Un retour aux sources... Que de souvenirs ... [pv]

Cela faisait maintenant quelques temps que la jeune bibliothécaire avait accepté d’être une démone réelle. Elle s’était maintenant habituée à ses nouvelles capacités physiques, mais avait toujours un peu de mal à ne pas cuire sa viande avant de la manger. Elle n’avait pour le moment ni croiser Shygana, ni croiser Suzuki, ni même une ancienne connaissance. Elle passait son temps enfermée dans la bibliothèque à faire des recherches sur son ancêtre Gilgamesh, ou bien enfermée dans sa chambre. Ce n’était pas vraiment bon pour sa santé ni pour son moral, elle qui passait tant de temps à l’extérieur avant tout cela. C’est comme si elle avait perdu goût à la vie, surtout depuis son retour de la croisière du malheur. Le revoir si près d’elle… et le perdre à nouveau dans la profondeur des couloirs de l’école. Ne plus avoir eu de contact avec un autre après cette fameuse conversation dans sa chambre sur le bateau. Elle les avait perdu tout les deux, et sont envie d’être plus puissante n’avait en rien changé les choses, au contraire, elle était encore plus seule qu’avant.

D’ailleurs, elle était seule en ce moment même. La pâleur du jour se fit sentir à travers ses rideaux, et un faible rayon de soleil s’insinua discrètement entre les plis pour venir délicatement caresser le visage de notre démone. Son visage était paisible et calme, et on pourrait presque penser qu’elle avait l’esprit tranquille. Mais personne ne pouvait savoir à quel point celui-ci était tiraillé entre l’envie de tuer et l’envie de se tuer. Elle était certes bien plus forte que cette envie de se faire un quelconque mal, cependant c’est ce qu’elle faisait. Elle se tuait à petit feu en restant ainsi refermée totalement, sur elle-même et dans cette chambre ou cette petite pièce qui lui servait de bureau dans la bibliothèque.

Aujourd’hui n’était pas un jour plus différent que les autres. Seulement voilà, la jeune femme avait décidé d’aller passer un peu de temps sur le toit du lycée. Sa tranquillité et sa vue lui manquait un peu. De là-haut on pouvait voir si loin que s’en était presque effrayant pour quelqu’un qui n’a pas voyager ou peu. Précisa, pour qui beaucoup d’endroits n’avaient pas de secrets, aimait simplement venir là pour se remémorer tout les bons moments qu’elle avait pu passer, avec eux, avec Saphire, avec d’autre. C’est donc pour se rappeler de tout cela qu’elle décida aujourd’hui de s’y rendre.

Le soleil qui avait filtré dans sa chambre avait réussit à réveiller la belle endormie, qui ouvrir un œil, puis l’autre, avant de sortir tranquillement du lit. Elle avait déjeuné sur le pouce, avait prit une douche bien chaude, puis s’était revêtue d’une petite robe violette, d’une paire de collant et d’un petit gilet noir. Il ne faisait pas encore suffisamment chaud à cette saison pour se permettre de sortir sans gilet. Elle sortie ensuite, laissant son épée posée contre le mur. Elle parcourut les couloirs encore vides de l’école, et parvint sans croiser âme qui vive au toit. Il n’y avait personne, et la jeune femme en était plutôt contente. Elle n’avait pas envie de voir du monde ce matin… Elle allait avoir une bonne surprise !
Elle alla jusqu’au bord du toit, ou elle s’assit, les jambes dans le vide. Son regard alla se perdre sur l’horizon, et ses pensées quittèrent la réalité pour se plonger dans le passé, lorsque Saphire était encore là. C’était de très bons moments. Ce fut malheureusement bien court. Elle avait si douce et si patiente avec la démone, la Belle et grande Saphire, si élégante, si appréciée de tous. A sa pensée, la démone au cœur froid qu’elle était devenue ne parvint pas à effacé la chaleur du cœur de Précisa, qui versa une larme. Cette larme glissa le long de sa joue avant de venir brutalement s’écraser sur sa cuisse. La jeune femme ne prit pas la peine de l’essuyer. Elle était bien trop triste. Le sort de son amie avait été si terrible, que se le remémorer lui faisait revivre entièrement la scène comme si elle avait été là. Elle était bien contente que personne ne soit présent sur ce toit, parce qu’alors elle aurait perdu du pouvoir. On ne devait pas la voir pleurer ainsi. Et pourtant, elle avait tant envie de crier sa peine au monde. Ils l’avaient laissé, tous autant qu’ils étaient ! Rourounet, Saphire, Eldun, Suzuki, Shygana. Tous étaient partis dans des directions opposés, l’avaient laissé seule se débrouiller. Et pourtant elle souhaitait tellement leur présence à ses côtés. Si tous n’étaient pas partis, peut-être serait-elle bien plus puissante aujourd’hui, et qu’elle n’aurait pas eu besoin d’effacer sa part humaine.

Un oiseau passa devant la jeune femme qui le suivit du regard, jusqu’à ce qu’il disparaisse sur l’horizon. Pourquoi avaient-ils tous décidé de s’en aller au loin d’elle, comme cet oiseau s’en allait de l’école. Maintenant, ce n’était plus une larme, mais un flot qui coulait des joues de la jeune femme. Son cœur venait de se briser un peu plus en milliers d’éclats qu’il était presque impossible de recoller. Elle maudissait toutes ses personnes qui lui aveint prit ceux qu’elle aimait, elle se maudissait elle-même de n’avoir su les protéger, elle maudissait le monde entier. Puis elle entendit la porte du toit s’ouvrir, des pas s’avancer. Ses larmes se figèrent, presque instantanément, et elle attendit un quelconque signe qui lui montrerait que la personne qui venait d’arriver repartirait aussi sec en la voyant là. Mais au lieu de pas s’éloignant, elle entendit la personne s’approcher, puis une voix qu’elle reconnaitrait entre mille.

