Le soleil ne tapait plus aussi fort depuis quelque temps. L'intérieur du bus n'en était que plus sombre et frais, un mausolée sur roues. Le conducteur ne lui avait pas dit un mot depuis son arrivée et la radio avait depuis longtemps agonisé dans un concert de grésillements.

Qu'importe, l'ambiance lui convenait tout à fait. Les plans s'agençaient dans la tête de Luna, se composant et se défaisant au fur et à mesure que les scénarii possibles se créaient. Tous avaient un point commun : le lycée Yokai. Elle devait y entrer, repérer l'Ombre et attendre l'occasion propice pour frapper.
Non, pas frapper. Tailler, tordre, saigner, mordre. Frapper serait trop doux pour cette ordure.

Quoi qu'il en soit, elle devrait faire profil bas. Son dossier était au nom de Bruna Brumelune, vampire de niveau inférieur, venant d'Italie. Sa race expliquerait ses yeux rouges, sa possible soif de sang et son rosaire, son origine ses souvenirs les plus récents. Elle n'avait pu se résoudre à abandonner le nom de ce corps, imaginant l'Ombre et le Déchu frissonner de peur à chaque fois qu'il serait mentionné dans une conversation. Son masque devait rester celui d'une jeune fille timide, gentille et généreuse en public, le coté plus Lunesque pour ainsi dire étant inconnu des habitants du lycée. La réelle Bruna n'avait pas besoin de lui seriner de faire attention ; elle n'était pas stupide. Ce jeu de dupes perdurerait jusqu'à ce que sa vengeance soit accomplie.

Ensuite... Elle ne répondait de rien. Quand sa vengeance serait achevée, il ne lui resterait plus que monstruosité et souffrance. Peut-être se créerait-elle un autre but, peut-être pas. Honnêtement, elle s'en fichait.

Toute à ses réflexions, elle sursauta quand le bus s'arrêta au milieu de nulle part. Le ciel était couvert de nuage, sombre et pourtant illuminé d'éclairs. En dessous, un vaste lac aux reflets sanglants s'étalait, menaçant dans son immobilité. La plaine où s'était arrété le bus était monotone et stérile, hérissée d'herbes folles et de quelques arbustes décharnés.
Un sourire lui monta aux lèvres. L'endroit lui plaisait déjà.

Elle attrapa son sac à dos et descendit du car. Se rappelant son rôle, elle se retourna pour lâcher d'une voix guillerette un "Au revoir" au conducteur. Celui-ci se contenta de lâcher un ricanement sinistre, puis referma la porte ; le bus redémarra, la laissant seule. Elle n'avait plus qu'à rejoindre sa destination à pieds.

Sac sur le dos, elle emprunta le sentier qui longeait le lac. Le soleil ne tapait plus sur sa peau mais la température restait douce et l'air frais ; ne manquait qu'une quelconque proie pour parfaire cette journée.

Non, elle devait rester calme. Se retenir. Petite fille modéle elle voulait être, petite fille modèle elle serait. Gentille et douce, une caricature d'adolescente d'image d'Epinal. Sourire et aider en lumière, ne pas se faire voir dans l'ombre.
Et si quelqu'un suspectait le contraire... Et bien, les morts ne parlaient pas, n'est-ce pas ?

Quelqu'un descendait le sentier dans sa direction. L'arrivant était grand, emmitouflé dans un ciré jaune qui n'aurait pas déparé sur un pêcheur de chalutier. Un élève ou un professeur serait-il venu l'accueillir ?

Luna se mordilla la lèvre en continuant d'avancer. L'occasion était idéale pour tester son masque et voir si elle pouvait tenir dissimulée en dessous : il était seul, ils étaient loin de tout. S'il devait hurler, personne ne l'entendrait.
Alors pourquoi se sentait-elle tendue, les nerfs à vif ?

Parce que pour la première fois de ton existence, tu vas parler à quelqu'un sans espérer le transformer en cadavre ?
Elle remit distraitement une méche de cheveux derrière son oreille, refusant de répondre à Bruna. Elle avait horreur de sa manie de toujours taper dans le mille à son sujet. C'était dérangeant de se rendre compte qu'un autre vous comprenait mieux que vous-même. Dérangeant et dangereux.

Elle distinguait mieux le nouvel arrivant à présent. Grand, bien plus grand que qu'elle, et mince, il s'arrêta devant elle, droit comme un épouvantail luttant contre le vent. Sous la capuche de plastique, deux yeux noirs lui donnèrent l'impression de la toiser, de l'estimer. Quelques méches de cheveux blonds lui retombaient sur le visage, créant des ombres là où il n'aurait pas dû y en avoir.
Elle n'aimait pas son regard. Il s'attarda un instant de trop sur son rosaire, lui donnant l'impression qu'il notait une fausse note dans son apparence. C'était elle d'ordinaire qui jaugeait ses proies et les estimait, elle qui menait la danse.

Mais Bruna Brumelune, vampire inférieure, n'était pas une chasseure. Juste une proie. Elle devait mettre ses réflexes en sommeil.

Elle se soumit donc à l'examen sans broncher, esquissant même un sourire lorsque les yeux noirs croisèrent son regard. La bouche du garçon se releva vers le haut par mimétisme.
Souris donc, boy, souris tant que tu as des lèvres. Si elle s'écoutait, son prochain sourire serait plus sanglant.

Finissant enfin de la scruter, il s'inclina et récita comme un enfant le ferait de sa leçon : "Enchanté. Je m'appelle Milander. Je suis actuellement en première année au lycée Yokai. Je suis heureux de vous rencontrer."

Elle inclina la tête, le photographiant mentalement. Milander. Le garçon qui ne lui plaisait pas. Si elle obtenait son nom, elle irait vérifier ses antécédents sur son téléphone, histoire de voir s'il s'agissait d'un des "innocents" de Bruna ou non. Si tel n'était pas le cas, elle serait ravie de lui rendre une petite visite un de ces jours.

Enchantée répondit-elle en s'inclinant légérement à son tour, mains jointes comme la parfaite adolescente timide. Je suis Bruna, nouvellement arrivée. Je suis moi aussi heureuse de te rencontrer.

Les présentations faites, elle s'approcha un peu plus de lui, essayant de paraitre naturelle. Elle était nouvelle, il était ancien ; elle était petite et faible, il était grand et fort ; il était normal qu'elle cherche sa protection, n'est-ce pas ?

Dans sa tête, elle sentit plus qu'elle n'entendit Bruna pousser un soupir de fatigue mais refusa d'en tenir compte. Elle faisait ce qu'elle voulait, tant pis si cela ne lui plaisait pas.

Elle se mit donc juste devant lui, releva un peu les yeux et se mordilla les lévres comme si elle hésitait. Sa bouche s'ouvrit, se referma, se rouvrit enfin et elle demanda d'un ton penaud : "Je suis désolée, mais... je ne connais personne ici. Est-ce que tu pourrais m'aider s'l te plait ? J'ai peur de me perdre et.. et.. Enfin, je ne sais même pas où aller. Alors, si tu as un peu de temps..."

Elle laissa sa phrase se finir sur une note descendante, donnant l'impression qu'elle n'osait pas lui réclamer de l'aide. Les hommes adoraient les jeunes filles en détresse, elle l'avait constaté plus d'une fois. Celui-ci ne devrait pas faire exception.

