Hylda semblait être une personne extrêmement stricte, voir même complètement fermée de prime abord. Et son sourire neutre assorti à son regard perçant ne faisait rien pour démentir ces aprioris.
Cependant, comme tout le monde, elle éprouvait des sentiments, des émotions. Et elle avait aussi ses moments préférés, ses lieux privilégiés.
C'est pourquoi en fin de journée, lorsque la lumière du crépuscule commençait à teinté de son agréable lueur orangée les divers salles de classes orientées plein sud, elle se rendait dans la salle commune des dortoirs...
Cet endroit avait la particularité d'offrir une vue magnifique sur le couché de soleil grâce à la vaste baie vitrée qui en composait la façade sud.
De plus, les élèves venaient ici pour se reposer, discuter calmement, jouer aux cartes ou faire leurs devoirs. Et la valkyrie prenait régulièrement un grand plaisir à venir surveiller ces lieux en fin de journée, car elle pouvait elle aussi s'y détendre et contempler les jeunes gens se détendre dans le calme avant de rejoindre leur chambre.

D'ailleurs, aujourd'hui, elle avait noté une attitude particulièrement différente de la part des garçons comme des filles de l'établissement. Il y avait comme une tension, une sorte d’effervescence contenue comme seuls les japonais en sont capable.
Les jeunes demoiselle avaient l'air à la fois excitées et nerveuses, et se réunissaient en petit groupe en se murmurant des mots d'encouragement.
De leur côté, les garçons semblaient tout faire pour avoir l'air le plus décontracté possible lorsqu'ils croisaient une fille, parfois maladroitement.
De plus, une étrange odeur sucrée flottait aux alentours des casiers et des salles de classes.

La valkyrie haussa imperceptiblement les épaules en souriant intérieurement, ne laissant rien transparaitre sur son visage.
Elle cligna alors lentement des yeux et observa les jeunes gens autour d'elle. Dans un coin, un groupe de garçons autour d'une table jouaient au majong. Sur le large tapis prêt de la grande télévision, un groupe de fille s'affrontaient dans un jeu vidéo. D'autres élèves se contentaient de bavarder où de se concentrer sur un exercice ou l'autre.
La douce quiétude du crépuscule en cette fin de journée était tout bonnement apaisante.

C'est alors que Hylda releva doucement la tête en voyant deux jeunes filles s'approcher d'elles. Une première année qui tenait timidement quelque chose contre elle, et une deuxième année, plus souriante, qui semblait presque pousser son amie.
Que voulaient-elles ? De l'aide pour un devoir ? La valkyrie ne pourrait certainement pas les aider en mathématiques ou en Japonnais.
En tout cas, maintenant qu'elle y pensait, aucun n'élève ne l'avait jamais abordée pour quoi que ce soit auparavant dans la salle commune.
Cependant, elle releva complètement la tête et fit un pas en direction des deux élèves.

"Oui ? Qu'y a-t-il ?" demanda-t-elle d'une voix ferme, mais basse afin de respecter le calme des lieux.

La deuxième année poussa alors son amie qui sembla rougir soudainement, mais qui sembla aussi trouver la force de prendre la parole :

"B... Bonsoir Bryn-san..." Elle sembla reprendre son souffle. "J-j... Je suis Tomoe du dortoir nord et... Et je voulais vous donnez c-ceci !" s'exclama-t-elle alors.

La valkyrie fut vraiment curieuse de voir le courage que cela avait demandé à cette jeune demoiselle pour finir sa phrase. De plus, elle lui tendait un tout petit paquet en utilisant ses deux mains. Une seule n'aurait pas suffit ?
En fait, Hylda était à des années lumières de s'imaginer que les japonnais utilisaient leurs deux mains pour offrir quelque chose, en signe de politesse.
Elle fit alors l'erreur de le prendre d'une seule main, gantée de surcroit, et observa le paquet joliment emballé d'un œil curieux.
La jeune élève en face d'elle semblait tout faire pour ne pas croiser son regard. Et était-elle entrain de trembler, où était ce son imagination ?

"Qu'est ce que c'est ?" demanda-t-elle alors avec un fort accent scandinave.

La dénommée Tomoe rougit alors de plus belle et commença à s'emmêler nerveusement les doigts avec de déglutir.

"Hé bien, c... Ce sont d... Des... Chocolats..." Elle avait presque couiné ce dernier mot.

Hylda était toujours loin de comprendre. Elle avait bien vu qu'il s'agissait d'un présent, mais elle ne savait pas pourquoi cette élève qu'elle ne connaissait pas lui en offrait un.

"Pourquoi ?" demanda-t-elle alors en commençant à ouvrir le paquet, curieuse.