Un matin comme les autres où le calme régnait... trop calme même. Où était passé Shygana? Il n'était pas dans son lit qui avait été soigneusement fait. Celui-ci était parti faire son petit entrainement matinal. Seul dans la forêt personne ne pouvait le déranger. Il se tenait debout, les yeux fermés, un katana à la main. Qui pensait que notre simple infirmier savait manier une telle arme? Bien des choses sont gardés secrets dans la vie de notre démon, la discrétion sur ses capacités est primordial selon lui.
Le soleil éclairait son visage, ses rayons se frayant en chemin au travers du feuillage des arbres. Alors que le pouce venait se loger derrière la garde pour la pousser, il ouvrit ses yeux, posa sa main gauche sur la poignée de l'arme blanche, et la dégaina. Exécutant de simples mouvements, lents, harmonieux, fluides, ajoutant à cela des pas précis et souples, son entrainement ressemblerait presque à une légère danse. Sa respiration même semblait accompagner ses gestes, tel un instrument de musique qui battrait la mesure. Mais alors que le temps passait, il se remémorait divers souvenirs: son enfance, la décimation de son clan, son arrivée à Yokaï, ses retrouvailles avec sa soeur, Priecia... Mais tout ceci troublait Shygana. Lui qui a vécu si longtemps sans autant de choses émotionnels qu'il ne savait plus quoi faire. Il n'était plus le jeune homme solitaire d'autrefois, sans famille, sans coeur, sans regrets. Le voilà maintenant avec une peur enfoui dans son coeur: la peur de tout perdre une seconde fois. Lorsqu'il réalisa cette peur, ses yeux changèrent de couleurs, faisant virer son habituelle couleur argenté à un bleu électrique. Ses gestes s'accéléraient, ses pas, ses coups étaient plus secs, plus froids, on pouvait y sentir la force qui traversait la lame pour se libérer dans l'air. Les feuilles s'agitaient à chaque coups. Puis, pris d'un coup de panique l'infirmier planta sa lame dans un des arbres, l'enfonçant jusqu'au tiers de celui-ci, et expira. Petit à petit il reprenait son souffle, en même temps que la couleur de ses iris. Il fixait la fente où siégeait encore la lame argentée de son arme. Et si cet arbre représentait quelque chose à ses yeux? Si il y avait une signification à la coupure produite à cet arbre? Bref, il préféra arrêter d'y penser. Si Shygana n'était pas émotionnel, il était encore moins à se prendre la tête pour quelque chose. Retirant le sabre et le rengainant dans son fourreau, la marque laissé par la lame laissait penser une chose: c'est une bien trop grande fente pour une si petite lame...
Rentrant chez lui, il prit une douche bien froide avant de se changer rapidement. L'infirmier aimait faire une chose le matin, quand personne n'est encore là pour gâcher ce petit plaisir. Pressant le pas, qui restait moins fatiguant qu'une téléportation, il entra dans le lycée et monta les escaliers en sautant une à deux marches, il prit une pomme verte d'on ne sait où et arrivé à le dernière porte la croqua, souriant déjà en pensant à ce qu'il verrait... du moins ce qu'il aurait du voir. Car en ouvrant la porte l'infirmier trouva une fille, ou plutôt une femme assise au bord du toit, l'entendant pleurer comme une madeleine. Il aurait pu ne pas se sentir concerné et simplement venir à côté d'un air réconfortant en demandant ce qui n'allait pas, mais au contraire, le fait que Shygana connaissait cette personne ne le laissait pas indifférent et se sentait mal de voir Priecia comme ça. Il leva cependant la voix, assez doucement, comme s'il voulait ne pas brusquer la biliothécaire...

Euh... Priecia? Qu'est-ce qu'il y a?

Il s'approcha d'elle, mais sans s'asseoir à côté. Non il était toujours dans son dos en fait, il n'osait même pas la regarder de face, même qu'il ne saurait dire pourquoi ça.

Euh... Priecia? Qu'est-ce qu'il y a?

Cette voix, Priecia la connaissait parfaitement, et cela la fit frémir. Elle ne se retourna pas plus qu’il ne se mettait à ses côtés. Elle aussi n’osait pas le regarder, même si ce n’était pas l’envie qui en manquait. Elle ravala les larmes qui voulaient de nouveau envahir ses joues, essuya celles qui avaient déjà coulé, et regarda l’horizon un instant. La dernière fois qu’ils s’étaient parlé, c’était sur le bateau. Ils s’étaient séparés après une longue étreinte, brisé par un Shygana bien pressent. Et depuis, elle n’avait fait que l’apercevoir, pendant les épreuves, mais aussi plusieurs fois dans les couloirs de l’école. Elle avait tout fait pour éviter de se croiser, prenant parfois des chemins plus longs, simplement pour ne pas avoir à croiser son si beau regard argenté. Elle avait longuement réfléchit sur leur relation, et en avait douloureusement conclu une chose qu’il n’est pas temps de dévoiler pour l’instant.

Après ces quelques secondes, la jeune femme se retourna légèrement et osa enfin poser son regard sur l’infirmier. Elle se releva doucement, prenant garde de ne pas glisser. Elle se retrouva face à lui, dans sa petite robe et son gilet, et posa son regard sur le sien, argenté et doux. Cela lui semblait bien étrange de se retrouver de nouveau avec lui, aussi seuls qu’ils l’étaient actuellement. Personne n’était là pour les empêcher de dire quoi que ce soit de compromettant. Ils pouvaient être eux-mêmes, et cela l’effrayait quelque peu. Il lui avait fait comprendre la dernière fois qu’il était content qu’elle soit revenue. Mais comment la considérait-elle maintenant ? Elle était une démone, il fallait qu’elle lui avoue. Mais elle avait peur de le voir s’éloigner comme Suzuki s’était éloigné d’elle quand il avait changé. Ce n’était pas vraiment le moment de penser à ça. Elle devait répondre, et elle vivrait l’instant présent peu importe ce qui allait ou non se passer.