Enchantée . Je suis Bruna, nouvellement arrivée. Je suis moi aussi heureuse de te rencontrer.

Elle s'était inclinée pour ponctuer sa phrase. Bruna était un prénom avec une sonorité étrangement agréable aux oreilles du jeune anglais. Bruna Bruna Bruna Bruna.

*Milander, garde la t..*

Refouler Percelune était devenu facile. Il n'avait pas pu terminer une seule phrase depuis son apparition marquée avec Greg. Milander s'était promis qu'il ne se laisserait plus surprendre par l'esprit du vieux mage. Mais chacune de ses incursions étaient de plus en plus faible. Le jeune sorcier suspectait que Lunar reprenait des forces.

La demoiselle aux cheveux rouge se rapprocha doucement de lui. Elle se mordit la lèvres inférieure dans une expression qui fit fondre Milander. Elle sembla commencer une phrase et finit par s’interrompre. Enfin, elle finit par prendre la parole, la voix emplie d'hésitation.

"Je suis désolée, mais... je ne connais personne ici. Est-ce que tu pourrais m'aider s'il te plait ? J'ai peur de me perdre et.. et.. Enfin, je ne sais même pas où aller. Alors, si tu as un peu de temps..."

Décidément, c'était une journée radieuse pour Milander. Il ne put s’empêcher de bomber légèrement le torse. Il allait pouvoir faire ce qu'il faisait de mieux : Aider les gens ! Il offrit un sourire radieux à la charmante Bruna. Il s'inclina légèrement, observant le sac à dos de la demoiselle.

"Tu n'as pas d'autres valises?"

Lors de son arrivée, le jeune anglais était beaucoup plus chargé que cela. Ses trois valises semblaient bien superflus, à vrai dire. Mais il était persuadé que Bruna ne possédait pas de K-Way jaune fluo dans son sac. Un mal pour un bien pensa tristement l'anglais. Il étouffait dans ce ciré.

Il se retourna alors, indiquant le haut du sentier.

" Rassure toi, on a encore le temps de te perdre. Le lycée est un véritable dédale. Pour l'instant, c'est par là."

Milander avait encore des difficultés à s'orienter dans l'école. Il était à coup sur le pire guide que Bruna pouvait avoir. Il rectifia sa pensée. La fille aux cheveux flamboyants aurait pu tomber sur un guide aveugle et unijambiste. Il commença à remonter le sentier, incitant la demoiselle à faire de même.
Il se sentait légèrement mal à l'aise en présence de Bruna. Il craignait que si elle le fixait, il ne finisse par rougir. Son esprit d'adolescent trépignait doucement.

" Tu es japonaise? Ton accent ne m'est pas familier."

C'était la meilleure question qui était venu à l'esprit du jeune anglais. Son esprit était dans un état étrange d'excitation. Il avait failli lui demander " A ton avis, c'est qui le plus fort, l'ours blanc ou l'ours brun?"

Luna regarda d'un oeil amusé le jeune homme se rengorger comme un paon. Les hommes étaient si prévisibles, par certains cotés ; qu'on leur adresse un sourire timide et ils se croyaient les rois du monde. Un baiser et les voilà empereurs. Stupide. Comme si recevoir une chose aussi fragile qu'un sourire vous donnait un pouvoir quelconque... Vraiment stupide ! Les os ont le même point de cassure, qu'on soit aimé ou détesté, elle le savait de première main.

Le roi daigna redescendre sur terre pour demander à sa princesse en détresse :

"Tu n'as pas d'autres valises?"

Elle mit une seconde avant de comprendre. D'autres valises. Ah oui. Les gens emmenaient en général du bric et du broc là où ils se rendaient, remplissant des boites entières de choses inutiles.
Elle n'était pas de ceux là. Depuis sa réapparition un an plus tôt, elle n'était jamais resté trois jours de suite au même endroit. Se déplacer vite et bien était devenu son credo, ses bagages devant toujours être à portée de main en cas de massacre découvert un peu trop tôt. La seule chose envers laquelle elle se sentait vraiment attachée était son rosaire ; son sac ne contenait que quelques vêtements et son téléphone. Néanmoins, quiconque aurait tenté de s'approprier ses affaires repartirait de là avec ses dents dans sa poche littéralement, et probablement ses cojones dans l'autre. Ses affaires, pas touche.
Néanmoins la Bruna inscrite devait être comme les autres gens, Luna avait donc trouvé une excuse toute faite pour expliquer ce fait. Orphelinat, ballotage de ci de là de famille d'accueil en famille d'accueil. Pauvre gamine.

La jeune fille se contenta donc de triturer la bandoulière de son sac comme pour s'assurer de sa présence et avala sa salive.

"Je ne suis jamais restée longtemps au même endroit. La faute à ma... ma différence. Je n'avais pas grand chose à emmener."

Juste assez pathétique pour attirer la sympathie. Un point de similitude avec son interlocuteur évoqué, censé le mettre un peu mal à l'aise et l'attendrir. Parfait.

Elle se sentit donc un peu frustrée que Milander se retourne pour lui désigner le haut du sentier avant qu'elle puisse lire l'expression de son visage.

" Rassure toi, on a encore le temps de te perdre. Le lycée est un véritable dédale. Pour l'instant, c'est par là."

Elle hocha la tête en réponse, petite fille sage, alors qu'elle se préparait mentalement à établir un plan du lycée. Si elle devait réguler ses accès de violence et les assouvir dans le secret, il ne fallait surtout pas que quelqu'un la surprenne à ce moment-là. Elle allait noter dans un coin de son crâne les localisations des bâtiments, les issues, les coins sombres, les points d'eau, tout ce qui pourrait lui être utile.

D'un geste de la main, l'adolescent l'invita à se mettre à sa hauteur et à remonter le sentier. Elle lui obéit et commença à avancer à son rythme. Il avait un bon rythme qu'elle aurait néanmoins pu suivre sans problème, mais elle s'arrangea pour vite se retrouver un pas derrière lui, l'obligeant à ralentir. On ne presse pas les jeunes femmes, question d'étiquette.
Elle se força à regarder le décor, un sourire intéressé aux lèvres. Non pas que les plantes rabougries l'intéressent, mais elle sentait que Milander était mal à l'aise, se yeux revenant sur elle à son insu comme le nord attirait l'aiguille de la boussole. Le pouvoir d'un sourire. Elle lâchait de temps à autre les décor des yeux pour jeter un coup d'oeil innocent au jeune et s'amusait de le voir aussitôt se raidir et détourner le regard. Une petite frustration mais agréable à ressentir, comme une friandise dégustée entre deux repas.

Après quelques minutes de marche, Milander finit par lui demander d'une voix qu'il espérait sans doute virile et calme : " Tu es japonaise? Ton accent ne m'est pas familier."

Monsieur allait bientôt lui demander si elle vivait chez ses parents, à ce compte là.
Elle tenta d'analyser sa voix pour avoir elle aussi des questions à lui poser, mais en vain. Luna avait appris la langue comme on aurait appris une leçon dans un livre : un savoir total, mais froid et théorique. Elle ne savait qu'apprendre et pas comprendre et n'arrivait pas à déterminer en quoi la diction du jeune homme différait de la norme.
Bruna le savait sans doute elle, mais elle ne lui donnerait pas l'information sans raison. Comme la majeure partie du temps, elle se tenait en retrait, muette mais prête à réguler Luna si jamais elle faisait un faux pas dangereux pour elle ou son accompagnateur. Vous parlez d'un ange gardien...

