Il avala les trois médicaments comme ça, sans eau. D'ailleurs trois c'était pas trop ? Elle n'avait jamais pris plus d'un anti-douleurs à la fois, c'était dangereux d'en prendre plus non ? Ou peut-être que ses blessures lui faisait trop mal... Bah, il faisait ce qu'il voulait de toute façon...

"Il faudra au moins une demi-heure avant que je ne sois en état de me déplacer. Est-ce que... On peut parler ? Ou tu préfères t'en aller ? Je comprendrai, tu as déjà fait beaucoup pour moi. Tu n'imagines même pas à quel point."

Ah. Très bien. Maintenant il voulait lui parler. Pour lui dire quoi ? Préférer s'en aller ? Probablement. Mais alors qu'il avait tant rejeter, maintenant il voulait qu'elle reste. Tant fait pour lui. Blague. Elle ne savait plus sur quel pied danser avec lui. Mais il était certain qu'au point ou elle en était, elle ne le laisserai pas seul jusqu'à temps qu'elle soit certaine qu'il est en sécurité. Donc dans sa chambre. Ou au moins au dortoir. Autrement elle aurait l'impression de n'avoir fait les choses qu'à moitié.

"Oh.."dit-elle pour toute réponse.

Elle finit par se rasseoir exactement au même endroit ou elle était quelques secondes auparavant. Mais cette fois-ci elle se mit en tailleur. Encore une fois elle se demanda, parler de quoi ? De la pluie et du beau temps ? De ce qu'il venait de se passer ? De lui ? D'elle ? De quoi ?

Il finit par lui tendre sa veste à bout de bras, elle voyait ses tremblements du bras. Fatigue ou peur qu'elle le touche ? Et comme lui pour les gants elle lui fit signe de la garder. Dans l'immédiat elle n'en avait pas besoin. Pas besoin. De quoi avait-elle besoin maintenant ? Son coeur avait reprit un rythme normal. Elle se sentait un peu lasse et fatiguée mais elle tiendrait le coup. Elle commençait à avoir faim. Quelle heure il était ? Elle ne savait pas, ne portait pas de montre, n'avait donc aucun moyen de le savoir. Elle pouvait tout au plus estimer, deviner depuis combien de temps elle était dehors. Mais elle ne prit pas cette peine, trop fatiguant. Et elle s'en fichait un peu.

Donc, de quoi voulait-il parler ? Il avait due comprendre en la voyant se rasseoir qu'elle comptait rester. Ou alors il était vraiment stupide. Bon. Stop penser comme ça. C'était pas sa faute. Elle ne savait même pas pourquoi il réagissait ainsi. C'était injuste de le juger de cette manière. Vraiment ? Et lui ne l'avait pas juger depuis tout ce temps ? Si. Très mal d'ailleurs. Bien qu'il semblait revoir son jugement en ce moment. Bref.

Elle le regarda silencieusement. Que lui dire ? Aucune espèce d'idée. Juste attendre qu'il commence. Oui, elle allait simplement attendre qu'il parle en premier. Peut-être que lui avait des choses à lui dire. Elle espérait. Autrement ça allait être les trente minutes les plus gênantes de toute sa vie. Rester à se regarder dans le blanc des yeux, c'était ennuyant aussi.

Jimena lui lança un ultime regard noir. Visiblement, sa proposition de partir n'avait pas été plus appréciée que sa remarque précédente. Probablement que son sens des responsabilités l'empêchait de l'abandonner là malgré son comportement.
Il faisait vraiment tout de travers.

"Oh.."lâcha-t-elle sur un ton neutre.

Elle se rassit en tailleur à la même place qu'avant et attendit, le dévisageant toujours. Il voulait parler ? A lui de fournir les réponses. Mais à quelles questions ? Par où commencer ? Que lui dire, que lui taire ?
Trop d'informations à trier et à classer. Trop de choses à révéler.
Comment faire ?

Son bras tendu commençait à fatiguer quand elle se décida à lui faire comprendre d'un signe de la main qu'il pouvait garder sa veste. Il en fut déçu et vaguement irrité. Il faisait ce qu'il pouvait pour éclaircir la situation, elle aurait pu elle aussi faire un geste, ne serait-ce que pas politesse.
Non. Ne pas penser comme ça. Les apparences avaient été dépassées depuis bien longtemps, la bienséance n'avait plus lieu d'être ici. Arrêter les faux-semblants et déballer ses tripes, dût-il en crever. Il le lui devait bien.

Plus de faux-semblants. Plus de mensonges. Plus de...

Il hésita, cherchant le terme adéquat. Celui qui lui venait en tête était doucement ironique, mais il ne trouvait pas mieux. La langue lui faisait défaut dans ce moment des plus tendus. Tant pis, il devrait faire avec.

Plus de masque.

Elle se contenta de le regarder fixement, sans faire mine de prendre la parole. Greg n'en fut qu'à moitié surpris : il devrait déjà s'estimer heureux qu'elle ne soit pas partie depuis sa dernière maladresse.
Il se mordit les lèvres en remettant la veste sur ses épaules nues et douloureuses, cherchant par quel pan commencer.

Ses actes ne voudraient rien dire si elle ne comprenait pas leur justification. Cette justification trouvait place dans son passé, son histoire. Et son histoire était directement reliée à ses actions.
Ouroboros des mots, cercle vicieux des explications. Tout était étroitement lié, et il ne pouvait évoquer un fait sans en déballer un autre, puis un autre, et encore un autre...
Comment faire ?

Il soupira, se massant la tempe des paumes. Elle se contenta de le regarder faire silencieusement, ses yeux témoignant de la fureur rentrée qu'elle ressentait encore.

Tant pis. Les excuses ferait une introduction aussi mauvaise qu'une autre.

Je suis vraiment désolé pour mon comportement. Je sais que tu ne voulais pas me faire de mal, je le sais vraiment mais...

Il pointa sa tête du doigt puis sa cage thoracique toujours nue.

"Mais là dedans, tout au fond, il reste toujours la méfiance et la peur. Elles partiront pas. Elles peuvent pas partir. Tout ceux que j'ai rencontrés jusqu'à présent m'ont au mieux ignoré et au pire fait souffrir. Alors à force d'avoir mal, d'avoir peur, j'ai rejeté tout contact. C'est devenu une phobie, ancrée en moi comme de la mousse sur une terre fertile. Elle recouvre tout, partout, et est là depuis tellement longtemps que si je tentais de l'extraire entièrement, je me détruirais en même temps que ses racines. C'est un garde-fou autant qu'une prison. C'est ce qui m'a gardé en vie.

C'était dur à dire, dur à révéler. C'était avouer que tout au fond il n'était qu'un amas de peur, une boule de nerfs toujours aux aguets.
Il déglutit encore une fois, tentant de se calmer. Rester calme, continuer, ne pas abandonner. Parfois, il fallait souffrir pour guérir, et se faire mal pour se faire comprendre.

Je ne voulais pas te repousser. Vraiment pas. Je... Quand tu étais à coté... Je...Merde, j'avais peur de disparaitre. Tout le temps. Que tu me touches par accident ou non, et que je ne sois plus là. Que je disparaisse, comme une ombre quand on allume la lumière. Plus de traces, plus de souvenirs, juste un corps abimé et en miettes, et du vide attendant qu'on le remplisse.

Des larmes lui coulaient le long du visage. Les médicaments, sans doute. La fatigue, la peur, la honte, tout cela n'avait rien à voir là dedans. Bien sûr. Il épongea l'eau salée de sa main avant qu'elle ne tombe jusqu'à son menton puis sur la veste de Jimena.
Ca criait sous son crâne. Il essaya de passer outre, de ne pas en tenir compte. Continuer de parler pendant qu'il le pouvait, qu'importe la cohérence.