La jeune élève, que sa senpai venait d'abandonner afin qu'elle apprenne à se débrouiller toute seule, laissa échapper un petit gémissement en voyant la valkyrie ouvrir l'emballage.
En effet, l'islandaise ne savait pas non plus qu'il était d'usage de ne pas ouvrir un présent devant la personne dont il émanait. Sauf autorisation.
Du coup, la pauvre Tomoe angoissa à l'idée de voir l'expression sur le visage de la surveillante lorsqu'elle découvrirait de quoi il s'agissait.
Hylda posa alors son regard sur le couvercle de la petite boite de chocolats. Il y avait un décors fait de glace et de neige imprimé sur le carton, et de nombreux pingouins faisant du ski ou du patin à glace tout en mangeant du chocolat venaient compléter le tableau.
En tout cas, la jeune première année fut à la fois soulagée et un peu inquiète de ne voir strictement aucun changement dans l'expression de la Valkyrie.

"Heu... J... C-c'est pour... Hé bien, v... Vous savez." Elle déglutit. "La saint-valentin." fit elle d'une toute petite voix.

Hylda haussa alors un sourcil interrogatif. La saint valentin ? Cela ressemblait à des noms d'origines latines. En tout cas, elle n'en savait rien. Elle aurait voulu en savoir d'avantage.
Cependant, la pauvre Tomoe interpréta ce geste d'une manière tout à fait différente.
Elle gagna alors une nouvelle nuance de rouge plus foncée et leva des mains réellement tremblantes devant elle, comme pour se justifier.

"N-non non, c... Ce n'est pas ce que vous croyez, Bryn-san, c-ce n'est pas parce que je... Enfin, je vous admire beaucoup et... Heuu..."


La jeune demoiselle semblait être à deux doigts de s'évanouir, et Hylda était toujours aussi perdue quand à la signification d'un tel cadeau. De plus, il portait la mention "Giri choco". Mais qu'est ce que cela signifiait ?
En tout cas, même si elle savait lire les hiraganas et les katakanas composant ces mots, elle était à des années lumières de se douter qu'il s'agissait d'une précision sur la nature amicale de ce cadeau, plutôt qu'une déclaration d'amour.
Et à ce moment précis, autant la Valkyrie que la pauvre première année avait besoin d'un élément extérieur secourable qui pourrait enfin dissiper l'étrange malentendu.

Hylda haussa brièvement un sourcil en voyant une élève plutôt turbulente bousculer la pauvre Tomoe qui était toujours entrain de bafouiller. La connaissaient elle pour se permettre de telles familiarité ?
Les élèves étaient si dissipé cette années... Comment savoir ?
Ignorant l'intruse pour le moment, la valkyrie fit un pas en avant et tendit le bras pour poser sa main sur l'épaule de la première années qui venait de lui faire cet étrange présent. Elle ne pouvait pas la laisser partir avec un air aussi dépité. Surtout qu'elle se disait que la faute lui incombait, pour ne pas avoir compris la nature de ce cadeau.

"Tomoe, merci." fit-elle le plus simplement du monde, d'une voix moins froide que d'ordinaire, adressant un de ses si rare et si minces sourire à la jeune élève.

Cette dernière sembla alors s'en trouver vaguement soulagée et essuya les début de larmes qui avaient perlées au coin de ses yeux. Puis elle hocha la tête et repartit d'un pas pressé en murmurant déjà quelque secrètes conversation avec son amie.
Hylda haussa ensuite les épaules et se retourna vers l'autre élève qui venait de lui poser une question.
D'ailleurs, cela lui donna le réflexe de lever la fameuse boite à hauteur de ses yeux... Puis elle compris enfin quelque chose. Tomoe avait choisie cette boite exprès pour son paysage nordique. Quant à savoir pourquoi des pingouins mangeaient du chocolat... Mystère.
Cela lui rappelait l'époque où elle essayait de les attraper en courant dans la neige dans l'espoir de pouvoir monter sur leur dos. Elle aussi avait été une enfant innocente et un peu stupide.
Elle releva alors les yeux vers l'autre élève et posa la boite sur un coin de table proche.

"Si." fit-elle simplement, retournant s'adosser contre le mur. "Mais je ne sais pas pourquoi cette élève m'en à offert. Ni ce qu'est la saint-valentin." précisa-t-elle en plissant imperceptiblement les yeux.

Elle essaya de méditer ce nom un moment... La notion de saint lui laisser penser à un rapport avec une coutume chrétienne quelconque, mais elle n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. En tout cas, elle savait que ça devait être une coutume... Et à bien y réfléchir, cela expliquerait pourquoi les garçons se gavaient de chocolats aujourd'hui. Une fête en rapport avec le chocolat ? Mais si seul les garçons en mangeaient, pourquoi lui en avait on offert ?
Elle abandonna sa réflexion et cligna lentement des yeux avant de tourner un regard interrogateur l'autre élève.

"Je ne me souviens pas de toi. Quel est ton nom ?" demanda-t-elle sans préciser le sien, ayant l'habitude que les élève la connaisse.