-Ah, Shygana. Rien, je repensais simplement à certains évènements qui se sont déroulés dans ma vie. Je pensais à Saphire… à son assassinat…

Son regard avait encore l’air bien triste, mais les larmes avaient disparu de ses yeux. Elle ne pouvait cependant pas supporter une seconde de plus se regard argenté, et elle en détourna bientôt le sien pour aller le poser un peu plus loin sur le toit. Elle reprit cependant la parole, la voix très légèrement tremblante, plus qu’elle ne l’aurait souhaité. Elle était une démone maintenant, elle ne devait plus montrer des émotions, ou des incertitudes dans sa voix, sa façon d’agir. Elle devait se raffermir un peu… Mais comment pouvait-elle le faire alors que Shyga se tenait face à elle ?

-Tu es bien matinale aujourd’hui…

Elle ne savait que dire d’autre. C’était d’ailleurs assez troublant…

Tu es bien matinale aujourd’hui…

Un commentaire un peu inutile selon Shygana, mais Priecia ne devait pas savoir qu'il dort rarement. D'après ce qu'elle disait elle pensait à Saphire, et sa mort. Une fois encore Shygana se sentit à nouveau impuissant, incapable de dire quoique ce soit de réconfortant. Admirant le vert de ses yeux, jusqu'à qu'elle détourna son regard. Il finit par s'asseoir à son tour au bord du toit, la pomme toujours dans sa main, à peine entamée, les cheveux qui se laissait porter par une petite brise matinale. Puis sans savoir pourquoi, il décida d'élever la voix, brisant ce silence qui aurait pu être sublime si l'ambiance avait été moins... triste

Quand je monte sur le toit le matin, c'est pour admirer le soleil. La vue me rappelle beaucoup celle que j'avais sur une falaise de là où je vivais quand j'étais jeune. Et j'y allais tout le temps avec la première femme que j'ai aimé.

Bien entendu, il ne préféra pas le préciser, mais elle était morte, assassinée, sous ses yeux, alors qu'elle avait essayé de le protéger. Il trouvait ça stupide de mourir de la sorte, et encore plus parce qu'il s'en voulait d'avoir eu besoin de protection ce jour là...

Mais pleurer sur son sort est inutile. On ne peut pas vivre tranquillement si toutes nos pensées commencent sur des "et si"... Et si j'avais pu la protéger, et si j'étais plus forte, et si elle était toujours en vie. Pourquoi se prendre la tête?

Il ne savait pas si ça aidait véritablement Priecia d'entendre ça, mais l'infirmier avait lui-même besoin de le dire, car il était concerné par ceci. Son regard se concentrait sur la lisière de la forêt d'où un ou deux élèves, apparemment aussi "matinal" qu'eux deux. Mais c'est alors qu'il sentit quelque chose d'étrange, pas au point de l'inquiéter ou autre non... disons qu'il y avait une sensation différente que lorsqu'il est avec la bibliothécaire. Croquant à nouveau dans sa pomme, l'air perplexe, il attendit de déglutir avant de parler à nouveau, le dos toujours tourné vers elle.

Tu as changé Priecia, je me trompe?

Le ton de sa voix paraissait dur, froid, alors qu'il parlait toujours doucement comme à son arrivée. Un ton qui accompagnait souvent une discussion avec Shygana, bien qu'il faisait tout pour paraître aimable avec certaines personnes. Notre démon avait en effet la capacité de ressentir beaucoup de chose, tout comme il avait ressenti que Priecia avait envie de pleurer sur le bateau. Un pouvoir qu'il n'aimait pas utiliser, tout comme les autres d'ailleurs.

-Quand je monte sur le toit le matin, c'est pour admirer le soleil. La vue me rappelle beaucoup celle que j'avais sur une falaise de là où je vivais quand j'étais jeune. Et j'y allais tout le temps avec la première femme que j'ai aimé.
Mais pleurer sur son sort est inutile. On ne peut pas vivre tranquillement si toutes nos pensées commencent sur des "et si"... Et si j'avais pu la protéger, et si j'étais plus forte, et si elle était toujours en vie. Pourquoi se prendre la tête?
Tu as changé Priecia, je me trompe?

La jeune femme écouta tout ce qu’il raconta, sans rien dire, le regard fixé sur l’horizon. Elle s’était installée à coté de lui juste avant qu’il ne commence. Elle frémit légèrement lorsqu’il lui assura presque qu’elle avait changé. Que pouvait-elle bien répondre à tout cela. Les phrases qu’il avait prononcées avant ne l’avaient pas vraiment réconforté. Priecia n’avait pas été là lors de sa mort, alors elle était loin de se sentir coupable. Cela la rendait juste triste qu’elle ait disparu. Bref, revenons à cette fameuse question de changement en elle. Devait-elle lui dire cette fameuse fiole suivie de cette transformation ? Elle continua de regarder au loin quelques instants. Il y a quelque année, avant sa disparition, elle lui avait fait confiance, elle s’était attaché à lui alors qu’elle n’aurait pas du. Cependant, était-ce toujours d’actualités ? D’un autre coté, il finira bien par s’en rendre compte un jour ou l’autre, c’est évident. Alors autant que ce soit elle qui lui apprenne la nouvelle.

-En effet.

Elle marqua un temps d’arrêt, aussi bien pour réfléchir à l’ordre dans lequel elle allait placé les mots sortant d’entre ses lèvres, mais aussi pour prendre un air grave. Elle tourna son regard vers lui, osant l’affronter directement. Elle se doutait par avance de sa réaction, et ne voulait pas se dérober à cette vue. Elle reprit donc la parole, d’une voix qui faisait comprendre qu’elle était sûre des choix qu’elle avait prit.

-Il y a plusieurs années, lorsque j’ai rencontré l’actuel professeur Komatsu, il était mon compagnon de chambre avant d’être mon compagnon de vie. Lors de notre rencontre, je me suis rappelée d’une « prophétie » que m’avait un jour dite ma grand-mère et dont les mots sont encore gravés dans mon esprit. Cette prophétie parlait d’un autre demi-démon, comme moi. Elle m’avait également légué un médaillon que je n’avais réussi à ouvrir. Mais avec l’aide de Mr Komatsu, nous avons déchiffré les symboles présents sur ce médaillon, dont certains étaient identiques à ceux trouvés sur l’ile d’Akuma. Nous sommes parvenus à ouvrir ce médaillon, qui contenait une fiole contenant un liquide foncé. Suzuki a bu le contenu de cette fiole, et a perdu son coté humain. Il y a quelques semaines, je m’en suis souvenue, mais je ne pouvais malheureusement pas l’utiliser puisqu’elle avait été vidée. En tripotant le médaillon, un éclat est tombé, dévoilant un morceau de parchemin de la main de ma grand-mère m’expliquant une autre de ses prophéties et la présence d’une autre fiole dans le bouquin qu’elle m’avait légué et grâce auquel on avait pu traduire les runes.