Et ensuite, j'ai voulu t'aider comme je pouvais, en te montrant ce que tu étais, ce que tu ignorais. Le coté lumineux, celui que tu ne sais pas voir. Je t'ai fait mal volontairement en dévoilant ce que tu étais, tes ennuis, ce que tu étais devenue parce que j'espérais que d'une certaine façon ça rembourserait ma dette. Parce que parfois il faut faire souffrir pour aller mieux. Alors quand tu m'as demandé si tu pouvais sortir, j'ai pensé que... que c'était fait. Que tu avais mal, que tu me détestais, que tu voulais fuir loin comme les autres, que tu ne reviendrais plus. Personne n'était revenu avant. Personne, même pas mes parents. Alors j'ai cru...

Il remonta un peu les jambes contre sa poitrine et y posa ses bras, y cachant sa figure. Trop de larmes, trop de mauvais souvenirs d'un coup, trop de sensations mauvaises. Les médicaments agissaient plus vite que prévu, baissant ses barrières mentales et le poussant à parler. Il n'avait pas prévu de déballer ça comme ça, d'évoquer ses parents, et il en payait le prix par un afflux de souvenirs désagréables, de sensations qui lui étreignaient le coeur. Si faible... Il était si faible.

Je suis désolé... répéta-t-il tant bien que mal.

"Plus de faux-semblants. Plus de mensonges. Plus de... Plus de masque."

Que comptait-il lui dire ? Elle espérait simplement qu'il ne déballe pas des choses qu'il ne voulait pas dire. Parce que s'il ne voulait pas lui parler c'était son droit. Et elle ne lui en voudrait pas. Mais trop tard, il était lancé.

Il parla longuement, elle l'écouta attentivement. Elle sentait qu'il avait mal rien qu'en parlant. Parler était douloureux. Et difficile. Tout avoué, se confier, c'était difficile, et elle était bien placé pour le savoir. Elle n'avait jamais déballé sa vie, ses douleurs, son mal à quelqu'un. Greg était le premier à le savoir, et ce n'était même pas elle qui lui avait dit, elle n'avait rien eu à faire. Il avait tout découvert par lui-même, d'ailleurs elle ne savait toujours pas comment. Avait-il un don pour voir les choses ? Lire dans les pensées peut-être. Ca n'aurait pas été étonnant.

"Je ne voulais pas te repousser. Vraiment pas. Je... Quand tu étais à coté... Je...Merde, j'avais peur de disparaitre. Tout le temps. Que tu me touches par accident ou non, et que je ne sois plus là. Que je disparaisse, comme une ombre quand on allume la lumière. Plus de traces, plus de souvenirs, juste un corps abimé et en miettes, et du vide attendant qu'on le remplisse."

Comment pouvait-on disparaître en un simple touché ? Elle ne comprenait pas. Mais lui accordait le bénéfice du doute. Peut-être que cela faisait partit de ses pouvoirs et qu'il ne contrôlait pas tout. Mais elle sentait bien qu'il était sincère, sa peur elle l'avait vu de ses propres yeux, elle aurait presque pu la ressentir. Il avait vraiment eu peur d'elle. Non. C'est de disparaître dont il avait peur, pas d'elle. Enfin pas directement. Et le voilà qui se mettait à pleurer. Bonne à rien, tu voulais qu'il arrête de souffrir, et tu le faisais souffrir.

"Tu n'es pas obligé de..."

Mais il poursuivit.

"Et ensuite, j'ai voulu t'aider comme je pouvais, en te montrant ce que tu étais, ce que tu ignorais. Le coté lumineux, celui que tu ne sais pas voir. Je t'ai fait mal volontairement en dévoilant ce que tu étais, tes ennuis, ce que tu étais devenue parce que j'espérais que d'une certaine façon ça rembourserait ma dette."

Faire du mal pour aider, c'était bizarre. Mais ça se tenait. Un peu comme elle quand elle devait soigner sa blessure. Ca lui faisait mal, mais c'était pour son bien. Bon, admettons. En revanche, qu'il dise que c'était pour payer sa dette... Mais de quelle dette parlait-il ? Elle ne l'avait pas aidé pour recevoir quelque chose en retour, il ne lui devait rien. Rien du tout.

"Parce que parfois il faut faire souffrir pour aller mieux. Alors quand tu m'as demandé si tu pouvais sortir, j'ai pensé que... que c'était fait. Que tu avais mal, que tu me détestais, que tu voulais fuir loin comme les autres, que tu ne reviendrais plus. Personne n'était revenu avant. Personne, même pas mes parents. Alors j'ai cru..."

Il se renfrogna un peu plus, et cacha son visage. Il pleurait encore. Jimena le regarda, bouche entrouverte. Que pouvait-elle faire maintenant ? Elle aurait peut-être mieux fait de s'en aller tout compte fait, voilà dans quel état elle le mettait. Parce qu'elle n'avait pas été capable de comprendre. Et à quelques mètres de lui, elle ne pouvait toujours pas l'aider. Il pleurait devant elle, et elle ne pouvait rien faire. Parce que c'était sa faute. Parce qu'elle était stupide. Il s'excusa de nouveau et Jimena se sentit flancher. Elle avait envie de pleurer, pour lui, avec lui. Même ses parents...

"C'est moi qui devrait m'excuser... Je viens de te faire pleurer."

C'était à son tour de parler, elle ne pouvait pas se contenter de dire ça:

"Je voulais t'aider... Et au final c'est pire. J'ai pas compris... J'ai pas compris l'importance que cette peur prenait dans ta vie et j'en suis désolée, ça doit être assez difficile pour toi sans que je ne vienne en rajouter.Je suis désolée d'avoir été aussi égoïste. "

Ne pas craquer. Ne pas pleurer. Sa promesse tenait toujours. Elle ne devait pas pleurer devant lui. Parce que ce n'était pas à lui de la réconforter. Et parce qu'elle ne voulait pas qu'il culpabilise.

"Je... Comment peux-tu vivre en restant seul tout le temps ? En fuyant les autres ? C'est impossible !"

Elle qui cherchait tant à ne pas être seule, comment, comment pouvait-il vivre comme ça ?

"J'aimerai tellement pouvoir faire quelque chose pour toi, quelque chose de vraiment utile..."

L'aider à vivre normalement, si elle le pouvait, elle le ferait vraiment. Tout ça devait être insupportable, elle en avait mal au coeur. Elle se laissait presque à imaginer qu'en étant sorcière, si elle trouvait un sort, elle pourrait le lui jeter. C'était naïf, elle n'avait probablement pas la puissance requise, mais si elle pouvait... Si elle pouvait...

Son visage triste toujours posé sur lui, elle tentait en vain de trouver une solution possible. Une idée, quelque chose.Un truc. Mais rien. Impossible. Faible petite sorcière ne peut aider personne. S'entraîner. Peut-être qu'elle finirait par prendre l'idée d'Adam au sérieux. S'entraîner. Ca devenait presque de plus en plus vital.

Riviére de larmes, océan salé. L'impression de se noyer sur la terre ferme, ses narines obstrués et ses écorchures piquantes sous l'eau qui s'écoulait de ses yeux. L'air qui se faisait rare au fur et à mesure qu'il s'enfonçait dans ses paroles amères. Il coulait. Coulait lentement, à la merci des courant marins.
Il ne pouvait qu'espérer qu'une sirène vienne le remonter à la surface.
Ou le noyer pour de bon.

"C'est moi qui devrait m'excuser... Je viens de te faire pleurer."

