Greg resta coi devant son sourire. Elle venait de se faire attaquer non pas par un, mais par deux élèves et elle arrivait encore à être joyeuse et de bonne humeur ? Il s'assit, tentant de se réhabituer au maniement de son corps. Maniement bien malhabile encore, qui le fit louper la réception de la boite de gateaux. Stupide Greg.

Il récupéra la boite malhabilement et se remit sur ses deux jambes tremblantes. L'impression d'être sur deux blocs de gelée bloblotantes, le monde n'était plus très stable. Aller jusqu'à l'infirmerie là dessus ? Quelle blague ! Il se traina quand même jusqu'à la porte, ne tenant pas à rester une minute de plus dans ce gymnase.

L'air frais lui fit du bien. Visiblement, Luna n'avait pas ménagé son corps et la sueur dont il était recouvert le fit même frissonner sous le petit vent discret. Yuko l'attendait, tirant tant bien que mal l'élève. Toujours le sourire. Elle lui rappelait Jim, de ce point de vue. Pauvre Jim... Le doppleganger écarta cette pensée déprimante pour l'instant, se contentant de retenir qu'aucun d'eux trois n'arriverait jusqu'à l'infirmerie à ce rythme là.

- Je crois que nous... commença-t-il avant de s'arrêter, le blessé balbutiant quelques mots.

Oh. Merde. Un membre de l'Antithèse. Blessé. Rien que ça. Ca changeait la donne, des amis à lui pouvait les attendre en plus sur le chemin. Hors de question de continuer ! Il fouilla des yeux les tènébres environnantes, cherchant des yeux à détecter le moindre mouvement, tout en demandant à Yuko de revenir dans le gymnase avec son blessé. Un mouvement sur la droite ; il tourna la tête vivement. Des corbeaux s'égayaient dans l'ombre. Un mince sourire passa sur ses lèvres ; voilà qui allait régler le problème.

- Urgence. Filez à l'infirmerie. Avertissez les qu'il y a deux personnes blessées au gymnase, dont un membre de l'Antithèse.

Les oiseaux échangèrent un regard et s'envolèrent de concert. Il regagna la salle, claqua la porte derrière lui. Voilà qui était fait ; plus qu'à attendre. Il croisa les yeux de Yuko. Y lisait il de la peur ? Il détourna les yeux de honte avant de lui expliquer : "Les corbeaux servent de messagers aux membres du comité. Je préfére les attendre plutot que de voir l'un d'entre nous s'évanouir, ou l'un de ses amis - il désigna du doigt l'élève évanoui - nous attaquer.".

Il se laissa glisser le long de la porte jusqu'à se retrouver assis sur le sol. Le monde était plus stable ainsi, plus sûr et il espérait vraiment que l'autre resterait dans les vapes. Il n'était pas certain de resavoir gérer Luna là tout de suite.

"Désolée pour tout ça... Le sport c'était peut-être pas l'idée du siècle en fait..."

Le brun ouvrit la boite de cookies et commença à en grignoter un, évitant toujours le regard de Yuko. C'était peut-être la derniere fois qu'il goutait à sa cuisine, mais il avait du mal à l'apprécier, là tout de suite.

Ses enfants… Dès quelle entendit Isidore tenter de parler, supplier, Yûko pensa à ses enfants. Ses enfants, couvert de blessures, après avoir eu affaire à cette ordure d'humain… Elle ne pouvait pas le laisser dans cet état! Il fallait vite rejoindre l'infirmerie!

Ou pas… Gregory lui demanda de revenir rapidement au gymnase. Ah? Pourquoi? Parce que Isidore était membre d'Antithèse? Qu'est ce que ça faisait? Enfin, elle savait qu'ils étaient mauvais et dangereux, mais là, il est dans un état critique!

Mais… Si c'était Greg qui le lui demandait, c'est qu'il y avait une raison… Ça n'était toujours pas fini?! Devaient-ils craindre encore des représailles?! Il envoya même des corbeaux prévenir le comité (merci pour l'explication, Greg!)

Et merde, c'était pas fini… Fatigué, le jeune garçon se laisse retomber sur le sol et attrapa les cookies après s'être excusé. Mais ça n'était pas à lui de s'excuser! La professeur se mis assise par terre à son tour et posa la tête du croque-mitaine sur ses genoux. Même inconscient, il semblait terrifier. Inconsciemment, elle se mit à lui caresser la joue pour l'apaiser, comme elle l'avait si souvent fait avec ses twins:

- Tu n'as pas à t'excuser… Le cours se passait très bien jusqu'à l'arrivée de Isidore… Sans lui, je n'aurais pas lâché la corde, ni vu ce qu'il m'a fait voir, et toi, tu n'aurais pas eu besoin d'appeler le ou la sadique pour te sauver là vie… J'aimerais vraiment qu'on ré essaye une fois. Avec Kuyo en plus. Comme ça, si on se fait à nouveau attaquer, Kuyo s'en occupera.