Elle marqua un nouveau temps d’arrêt. Il fallait bien qu’elle respire un peu. Et puis, à ce moment là de l’histoire, il devait sans aucun doute de la suite. Elle reprit enfin sa narration, après avoir prit une bonne bouffée de l’air matinal.

- J’ai donc pris la fiole contenu dans la couverture du livre, et j’ai absorbé ce qu’elle contenait. Pour conclure, j’ai perdu mon côté humain.

Le silence se fit entendre. Elle avait expliqué toute son histoire, et attendait maintenant une réaction quelconque.

Shygana l'écouta sans bouger, sans l'interrompre. Tel un mur il était sans expressions, hochant légèrement la tête à quelques reprises. Comme si quelque chose l'agaçait, il jouait avec la pomme en la faisant passer entre ses doigts.

- J’ai donc pris la fiole contenu dans la couverture du livre, et j’ai absorbé ce qu’elle contenait. Pour conclure, j’ai perdu mon côté humain.

Elle avait enfin fini son monologue. Alors que des reflets bleus commençaient à apparaître dans ses iris, il regarda Priecia. C'est alors qu'enfin son visage exprimait quelque chose, hélas cette expression n'était autre que la déception.

... Pourquoi?

Shygana ne savait même pas ce qu'il ressentait. Oui il était déçu, mais en même temps il se sentait en colère, triste, il aurait voulu lui crier dessus, ou simplement partir sans rien dire. Car s'il y a bien une chose que l'infirmier admirait c'était l'humanité. Il n'était ni jaloux, ni envieux. Non, notre démon aimait dire que les humains avaient la chance de vivre leur vie, de la finir dignement, de ne pas voir tout changer autour d'eux au fil du temps. N'oublions pas nous parlons d'un homme qui était là lorsqu'on a découvert que la Terre était ronde, l'invention de la machine à écrire, les sabres remplacés par les fusils. Trois mille ans d'existence pour finir par entendre qu'une personne chère, très chère à ses yeux avait abandonné son côté humain. Mais il ne pouvait la blâmer, du moins pas avant de connaître les raisons de Priecia.
L'histoire qui s'était passé sur l'île, il ne s'en souvenait pas. Du moins son dernier souvenir était qu'il chevauchait un dragon avec un élève... Noïd. D'ailleurs en y repensant, ça semblait fou.
Alors que les reflets bleus de ses yeux persistaient, il fixait Priecia, comme s'il voulait voir en elle. Qu'est-ce qui avait changé chez elle? Serait-elle devenu comme Komatsu-san qui venait plus ou moins en douce dans l'infirmerie pour prendre des pilules aux effets étranges? Est-ce qu'elle aussi vivrait pour l'éternité? Shygana ne voulait pas la submerger de questions, il attendait là, gardant la même expression en soupirant.

Le regard de la jeune femme se voila de tristesse. Elle venait de le décevoir, elle le sentait… Elle n’osa pas le regarder dans les yeux, alors qu’il lui demandait la raison d’un tel changement. La jeune démone savait bien qu’il n’était pas content d’elle, mais elle aurait presque préférée qu’il lui crie dessus un bon coup en lui disant que ce n’est pas bien. Mais non, il restait ainsi, à la regarder, sans rien dire d’autre. Elle sentait son regard pénétrant fixé sur elle, et ne pouvait l’affronter. Elle regardait le sol, et finit par prononcer quelques paroles.

-Certains peuvent croire que l’humanité en chacun de nous est une chance, qu’il nous aide à être plus fort. Je pense bien le contraire. C’est cette humanité présente en moi qui me paralysais.

La jolie bibliothécaire finit enfin par lever les yeux vers lui. Une étincelle bleu flottait dans ce regard. Elle l’avait donc a son point déçu ? Peu importe. Maintenant, elle devait se montrer égale à son côté démon. Elle ne devait plus montrer ses sentiments, elle devait se fermer telle une boite hermétique. Elle avait tellement souffert, aussi bien des morts autour d’elle, que des sentiments amoureux qu’elle avait pu avoir et qui l’avait tué à petit feu. Si elle ne s’était pas disputé avec Suzuki, elle n’aurait pas été tomber dans les bras d’un autre, et ne se serait pas fait kidnapper par sa famille anglaise. Tout était une suite d’évènement lié à ses sentiments. Qui pouvait lui reprocher de vouloir supprimer cette part d’humanité en elle ? Elle avait vu beaucoup de personnes mourir autour d’elle par sa faute lorsqu’elle était poursuivit par les fantômes de sa famille. Elle n’avait rien pu faire, et avait longtemps décidé de rester seule pour ne plus avoir à souffrir à cause d’une nouvelle perte. Mais comment pouvait-elle l’expliquer ? Elle regarda un instant l’horizon. Peut-être se sentait-elle obligé de trouver des raisons à une envie de nouveauté. Sa vie était devenue si … inutile…
Elle posa de nouveau son regard sur son compagnon, puis entama les explications.

-Je ne pense pas que les raisons qui m’ont poussé à ça e satisfassent. Mais je vais essayer tout de même. Comme tu le sais sans doute, j’ai très longtemps été poursuivit par des ombres, bref, je ne te refais pas toute l’histoire. Tout ça pour dire que j’ai vu bien plus que Saphire mourir. Au départ, je les comptais. Mais il y en avait bien trop. Alors j’ai décidé de quitter les villes. Je croisais moins de personnes, et j’en perdais bien moins. Je me suis réfugié ici, pensant être protégée, mais il y eu d’autres morts. Le côté humain en moins à bien trop souffert, j’ai bien trop souffert, alors je souhaitais m’en débarrasser.