Pleurer...
Pleurer n'était qu'un symptôme. C'était la partie visible de l'iceberg, le sang qui coulait de la blessure. La conséquence, pas la cause.
Pleurer n'était pas un mal. C'était d'arrêter de pleurer, d'arrêter de ressentir et de penser qui était horrible. Indolore, mais horrible.
Pleurer... depuis combien de temps n'avait-il plus pleuré ? Pour de bon, et pas uniquement de douleur ? Depuis combien de temps avait-il refusé d'avancer ?

"Je voulais t'aider... Et au final c'est pire. J'ai pas compris... J'ai pas compris l'importance que cette peur prenait dans ta vie et j'en suis désolée, ça doit être assez difficile pour toi sans que je ne vienne en rajouter.Je suis désolée d'avoir été aussi égoïste. "

Il releva la tête, hoquetant, essuya une partie de cette eau sur la manche de sa veste. Il avait envie de se mordre, fort, de se reconcentrer, d'arrêter de pleurnicher comme une fillette faisant un caprice. Mais il ne le devait pas. Pas devant Jimena. Il avait promis de jeter les masques à terre.
Jimena cherchait ses mots devant lui, il le sentait. Elle était coincée dans son empathie, écartelée entre son désir de pleurer pour et avec lui et celui de se montrer forte. Ses yeux brillaient de larmes contenues, minuscules goutelettes qui ne demandais qu'à s'échapper.
Elle avait le droit de pleurer. Le droit de poser le masque.

Il lui adressa un sourire tremblant.

Plus de faux-semblants, plus de masques. Pour nous deux. Pose le tien, pleure aussi.

Mais Jimena était encore sous le coup, tentant de comprendre.

"Je... Comment peux-tu vivre en restant seul tout le temps ? En fuyant les autres ? C'est impossible !"

Il lisait sur son regard son incompréhension.
Solitude... Elle ne voulait plus jamais ressentir de solitude. Comment pouvait-il désirer ça ? Vivre comme ça ?
Si elle savait combien il était facile d'éviter le moindre contact humain. D'éviter la main de la boulangére qui vous tend votre miche de main, de saluer de la main une connaissance à distance, d'éviter un calin en faisant semblant d'être de mauvaise humeur, de faire fuir les potentiels copains en leur adressant quelques mots bien choisis. C'était si facile de finir seul, si facile de rester seul.
Ce n'était pas d'être seul qui était difficile. C'était de vivre avec la solitude. De savoir que personne ne sera là pour vous quand vous aurez besoin d'aide.
C'était de ne faire confiance à personne.
Personne... sauf peut-être Jimena, malgré ce que les autres lui disaient.

"J'aimerai tellement pouvoir faire quelque chose pour toi, quelque chose de vraiment utile..."

Il eut une grimace. Utile. Utilité. Utilisé. Outil. Aucun être vivant ne devrait se définir comme "utile". Lui le faisait mais il était une exception... D'une certaine façon, c'était bien ce qu'il était : un outil. Une protection. Quelque chose d'artificiel. Ce n'était pas pareil.
Un être vivant ne devrait pas se définir par son utilité. Jamais.

Il la regarda. Ses réponses n'avaient fait que lui donner plus de questions, plus de souffrance. Il ne pouvait pas se taire maintenant. Il ne savait pas encore combien de temps il pourrait s'exprimer de façon cohérente avant que les médicaments ne l'emportent... ou qu'un des autres estime qu'il était trop dangereux de lui donner tant d'informations.
Parler. Continuer. Ses larmes avaient un peu diminué, lui permettant de s'exprimer de façon moins haché.

"Ce n'est pas que je veux être seul. Enfin, si, d'une certaine façon. Mais je dois être seul. Avoir des gens à proximité, c'est trop dur. Ils me feraient du mal, et moi je les ferai souffrir aussi. Et puis comment veux tu aimer quelqu'un qui ne te laisse jamais approcher ? Ce que tu ressens maintenant en encore plus fort ? Alors je reste seul. C'est tout. Loin physiquement, mentalement, loin autant que possible."

Il rouvrit la bouche, prêt à lui dire que la solitude était ô combien relative vu ce qu'il avait en tête, mais les cris lui explosérent littéralement le crâne. Survivre à tout prix, ne pas lui parler de ce qu'il était, de ce qu'ils étaient. Jamais !
Douleur supplémentaire. Son visage se tordit pendant qu'il baissait la tête, mains dans les cheveux, tirant sur ses méches. Respirer, faire passer la douleur.
Ne rien lui dire !
Elle n'est pas comme les autres !
RIEN !
Le mot rebondit en écho,, onde de douleur. Il gémit, l'impression que son crâne allait se fendre en multiples morceaux, que sa tête finirait en puzzle dispersé sur le sol. Tenir, attendre.
La douleur finit par se calmer. Il rabaissa ses mains, sa main droite tenant encore une méche de ses cheveux arrachés. A travers ses yeux ruisselant de douleur, il la contempla un instant avant de la laisser se répandre par terre, maigre offrande à une divinité invisible.
Ne pas lui parler des autres. Pas maintenant.

Elle le regardait, visiblement effrayé. Il avait dû avoir l'air plus que fou, pendant quelques secondes.
Fou... Un sourire triste remonta ses lèvres. Oui, fou, c'était peut-être le mot adéquat. Peut-être que tous ces médecins avaient raison sur toute la ligne, après tout.
Mais elle n'était pas folle. Elle....

Encore un cri dans sa tête, un avertissement.
Ses oreilles. Utiliser ses oreilles.
Il tendit la tête, aux aguets. Quelque chose clochait. Il avait la tête trop encombrée pour vraiment vraiment saisir quoi, mais il y avait quelque chose de différent dehors.

Du monde ?

Il lança un regard effrayé à Jimena : "Quelqu'un à la porte. On t'a suivi ?"

Avant même qu'elle n'ait pu répondre, la porte s'ouvrit, la brusque lumière qu'elle dévoilait l'aveuglant.

"Plus de faux-semblants, plus de masques. Pour nous deux. Pose le tien, pleure aussi."

Ah oui, c'est vrai. Elle avait presque oublié. Mais même en le lui rappelant... Elle ne pouvait pas se laisser aller. Non, il fallait qu'elle soit forte, elle se l'était promis. Pourtant... Pourtant elle sentait déjà le flot de larmes arriver. Ses yeux embuées de larmes se fermèrent et de l'eau salé finit par couler sur ses joues. Stop. Ne plus pleurer. Elle se frotta les yeux, repoussant les derniers sanglots.

"Ce n'est pas que je veux être seul. Enfin, si, d'une certaine façon. Mais je dois être seul. Avoir des gens à proximité, c'est trop dur. Ils me feraient du mal, et moi je les ferai souffrir aussi. Et puis comment veux tu aimer quelqu'un qui ne te laisse jamais approcher ? Ce que tu ressens maintenant en encore plus fort ? Alors je reste seul. C'est tout. Loin physiquement, mentalement, loin autant que possible."

... Physiquement d'accord, mais pourquoi mentalement ? Il avait peur qu'on lui transmette ses pensées ? Non, pas à sa connaissance. Alors si pour lui tout contact physique était impossible, il restait les contacts non physiques, comme les portable ou Internet. Enfin elle pensait ça mais, ses amies à elle l'ont bien vite oubliée...

Puis soudainement il se mit à grimacer. De douleur. Il avait mal. Ses blessures ? Pourquoi souffrait-il encore ? Il venait de gober trois anti-douleur, ça devait être suffisant non ? Alors pourquoi... Il se tenait la tête. C'était à la tête qu'il avait mal. Peut-être s'était-il cogné sans s'en rendre compte ? Elle commençait à s'imaginer le pire, et si c'était une blessure interne ? Il fallait l'emmener à l'infirmerie !