Bah, la question ne présentait aucun danger. Elle lui adressa encore un sourire - d'ici peu, il finirait empereur de la galaxie - et lui répondit doucement : Je vivais en Italie, je pense que ça doit s'entendre dans ma voix. Mais c'est si perceptible que ça ?" Soupçon de malaise dans la voix, comme si elle s'interrogeait sur l'accueil qui lui serait fait à cause de son origine. Elle remit une méche derrière son oreille, geste nerveux par excellence. "Et toi, d'où viens-tu ? Je vois bien que tu n'es pas nippon, à cause de.. cause de tout."

Elle sentit ses joues rougir. Cela l'arrangeait bien dans la circonstance, mais cette réaction était plus due à sa honte de devoir apparaitre si faible, si féminine qu'à autre chose. C'était un bon masque, mais que c'était frustrant à porter.

Elle reprit d'un ton léger comme si elle voulait changer de conversation : "En tout cas, il fait plus chaud que prévu. J'ai hâte d'arriver à l'école pour boire quelque chose de frais !"

"Je ne suis jamais restée longtemps au même endroit. La faute à ma... ma différence. Je n'avais pas grand chose à emmener."

Milander ne fit aucun commentaire à cette remarque. Il ne pouvait pas vraiment comprendre ce que Bruna avait vécu. Il n'avait jamais vraiment ressenti sa différence comme un rempart. Il sentait que ce sujet était épineux et décida de ne pas rebondir dessus. Pour le moment.
Malgré sa lenteur volontaire, la demoiselle était à la traîne. Milander n'aimait pas sentir une présence inconnue derrière lui. Ne jamais laisser son dos à découvert, lui avait t'on inculqué. Il fronça les sourcils, s’interrogeant sur la façon dont Bruna avait pu apprendre cette terrible leçon.

A sa réponse, elle lui accorda un sourire timide, soufflant la méfiance naissante du sorcier.

Je vivais en Italie, je pense que ça doit s'entendre dans ma voix. Mais c'est si perceptible que ça ?"

C'était son frère Theodore qui avait appris l'italien. Milander ne connaissait de la langue que quelques insultes particulièrement crues. Il ne put retenir un sourire nostalgique. Le jeune homme était resté longtemps au même endroit et sa famille lui manquait. Bruna rajusta une mèche derrière son oreille dans un geste charmant. Par certains coté, elle lui rappelait sa première et seule petite copine. Il se promis d'envoyer une myriade de lettres au plus tôt.

"Et toi, d'où viens-tu ? Je vois bien que tu n'es pas nippon, à cause de.. cause de tout."


Milander ralentit encore sa marche, arrivant à coté de Bruna. Ses pommettes étaient encore vermeilles pour une raison qui échappait à l'anglais. Avait il fait quelque chose pour provoquer l’embarras chez la demoiselle?
C'est vrai qu'il n'avait rien de nippon. Sa taille, sa tignasse blonde et ses grands yeux sombres... Il lui aurait été difficile de se faire passer pour un japonais pur souche. Il ouvrit la bouche mais Bruna fut plus rapide et ajouta :

"En tout cas, il fait plus chaud que prévu. J'ai hâte d'arriver à l'école pour boire quelque chose de frais !"

Milander ne pouvait qu'approuver ces propos. Il s’arrêta dans sa marche et entreprit d'enlever son ciré jaune. Comme dans un mauvais sketch, il se débâtit un instant. Victorieux, il cala le K-way sous son bras. Il hésita à faire apparaître un Pepsi frais pour la demoiselle. Mais les derniers évènements l'incitaient à utiliser ses compétences avec plus de parcimonie.

" Je viens d'Angleterre. "

L'anglais avait la tête vide et la nuque trempée. Il ne savait pas quoi dire, pas quoi faire si ce n'était marcher jusqu'au lycée. Jamais il ne s'était trouvé dans une telle position d'inconfort. Il se promit intérieurement de ne plus jamais ré enfiler ce Kway de sa vie. Il vérifia son portable, l'esprit ailleurs. L'enceinte du lycée était désormais en vue. Son calvaire était bientot terminé.

Le jeune homme s'arrêta au milieu du sentier et entreprit d'enlever son imperméable. Bruna se contenta de le regarder faire, amusée de le voir peiner. Les bras qui refusaient de sortir des manches, la tête qui collait à la cagoule, le tee-shirt qui remontait en même temps que le K-Way... Dire que si elle avait utilisé son don, en deux secondes il serait sorti de là. Ou en train de suffoquer pendant que son imperméable l'étouffait.

Quand il arriva enfin à sortir la tête de son vêtement, un sourire joyeux était encore plaqué sur ses lèvres alors qu'elle pensait à la tête qu'il ferait si son col commençait à se resserrer doucement, tout doucement, mais implacablement sur sa gorge. Ce serait jouissif et tellement facile. Elle leva la main sans s'en rendre compte...

Main qu'elle rebaissa aussitôt alors qu'il calait son K-way sous son bras, le portant comme un paquet de linge sale. Bruna proie, Bruna gentille, ne pas l'oublier. Gen. Tille.

Bruna riait franchement dans sa tête, visiblement amusée de la voir sortir si facilement de son rôle. Et dire qu'on prétendait les Anges, gentils, honnêtes, prêts à tout pour aider leurs protégés.
Bruna cessa aussitôt de rire. Le coup était bas, comme toujours, mais efficace.

" Je viens d'Angleterre. " lâcha Milander en repartant. Elle ne voyait de lui que sa nuque trempée mais son malaise était facilement perceptible. Avait-elle commis une bévue ? Un impair dans son comportement ? Si oui, elle devait savoir lequel pour ne pas le reproduire.

Elle toussota, cherchant les mots les plus convaincants.

Milander ? Est-ce que c'est moi qui te mets mal à l'aise ? Qu'est-ce que j'ai encore fait de travers ?

Elle attendit sa réponse avec impatience. De celle-ci allait dépendre son futur rôle, et la vie ou la mort du garçon. Le lycée était en vue mais ils étaient encore assez loin pour qu'elle puisse s'occuper de lui en toute tranquillité.

Le garçon agissait bizarrement. Il humait l'air, se retournait comme pour mieux entendre quelque chose, fouillait du regard l'horizon. D'une main, il jouait nerveusement avec une lourde chevalière qu'il portait autour du doigt, s'y raccrochant comme un enfant à son hochet. Le trouble n'avait pas été causé par sa question, elle en était quasi-certaine. Que lui arrivait-il ?
Il finit par tourner vers elle, les yeux toujours mobiles, aux aguets de quelque chose d'invisible à ses yeux.

"Non non, ça devrait passer."

Visiblement, sa question avait été totalement oubliée. Elle-même n'était plus qu'une chose sans importance à ses yeux, une chose dont on s'occupe après coup.
Elle n'était pas une chose oubliable, et elle allait le lui rappeler.