Elle s’arrêta quelques instants. Elle avait essayé de synthétiser son explication, mais ce n’était pas si simple. Le toit était désert en dehors d’eux, et le soleil commençait à être plus haut dans le ciel. Et puis, elle trouvait cette explication si ridicule… Mais elle savait qu’il se mettrait très certainement en colère si elle lui parlait de nouveau de gagner en puissance. Mais en fait, c’était cette seule raison qui l’avait poussé à un tel acte. Mais elle lui mentait, et elle n’aimait pas ça non plus. Après tout, elle préférait qu’il lui crie dessus plutôt qu’il reste là à la regarder. Elle reprit donc la parole.

-Non, je ne peux te mentir, ni me mentir à moi-même. En fait, je souhaitais surtout gagner en puissance et me défaire des sentiments.

C’était court, c’était clair, c’était simple comme explication, mais c’était la seule vérité. Ce qu’elle avait annoncée avant était aussi la vérité, mais ce n’était pas la vraie raison de son changement.

-Non, je ne peux te mentir, ni me mentir à moi-même. En fait, je souhaitais surtout gagner en puissance et me défaire des sentiments.

Pouvait-il exister une raison plus stupide au yeux de l'infirmier? Probablement pas. Pourquoi tout le monde se sent envahi par le désir de devenir plus puissant? Et même si ce besoin pouvait être acceptable, le rejet de ses sentiments ne l'étaient pas, bien au contraire. Lorsque Priecia termina sa phrase, ce n'étaient plus des reflets qui flottaient dans ses yeux, mais un bleu bien présent et scintillant. Ces iris traduisait bien la colère de Shygana, mais son visage restait de marbre, peut-être même qu'il exprimait un air supérieur. Sur un ton ironique, il brisa à nouveau le silence en haussant les épaules, l'air je-m’en-foutisme

Ou bien sûr... Pourquoi avoir des sentiments? Un démon n'en a pas, je sais de quoi je parle. Comme si on en avait besoin! C'est vrai, quand quelqu'un se surpasse pour protéger une personne, c'est basé sur le sentiment d'amitié, d'amour même... inutile. La haine contre un ennemi, encore plus futile apparemment. Et puis on est des démons, on est puissant, ça nous suffit. L'amour et tout ça c'est pour les humains, les êtres inférieurs qui ne sont pas capables de se défendre

Il s'était relevé en disant tout ça, faisant les cent pas, haussant parfois les bras et les faisant retomber. Bien sûr il ne le pensait pas, l'ironie qui se faisait entendre dans sa voix le faisait bien comprendre. Pourtant ce genre de réflexion est exactement ce que plusieurs de leur semblables pensent.
L'infirmier lança sa pomme dans les airs, et lorsqu'elle redescendit donna une simple pichenette dedans. Le geste était si simple, si... désinvolte. Pourtant le fruit n'avait pas simplement pris un coup, elle avait littéralement éclatée, on ne pouvait même pas discerner les morceaux. Cela donnait bien une idée du pouvoir de Shygana, mais sa puissance restait tout de même cachée.

J'ai déjà éclaté le crâne de plusieurs humains avec ce même coup, avec légèrement plus de concentration je peux faire en sorte que le crâne reste intact, le cerveau lui devient une véritable soupe à l'intérieur. Voilà donc la puissance d'un démon... Mais laisse moi te dire une chose Priecia: sans ces sentiments que tu veux faire disparaître, non seulement tu utiliseras ta nouvelle "force", et il prononça ce mot avec une pointe de moquerie, dans le vide, mais tu ne pourras pas protéger les personnes que tu voudras...

Il se dirigea à nouveau vers le bord du toit, et reprit ce ton insupportable d'ironie.

Mais bon... Un démon sans sentiments n'a pas à protéger quelqu'un non? La plupart sont immortels, pourquoi protéger quelque chose d'éphémère face à eux?

Il était tout au bord, ses pieds dépassant légèrement. Il s'apprêtait à sauter mais attendait que Priecia aie son mot à dire pour tout ça. Il était rare de voir l'infirmier non seulement s'emporter comme il le fait, mais en plus montrer à la vue de tous son pouvoir, pouvoir qu'il détestait par-dessus tout exécuter une démonstration, qui-plus-est futile. Mais tout ça n'était rien face à ce qu'il ressentait à l'intérieur, le bouillonnement qui était en lui, à la fois l'envie de frapper ce démon, et en même temps d'embrasser Priecia, peut-être pour lui faire entendre raison, lui montrer que son raisonnement était stupide, bien que Shygana n'est pas du genre à montrer ses sentiments, encore moins d'en parler, faisant mine de ne pas en avoir véritablement... comme un démon.

Un signal d’alarme se déclencha dans le cœur, mais aussi dans l’esprit de la jeune femme. Elle était tout à fait consciente de tout ce dont il avait parlé. Elle s’était très souvent battue pour protéger des êtres chers, mais elle n’avait jamais été assez forte pour cela. Elle avait perdu tous les êtres qu’elles avaient cherchés à protéger, d’où son léger scepticisme.
La jeune démone baissa le regard sur le sol. Il avait tout à fait raison dans ce qu’il disait, mais elle n’aimait pas ce ton ironique qu’il prenait avec elle. Il l’a connaissait bien plus que la plupart des autres monstres de cette école, et pourtant, il se montrait si horrible avec elle. Il l’avait perdu parce qu’elle n’était pas assez forte pour se protéger, peu importe le nombre de personnes avec lesquelles elle aurait voulu rester pendant cette année entière qu’elle avait perdu loin de tous. Quelque part, elle le trouvait un peu injuste de réagir ainsi. Après tout, Précisa n’avait jusqu’à maintenant, et elle en était maintenant sure grâce à cette petite démonstration sur la pomme, eu autant de pouvoir que lui. Elle était même très loin de s’en rapprocher.
Elle le regarda, relevant ses yeux d’émeraude sur celui qui avait été un jour plus qu’un collègue de boulot. Il était au bord du toit, très au bord même. La jeune femme se demandait s’il n’envisageait pas de sauter. Elle se doutait qu’il n’aurait aucune séquelles, mais quand même ! Elle se leva à son tour, tira sur le haut de son compagnon et le tira légèrement vers elle pour l’éloigner du bord du toit, puis elle enserra ses bras autour de son taille, posant sa tête entre ses omoplates.