"Est ce que ça va ?! Greg !"

Puis il sembla se calmer. Il retira ses cheveux, et dans l'une d'elle était resté une mèche de cheveux. Il venait vraisemblablement de se les arracher. Jimena avait envie de s'approcher, de vérifier qu'il n'avait rien d'autre à la tête, mais elle ne pouvait pas. Alors elle attendit le verdict. Qui ne vint pas. A la place il posa une question plus qu'étonnante. Ainsi qu'inquiétante.

"Quelqu'un à la porte. On t'a suivi ?"

A vrai dire elle n'avait pas vraiment fait gaffe mais elle ne pensait pas que quelqu'un ait pu la suivre... Et pourtant... Elle n'eut pas le temps de répondre que la porte s'ouvrit. Jimena se tourna rapidement, cligna des yeux, et alors qu'elle craignait le pire, le pire arriva. Ils les avaient retrouvés. Merde. Greg n'était pas en état de se battre, et Jim' ne pourrait pas tenir tête aux deux en même temps !

"Trouvééééééééééééééééééééés."

Ils entrèrent sans perdre de temps et le premier se jeta sur Jimena pour l'attraper par le bras, la faisant se relever brusquement.

"Lâche-moi ! Laisse-le !"

Elle se débattit comme une folle pour que l'autre la lâche, mais il la tenait trop fermement. Elle remarqua toutefois que les deux étaient bien blessé, l'illusion de Greg avait due tenir pas mal de temps. Jimena lui donna un coup de genoux dans la cuisse, là ou une tâche rouge apparaissait, il finit par la lâcher en hurlant. Un coup de coude dans le nez et il finit par tituber et tomber par terre. Mais elle ne fit pas attention au second gars, arrivé juste derrière elle. Elle se tournait à peine lorsqu'il lui envoya un coup de poing en pleins visage. Elle tomba par terre, un goût de sang dans la bouche. A ce moment là, tout devint flous pour elle.

Pendant un instant, tout resta figé dans sa tête. Le regard stupéfait de Jimena vers la porte, ses méches libres amplifiant son mouvement de tête. Le montant de la porte qui cognait contre le mur avec un bruit sourd et revenait légérement en arrière, grinçant à peine. L'espèce de troll qui mettait un pied dans la maison, paupières semi-baissées, jaugeant rapidement des forces en présence. Le grand soleil dehors, lumineux et chaud, éclairant un monde ou tout allait pour le mieux.
Mais eux étaient à l'ombre.

"Trouvééééééééééééééééééééés."

Et l'arrêt sur image cessa, les événements s'enchainant.
Le costaud attrapa Jimena , la forçant à se relever. Elle dut suivre le moument, à moitié tirée, tanguant sur ses jambes mal calées. L'autre le suivit, allant vers lui avec un sourire aux lèvres.

"Lâche-moi ! Laisse-le !" à l'extérieur. Jimena.
"Lâche-moi ! Laisse-les moi !" à l'intérieur. Luka.

Il repassa sa main sur son front, tentant de suivre les élèments qui allaient trop vite pour son cerveau embrumée par les médicaments.Un coup de genou, un hurlement de douleur, son cerveau qui pulsait. Un nez explosé, une gerbe de sang chuchotant son nom et une chute monumentale. Puis un coup de poing, des mèches voletantes et un corps au sol.

-Jimena ? Demanda Greg, trop hébété pour bien comprendre. Elle était... tombée ? Elle allait se relever ?
Mais l'adolescente resta au sol, inerte, du sang lui coulant du coin des narines.

Sang... Ca sentait le sang... Frais. Ecarlate. Ferreux.Nourrissant.
Luka s'agitait, tournant comme un lion en cage dans sa tête, prête à sauter sur la moindre issue pour s'évader. Ses ongles étaient prêts à tout mettre en pièces, ses crocs aussi.
Jimena au sol, ne bougeant plus. Une goutte de sang lui tomba de l'aile du nez, la balafrant d'une rayure rubis.
Les deux autres échangeant un rictus de satisfaction devant leur victoire puis lançant un regard de victoire à leur cible première.
Greg coincé contre son mur, hébété., blessé, incapable de faire quoi que ce soit.

Carnage dans tous les cas.

Sang.
Luka.
Jimena.
Agresseurs.
Greg.

Boucherie.

Sang. Luka. Jimena. Agresseurs. Greg.
Sang. Luka. Jimena. Agresseurs. Greg.
Sang. Luka. Jimena. Agresseurs. Greg.
Sang. Luka. Jimena. Agresseurs. Greg.
Sang. Luka. Jimena. Agresseurs. Greg.

Sauver Jimena, coûte que coûte. Greg n'était pas la priorité. Pas maintenant. Sa dette serait payée.

Il tenta de se relever, manquant tomber avec son genou trop faible.Se tenir debout tant bien que mal, adossé au mur alors que les autres approchaient.Regarder les deux brutes, se forcer à ne pas baisser le regard malgré les vertiges.Et les prévenir pour la dernière fois: "Partez. Maintenant. C'est votre dernière chance."

Ils rirent devant ce petit fanfaron, ce gringalet qui ne pouvait même pas tenir debout tout seul, le première année qui avait pour seul crime d'exister.
Ils rirent quand ils le virent reprendre leur sourire.
Petit.
Moyen.
Grand.
Immense. Plein de dents.

Libre. De bouger. De tuer. De dévorer. De massacrer.
Libre d'être à nouveau.
Luka lâcha un petit rire cristallin, son pur comme une clochette d'argent.Il s'arrêtérent instantanément de ricaner.
Libre.

Ces connards allaient le regretter. Le temps de se soigner, et puis elle déchiquéterait chaque lambeau de chair à sa portée, recueillant leur sang pour remplacer celui qu'elle avait perdu. Ils avaient touché à son corps, ces salauds. Enculés. Elle allait toucher au leur. Pas délicatement, non, mais comme un ouragan. Arrachant la peau et les habits. Ecorchant petit à petit la chair. Rongeant délicieusement les os.

Respire, Luka, respire. Ton souffle se tranquillise. Tu te concentres sur ton dos. Là, les vilaines fibres de muscles, tu les sens ? Elles brûlent, hurlent, se consument. Leurs fantômes apparaissent, blanc de mort, pâleur de peste. Froideur de cadavre. Encore un peu...

Et pendant ce temps...
Elle adressa un sourire dément à l'élémentaire d'eau. Toi mon coco, tu vas souffrir. Lentement, péniblement. Cramé à petit feu, puis explosion de carapace à coup de pied, gros homard de merde. Mais en attendant...
Son sourire s'élargit alors qu'elle prenait le contrôle de son corps.
En attendant mon poto, va buter ton copain. Lentement. Tiens, regarde cette hache, là. Rouillée. Pourri. Merdique, comme toi. Juste un petit coup là, dans l'espace tendre entre les vertébres. Tape.
La hache s'enfonça avec un bruit visqueux dans le dos du plus costaud, des gerbes de sang en jaillissant, éclaboussant les murs.

Que le jeu commence.

Un soupir lointain, elle entendit vaguement son nom mais il s'agissait plus d'un songe qu'un réel appel. Elle luttait contre l'envie de se laisser aller à son sommeil mais finit par craquer, plus de sang, plus de douleur, plus rien.

Elle eut du mal à émerger et resta un long moment couchée par terre sans bouger. Puis le goût du sang lui revint en bouche et elle se mit à cracher de dégoût. Redresser sur ses avant-bras elle ouvrit lentement les yeux. Eblouit par la lumière elle les referma puis se mit à réfléchir. Quelque chose n'allait pas.

