Allons bon. les voilà qui s'enfuyaient. Gaëlle n'avait pourtant pas trop insisté.
Mais bon, ça n'était pas plus mal: Elle n'avait pas vraiment envie de se frotter à ces trois trucs absolument monstrueux. Maintenant, la question était à l'agressé. Elle aurait pu parier qu'il s'agissait d'un voyou quelconque qui c'était frotté à plus fort que lui. Rien que des contrariétés.
Mais ils était de son devoir d'aller voir ce qu'il en était. De toute façon, si elle avait fait demi-tour elle se serait arrêtée au bout de quelque pas pour retourner à son point de départ. Elle devait y aller.
Serrant les poings comme une gamine, Gaëlle s'élança d'un pas faussement assuré le long du chemin menant au mur.

" Toi aussi maintenant, toi aussi maintenant, toi aussi maintenant... Toi aussi tu est un monstre, il sont pareil que toi... courage, aller."

Elle essayait de se convaincre sans grands résultats et le mur se rapprochait inexorablement.
Elle s’arrêta et releva la tête cherchant l'image pré-conçue de " la chose métamorphosée tout sauf humaine faisant partie des racailles du lycée Yokai."
La seule image qu'elle vit était une petite fille pleurant recroquevillé sur un carnet. Une seule pensée traversa l'esprit de la pionne: KAWAI.

Et le fait que trois brutes s'en prennent à une petite fille aussi... aussi... aussi choupi était incompréhensible. Bien que le fait d'être petit et mignon n'attendrissait pas tout le monde elle, elle était spéciale. Un air de déjà vu peut être.

Gaëlle se remit en marche doucement et atteignit le mur. Elle y calla son dos et se laissa glisser au sol.
Elle regardait droit devant elle, les fleurs et les insectes sans pouvoir se concentrer sur quoi que ce soit.
Cette sensation de déjà vu la rassurait grandement. Mieux, c'était la première fois depuis deux ans qu'elle se sentait sereine.

Elle ajusta malgré elle sa respiration sur celle de la fillette.
Puis elle trouva enfin le courage de se tourner vers elle. Elle lui renvoyait l'image d'un petit chaton qui aurait glissé dans une baignoire pleine.
Apeuré, tendu, vulnérable. Mais atrocement mignon.

Elle prit une grande inspiration.

" Je sais pas qui c'étaient ni ce qu'ils te voulaient mais la prochaine fois, appelle à l'aide tout de suite, D'accord?"

Elle détourna le regard pour trouver vite une suite à la conversation.

" Heu... Je m’appelle Gaëlle. Gaëlle Watanabe, une nouvelle surveillante. Et Toi?"

Un câlin? Un câlin à elle qui venait de défoncer le mur?!

Bon, passe encore. Mais pourquoi, pourquoi dans ses... Seins?
D'accord, ils étaient d'une taille plus qu'imposante, mais quand même... Gaëlle sentait ses joues rougir, rougir, rougir... Elle se raidit malgré elle.

L'élève se dressa sur la pointe des pieds, après une durée indéterminée durant laquelle la zombie se tenait aussi courbée que possible (position fort inconfortable d'ailleurs), pour poser son oreille aux dessus de ses attributs, sur son épaule. Ouf... C'était beaucoup moins gênant.

La chaleur de l'enfant la réconfortait. Enfin enfant, enfant... Maintenant qu'elle était collée à elle comme un pose titre (pourquoi un pose titre elle ne savait pas c'était là la première idée qui lui était venue à l'esprit.) elle se rendait compte qu'elle n'était pas si jeune que ça finalement.

La surveillante referma ses bras. Ce faisant, elle dévoila sans le vouloir les affaires de la jeune fille. Ce qui la frappa, c'était le dessin qui dépassait d'un carnet rangé à la hâte. Il était réalisé avec brio. C'était un élève qu'elle avait croisé à maintes reprises. Le croquis était réaliste. Trop réaliste... Comme inexorablement attirant. Il dégageait quelque chose d'incroyable. Comme une aura.