-J’ai tenté de protéger tant d’êtres chers, en vain, que j’en ai perdu tout espoir. A quoi bon s’accrocher, si quand on n’a pas de pouvoirs on ne peut protéger ces êtres si chers à nos yeux ? Tous ont péris par ma faute… Ne peux-tu comprendre ? Je ne suis pas aussi forte que toi, et je ne le serais sans doute jamais. J’ai tant aimé, et j’ai tant souffert de ces amours que je ne sais si j’aurais la force d’en supporter de nouvelles…

La jeune bibliothécaire resta un instant dans cette position. Le vent venait glisser entre ses mèches, et le silence se fit. Son cœur battait fort, et Shygana pouvait très certainement le sentir battre contre sa colonne vertébrale. Que pouvait-elle dire de plus à ce qu’il avait dit ? Tout tenait dans cette tirade. Elle ne voyait rien à ajouter, et pour cause !
Finalement, ce n’était pas une si bonne chose de l’avoir énervé à ce point là. Maintenant elle se sentait mal de l’avoir mit dans cet état. Alors que cette journée aurait très bien pu commencer, ils étaient déjà fâchés l’un contre l’autre. Elle était devenue entièrement démone, et c’était maintenant trop tard pour changer d’avis. S’il ne pouvait pas l’accepter comme elle était maintenant, cela ne servait à rien qu’ils se revoient, et ce n’était absolument pas le souhait de la jeune bibliothécaire. Il avait quand même été son amant, ce n’était pas rien.
Bon, il était temps d’apaiser un peu les esprits et les cœurs. Elle ne bougea pas de contre son dos, et sortie de la poche de son gilet un bonbon rond, tout rose, qu’elle pose entre son front et le creux formé par ses omoplates. Il pouvait du coup le sentir contre lui, et accepter ou non de voir ce dont il s’agit. Elle connaissait son goût pour les sucreries, mais elle avait peur que cela n’y change rien à sa colère. Après tout, il avait l’air vraiment remonter contre elle.

Alors que Shygana tendait le pied pour descendre, croyant que Priecia n'avait plus rien à dire, il se sentit tirer en arrière par la chemise, puis les bras de la jeune fille qui le prit par la taille. Il lui caressa le bras pour finalement lui prendre la main, restant dos à elle, préférant se taire. Il avait oublié à quel point sa peau était douce, et qu'elle était si sensible. Etait-ce toujours le cas? Après l'avoir entendu parler, il se rendait compte à quel point il avait pu être blessant dans ses paroles, comme à son habitude. Alors qu'il sentait le petit coeur battre derrière lui, il soupira, essayant de calmer le sien, ralentissant sa respiration, et en même temps ramener ses iris à sa couleur d'origine. Pendant ce temps là, un bonbon apparut derrière lui. Il sourit, sa gourmandise pour ces sucreries émergeant entre toutes ces prises de tête. Il glissa sa main valide dans son dos tout en se détachant de l'étreinte de la bibliothécaire, récupérant le bonbon, et le fit rouler entre ses doigts en se retournant vers elle.

Comprends-moi, je ne t'en veux pas d'avoir voulu devenir un démon, ce que je te reproche c'est de croire que perdre ton humanité et tes sentiments te rendra plus forte.

Sans prévenir il l'enlace à son tour, continuant à s'expliquer, d'une voix plus reposée, plus tendre.

Si tu crois que je suis aussi fort, c'est parce que je me suis entraîné. Avec pour objectif de protéger ceux que j'aime, pas pour devenir puissant. Il ne faut pas confondre ces deux buts.

Il finit par mettre le bonbon dans sa bouche, fixant les émeraudes de Priecia, un sourire au coin des lèvres. Après l'avoir mâché et avalé, et sentant ce petit frissons au joues chaque fois qu'il mangeait un truc sucré, il soupira à nouveau, et se rendit compte qu'il ne savait que faire à nouveau, ses joues qui avait légèrement rosit en fixant Priecia. Il se gratta la gorge et trouva un autre sujet à aborder.

Et pourquoi tu ne t’entraînes pas au fait? Je te connais bonne escrimeuse, mais pas très bon démon.

Il reprit son air détaché pour essayé de cacher qu'il rougissait, et regarda ailleurs. Le lycée était rempli de très bon professeurs d'ailleurs.

Et puis, Komatsu-san n'est pas professeur de maîtrise des pouvoirs? Il pourrait t'aider

On sentait presque une pointe de jalousie dans la voix de l'infirmier. C'est fou de voir que Shygana pouvait en un rien de temps s'énerver, puis prodiguer de sages paroles pour ensuite avec une réaction de gamin. il ne contestait pas les pouvoirs ni l'expérience de son collègue professeur, loin de là... disons juste que ça le titille légèrement de savoir que lui et Priecia... enfin bref
Il amena sa main jusqu'à la joue de Priecia où une mèche pendouillait, la rangeant derrière l'oreille, continuant d'admirer la nouvelle petite démone... De vue elle n'avait pas tant changer que ça pourtant.

Finalement, tout n’avait pas autant changé que ce que la jeune femme pouvait penser. Il était toujours aussi accro aux sucreries, et cela l’avait calmé. Il s’était détacher de son étreinte pour récupérer le précieux bonbon, et s’était retourné vers elle. Il prononçât des paroles, plus calmement que précédemment. Il l’enlaça à son tour, sans crier gare, lui expliquant qu’il ne lui en voyant que d’avoir cru que se séparer de ses sentiments la rendrait plus forte. Il lui expliqua ensuite pourquoi lui était si fort, et lui demanda pourquoi elle ne s’entrainait pas. Certes, elle était bonne escrimeuse, mais en plus d’être une démone, elle était aussi une élémentaire de l’air, et avait malgré sa métamorphose, gardé ces pouvoirs liés à son père.