Du sang. Il provenait d'une blessure, on l'avait frappée. Greg. Elle se souvenait. Tout lui revint en mémoire. Mais y'avait un truc qui clochait... On l'avait frappée dans la cabane, elle avait perdu connaissance dans la cabane... Sous ses mains c'était de la terre, ce petit vent frais et la lumière qui l'éblouissait autant... Elle rouvrit les yeux et comprit qu'elle était dehors à présent. Mais pourquoi ? Qui l'avait mise là ? Elle plissa les yeux et tourna la tête doucement, elle grimaça lorsque ce mouvement raviva la douleur au niveau de son visage. Doucement elle fit monter une main jusqu'à la plaie. Le sang était séché, elle devait être affreuse, pitoyable dans cet état. Tant pis. Elle murmura en essayant de se redresser:

"G..Greg ?"

Elle ne comprenait pas. C'était encore un tour des autres ? Une fois qu'elle eut finit de se redresser, elle se frotta les yeux et les ouvrit une bonne fois pour toute. Greg était devant elle, il la regardait et il était... Couvert de sang. Le sien ?

"Q'est ce que..."

Elle ne comprenait pas. En se retournant elle vit la cabane, il ne l'avait pas déplacé de beaucoup. Mais pourquoi l'avait-il fait ?

"Qu'est ce qu'il s'est passé ? Ou sont les deux... ?"

Elle se remit sur ses pieds prête à retourner dans la cabane pour les retrouver, mais il lui demanda de ne pas le faire. Elle se retourna vers lui, le regarda avec un visage remplit d'incompréhension. Elle était fatiguée, venait de se prendre un coup, c'était pas le moment de la mettre sur les nerfs? Qu'est ce qu'il s'était passé bordel !

"Pourquoi ?"

Il ne répondit pas tout de suite. Jimena fit un pas en arrière.

"Qu'est ce qu'il s'est passé ?!"

Il lui demanda simplement de lui faire confiance. Lui faire CONFIANCE. Agacée, frustrée, fatiguée, elle lâcha :

"Faire confiance. C'est ironique de la part d'un gars qui ne fait confiance à personne."

Marre de tout ça putain. C'était quoi encore ce problème ? Si elle ne voulait pas qu'elle rentre, c'était probablement parce qu'il les avaient mit en pièce, même si elle n'imaginait pas à quel point. Mais pourquoi, POURQUOI il ne l'avait pas fait avant ?! Pourquoi il l'avait laisser s'embarquer là-dedans ?! Pourquoi avait-il attendu de se faire tabasser avant de réagir ? Pourquoi avait-elle voulu l'aider? Pourquoi était-elle resté aussi longtemps avec un gars pareil ? Pourquoi s'était-elle inquiété pour lui ? Pourquoi, pourquoi POURQUOI ? Elle n'en savait rien, il ne lui avait rien dit. Rien. Et il continuait de ne rien lui dire. Et elle devait juste faire confiance sans rien dire ?

"J'en ai juste assez... De me retrouver à t'aider sans même savoir pourquoi. Je sais rien, j'agis sans savoir, j'y vais à l'aveugle, je sais jamais si je fais bien ou pas, et là tu... Tu veux encore rien me dire, je dois encore te faire confiance. Me taire et dire oui comme un bon soldat ? J'en peut plus..."

Elle finit par se rasseoir, se recroquevillant sur elle-même. Qu'est ce qui lui arrivait...

Vomir. Son premier réflexe en rouvrant les yeux avait été de rendre ses tripes.
C'était immonde. Immonde. Un étalage obscène de barbaque et de boyaux, l'étalage d'un charcutier psychopathe et sadique. Chair et os disposés selon un motif incompréhensible, témoin d'une logique déviante. Lumière rougeâtre, écho des giclures sanguinolentes qui recouvraient désormais les murs.
Et l'odeur, l'odeur...
Greg n'avait eu que le temps de se pencher sur le coté et de tout recracher. Il avait refermé les yeux, ne voulant pas voir ce qu'il avait en bouche, en estomac. Le goût ferreux et acre sur sa langue lui suffisait amplement, il ne voulait avoir la preuve de ce que Luka avait avalé. Surtout pas. Il ne pouvait pas s'accorder le luxe de redisjoncter encore une fois.

Il devait s'occuper de Jimena. Si jamais Luka n'avait pas respecté sa promesse, tout ça n'aurait servi à rien, et ça il ne pourrait pas se le pardonner.

L'adolescent se redressa, essuyant un dernier filet de bile de ses lèvres. Son dos allait mieux - la nécromante l'avait-elle soigné ?- mais son corps tremblait, agité de haut-le-coeur. Il tenta de respirer pour se calmer ; son estomac commença aussitôt à remonter.
Par la bouche. Uniquement par la bouche, et le moins possible.

Rouvrant les yeux, il se concentra sur son but. Jimena. De l'autre coté de la pièce.
Il la voyait allongée par terre, visage caché par ses méches de cheveux. Elle était... tombée, c'est ça ? Non, avait pris un coup ? Ses souvenirs étaient flous, encore plus embrouillés par ce que les souvenirs de Luka qui commençaient à remonter contre son gré.
Il l'avait vu tomber, oui. Presque sûr. En arrière, face vers le plafond, mains sur sa blessure au visage.
Vraiment ? Mais maintenant... Visage vers lui, caché sous sa chevelure. Bras devant elle. Plus la même position. Est-ce qu'elle l'avait vu ? L'avait vu faire ? Sentiment d'horreur. Ou est-ce que ...
Position changée. Visage dissimulé. Du sang tachant ses vêtements, ses cheveux. Inerte.

Elle avait l'air morte.

Il traversa la pièce en quatre enjambées, ne prêtant même pas attention au sol, gluant de sang à moitié coagulé. Faites qu'elle respire, pitié, qu'elle soit vivante ! Il s'approcha d'elle et s'agenouilla, sa panique effaçant temporairement sa phobie. De sa main gantée - n'était-il pas mains nues avant ? Qu'avait fait Luka qui nécessitait de... non. Non ! Ne pas y penser ! - il écarta le rideau brun qui lui cachait la vue, persuadé de tomber sur un carnage, que Luka n'avait pas respecté sa promesse, que tout ça n'avait servi à rien.

Visage couvert de sang. Rouge sombre recouvrant ses joues, ses lèvres. Sang de qui ?
-Jimena...
Ses paupières papillonnèrent, lui arrachant un soupir de soulagement tellement violent qu'il crut expirer tout l'air de ses poumons. Vivante. Elle était vivante. Elle avait dû recevoir un coup - oui, c'est ça , un coup au visage, il le revoyait - qui l'avait blessée, mais elle était vivante. Vivante. Tout ça n'avait pas servi à rien.

La sortir, maintenant. Elle était presque consciente, et il ne voulait pas qu'elle se réveille ici. Trop traumatisant. Lui-même avait du mal à empêcher son esprit de basculer et il était d'une certaine façon le boucher, alors une adolescente aussi innocente et sensible qu'elle n'y résisterait pas.

Son gant plein de sang dérapa sur la poignée mais finit par l'abaisser, laissant un peu plus de jour éclairer la boucherie, révélant encore plus l'horreur qui s'était passé là. Il essaya de mettre de coté les nouvelles atrocités qu'il voyait, Jimena était prioritaire. Les flash-back vomitifs, ce serait pour plus tard. L'attrapant par les aisselles, il la tira, remerciant mentalement Luka de lui avoir soigné son dos.
Le sourire sanglant qu'elle lui décocha en réponse le fit frémir.