Hylda plissa imperceptiblement les yeux en entendant la description que la jeune élève turbulente lui faisait de la saint valentin. Ce qu'elle disait faisait sens avec ce qu'elle avait pu observer jusqu'à présent. Ainsi, la saint valentin était une fête pour les amoureux. Et la coutume voulait que les gens offrent des chocolats à l'être aimé. Cela expliquait beaucoup de choses en vérité. Surtout la partie où elle parlait d'offrir de telles friandises pour simplement montrer son affection où son admiration.


"Merci. Je comprends mieux." fit-elle en jetant un coup d’œil à la boite.

Elle n'avait pas vraiment l'intention de les manger. Mais, devait elle le faire par respect pour les sentiments de cette Tomoe ? Par respect pour son admiration ou sa sympathie ? Elle ne savait pas trop.
En tout cas, elle n'était pas très enthousiaste à l'idée d'avaler des sucreries. Elle n'avait jamais aimé cela.
Son regard se porta alors de nouveau vers l'élève qui se présenta sous le nom de Neko Fuwa. Un nom simple à retenir, plutôt agréable.

"Je suis Hylda Bryn. Surveillante depuis le milieu de l'année dernière." fit-elle simplement.

Elle n'allait pas lui dire qu'elle la trouvait turbulente ou impolie par rapport à ses camarades. Cela ne faisait pas partie de ses fonctions. Mais de part le fait même, elle ne pouvait s'empêcher de noter dans un coin de son esprit qu'elle devrait garder un œil sur cette Neko.
Si son nom était mentionné dans un problème quelconque, elle prenait bien note qu'elle devrait s'y intéresser de prêt.


"Si j'ai bien compris ce que tu m'as dit..." fit-elle comme pour penser à autre chose. "Cette fille à dû rassembler son courage pour venir me faire un cadeau... Si peu anodin." Elle jeta un autre regard sur la boite. "Elle est bien la seule."

Une surveillante, hum? Neko passa instinctivement sur la défensive en entendant cela. Elle savait qu'elle devait se méfier des professeurs, mais normalement, en dehors des cours ils ne posaient pas vraiment de problèmes... Hors, rien que le mot "surveiller" lui donnait de l'urticaire. Elle n'aimait pas qu'on l'espionne ou qu'on vienne lui prendre la tête parce qu'elle avait dit ou fait ceci ou cela. Heureusement, la neutralité que dégageait la femme en face d'elle lui prouvait qu'elle n'avait pas l'air de se prendre la tête pour des broutilles mais... L'élémentaire restait méfiante.

NEKO: C'est assez normal. Les cadeaux d'élèves à professeur, et inversement, sont rares. Vu la connotation de ce genre de cadeau en plus... Certains pourraient s'imaginer des trucs après.

Elle imaginait sans mal les rumeurs qui pourraient courir si une élève offrait des chocolats à UN de ses professeurs... Ou l'inverse. Cette idée lui tira un sourire. On peut créer des problèmes aux gens si facilement parfois que ça rend la chose presque ennuyeuse. Neko plongea de nouveau son regard dans celui de la valkyrie et reprit:

NEKO:Besoin d'autre chose ou je peux vous abandonner avec vos chocolats?

Si cette femme n'avait plus besoin d'elle, elle en profiterait pour retourner vaquer à ses occupations.

La valkyrie avait l'esprit un peu ralenti par la douce quiétude de cette fin de journée, elle devait bien l'avouer. Mais de temps en temps, cela ne faisait pas de mal que de se détendre avant de rentrer chez soi... Ou plutôt, dans sa petite chambre. Oui, petite. Les japonnais aimaient quand les choses étaient compactes et optimisées. Et Hylda avait eu du mal à s'y faire, elle qui aimait avoir de l'espace.

Puis, en entendant les mots de Neko Fuwa, l'islandaise tourna son regard vers la boite de chocolat d'un air pensif avant de laisser quelques secondes de silence...

"Hmm... Si j'ai bien compris, on peut en offrir en gage d'amour où d'admiration." récapitula-t-elle. "Mais c'est un cadeau d'une femme à une autre. Il n'y a donc aucun doute possible sur sa nature."

Et elle avait prononcé cette dernière phrase avec le plus intime et la plus innocente conviction du monde. Car en effet, l'éducation qu'avait reçu Hylda ; sans compter le côté traditionaliste à outrance propre à sa famille, excluait totalement la conscience de l'homosexualité. Cette notion étant aussi étrangère à la valkyrie que la notion de patin à glace est étrangère aux pingouins d’Islande...
Elle cligna alors lentement des yeux et offrir un léger sourire à l'élève qui semblait vouloir prendre congé.

"Ah, non, je te remercie. Désolée de t'avoir déranger." fit-elle simplement en hochant la tête.

Elle retourna ensuite se perdre dans ses pensées en contemplant le crépuscule qui tombait tout doucement au loin...