Pour ce qui était de ses pouvoirs de démon, elle apprenait seule à les contrôler, mais ce n’était pas si simple. Le simple fait de s’entrainer ne suffisait pas. Elle passait beaucoup de temps en foret, à taper sur des arbres avec son épée, ou bien à essayer ses nouveaux pouvoirs. Mais tout cela ne sert à rien sans un bon professeur. Mais comme le souligna son compagnon, le seul professeur de maitrise des pouvoirs était Suzuki. Disons qu’elle n’était pas forcément pressée de lui dire ce qu’elle avait fait. Vu l’état dans lequel s’était mit Shyga, elle avait presque peur d’en parler à Suzu. Après tout, lui avait suivit le même chemin qu’elle, il savait où cela les avaient conduit tous les deux, alors c’était presque certain qu’il ne serait absolument pas content de son choix. D’un autre côté, maintenant, ils se ressemblaient plus qu’auparavant. Cette différence et le fait qu’il soit devenu un fils d’Abbadon les avaient autrefois éloignés. Mais maintenant qu’elle était sur le même chemin, que se passerait-il pour eux ?

Mais ce n’était pas vraiment le moment de penser à tout cela. Elle devait répondre à l’infirmier, qui venait d’ailleurs de poser sa mains contre sa joue pour en dégager une mèche de cheveux qu’il allait placer derrière son oreille. Il avait les mains si douces qu’elle firent frémir la jeune femme. Même si l’envie ne lui manquait pas, elle ne fit pas de pas en arrière. Elle le regarda donc et brisa le nouveau silence.

-Je ne fais que ça de m’entrainer, mais seule, ce n’est pas évident. Certes, je pourrais aller demander un coup de pouce à Komatsu-san, mais il me connait bien, j’ai peur de sa réaction lorsqu’il apprendre ce que j’ai fais…

Mais peut-être était-ce pour une autre raison qu’elle ne voulait aller le voir. La dernière fois qu’elle l’avait vu, en dehors de la croisière, ils s’étaient fâchés, et c’était en partie de la faute de la jeune bibliothécaire. Elle avait toujours d’importants sentiments pour lui, ceux-là même qu’elle avait voulu écarter de son esprit. C’était en fait ces sentiments qui lui avait fait perdre la tête et boire cette fiole. Ils s’étaient disputer parce que la jeune femme ne voulait pas être dépendante du jeune homme qu’il était pour assurer sa sécurité. Elle voulait pouvoir se débarrasser de ses propres démons, toute seule. Lui avait été prêt à tout pour la protéger, mais elle ne voulait pas l’entendre. C’était pour cette raison qu’elle avait quitté la chambre en trombe, avant de tomber sur Shygana dans un moment de faiblesse. Elle ne regrettait cependant pas cette rencontre, qui de toute façon avait eue lieu il y a bien longtemps.

-Il doit bien y avoir d’autres personnes susceptibles de m’aider…

Elle essaya de se convaincre elle-même, mais cela ne fonctionnait pas vraiment. A qui pouvait-elle faire croire qu’elle connaissait quelqu’un de plus apte qu’un professeur de maitrise des pouvoirs démon, comme elle ? Il était le plus apte à l’aider, mais cela l’effreyait…

Il doit bien y avoir d’autres personnes susceptibles de m’aider…

Ces autres personnes étaient inconnus aux deux protagonistes. Après tout n'importe qui du lycée pensait au professeur de maîtrise des pouvoirs quand il s'agissait de pouvoirs. Le club d'escrime et celui d'arts martiaux étaient inappropriés pour ce qu'elle voulait aussi. Shygana avait bien une petite idée en tête, bien que ça ne l'enchantait.

Et bien... Si vraiment il n'y a personne d'autres qui puisse le faire...

Oui, il pensait à lui-même, mais n'osait pas. Si Shygana avait réussi à effrayer Priecia rien qu'en s'énervant un peu, elle serait bien plus choqué par ses compétences d’entraîneur. Il le savait lui-même: la maîtrise de pouvoirs passait avant-tout par l'esprit, or l'infirmier pouvait une véritable plaie pour pousser les gens à bout, de plus Priecia était très susceptible. Il soupira longuement, se disant que c'était une mauvaise idée.

Je pourrais peut-être t'aider si tu le souhaites.

Au fond de lui il souhaitait qu'elle refuse, mais après tout Shygana était prédisposé à cet entrainement. Il ne risquait pas d'être blessé, son pouvoir d'absorption d'énergie le rendant aussi invulnérable qu'un bunker ambulant, et au moins l'infirmier était déjà là au cas où, même s'il savait pertinemment que Priecia n'aimait pas les infirmeries. Etrange que la seule femme pour qui il avait des sentiments n'aimait pas l'endroit où il travaillait. Il la lâcha pour glisser ses mains dans ses poches, et sourit amicalement en penchant légèrement la tête.

Alors, t'en dis quoi? Je te préviens, ça ne sera pas facile, autant physiquement que psychologiquement parlant.

Essayait-il de la dissuader? Ou juste la prévenir? Bien sûr notre beau démon voulait simplement rendre service, mais elle était la seule personne avec qui il avait était aimable et gentil. La plupart le voyant juste comme étant quelqu'un d'hautain, refermé et possédait un don royal pour ne pas s'intéresser à quoique ce soit. Il avait déjà une idée d'où se passerait l'entraînement. Rester dans le lycée serait trop dangereux, et même dans les alentours, il fallait carrément sortir de la barrière pour cela, mais qui sait si Priecia accepterait cette condition aussi? Shygana était pourtant persuadé de ce qu'il faisait. Malgré le fait qu'il croyait toujours que c'était une mauvaise idée, il comptait bien le faire de la meilleure façon possible, ce n'était pas courant pour lui de faire les choses à moitié. Seul la réponse de la bibliothécaire comptait à présent.
Les élèves en bas étaient de plus en plus nombreux, le soleil s'était complètement levé, d'ailleurs Shygana n'avait pas pu le contempler cette fois-ci. Le soleil qui était dos à lui brillait dans les yeux de la jeune femme. Il la fixait dans les yeux en attente de sa réponse.