Oui, c'était comme si l'artiste avait capturé l'essence même du modèle. Pas que le mouvement de son uniforme, les plis de sa peau juvénile ou son sourire maintenant immortel. Elle c'était appropriée la matière qui le composait.

Si c'était la jeune Matsumoto qui l'avait réalisé, elle cachait là un talent incroyable.

Et à en juger par le coin roussi de la couverture du carnet que la pionne apercevait, cela créait aussi pas mal de convoitise. Ou de jalousie. Ou un autre sentiment dans le genre. Cette petite était sûrement capable de se défendre mais le ferait-elle? Bien sûr que non, la situation présente le démontrait.

Bon, ça n'était pas en restant dans les bras d'une élève qu'elle pourrait mieux réfléchir. Réfléchir à quoi par ailleurs? Globalement: à rien. Mais la zombie voulait se trouver une excuse pour se retirer de cette situation qu'elle trouvait plutôt... Étrange.

Elle repoussa la... pas blondinette. Un autre mot... Nous dirons blanchinette. Donc, elle repoussa la blanchinette doucement avant de lui demander tout sourire et pointant le crayonné du doigt:

"c'est toi qui l'a fait?"

C'était là un pouvoir puisant. Bien que l'ex humaine ne savait pas exactement quels étaient les pouvoir vaudou des monstres, elle se doutait bien qu'il suffisait qu'un de ses dessin tombe entre de mauvaises mains pour que cela dégénère.

En effet, Gaëlle se voyait comme elle se serait vue dans un miroir, la couleur en moins. Le dessin était parfait. La zombie apparaissait telle qu'elle était, non seulement physiquement mais aussi de par tout le reste. Tout le reste et un petit quelque chose en plus...

Quelque chose de palpable qui faisait que la zombie ne pouvait pas s'empêcher de détourner le regard du crayonné. Quelque chose que Kikyo avait ajouté et que la surveillante redécouvrait avec délice sans pour autant pouvoir le nommer. C'était magique. Comme si elle revivait, tellement fort que les larmes lui venaient. Des larmes incontrôlables mais pure, positives.

Gaëlle souriait. Elle avait beau essayer de parler elle n'y parvenait pas. Elle ne pouvait que sourire béatement en articulant vainement des bouts de phrase strictement incompréhensibles.

Elle se sentait agréablement bizarre, comme si son estomac avait été une cage dont tous les oiseaux se seraient échappés emportant avec eux toutes les peines, les douleurs, les questions qui accablait la jeune femme. S'était comme s'ils les portaient à ses yeux pour qu'elle les voie exposées devant elle et qu'elle puise comprendre à quel point elles lui avait été utile mais que maintenant elle n'en avait plus besoins, qu'elle avait le droit de s'en libérer.

Et le maître de ces oiseaux immatériels, c'était cette petite dessinatrice. Cette enfant qui avait eu à elle seule le pouvoir de la libérer du poids de la mort qu'elle avait vécu. Une gamine qui dépassait de loin tout les grands maîtres de l'art grâce à cette chose si déstabilisante qu'elle pouvait fixer sur le papier. Une gamine qui présentement semblait très fière, ce qui était parfaitement légitime.

Elle pouvait être fière, oh ça oui. Tout le monde peut être fier après avoir permis à un mort de revivre.

Entre le câlin et maintenant le dessin elle était venu à bout de la surveillante qui ne pouvait que se mordre les lèvres pour s'empêcher de laisser les larmes couler.

Et encore, cette solution ne pourrait plus être efficace très longtemps.

Décidément, cette élève se souviendrait sûrement de ce jour comme étant "le jour où je n'ai pas arrêté de faire pleurer l'adulte que j'ai rencontré". Gaëlle ne pu s'empêcher de rire à cette pensée.

Elle leva machinalement les yeux au ciel et son rire se suspendit. Ses jambes ployèrent pour que son dos puisse trouver le mur.