Mais avant qu'elle n'agisse ou que Bruna lui rappelle son rôle de gentille petite fille... Milander changea. Littéralement. Son visage hagard se resserra, devenant dur, tandis que ses prunelles la transperçait du regard. Le masque était-il tombé ou relevé ? Elle subit un court instant ce regard scrutateur et hautain, une expression de perplexité inquiéte sur le visage. Mais qu'arrivait-il à ce brave garçon ? Se sentait-il mal ? Comme pour répondre à ses pensées, le nouveau Milander lui adressa un sourire froid avant de pivoter face au la. Les mains dressées vers le ciel, comme invoquant un quelconque Dieu païen de descendre honorer sa prière, il se mit à rire d'un rire suraigu, hystérique, totalement incongru sortant dans la bouche de garçon benêt mais gentil à sa façon.

La surface de l'eau frémit. Puis commenca à se troubler, des vaguelettes montant et descendant, transformant l'immense miroir liquide en milliers de reflets mouvants. Qu'avait-il fait ? Elle recula de quelques pas, gardant à l'oeil le garçon dont le rire s'éteignait peu à peu et le lac transformé en champ de bataille.
Etait-ce une attaque ? Un piège afin de découvrir qui elle était ? Elle n'était pas en bonne posture... son don de manipulation ne lui permettrait d'user que de quelques branches mortes et cailloux. Ou l'eau du lac. Mais cela voulait dire mettre un terme à sa couverture de vampire et à la vie de ce garçon.
Non pas que l'idée lui déplaise, mais elle aurait voulu garder sa couverture au moins un jour.

Sa probable future victime se retourna vers elle. Elle garda un air neutre, l'observant. Son visage était redevenu comme avant, un peu mou, vide, gentil, et son expression indiquait sa perplexité. Pas de panique cependant ; la situation lui semblait être inhabituelle, mais pas extraordinaire.
Avait-il déjà vécu ce genre de chose ? Ne serait-ce donc qu'un acte anodin pour lui ? A voir.
Elle radoucit ses traits, laissant percevoir une certaine inquiétude pour le blond. Ainsi qu'une légére peur ; cela avait été si soudain, si surprenant ! Allait-il bien ?

"Je.. euh... Ca va être un peu compliqué à expliquer mais.. Hm. Je crois que nous sommes en danger."

Elle posa son regard vers la surface du lac, désormais bien troublée. Quelque chose allait émerger, quelque chose de gros. En danger.
Luna aurait adoré montrer à ce "danger" qui était le plus grand prédateur du coin, mais Bruna devait être douce et peureuse.

"Oh non ! Milander, qu'allons nous faire ?". Elle fit un pas en avant, s'arrêta un instant là, comme si elle hésitait sur la confiance qu'elle pourrait accorder à son compagnon. Saurait-il l'aider, la protéger ? Elle haleta, étreignit de ses deux mains son rosaire comme si elle voulait l'arracher. "Je ne peux rien faire pour nous protéger. Sans lui, je suis déjà faible, mais avec... Je ne peux rien faire. Je... je suis désolée... S'il te plait, sauve-nous."

Princesse en détresse, jeune chevalier, arriveras tu à la sauver ? Ou devra-t-elle exhiber ses pouvoirs de méchante sorcière et te faire griller en même temps que le dragon démoniaque ?

Choisir chevalier, choisis.

Méfiance soudaine de la part du blond envers elle. Son masque avait-il sauté sans qu'elle s'en rende compte, ou s'agissait-il d'autre chose ? Pendant un court instant, il avait changé... aurait-il perçu une dissonance chez elle ?

Il eut un petit sourire accompagné d'une étincelle déplaisante dans les yeux. Plus tard, semblait-il dire, nous verrons cela plus tard. Elle soutint son regard un bref instant avant qu'il ne se retourne face au lac. Plus tard, oui, plus tard, nous verrons cela. Attends de voir, grand blond, tu ne seras pas déçu.

Une masse informe, grotesquement animée émergea du lac. Une tête blanchâtre à la chair écorchée sortit lentement, deux globes oculaires à la pupille fendue se fixérent sur eux, une paupière translucide les recouvrant partiellement, palpitante. Un simulacre de crapaud géant, pâle comme une statuette de cire et puant comme un charnier à ciel ouvert.

Elle sentit son coeur s'accélérer d'excitation. Un ennemi à sa taille, un géant qu'elle pourrait attaquer, déchiqueter, massacrer... Souffle rapide, fort. Un fort, un monstre. Comme elle. Elle sentit l'adrénaline se mettre à couler dans ses veines, d'abord au compte-goutte puis de plus en plus vite, en ruisseau, rivière, fleuve, jusqu'à abreuver ses muscles, nourrir ses nerfs, la pousser à sauter à la gorge de l'autre...

"I call upon the fury of the sky. Tear up my ennemies, Lightning spears !"

Lumière éblouissante qui lui fit plisser les yeux, sortie de transe. Une boule lumineuse s'envola de la main du blond jusqu'aux nuages, et une demi-douzaine d'éclairs foudroyèrent le lac, foudroyèrent la chose pustuleuse. Elle sentit plus qu'elle ne la vit imploser, sentit le choc électrique lui remonter le long de ses membres, s'attaquer à son coeur, ses poumons, ses yeux, l'impression d'enfler démesurément, de plus en plus, de grossir, d'exploser... Elle poussa un petit cri à l'instant où le batracien monstrueux éclata et que ses membres encore animés de mouvements-réflexe se répandirent sur le lac.
Souffrance brute, puissante, mais si bréve. A peine le temps de la goûter qu'elle s'évapora, la laissant incroyablement frustrée. On venait de lui présenter le plus grand buffet du monde et à peine avait-elle eu le temps de picorer un toast qu'on le lui enlevait... Sacrilège. Elle en voulait plus. Plus.

Totalement inconsciente de ce qui l'entourait, elle sentit ses genoux céder et se retrouver agenouillée sur le sol, des larmes de frustration lui dégoulinant sur le visage. Plus. Juste un peu plus... Bruna tentait de la reprendre, de la calmer, de lui hurler de reprendre son masque, mais la frustration la rendait folle, incapable de se réfréner... Plus !

Malheur à qui s'approcherait d'elle dans cet état.
Male mort à l'inconscient qui oserait lui parler ou la toucher.

-Bruna...? Ca va?

Une voix.
Quelqu'un qui était là. Qui la voyait. Qui était à portée.
Quelqu'un qui était vivant. Qui était conscient. Qui pouvait ressentir.
Quelqu'un qui pourrait l'aider.
L'aider à en avoir plus.

A l'arrière, Bruna s'efforça une fois de plus de se faire entendre, de la ramener à la raison. Elles devaient se faire discréte. Elles devaient passer pour faibles. Elles ne devaient pas tuer la première personne rencontrée !
Mais "raison" n'était plus qu'un mot pour Luna, un mot bien éloigné de la réalité. Seuls comptaient le sang, les cris, la souffrance. Ce vide en elle qu'elle allait remplir d'ici quelques secondes. Et quand ce manque affreux qui la torturait serait comblé, que l'hémoglobine aurait souillé sa nouvelle robe, alors seulement les conséquences importeraient. Pour l'heure.. Chasser. Son avenir se réduisait à ce simple mot. Deux syllabes pleines de promesses, promesses qu'elle comptait bien remplir de suite.

Un contact. Bref, furtif, sur l'épaule.
La souris venait taquiner le chat.
Tant pis pour elle.