-Et bien... Si vraiment il n'y a personne d'autres qui puisse le faire...
Je pourrais peut-être t'aider si tu le souhaites.
Alors, t'en dis quoi? Je te préviens, ça ne sera pas facile, autant physiquement que psychologiquement parlant.

Qu’entendait-elle ? Il se proposait pour l’entrainer ? La jeune femme ne su que répondre sur le coup. C’était certes bien tentant, mais il ne fallait pas oublier cette histoire qu’elle avait eue avec lui. Cette proposition lui alla cependant droit au cœur, malgré l’avertissement qu’il avait également prononcé. Ce serait pour elle certainement bien plus dur qu’il se l’imaginait. Elle voulait refuser, non, elle devait refuser. Il ne fallait pas qu’elle retombe dans ses bras. Elle pensa à Suzuki, à toutes ses semaines ensemble, à ces derniers instants de dispute, à leurs « retrouvailles » sur le bateau, et ne pu s’empêcher de se dire qu’elle avait très certainement encore de forts sentiments pour lui. Elle ne voulait pas blesser l’infirmier avec qui elle avait également passé de bons moments, mais elle devait s’éloigner de lui autant qu’elle le pouvait. Il avait été sa faiblesse, elle était tombé si facilement dans ses bras dans un moment de doute, qu’elle ne pouvait désormais plus faire autrement qu’empêcher que cela se reproduise, aussi bien avec lui qu’avec d’autres.

Mais là n’était pas vraiment la question pour le moment. La belle orchidée se demandait tout simplement si elle devait ou non accepter, et les conséquences que cela entrainera pour les deux réponses. Dans le premier cas, si elle acceptait, ils allaient très certainement se voir une grande partie du temps libre des deux protagonistes, et il allait très certainement ne pas être tendre avec elle. Mais à force de travailler, elle allait s’affaiblir mentalement et finirait par détresse par retomber dans ses bras. Ce serait certes agréable, mais ce n’est pas très proche de ce qu’elle voulait pour eux.
Dans le cas ou elle refusait, elle devrait très certainement aller demander son aide à Suzuki, et devoir subir sa colère. Mais alors elle passerait tout ce temps avec lui, et peut-être que la magie opérerait. Elle ne savait que faire comme choix, mais ses raisons pour l’une ou l’autre réponse étaient toutes deux valables. Il fallait cependant qu’elle fasse son choix, et rapidement, puisque son compagnon de travail était en face d’elle à attendre la réponse. Elle décida donc, et répondit au jeune homme sans vraiment le regarder dans les yeux.

-Je suis vraiment désolée, mais je vais devoir refuser. C’est très gentil à toi de me l’avoir proposé, mais j’ai peur que certaines choses reviennent comme autrefois, et je ne le souhaite pas…

Elle se retourna vers l’horizon, puis regarda en bas les élèves qui étaient de plus en plus nombreux. Le soleil était à présent bien levé, et inondait de rayons le monde dans lequel ils vivaient. Il était désormais temps de changer un peu de sujet, et d’arrêter de parler de ses choix. Elle se retourna de nouveau vers l’infirmier, et avec un joli sourire, reprit la parole, essayant de lui faire comprendre qu’elle ne voulait plus parler de sa transformation, ni de ses nouveaux pouvoirs ou de son entrainement.

-Je me disais, ca fait bien longtemps que je ne suis pas allé manger ou prendre un café avec un collègue. Peut-être que cela pourrait s’arranger ?

C’était une drôle façon d’enchainer sur un tout autre sujet, mais la jeune femme n(osait pas vraiment engagé plus la conversation. Peut-être que lui voulait continuer à lui reprocher ce choix qu’elle avait fait de se transformer en véritable démone.

Ah les femmes... Shygana ne pourra jamais les comprendre complètement. Comme si deux adultes ne pouvaient pas se contenir un peu pour ne pas "replonger". Shygana avait bien la capacité à refouler ses sentiments, il dit lui-même qu'il peut complètement les faire disparaître, mais ça se rapproche plus d'un total désintérêt des relations, il n'était vraiment pas doué pour ça, même si ça lui arrivait de vouloir s'y accrocher. Mais bon, il ne voulait pas insister, l'infirmier souhaitait simplement aider Priecia. Il posa sa main sur le haut du crâne de Priecia, comme un frère ferait à sa soeur -même si Shygana était plutôt du genre à encastrer la tête de sa soeur dans un mur- et dit calmement

Je comprends, mais ne fait pas trop d'histoire avec ce qui s'est passé entre nous. T'es grande maintenant, faut arrêter de se focaliser sur ce genre de choses.

Puis elle sourit, et la bibliothécaire l'invita à manger. Sauf que Shygana ne mangeait pas le matin, et buvait encore moins du café car ça avait des effets... pas très rassurants pour ceux qui sont avec lui. En effet la caféine dérègle complètement ses pouvoirs, et il pourrait sans prévenir lâcher une vague d'énergie. L'infirmier était contraint de refuser cette invitation.

Euh, je ne suis pas vraiment à prendre un petit déjeuner le matin, mais pourquoi pas à un autre moment? Et puis les élèves vont bientôt rentrer, il faudrait aller bosser.

En effet les élèves disséminés dans la cours se regroupaient devant l'entrée du bâtiment, il fallait donc entrer aussi, il se dirigea vers la porte de l'escalier. Il l'ouvrit pour que Priecia puisse passer devant, et lui fit un signe de la main pour qu'elle passe la première.

Après vous, mademoiselle Ark ^^

Il était content d'avoir clarifié les choses avec elle, mais espérait juste qu'elle n'essayerait pas de garder ses distances avec lui, et encore moins qu'elle finisse comme la plupart des démons: bête, assoiffée de combats, et détruit par la haine et la colère. La cloche de l'école venait retentir, une nouvelle journée commence au lycée Yokaï...

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