Il l'amena jusqu'à le pelouse devant la cabane, trop faible pour aller plus loin. Il aurait donné cher pour l'emmener hors de vue de l'abri ou mieux, jusqu'à l'infirmerie, mais son corps ne tiendrait pas. Il était déjà faible en temps normal, alors après cette matinée il ne pouvait pas espérer de miracle.
Il la laissa là un court instant pour aller fermer la porte et dissimuler la vue du carnage. Mais rien ne pourrait effacer les empreintes de semelles sanglantes qu'il avait laissées sur le seuil de la porte. Rien ne pourrait effacer ce qu'il avait fait.

Ne pas y penser. Jimena avant. La culpabilité, les responsabilités, ce serait pour après.

Mais une fois revenu vers elle, Greg se rendit compte qu'il ne pouvait plus l'approcher. La panique quant à sa survie l'avait poussé à la côtoyer, mais là, Jimena survivrait. Il n'y avait plus de raison de paniquer. Plus de raison d'outrepasser sa phobie. Plus de proximité.

Et il faisait quoi maintenant ?

Il aurait donné cher pour trouver de l'aide pour soigner la jeune fille, mais ça voulait dire s'éloigner et ne pas être là quand elle se réveillerait, ne pas être là pour l'empêcher d'ouvrir cette porte. Impossible.
Ou se laver. Enlever au moins le sang qu'il sentait se coaguler sur son visage, masque immonde qui lui rappelait ce qu'il avait fait. Masque qui ne ferait que terrifier Jimena à son réveil, en plus. Mais pas d'eau à proximité. Peut-être derrière le cabanon, mais c'était encore trop loin.
Et par dessus tout, il aurait voulu ne pas se souvenir. De son réveil, oui, mais de ce qui s'était passé avant. Luka finissait de déverser ce qu'elle avait fait dans sa tête, et il savait qu'elle avait "joué" avec une hache. Et un sécateur. Et des tuteurs pour potager aussi. Et qu'ils avaient hurlé. A s'en exploser littéralement les cordes vocales pour l'un d'eux.

Haut le coeur, encore un, qui l'expédia à genoux sur la pelouse. Il ne ferma pas assez vite les yeux, vit le crachat rouge sur le gazon.

Il aurait donné cher pour ne pas être lui.

"G..Greg ?"

Elle était réveillée. Il se redressa, revint vers elle et s'arrêta devant elle, laissant deux bons mètres entre eux deux. Plus pour sa sécurité que pour la sienne. Il était effrayant, couvert de sang des pieds à la tête. Et il était dangereux, il venait juste de le prouver. De la distance, pour elle.

"Q'est ce que..."

Elle cherchait à comprendre. Comment était-elle arrivée là ? Pourquoi étaient-ils seuls ? Qu'est-ce que c'était que tout ce sang ? Qu'est ce qu'il venait de se passer ?!
Greg ouvrit la bouche... et ne trouva pas le courage de parler. Dès qu'il parlerait, elle hurlerait et s'enfuirait. Il était un monstre qui venait de massacrer deux personnes, qui pouvait péter les plombs à tout moment, qui avait la possibilité de faire n'importe quoi à n'importe qui. Ces mots-là, il aurait dû les lui dire, mais ils restaient coincés dans sa gorge, résumé de sa vie qui ne voulait pas être prononcé.
Elle se retourna, vit la cabane. De là ou il était, Greg voyait nettement les traces sanglantes de ses chaussures, miettes de pain d'un petit poucet meurtrier.

"Qu'est ce qu'il s'est passé ? Ou sont les deux... ?"

Elle se remit sur pied, décidée à retourner dans la cabane pour retrouver les deux autres. Voir ses traces. Ouvrir la porte.

-Non, n'y va pas ! T'approche pas !

Il avait crié, sans le faire exprès, sous le coup de la panique. Il ne voulait pas qu'elle soit traumatisée. Ou qu'elle voie ce qu'il avait fait. Il ne le supporterait pas. Le regard d'incompréhension qu'elle lui lança lui fit mal, mais pas aussi mal que la terreur qu'il lirait dans ses yeux si jamais elle poussait le battant de cette porte.

"Pourquoi ?"

Parce que... La boule dans sa gorge l'empêchait de formuler une phrase de réponse. Il entendit en écho dans sa tête le rire de Luka, étrangement proche dans sa stridence affolée des hurlement de douleur qu'avait laissé échapper l'élémentaire d'eau à la fin de son "jeu". Ne pas y penser.
Jimena recula d'un pas. Un pas grand comme le monde. C'était sans aucun doute mieux pour elle, mais ça lui faisait mal.

"Qu'est ce qu'il s'est passé ?!"

Il secoua la tête, désespéré. Il devrait lui expliquer, oui, mais il ne devait pas oublier quelle était sa priorité. Ne pas la laisser ouvrir la porte. Ne pas la laisser voir ça.

-Fais moi confiance, n'y va pas. Tu ne veux pas voir ça. Crois-moi, n'y va pas.

"Faire confiance. C'est ironique de la part d'un gars qui ne fait confiance à personne." commenta-t-elle méchamment.

Un autre coup au coeur. Elle n'aurait pas pu lui faire plus mal. Il avait libéré Luka pour qu'elle ne soit pas blessée. Il avait tué deux personnes. Il devrait vivre avec ça sur la conscience.
Est-ce qu'on fait ça pour le premier passant venu ?

-J'essayais.. J'essaie de te faire confiance... dit-il faiblement. La fin de sa phrase montait, laissant entendre une note d'interrogation. Est-ce que ça valait vraiment le coup qu'il essaie ? Elle ne pourrait jamais lui accorder la sienne en réponse, même s'il y arrivait... non ?

"J'en ai juste assez... De me retrouver à t'aider sans même savoir pourquoi. Je sais rien, j'agis sans savoir, j'y vais à l'aveugle, je sais jamais si je fais bien ou pas, et là tu... Tu veux encore rien me dire, je dois encore te faire confiance. Me taire et dire oui comme un bon soldat ? J'en peut plus..."

Elle craquait. C'était plus que compréhensible. Mais que devait-il lui dire ? Qu'il avait voulu la protéger et que ces deux-là étaient morts à cause de ça ? Ca ne la ferait que plus souffrir encore.
Il ne devait pas le lui dire. Garder la faute pour lui. Après tout, c'était vraiment sa faute, il aurait dû rester seul. Il avait enfreint ses propres règles.

-Ils sont morts, et c'est à cause de moi. J'ai laché prise, j'aurais dû tenir encore un peu. C'est tout ce qu'il y a à comprendre. Ils sont morts par ma faute.

Il sentit des larmes chercher à rouler sur ses joues, tenta de les retenir. Ca n'allait pas aider Jimena. Vraiment pas.
Ces deux-là voulaient le tabasser, oui, c'était vrai. Mais le tuer ? Non, sûrement pas. Enfin, probablement pas. Ils avaient des camarades, des copains, de la famille : des gens à qui il manqueraient. Ils étaient peut-être du genre à filer un coup de main à leurs amis pour faire leur devoir, ou à faire la vaisselle pour rendre service à leur mère, ou à faire le con en classe pour empêcher les foudres du professeur de s'abattre sur leurs camarades.
Morts à cause d'un tabassage malchanceux. Juste un petit acte qui avait entrainé tant de souffrance et de sang. Morts à cause de lui.
Les larmes perlaient, dégringolaient. Il détourna la tête dans l'espoir qu'elle ne les voie pas.

-Je vais devoir vivre avec les images de ce qu'elle a commis là dedans. Il n'y a pas de raison pour que tu aies à supporter ça toi aussi. J'aurais juste dû rester seul, tu n'aurais pas eu à faire face à ça. C'est ma faute, j'assume.