Luna se releva, lentement, ses larmes arrêtant de couler toute seule. Plus l'heure de pleurer, l'heure de jouer. Le jeune homme, à portée d'attaque, la regardait d'un air étrange mais elle n'en avait que faire. Bientôt, elle se délecterait de l'horreur qu'ils exprimeraient, de la douleur qu'il gémirait. Savoureux plat de résistance, après l'apéritif de friture de grenouille... Elle sentait déjà son sang se mettre à battre à ses pommettes et son souffle s'accélérer, lui faisant monter le rouge aux joues, lui donnant l'air de la femme la plus réjouie du monde.
Sourire. Non. Après, elle le serait. Pour l'instant...

Boost dans les jambes et en un seul instant, derrière Milander. Un bras accroché à son poignet droit, y enfonçant les ongles. Sensation de chair chaude, odeur de sang dans l'air, goutelette ruisselant le long de ses doigts. Il ouvrit la bouche, son regard affolé de proie se fixant sur elle. Trop tard. Cou crocheté de l'autre bras, déséquilibré, penché en arrière, et dents qui s'enfoncent dans la chair de l'épaule. Muscles qui se contractent et sang sous son crâne, dans sa bouche, sur sa main, et douleur aigue qui l'abreuve mieux que le plus doux des sirops.

Hurle, petite souris, le jeu ne fait que commencer.

Plus fort, plus loin, puis plus bas alors qu'il chutait sur la terre du sentier. Elle resta debout, tenant un moment de trop le bras. Clac. Point de brisure, douleur fonçant sur la ligne électrique des nerfs, lâchant son signal électrique au cerveau, hurlement s'étouffant sur un geignement alors que le gibier commence à réaliser qu'il a mal, mal à plein d'endroits, mal de plein de façon, mal et qu'il risque de crever. Bon. Succulent.

Elle se retrouva juchée sur lui en une seconde. Ses vêtements se transformèrent en carcan sans qu'elle fasse le moindre geste. Pas serrer, juste immobiliser. Juste lui faire comprendre qu'il n'était rien, qu'elle dominait tout. Qu'il allait crever à petit feu selon son bon plaisir, comme le minuscule animal qu'il était.
Sourire décoché alors qu'elle plaçait une main sur son ventre. D'ici quelques secondes, il allait lui montrer s'il était de bon foie malgré sa fragilité. Malgré son air d'enfant perdu, ses airs de grands garçons disparus...

Pas les enfants !

Bras qui se bloque, épaule qui tressaute alors que le geste sensé blesser gravement Milander est freiné d'un coup sec.

Pas les enfants. C'est la règle.
Mais ce n'est pas un enfant ! Il en a juste l'air !
Pas les innocents non plus. C'est aussi la règle.
Innocent n'est qu'un mot. Ce n'est qu'un faible, qu'une petite souris qui ne manquera à personne. Un sac à viande ambulant, prêt à se faire dépiauter.
Quel intérêt d'attaquer les faibles ?
Pourquoi pas ?
Reviens plus tard. Quand il sera devenu fort. Quand il vaudra le coup.
Quand il v... Je ne peux pas arrêter maintenant. C'est trop tard !
Tu peux le faire Luna. Tu peux le laisser partir. Tu peux reprendre le rôle de la gentille vampire.
Je ne veux pas ! Je veux...
Te venger ?

Le corps de Bruna eut un sursaut alors que Luna revenait brutalement à la raison. Vengeance. Elle était venu pour ça. Pour se venger. Parce qu'on lui avait volé sa proie, qu'on l'avait privé de son but. Vengeance. Elle devait prendre son temps, aller doucement, découvrir qui était l'Ombre et le massacrer, le faire souffrir jusqu'à ce qu'il supplie les Ténébres de le reprendre plutôt que de subir encore son courroux. Et pour ça elle devait faire profil bas. Etre gentille. Etre Bruna. Et Bruna ne tuerait pas un élève, non...

Elle se releva, recula, totalement désorientée. Pas besoin de mimer, son corps lui hurlait d'agir d'une façon et son esprit d'une autre ; des spasmes nerveux la parcouraient alors qu'elle tentait de se contrôler. Un pas en arrière, puis deux, et elle se laissa tomber en arrière, atterrissant sur les fesses comme une enfant en bas âge.
Expliquer. Lui donner la raison officielle, celle de la vampire faible. Le laisser se relever, gérer, consoler la petite princesse maudite qui souffre.

-Je.. Je suis désolée... Le sang... La mort...

Une main remonta jusqu'au rosaire, tirant dessus comme pour s'assurer de sa présence. Puis elle releva les genoux, y cachant la tête dans une attitude totalement désemparée.

-Pas pu contrôler... Encore... D'solée....

Tu te débrouilles bien.
Il va m'aider ?
Je ne sais pas. Peut-être va t il fuir. Laisse le faire dans ce cas.
Tant qu'il ne m'attaque pas.
...

Le grand blond fit l'erreur de cligner des yeux. A vrai dire, c'était une faute assez pardonnable. Purement et simplement, Bruna s'évapora. La stupeur ne dura qu'un temps. Quelque chose d'acéré lui blessa le poignet. La douleur soudaine et aigu cloua Milander. Alors qu'il portait instinctivement sa main à son portable, une main passa devant son visage et se referma sur son cou. Déséquilibré par ce mouvement soudain et sentant la panique monter, le sorcier ne ressentit que doucement la blessure à l'épaule. Pourtant, Milander savait qu'il avait été mordu.

Il tombait. Le sol paraissait bien lointain. L'étreinte qui maintenait son bras ne faiblit. Son bras fut tordu dans une pose grotesque. Meme si Milander s'était déja luxé l'épaule par le passé, la sensation terrible lui arracha un cri. Il crispa les dents, tentant d'endurer la douleur, préparant le prochain coup à venir. La femme hurlait de rire et la fureur et l’incompréhension gagnait l'anglais. Cette attaque était elle de son fait? Qu'avait elle donc fait de Bruna?

Pourtant, ce fut la demoiselle aux yeux rouges qui vient s'asseoir sur lui. Se découvrant une vocation de chaise de jardin, Milander restait perplexe. Bruna était rapide. Bien plus rapide qu'il n'aurait pu l'imaginer. Elle le dévisageait, souriant d'un air étrange. C'était la première fois qu'une demoiselle s'asseyait sur lui. Il avait l'impression que ses vêtements étaient devenus plus serrés, comme si il avait encore le K-Way sur lui. Son autre main était toujours dans sa poche, pianotant le portable à toute vitesse.

Bruna aurait pu le tuer mille fois. Pourtant, elle se contentait juste de l'immobiliser dans une prise de catch surprenante. Elle tendit la main, l'apposant sur l'abdomen de Milander. L'anglais activa son sort silencieusement. Les sorts non verbaux perdaient rapidement de puissance. D'autant que dans sa position actuelle, Milander ne voyait pas vraiment quel sort il avait lancé. Pas de pluie d'éclairs ni de protection magique. A quelques mètre du magicien l'attendait un panini au nutella, posé sur une serviette.

Bruna eut un sursaut et suspendit son geste. Cette invocation maladroite lui avait elle sauvé la vie? Le prédateur allait il se jeter sur une cible plus à son gout? Ignorant la merveille sucrée, la demoiselle se leva et recula, laissant le pauvre Milander allongé sur le sol avec une épaule démise et de nombreuses éraflures à des endroits variés.