Ce mur aussi garderait une marque ineffaçable, celle de la poigne de fer de la zombie. Elle baissa le regard au contact des fissures, marquant une pause lorsque celui-ci croisa la lycéenne avant de le laisser s'écrouler pour fixer le bout de ses baskets.

Ça y était. Les larmes coulaient le long de ses joues jusque ses lèvres étirées dans un sourire serein.

Elle rassembla le peu de pensées que son état lui permettait d'obtenir, sécha ses larmes qui refusaient de se tarir et redressa la tête. Elle poussa le mur du bout des doigts pour se remettre debout et d'un seul et même mouvement étreignit la jeune fille. Un câlin. C'est vrai que finalement, le geste devenait assez facilement naturel. Cette fois ci, elle s'était baissée de manière confortable pour éviter à la pauvre élève de s'étouffer dans sa poitrine.

Et toujours en pleurant, elle réussi à articuler:

" Merci Kikyo."

Apparemment, l'idée du pinceau était mauvaise. Pourtant Gaëlle voyait très bien ce que ce genre d'esquisse aurait donné en peinture: une pure merveille de réalisme et d'émotion. Mais parler de ce sujet avait visiblement été une très, très, très mauvaise idée. La petite s'était perdu dans ses mots avant de se mettre à pleurer. Non... non... NON ! La zombie avait déjà fait assez de mal comme ça ! Elle ne pouvait pas continuer ainsi... Il fallait qu'elle ré-apprenne. Tout, depuis le début. Elle avait osé remplir ce regard de larmes. Elle avait osé faire du mal à la jeune femme. Pourquoi.... Pourquoi ne pouvait-elle que semer le malheur ? Il fallait qu'elle se rattrape et vite. La prendre dans ses bra...

Trop tard. L'élève l'avait devancée. Elle s'était littéralement jetée sur elle pour venir se blottir dans ses bras. Elle semblait brisée, inconsolable et.... Non. Arrête de penser. Calme toi, tout de suite. Arrête de réfléchir, repose ton esprit, laisse faire ton instinct. C'est pas compliqué. Dans ton ancienne vie, tu as déjà du le faire des milliers de fois. Alors refait le. Accepte de le refaire.

Gaëlle avait forcé son esprit au silence. Elle avait expiré longuement puis avait fermé les yeux. Elle se laissait guider par l'instant. Elle ferma ses bras de nouveau autour de la jeune fille, comme au début de leur rencontre, mais de manière plus maternelle cette fois. Elle laissa glisser ses sentiments vers le petit corps qu'elle serait contre elle. C'était léger comme un lâcher d’étourneau, fort comme le taureau qui charge, doux comme le bruissement des crins que laissait un cheval au galop derrière lui. Elle laissa tout partir vers elle.

Plus jamais, plus jamais elle ne lui ferait de mal. Quelque chose pesait dans son coeur. Elle cherchait au plus profond d'elle même la force de soutenir sa protégée. Elle puisait dans ses plus secrètes réserves tout ce qu'elle pourrait lui donner pour l'empêcher de se noyer dans ses larmes. Elle glissa ses deux mains vers les frêles épaules agités de spasme, se penchant d'un geste gracieux vers l'élève. Une fois ses lèvre au niveau de l'oreille de Kikyo, elle rassembla ses pensées, autorisant son esprit à se remettre à penser pour trouver les mots.

- Je suis désolée d'avoir amené les larmes jusque tes yeux. Je ne sait pas quoi te dire à part pardon, même si ça ne vaut pas grand chose face à ta douleur... Pleure autant que tu veux, je suis là pour te soutenir. Je ne partirais pas... Je reste... Je suis là, Kikyo, je suis là...

Sa voix était douce, réconfortante. Non, elle ne partirais pas. Elle resterait. Il était grand temps qu'elle purge ses fautes, qu'elle lave ses mains entachées de sang. Elle le devait. Pour Kikyo.