Il s'humecta les lèvres, espérant s'être fait comprendre.

-Alors s'il te plait... N'ouvre pas cette porte. Pour ton bien.

"Ils sont morts, et c'est à cause de moi. J'ai laché prise, j'aurais dû tenir encore un peu. C'est tout ce qu'il y a à comprendre. Ils sont morts par ma faute."

Encore une fois, Jimena resta dans le flou. Laché prise quoi ? Tenir encore un peu pour quoi ? Il les avaient bien tués alors ? De toute façon il était évident que c'était le cas, le sang, tout ce sang... Par terre, sur lui. Mais qu'avait-il fait ? Jimena était partagée entre l'envie de le fuir et celui de se dire qu'à elle il n'avait rien fait, au contraire. Il l'avait même sortie de là, probablement pour ne pas qu'elle voit tout ce qu'il s'était produit. Quel genre de personne était-il au final... Elle ne le savait toujours pas.

Enfin presque pas. Il était du genre à pleurer. Il tourna la tête, espérant qu'elle ne l'ait pas vu, mais Jimena n'était pas aveugle. Il était aussi affecté qu'elle par ce qu'il venait de se passer. Ou alors il jouait trop bien la comédie. Mais elle écarta rapidement cet éventualité, elle était stupide.

"Je vais devoir vivre avec les images de ce qu'elle a commis là dedans. Il n'y a pas de raison pour que tu aies à supporter ça toi aussi. J'aurais juste dû rester seul, tu n'aurais pas eu à faire face à ça. C'est ma faute, j'assume. "

Remords. Pour quelque chose qu'il prétendait n'avoir pas commis. "Elle", "Elle" a commis le massacre. Mais qui c'était "elle" ? Une fille arrivée de nulle part pour les aider ? Non, il avait parlé de lâché prise. Peut-être qu'il souffrait d'une sorte de dédoublement de personnalité... Mais à quoi pensait-elle ?! Elle réfléchissait trop, stop, sa tête lui faisait mal à nouveau. Tout ce qu'elle voulait maintenant, c'était aller se morfondre au fond de son lit, dormir si elle le pouvait. Elle ne repasserait probablement pas par la case infirmerie, d'abord parce qu'elle en serait trop nerveuse, ensuite parce qu'elle ne se voyait pas expliqué qu'elle s'était faite frapper en cours. Aucun sens.

"Alors s'il te plait... N'ouvre pas cette porte. Pour ton bien."

D'accord. D'accord, elle n'ouvrirait pas. Mais par pitié arrêtes de pleurer ! Souffrance, culpabilité, douleur. Jimena n'avait rien voulu de tout ça. Lui non plus. Ce n'était pas leurs faute. Ce n'était pas sa faute. Elle n'ouvrirait pas la porte. Elle ne saura jamais ce qu'il s'était réellement passé. Donc elle pouvait se laisser imaginer. Penser ce qu'elle voulait. Greg s'était battu, ou plutôt "elle" s'était battu, d'une façon un peu violente, mais n'avait fait que les assommer. Ils étaient toujours vivants, à l'intérieur. En mauvais état, mais toujours vivant. Elle tentait de s'en convaincre. De toute ses forces elle voulait y croire.

"Je n'irai pas."

Rentrer maintenant. Partir loin et se persuader que tout est bien qui finit bien. Rentrer.

"Greg... C'est pas ta faute tout ça... C'est pas notre faute, on a fait que... Se défendre..."

Un pas en avant, sa tête se mit à tourner légèrement. Elle grimaça. Aller debout, marche, ne pas s'écrouler maintenant, elle luttait contre l'envie de se rasseoir par terre.

"Je te propose de rentrer maintenant..."

Oublier tout ça, ne plus en parler. Fatiguée. Rentrer. Dormir. Maintenant. Avancer. Elle se mit à marcher dans la direction du lycée. Puis se demandant s'il la suivait, elle se tourna un peu, doucement. Jimena voulait juste passer à autre chose, oublier tout ça. Tout comme cette soirée avec Flandre. Il ne s'était rien passé. Rien. Rien.

"Ca va mieux au fait ? Tu peux marcher ?"

Sa blessure au dos lui revint en mémoire. Pourrait-il marcher seul ou devrait-elle l'aider ? Il avait l'air bien pâle. Non pas à cause de sa blessure qui n'en était plus une, mais bien à cause du carnage qu'il avait eut devant les yeux. Seulement elle ne pouvait pas le savoir. Pitié qu'il puisse marcher, elle ne se sentait pas de se porter et de le porter même si il n'aurait probablement pas accepté.

Jimena était assez lunatique finalement. Un tel revirement... Etait assez difficile à croire. Une minute auparavant elle était prête à craquer, hurler, et là, elle n'aspirait qu'à une chose, dormir.

"Je n'irai pas."

Les mots mirent une seconde à prendre tout leur sens.
Elle n'irait pas. Elle le croyait. Elle acceptait de l'écouter.
Elle... lui faisait confiance ? Non ?
Elle était fatiguée. Elle ne voulait pas le voir pleurer voilà tout.
Mais elle l'écoutait. Choisissait de l'écouter. Malgré ce qu'il venait de faire, de lui avouer. C'était ça, la confiance, non ?

"Greg... C'est pas ta faute tout ça... C'est pas notre faute, on a fait que... Se défendre..."

Greg secoua la tête, désespérément. C'était pas ça, pas ça du tout. Elle, elle n'avait rien à y voir. Et c'était sa faute, totalement sa faute. S'il n'avait pas laissé volontairement les commandes à Luka, peut-être qu'ils seraient partis au bout de quelques coups, ou qu'un autre aurait pris les commandes, ou qu'il y serait resté. S'il ne les avait pas défendus, peut-être qu'ils seraient toujours vivants. S'il ne l'avait pas laissée s'approcher, leurs corps ne seraient pas éparpillés dans cette cabane.
Sa faute, quelle que soit la façon dont on tournait la situation.

Elle avança d'un pas vers lui, il recula de la même distance. Garder la distance. Il ne se faisait pas confiance.
Elle ne s'en rendit pas compte, vacilla légérement, une grimace se dessinant sur son visage. Tension. Douleur. Choc. Traumatisme ? Elle s'était pris un coup en pleine figure et avait perdu conscience. Elle devait aller à l'infirmerie le plus vite possible.

"Je te propose de rentrer maintenant..."

Rentrer... Où ça ?
Il ne retournerait probablement jamais à son dortoir. Il venait de tuer deux élèves d'une façon atroce, on ne le laisserait certainement pas en liberté. Aller simple pour l'asile ou la prison, sans aucun doute. Retour à la case départ, mais dans un pire état. Tout ça n'avait servi à rien à part à rendre son pouvoir encore plus incontrôlable, dangereux. A rien.

Il se retourna un moment vers la cabane. Pouvait-il effacer les traces, brûler le tout, et oublier ? Après tout, ces deux-là ne manqueraient peut-être à personne, et Luka avait déjà commencé à brû-
Haut-le-coeur, encore un, qu'il essaya de réprimer pour ne pas alarmer encore plus Jimena. La bile monta puis redescendit, ne laissant derrière elle que cet immonde goût de viande sanglante.
Non. Définitivement non. Ne pas se mentir, ne pas se leurrer. Sinon, il commencerait à confondre la réalité et les fantasmes, lui et les autres, ce qu'il devait faire et pouvait faire. Commencer à dissimuler ses traces, et puis quoi encore ? Se concocter un alibi ? Eliminer les témoins ?
Jamais. Jamais!

"Ca va mieux au fait ? Tu peux marcher ?"