Ce qui étonnait l'anglais était la précision. L'enchainement de coups avait été millimétré. Bruna connaissait des méthodes efficaces pour tuer quelqu'un. Elle qui semblait tellement petite et fragile. Visiblement, la femme noyée semblait l'adorer. L'esprit s'était gorgé de joie en voyant le sang du sorcier couler sur le sol boueux de la prairie. Bruna finit par s'asseoir sur ses fesses à deux pas de Milander. L'assaut était terminé. La tension semblait s’être évaporé comme la rosée du petit matin. Ce fut une Bruna bouleversée qui prit la parole.

-Je.. Je suis désolée... Le sang... La mort...

Milander avait mal. Il finit par se redresser à moitié. Son bras était définitivement luxé. Il jeta un coup d'oeil furtif à son portable et déclencha son sort. Il se redressa alors de toute sa hauteur, bougeant son bras nouvellement guéri pour s'assurer qu'il allait bien. Il inspecta son poignet et son épaule et fut stupéfait de voir le sang séché autour de la blessure.

Etait ce vraiment Bruna qui l'avait attaqué ainsi? La situation lui semblait tellement iréel. Pourtant, c'était cet adorable créature qui l'avait blessé ainsi dans un clignement d'oeil. Il dévisagea l'inconnue dans une grimace d’incompréhension. Si Bruna tentait d'expliquer son comportement, il faudrait plus de détails que cela. Elle porta la main à son rosaire et inclina la tête, semblant se blottir dans un espace protégé. Dans un murmure, elle fit :

-Pas pu contrôler... Encore... D'solée....

Milander ne put s’empêcher de compatir. Il avait aussi en lui des voix morbides qui l'incitaient à contre attaquer, à ne pas laisser un tel affront impuni. A vrai dire, après son sort de guérison, l'anglais était toute de suite passé à l'application " Foudre ". Aussi agile et rapide qu'elle soit, il aurait été facile, simplement de la foudroyer ici. Mais attaquer une Bruna prostrée le laissait perplexe. D'autant que c'était son premier jour et qu'elle semblait s’être calmée. Mais pour combien de temps, lui susurraient les voix. Brise lui la nuque avant qu'elle ne brise la tienne, murmuraient les échos.

Il laissa ces pensées ici. Il fit deux pas, ramassa le panini au nutela. Il croqua dedans à pleines dents. Cet instant de réconfort ne fut que de courte durée. Son anneau le démangeait. Il pulsait d'énergie, envoyant à Milander des vagues d’électrochoc. Son coeur battait trop vite pour lui. L'adrénaline arrivait bien trop tard. Quelque chose en lui bouillonnait. Un orgueil invincible le soulevait. La façon dont il avait un jouet avait bouleversé l'esprit du jeune garçon. Malgré son calme apparent, le corps de Milander était désormais aux aguets. Seul son bras à l'anneau était traversé de temps en temps par de légers spasmes.

- Ça arrive souvent?

Milander haussa les épaules. Dans un sens, Bruna avait eut de la chance sur tomber sur lui. Le jeune homme était persuadé que la demoiselle n'était pas la seule dans ce foutu lycée à avoir un alter égo maléfique. L'ennui c'est que l'anglais n'avait rien fait de particulier pour provoquer une telle avalanche de violence. Si Bruna était un danger permanent, devait il le signaler aux autorités en fonction? Il souffla cette pensée. Milander pouvait etre stupide, maladroit ou arrogant mais il n'était surement pas une balance. D'autant que personne n'était mort. Pour l'instant.

- Si tu as des soucis avec... Si tu as des soucis, j'peux toujours te conseiller de voir...

Le choc avait bousculé la capacité de l'anglais à s'exprimer clairement. D'autant qu'il ne se rappelait plus le nom du psychologue du Lycée. Il prit une nouvelle bouché de panini pour se donner du coeur à l'ouvrage.

- Tu devrais faire attention. Si tu as besoin de conseils avec ton problème, je pense que tu devrais aller discuter avec Mr. Totochoïda.

Mouvement imperceptible devant, un soupir, puis deux pas qui résonnent sur le sol... Il s'avance.

Luna se tendit. Toujours dans sa posture de repli, elle contracta les muscles de ses mollets et laissa mollement une main tomber jusqu'à terre. Geste de fatigue a priori, appui pour assurer son équilibre en cas d'attaque en réalité. Tête toujours dans les bras, elle était l'image même de l'affliction.

Un bruit de porcelaine, puis un... mâchonnement? 

Elle releva briévement la tête, essayant de distinguer le jeune blond à travers ses larmes. Debout, il mangeait un espèce de pain au chocolat. Après qu'elle ait failli le tuer. C'était... humiliant. Elle sentait la rage remonter devant son flegme. Elle lui avait luxé l'épaule, l'avait mordu, lui aurait arraché le foie avec plaisir... Elle mourait d'envie de l'éviscérer, là, tout de suite, et de faire une partie de corde à sauter avec son gros intestin. Et lui il avait faim. Faim. 
Avec un reniflement, elle recacha son visage dans ses bras. Mieux valait se calmer. Ne pas se mettre en colère. Elle était traumatisée par son geste. Pleurnicharde. Effrayée. Pas fulminante de rage.
Mais un pain au chocolat. Et pourquoi pas un esquimau aussi?!

- Ça arrive souvent?

Sans relever la tête, elle eut un geste de dénégation. Gauche, droite, gauche, retour au milieu avec un geignement. Ca, non. Ses victimes avaient rarement l'occasion de se taper un casse-croute après son passage. Ou de s'enquérir de son état de santé.
Elle eut un haut-le-coeur. Sa proie qui s'inquiétait pour elle. Le monde à l'envers. Elle était vraiment tombée très, très bas. Non, ne pas laisser son orgueil et sa colère prendre le dessus. Pas maintenant.

Mais son coeur recommençait à s'accélérer et son corps à trembler pendant que des idées de revanche remontaient. Pas contre l'Ombre cette fois-ci, non. Contre cet abruti qui se comportait comme s'il était son égal. 
Non pire, comme s'il devait la protéger. 
Sa tête s'échauffait. Elle allait se relever et le mettre à terre, cette fois-ci. Et lui arracher lentement les muscles des bras, lambeau après lambeau, jusqu'à ne plus avoir que les os à nu, qu'il puisse voir l'os blanc, et quand il n'en pourrait plus de hurler elle lui ferait entendre le bruit qu'ils faisaient quand ils...

Sa bouche s'ouvrit toute seule et se refermer sur son poignet d'un coup sec.
Douleur aigue, et sang dans la bouche. Son sang, son propre sang, à la fois familier et étranger. Sirop carmin qui ruisselait sur sa langue, l'apaisant par vague comme une marée de tranquillité. Calme. Rester assise, ne pas l'attaquer. Plus besoin.

Merci Bruna.

Absorbée par son dialogue intérieur, elle manqua le début de la phrase de l'adolescent.

- ...des soucis, j'peux toujours te conseiller de voir... 

Elle releva la tête, poignet toujours en bouche, pour le voir avaler une autre bouchée de son pain au chocolat - quelques gouttes de sang, de calme - et reprendre en mastiquant et postillonnant :

- Tu devrais faire attention. Si tu as besoin de conseils avec ton problème, je pense que tu devrais aller discuter avec Mr. Totochoïda. 

