bref instant, il avait pu sentir une présence effleurer son esprit. Anod fronça les sourcils, et leva de vaines barrières mentales. Il savait pertinemment que si elle le désirait, elle pouvait entrer aisément dans son esprit... Mais ne voulait se défendre que pour l'honneur. Dans tous les cas, ce fut inutile, car elle abandonna la bataille bien vite, s'étant contentée d'un bref contact... avant de lui montrer autres choses.
Des orbites miroirs, qui lui renvoyaient sa propre image. Un sourire carnassier à en faire pâlir d'envie un lycanthrope. Son identité monstrueuse. Anod crispa le coin de sa bouche. L'attaque qu'elle venait de lui faire subir, portait un coup dur à son esprit... Bien que l'excitation demeure présente, et en bloc, une infime trace de frayeur gagnait de la place dans son cerveau. Puissante, elle l'était sans le moindre doute. Personne d'impuissant ne se serait risqué à l'agresser ainsi après avoir vu la noirceur qu'hébergeait son cerveau.

- Vous me demandiez mon nom, plus tôt, si je ne m’abuse ? Tout dépend de celui que vous demandez… J’en ai beaucoup, vous savez… Janka, Amy, Hunter, Maïa, Heliott, Marie, Tiana… Prenez celui qui vous plaira le plus, je l’adopterai. L’exercice est aisé lorsque l’on est personne.

Un nom... Ces noms devaient être ceux de ses victimes. Aucun intérêt. Ceux que la vie avaient désertés devenaient des simples déchets, même pas dignes d'être nommés. Un mort ne pouvait être le jouet d'expériences mentales, et ne pouvait servir que d'appât pour attirer les vivants. Un pitoyable corps, en somme...

- Je ne me doute pas que l’expérience peut être contrariante, je l’ai déjà vécu, mais vous aurez sans doute d’autres proies… Du moins si vous arrivez à venir à l’heure… Je peux en tout cas vous assurer qu’Emilie était délectable. Même si votre défaite m’a laissé un arrière-goût… Amer.

L'air neutre du psychologue se transforma en un maigre sourire, indéfinissable. Ainsi donc, l'âme Emilie Haddams avait gardé un goût... désagréable des suites de son intervention ? Tant mieux, ainsi il n'aurait pas tout perdu.
Le psychologue du lycée Yokai dévisagea la femme aux multiples noms. C'était à son tour de laisser parler son identité de monstre... Et il s'y employa. Personne jusqu'ici n'avait pu voir ce qu'il était réellement et y survivre.
Certains monstre se revendiquaient démoniaque, ou diabolique. Certains utilisaient les ombres, d'autres les forces obscures... Lui n'en avait pas besoin. La source de son pouvoir était bien plus profonde. Il n'utilisait pas les ténèbres.
Il était les ténèbres.
Crée pour refléter la lumière, pour être son opposé total, aucune lueur ne subsistait en lui. Il n'était qu'un concentré d'essence nocturne, dont la splendeur n'apparaissait que la nuit.

Une légère brume noire s'échappait maintenant de lui. Des ténèbres, des ténèbres pures, le fondement de son être dans son sens le plus profond. Il avait du se retenir, pour que cette noirceur n'attire personne. Perceptible que par elle et lui... Une sorte de moment privilégié pour un adversaire.
Les ténèbres étaient son essence, son arme, son mode de vie. Il avait voulu lui inculquer qu'en s'approchant trop près... Elle-même n'en ressortirait pas indemne.

L'Ombre cessa brusquement d'émettre cette brume. Plus risquerait d'attirer l'attention, et il ne voulait pas jeter un froid sur la passe d'arme qui se déroulait en ramenant d'autres personnes trop vites.

- « Un nom... Très bien, mais aucun de ceux de votre liste ne me convient. La personne à qui je souhaite parler n'est pas une de celles que vous avez dévorées, mais à celle, bien concrète qui m'a volé ma chasse... Cette simple action vous donne une identité pour moi, l'identité de la Chasseresse qui m'a privé de mon dû. Je vous baptiserai donc Artémis. »

Peu lui importait ce qu'elle avait été avant, c'était avec la personne actuelle qu'il avait des comptes à régler. Il avait besoin d'une base sur laquelle s'appuyer. Artémis. Un bon nom. Maintenant ils pouvaient envisager de discuter, réellement.

- « Mais pour en revenir à notre discussion... J'ai bien peur que vous vous mépreniez sur mon compte. Vous voir en train d'agoniser et vous vider de votre sang n'a pour ainsi dire aucune espèce d'importance pour moi... Vous m'avez privé de la conclusion de ma chasse... Mais peut-être que vous ne connaissez pas la saveur d'une réelle chasse ? Un être doté de tant de potentiel que vous... Ce serait bien dommage... »

Il avait capté en elle un être d'une puissance hors norme. Il avait capté en elle un prédateur... Mais de quelle envergure ce dernier était-il ? C'était ce qu'il cherchait à déterminer. Il avait perdu une proie, mais il était possible qu'il ai découvert en contrepartie une chose bien plus intéressante qu'une simple proie, même si cette dernière était préparée depuis plusieurs mois.

- « Je ne vais pas vous demander votre âme, ni votre vie... En revanche, je ne compte pas rester sur une « défaite », comme vous dites si bien. Alors le contrat que je vous propose est simple... Prêtez-moi votre puissance dans ma prochaine chasse, Artémis... Je vous laisserai même l'âme de la proie choisies, vous voyez que je ne suis pas égoïste... Et vous pourrez goûter à l'âme d'une personne envahie par le désespoir et le chagrin... N'est-ce pas alléchant, comme marché ? Par contre... Si vous n'acceptez pas, je vous considérerai aussitôt comme étant une adversaire... Et j'utiliserai toutes mes compétences pour vous rendre la vie impossible... »

Anod fit une pause, et planta son regard sombre dans celui de Artémis. Maintenant qu'elle avait rangé au placard ses attributs monstrueux, elle était même plutôt jolie, il fallait l'avouer. Une bien belle femme, probablement capable de faire haleter bon nombre de ces animaux d'humains. Ses points forts étaient incontestablement ses beaux yeux clairs, ainsi que sa magnifique chevelure, visiblement entretenue avec soin.
L'Ombre prenait soin de son apparence, afin de paraître comme étant quelqu'un d'aimable à qui on pouvait parler en toute aisance... Mais visiblement, il était bien loin d'un tel degré d'entretien de soi. Il se demanda brièvement si cela pourrait l'aider à faire tomber certaines élèves, si jamais il paraissait plus beau qu'en réalité. Il essaierait un jour.

- « Donc, quelle est votre réponse... ? A moins que vous n'ayez une meilleure idée ? »

» You mean that Heliott can have friends... ?

Night of the Hunter [PV Heliott]

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