Sa voix l'interrompit dans ses pensées, le faisant légérement sursauter. Il tourna la tête, la regarda, roseau souple vacillant sous un vent inexistent. Elle s'inquiétait pour lui, encore maintenant, alors qu'il la voyait lutter pour tenir debout. Elle l'attendait alors qu'elle venait d'entendre de sa bouche le danger qu'il représentait.
Confiance... Il avait envie de repleurer. Pourquoi fallait-il qu'il comprenne ce que c'était au moment-même où il allait en être privé ?
Putain de vie.

Ca va. Plus de douleur au dos. J'arrive.

Il jeta un regard autour de lui, essayant de mémoriser le maximum d'informations sur ces derniers instants de liberté. La chaleur du soleil inconscient de ce qui se cachait dans l'ombre. L'odeur fraiche et mouillée des feuilles - avait-il plu pendant que... ne pas y penser. Les coassements de corbeaux un peu plus haut, s'envolant loin de ce lieu de carnage. L'impression d'une vie alentour, d'une vie qui bientôt ne serait plus qu'un vague souvenir, triste comme une carte postale posée sur une étagère vide.
Bruit de glissate. Il reporta son attention sur Jimena qui avait manqué perdre l'équilibre. Il se précipita vers elle, mais elle se rétablit toute seule et reprit sa marche hésitante. Il la suivit à quelques pas de distance, espérant qu'elle tiendrait le coup. Il ne pensait pas pouvoir la toucher et même s'il l'avait pu, il ne l'aurait pas voulu. Pas avec ces gants imbibés de-
Ne pas y penser. Ce n'était pas le moment. Quand elle serait en sécurité, pas avant.
Pourvu qu'ils arrivent rapidement à l'infirmerie. Il avait de plus en plus de mal à refouler tout ça.

La séparation arriva plus vite qu'il ne le pensait. Ils devaient marcher depuis seulement quelques minutes, Jimena s'appuyant sur les arbres du bord du chemin lorsqu'il vit une ombre tomber du ciel, fondre un peu devant eux sur le sentier. Une grosse ombre, plus grosse que lui.

-Jimena, stop ! Ne bouge plus !

Elle s'arrêta là où elle était, répartissant plus de poids sur l'arbre qu'elle touchait pour ne pas tomber. Il ne lui laissa pas le temps de poser une question, avalant la distance qui les séparait en trois grandes enjambées et se postant devant elle.
L'ombre se redressa plus loin. Une jeune fille ailée, bien campée sur ses pieds, les regardant froidement. Sa veste était brodée de l'insigne du comité.
Il sentit son estomac se tordre, ses yeux piquer. Non. Tenir, assumer ce qu'il avait fait. Mais d'abord...

-La jeune fille derrière moi s'appelle Jimena. Elle faut l'emmener à l'infirmerie dès que possible, elle a subi un gros choc. Elle n'a rien fait de mal.

Il crut entendre la voix de Jimena derrière lui, mais n'en tint pas compte. Tenir, assumer. Ne pas craquer.
Du bruit dans les fourrés un peu en arrière. L'animorphe n'était pas venue seule. Tant mieux. L'adolescente pourrait être soignée de suite. Ne pas détourner le regard pour autant, ne pas laisser l'animorphe s'approcher sans prévenir.
Plus que le gros morceau à avouer. L'énorme morceau. Vite, avant qu'ils ne soient trop proches.

-Je suis... Greg. Gregory Ogramann, élève. Deux élèves viennent de mourir à cause de moi. Je suis prêt à vous suivre sans résistance, mais par pitié ne me touchez pas. Je ne peux pas désactiver mon pouvoir, et un massacre est suffisant.

Il s'avança doucement vers l'animorphe, évitant tout geste brusque. Derrière lui, du bruit ; quelqu'un venait de rejoindre Jimena.

"Adieu Jimena. Désolé pour tout" lâcha-t-il sur un ton de regret.

L'heure des adieux était venue.

Le monde tournait étrangement. Pourquoi il ne s'arrêtait pas ? Mais de vertiges en vertiges, d'arbres en arbres elle parvenait à avancer. Heureusement, de temps en temps ses vertiges s'arrêtaient. Elle tentait alors de regarder derrière elle pour constater que Gregou (Huhu) était toujours là. Il n'avait plus l'air d'avoir mal au dos, pourtant il restait blanc comme un linge. Mais il ne pleurait plus. Il réfléchissait. Jimena n'imaginait que trop bien ce à quoi il pouvait penser. Nouveau vertige, elle failli tomber mais se rattrapa.

Continuer de marcher. Jusqu'à ce que :

"Jimena, stop ! Ne bouge plus !"

Quoi, pourquoi ? Quoi encore ? Pitié que ce ne soit rien de grave, elle ne supporterait pas. Elle se stoppa s'adossant contre un arbre puis tourna la tête vers lui. En fait il vint se poster devant elle comme pour la protéger. Regardant par dessus son épaule elle vit une fille ailée, cheveux noir, insigne du comité. Elle l'avait déjà vu. Déjà rencontré. Déjà parlé. Adam. Forêt brumeuse. V. Vika, c'était Vika. Ainsi donc elle faisait partie du comité de sécurité ? Comité, comité... L'information mit du temps à germer dans sa tête et à faire apparaître toutes les dimensions de ce que ce qu'elle apportait. Le Comité. Là pour Greg. Il allait avori des problèmes.

"La jeune fille derrière moi s'appelle Jimena. Elle faut l'emmener à l'infirmerie dès que possible, elle a subi un gros choc. Elle n'a rien fait de mal."

Non mais attendez il disait n'importe quoi, elle allait très bien ! Se décrochant du mur pour le prouver, elle sentit sa tête tourner de plus belle, alors elle préféra rester sagement adossé à l'arbre. Elle préféra aussi prostester de vive voix.

"Non mais je vais très bien..."

Il reprit la parole et la coupa dans son élan.

"Je suis... Greg. Gregory Ogramann, élève. Deux élèves viennent de mourir à cause de moi. Je suis prêt à vous suivre sans résistance, mais par pitié ne me touchez pas. Je ne peux pas désactiver mon pouvoir, et un massacre est suffisant."

Il venait de... D'avouer au Comité... Non ! Il avait menti ! Ils n'étaient pas mort à cause de lui, c'était pas vrai, pourquoi avait-il dit ça ?! Il s'éloigna d'elle pour rejoindre Vika et Jimena le regardait impuissante. Elle allait répondre, le défendre, elle fut surprise lorsque quelqu'un lui attrapa le bras doucement. Elle ne l'avait même pas entendu arriver. Pourquoi ? Elle le regarda un instant, paniquée. Puis reposa ses yeux sur Greg lorsqu'il reprit la parole.

""Adieu Jimena. Désolé pour tout"

Elle se dégagea de l'emprise du grand brun probablement du Comité pour faire un pas vers Greg puis regarder Vika.

"Non mais il a rien fait c'était pas sa faute ! J'étais là il n'a fait que se défendre je t'en prie Vika il n'y ait pour rien, je peux témoigner !"

Ses yeux embués de larmes, elle cherchait un moyen de le sortir de là. Mais y'avait rien à faire, elle ne pouvait pas non plus nier tout ce qu'il s'était passé... Nouveau vertige, l'autre la repris par le bras l'empêchant de tomber.

"C'est pas sa faute..."

Partit. Ils étaient partit. Le brun finit par prendre Jimena dans ses bras pour l'emmener à l'infirmerie, endroit dans lequel elle n'avait pas envie de retourner. Elle priait simplement pour qu'ils soient indulgents envers lui. Qu'il n'ait pas trop de problème. Elle espérait... Elle espérait...