]Totochoida ? Qui était ce donc ? Elle ne chercha pas à saisir. Pas important. Personne ne pourrait l'aider. Et elle ne voulait l'aide de personne.

Luna enleva ses dents de son poignet, délicatement, devant Milander. Le sang qui lui maculait le visage était celui du jeune homme, mais celui qu'elle avait en bouche était le sien. Néanmoins, l'impact psychologique de voir la frêle jeune fille qui vous a agressé se mordre violemment et se relever le visage plein plasma n'était pas négligeable. Elle s'essuya les lèvres d'un revers de la main, contempla le liquide qui la maculait désormais et d'un geste plein de dégoût entreprit de s'essuyer sur l'herbe verte. L'adolescente dégoutée par elle-même, qui cherche à tout prix à se dominer, à ne pas faire du mal aux autres. Qui préfére souffrir que de risquer de s'en prendre à un innocent.
Pauvre petite Bruna.

Sa main nettoyée, la jeune fille croisa les bras sur son torse, comme pour se rassurer. Tête qui se lève, yeux brillant de larmes contenues qui se fixent un instant à ceux de Milander, comme pour lui faire passer un message, bouche qui s'ouvre... Et puis effondrement. Trop de stress, de choc. Larmes qui coulent, visage en avant, yeux cachés par les méches de cheveux. Seules les traces des gouttes d'eau qui apparaissant sur le tissu de son pantalon - ploc, ploc, ploc - témoignent de ses pleurs.
Que ce soient des larmes de rage et de honte envers son comportement de proie n'est qu'un détail.

Des reniflements légers émergent seulement quelques mots.
- M'aidera pas... Peux pas...Sang... Plus jamais, plus... j'veux plus...

Adorable jeune fille, décidément. Un dragon ? Mais de quel dragon parlez-vous donc ?

Quelques reniflements encore, une ou deux larmes scintillantes sourdant de ses paupières mi-closes. En position foetale, elle se balançait presque imperceptiblement ; les seuls mouvements perceptibles étaient des spasmes de tremblement incontrolables, seuls témoins de la lutte violente entre son esprit et son corps. Rester dans le rôle de la pauvre victime, essayant de contenir en son sein un mal qui la rongeait à petit feu. Petite martyre qui a mal, mal, mal de faire du mal aux autres. Quel coeur de pierre aurait pu résister à cette visions ?

Pas celui de Milander en tout cas, qui la regardait d'un air à la fois perdu et touché. On sentait chez lui une envie de la serrer fort dans ses bras pour lui apporter un peu de réconfort et faire s'arrêter ses larmes cristallines.

- Je ferais mieux de te montrer l'entrée. Tu verras, la nuit porte conseil.

Elle le fixa de ses grands yeux humides, son visage exprimant à la fois la peine et le soulagement. Masque uniquement, mais d'une parfaite cohérence.

Pitoyable. Elle avait failli le tuer une minute plus tôt, et lui pensait à la consoler. Juste pitoyable. Tellement crédule. Tellement innocent.
L'innocence ne durait pas. Luna le retrouverait quand il serait moins innocent, plus fort. Il paierait cher cette crédulité, et surtout cette humiliation. Très cher. Un jour, Milander, elle te serrera dans ses bras. Un jour, tu ne pourras plus jamais en repartir.

- Dream on? 

Un jour n'était pas aujourd'hui.

Bruna essuya ses yeux sur son avant-bras, comme une enfant ensommeillée après un cauchemar. Et quel cauchemar ! Elle déplia ses bras auparavant croisés : sa morsure à l'avant bras continuait de saigner lentement, bien visible. Elle tira précipitamment sa manche par dessus, comme pour éviter que Milander ne puisse la voir. Pas la peine d'en rajouter dans le pathétisme. Puis elle tendit machinalement l'autre main vers Milander pour qu'il l'aide à se relever...

Son visage blanchit alors que les événements lui revenaient en esprit. Son bras revint vers elle en un geste fluide avant que le garçon n'ait pu réagir. Pas question de retenter la diablesse ! Elle entreprit de se relever toute seule avec difficulté - se laisser tomber sur le sol lui avait causé quelques bleus - et vint se placer quelques mètres devant le garçon. Se mordant les lèvres, elle osa enfin relever son regard jusqu'aux yeux du garçon et, après avoir dégluti une fois, osa lui demander d'une petite voix :

Tu... tu m'en veux ? Je comprendrai si tu veux que je me... que je me débrouille toute seule...

Elle serra contre elle ses bras dans un geste de réconfort alors qu'elle baissait la tête, visage désormais caché par ses cheveux.

Oh oui, elle comprendrait. Mais l'autre n'aurait pas l'intelligence de prendre la bonne décision.

Elle se tendit alors qu'il tapotait sur son téléphone - une manie décidément - et prononça à haute voix un mot étrange. Du latin ? Le latin ne faisait pas partie des langues qu'elle maitrisait, malheureusement. Elle aurait dû l'apprendre pourtant. Au cas où. Peut-être était-ce un code, ou quelque chose de dangereux pour elle.

Onde de chaleur qui la parcourut soudain, le releva. Son corps se crispa par réflexe, son souffle s'accéléra. Que se passait-il ? Bruna en elle s'agita, la sensation semblant l'agiter. Un écho, une résonance, quelque chose qui l'attirait... Et alors arrêt. Elle sentit l'onde de chaleur ressortir et couler sur son corps comme une eau tiède, ne la pénétrant plus. Bénédiction ? Elle y était insensible... Milander devait donc maitriser une magie autre que purement lumineuse. Voire d'autres types de magies ?

Ce portable... Ce jeune homme... Elle ne disposait d'aucune information en mémoire à propos d'une magie usant de technologie. Danger possible ? A surveiller. De près. De très près. Milander était une proie certaine... et un possible adversaire. Si seulement c'était vrai. Qu'elle aimerait pouvoir jouer, traquer, achever un adversaire de taille.

Mais ce serait pour plus tard. Il fallait pour l'instant réendosser le masque Bruna.

Légérement soignée, Bruna adressa un sourire de remerciement au jeune blond... qui était déjà passé à autre chose. Agacement qu'elle jugula. Décidément, la galanterie se perdait.

On fait la course jusqu'au lycée?

La c.. ? Elle baissa le regard sur ses pieds chaussés de ballerines crottées. Son sac à dos ballait contre son omoplate alors qu'elle l'avait ramassé machinalement. Un pantalon léger et taché de boue, un haut ample, des cheveux défaits... Elle n'était pas habillée pour le sport.

Mais son sang bouillait toujours. L'adrénaline n'était pas encore totalement retombé. Se dépenser lui ferait du bien. Un dernier sourire adressé au jeune homme, et elle démarra comme une flèche, droit vers le bâtiment qui dépassait des arbres.

"Dépasse moi si tu peux !" lança t elle avec un petit rire, lui lançant un dernier regard.

Elle ne se servirait pas de ses pouvoirs. Non. Mais elle essaierait de gagner quand même. Très joueuse mais mauvaise perdante, Luna...

Cours Milander, cours.

Il court il court, le sorcier
Le sorcier du bois joli...

Derrière elle, Milander s'était mis en route. Le grand blond avait du retard à l'allumage, visiblement... Qu'importe, elle filait vers le lycée à petite allure. Juste assez pour se décharger un peu de l'adrénaline qui l'inondait, pas assez pour se tordre la cheville sur ces affreuses racines ou révéler ses pouvoirs cachés. Assez pour que la brise vienne lui fouetter la face et la rafraichir, pas assez pour vaincre le vent.

Il court il court, le sorcier
Le sorcier des bois madame

L'adolescent n'eut aucun mal à la rattraper. Cela l'agaça légérement - elle n'espérait pas le vaincre à cette vitesse, mais qu'au moins il mette un peu de temps à la rejoindre !- mais cette pointe d'énervement était noyée sous l'allégresse de la course. Bruna lui décocha un vrai sourire alors qu'il arrivait à sa hauteur, juste emplie de joie en sentant son corps fendre le vent, ses muscles s'échauffer et ses cheveux s'ébouriffer encore plus.  Elle devait avoir l'air d'une gamine, mais elle s'en fichait. Juste envie de rire, de courir, de respirer. Elle était une gamine vivante, et c'était bon !

Il est passé par ici
Il repassera par la
Ou pas...

La ligne d'arrivée se profilait. Un petit clin d'oeil de sa part et il passa devant elle, allongeant sa foulée. Tricheur ! Il était plus grand ! Plus vite, plus vite... Elle accéléra un peu, histoire de prétendre jouer le jeu... Et s'empêchant surtout de rire. A cause des sensations, et aussi parce que cette grande perche devant elle, si elle ne se trompait pas, courait de façon exagérée afin qu'elle puisse bien observer son fessier. Sérieusement ?

Le furet est bien tombé
Saurez vous le relever ?

Ses semelles martelèrent le sol et son souffle s'accéléra alors qu'elle tentait de gagner quelques mètres. Et plus vite, le coeur qui bat la chamade. Plus vite, les sac battait la mesure contre son dos. Plus vite, Milander qui tombe au sol !
Plus vite, plus vite. Elle sauta par dessus le sorcier, continua en ligne droite jusqu'à la ligne d'arrivée quelques mètres plus loin.

GAGNE !

Elle s'arrêta, toujours son sourire béat aux lèvres, avant de revenir à petites foulées vers le jeune homme au sol. Gagné, gagné, elle avait ga-gné ! Le goût de la victoire était savoureux, sucré comme un bonbon et ferreux comme le sang, un goût inimitable qui l'amenait sur un petit nuage. Aussi l'Origine adressa-t-elle un large sourire au jeune homme au sol. Son souffle était court, ses pommettes rougies, mais qu'importait puisqu'elle avait gagné !

Son sourire s'élargit encore alors qu'il la regardait, l'air un peu perdu. Il n'avait pas pensé qu'elle puisse y arriver en première, hein ? Pas du tout ? Il avait même perdu son temps à se pavaner. Oh, quand elle repensait à ce déhanché... C'était drôle. Trop drôle. Excès d'endorphines, elle éclata de rire. Il ne devait rien comprendre à ce qu'il se passait et elle s'en fichait, elle était juste bien !

Allez, du calme. Quelques respirations laborieuses pour se reprendre, et elle revint au monde réel. Debout, jeune homme, elle le mettrait à terre une autre fois ! Elle lui tendit une main secourable et lâcha d'un ton amusé : "Sans rancune ?"

Comme le disait l'oncle de Milander, l'important dans la vie était de profiter des petits plaisirs. Bruna ne devait jamais avoir entendu ce dicton et pourtant elle semblait rayonner de fierté. Un sourire improbable s'était glissé sur le visage de l'étrange demoiselle. Le grand blond n'avait pas de souvenir d'avoir vu Bruna se servir de ses dents d'une telle manière. Après tout, elle était la grande gagnante de la journée. Et comme à chaque fois qu'il y a un gagnant, il faut un perdant.

"Sans rancune ?" osa ajouter une Bruna victorieuse. L'anglais n'avait aucune rancœur en lui. Il avait dans l'esprit la philosophie du seigneur. L'anglais savait que ces voix étaient impénétrables et qu'il devait suivre le chemin qu'il lui avait été offert. La tension se diffusa doucement hors de l'esprit du magicien. Il saisit la gracieuse main qui lui était tendue et se releva.

Même apaisé par cet instant de calme et de sérénité, l'anglais avait encore une froide vérité à l'esprit. Seules les règles du lycée empêchait cette créature nommée Bruna de le blesser. Et Bruna n'était qu'une partie qui dépassait de l'Iceberg. Milander repensa alors à l'Antithèse et une certitude le glaça . Sorcelerie à part, il n'était qu'un enfant perdu au milieu de créatures dangereuses.

Des monstres.

Enfin debout, le visage perplexe de Milander se mua doucement en une expression plus douce. Après tout, il devait éprouver de la gratitude envers Bruna. Il s'inclina poliment, la remerciant une fois de plus d'avoir partagé cette course avec lui et lui souhaita bonne chance au lycée Yokai, l'esprit visiblement ailleurs. Il lui indiqua le trajet à suivre en prenant soin d'utiliser les formules de politesses appropriées. Il tenta d'offrir un sourire radieux à la charmante nouvelle venue, en vain.

"Prenez soin de vous, chère Bruna." souffla il. Il s'émerveilla une dernière seconde de la beauté que possédait son inconnue aux yeux rouges. Elle aurait pu être sa princesse de rubis, pensa il un instant avant de fermer son esprit, dispersant l'écho des malédictions imprononçables qu'hurlait le fantome de la sorcière noyée.

Il s'inclina de nouveau et disparu discrètement, se fondant dans un mur. Il accéda à sa chambre rapidement en utilisant son sort de passe muraille et s'étala sur son lit. Il pianota sur son portable, récita une formule ou deux et enleva son anneau.Le soleil n'était pas couché et pourtant il sombra, profitant enfin du silence, pelotonné confortablement dans d'une dimension inconnue ( Sa couette.)

Sa main fut saisie, et le vaincu fut remonté au niveau du vainqueur. Qu'il profite donc de la situation, ce faible jeune homme ; elle pourrait bien être moins civilisée la prochaine fois.

Mais qu'importait. Son masque de jeune femme parfaite apposée sur son visage, Luna rendit son sourire au jeune blond et inclina la tête lorsqu'il lui accorda une petite révérence - dévoiler sa nuque aussi facilement était presque une invitation à jouer avec son cou, soit-dit en passant. Elle prit soin de mémoriser parfaitement les instructions données par Milander, instructions qui lui éviteraient de se perdre au sein de ce gigantesque domaine que recouvraient le lycée. Son aile, donc. La rousse se retint de demander au blond dans quelle aile il logeait. Il risquait de le prendre comme une invitation, et elle de céder à la tentation.

Le sorcier termina ses explications, son sourire se ternissant sur ses lèvres. Elle hocha encore une fois la tête lorsqu'il lui présenta ses dernières recommandations, se mordant à peine la lèvre inférieure comme signe d'inquiétude envers Milander. Mais elle n'était qu'une étrangère qui venait qui plus est de le blesser et elle n'avait aucun droit de s'offenser de son comportement. Aussi, après avoir ouvert la bouche une fois ou deux et donné l'impression d'hésiter à le questionner, se contenta t elle de lui souhaiter la pareille avant de tourner les talons.

Milander Hearthorn. Elle n'oublierait pas ce nom de sitot...