Elle sourit:

- Et crois moi, quand j'ai vu ton visage rayonner, je suis sûre que si, c'était une très bonne idée! C'est juste le destin qui a joué contre nous. Et encore, j'ai réussi à battre Isidore, et le faux toi s'en prenait plus à lui qu'a moi, donc on a eu de la chance dans notre malheur!

Le brun s'en voulait déjà assez, pas la peine de lui mettre des choses dont il n'était pas responsable sur le dos! Le coupable de tout ça avait souffert, souffrira encore au comité et était arrêté. Alors pourquoi Greg prenait-il tout sur lui?

Ses doigts caressaient sa joue tendrement, comme pour l'apaiser après un mauvais rêve. Le contact devait en être chaud. Doux. Rassurant. Ce qu'il aurait voulu que quelqu'un puisse le consoler ainsi, lui assurer par son simple toucher que tout s'arrangerait...

De ses doigts nus, Greg émietta distraitement un cookie. Le contact en était rugueux, la pâte semi-sablée s'effritant irrégulièrement sous ses doigts. C'est tout ce qu'il pouvait avoir pour l'instant, mais un jour, peut-êtreen aurait il plus. Après tout, il avait bien réussi à empêcher Luna de commettre un carnage, ce qui en soit était déjà une grosse avancée. Un jour...

Qu'il aurait aimé que ce jour soit maintenant, songea-t-il, alors que du bout des doigts Yuko continuait à  effleurer la peau de l'adolescent inconscient. Il avait froid. Il avait mal. Il avait même encore maintenant peur.  Aux lendemains qui chantent, il aurait préféré les présents qui rassurent.

Impossible de couper plus ce cookie sans en faire de la charpie. Il grignota les miettes tandis que  Yuko lui réassurait qu'il n'avait pas à s'en vouloir. En théorie elle avait raison. En pratique... on ne pouvait pas ne pas se sentir coupable quand on voyait son corps agir ainsi et qu'on partageait les pensées et les pulsions sanguinaires qui avaient conduit à ça. Il aurait dû faire plus. Ce qu'il avait fait était bien, mais pas suffisant... sinon, cet adolescent ne giserait pas inconscient sur le sol. Le brun haussa les épaules. Il n'avait pas les mots pour exprimer le mal-être qu'il ressentait. Tout ce qu'il savait, c'est qu'en dépit de ses assurances, il ne demanderait plus à avoir de séances particulières avec Yuko. Elle tenait le coup pour l'instant, mais il était fort probable qu'elle le rejette dans quelques heures, une fois qu'elle aurait pleinement intégré le risque monstrueux qu'elle risquait à le cotoyer. Si la yoko lui proposait de revenir, il accepterait avec reconnaissance. Si non... Hey, il avait l'habitude, non ?

En tout cas, le comité et les infirmiers ne devraient pas tarder. Isidore aurait besoin de soins physiques urgents, mais Yuko... De quoi souffrait-elle exactement ? Il l'avait vu à terre, recroquevillée devant l'élève... Qu'avait-elle subi exactement ?

"Yuko, qu'est-ce qu'il a fait exactement ? lui demanda t il, croisant un bref instant son regard avant de retourner à l'observation assidue de son biscuit. Je sais que vous avez été blessée, mais j'ignore comment..."

L'état du cookie de Greg était similaire à celui de son maris humain vers la fin de sa misérable vie… Elle aurait bien aimé en croquer un bout d'ailleurs! Il avait dû être délicieux avec toute la peur et la souffrance qu'il avait ressentit sur le coup. Comme un poulet dans son jus! Miaaaaam!

Greg ne semblait pas vraiment convaincu par le fait qu'il n'avait rien à se reprocher. C'était dommage. Le pauvre se bousillait la santé à tout prendre sur lui. D'ailleurs, il tremblait un peu. Il avait froid? Où alors… L'autre tentait de ressortir? Buuh, si seulement il pouvait avoir seulement froid!

Il semblait la fixer. Ah non non non! Faux Greg, Yûko n'est pas un gigot d'agneau ou un roti, ok?! Hein? Ce qu'il lui avait fait? Oh! Alors il avait peut-être vraiment froid en fait!

Dans un sourire, elle fit une sorte de manteau de feu à Gregory. Assez chaud pour qu'il ne soit pas gelé, mais pas assez pour le brûler. Elle adorait s'en faire quand elle était seule! C'était tellement doux! Les flammes léchait le corps mais ne brulaient pas. Elles chauffaient simplement. Voyant l'élève sursauter, en même temps, il prenait feu d'un coup, elle se hâta de le rassurer:

- Tu as l'air de trembler de froid, ça ne te brûlera pas, pas de panique!

Et son sourire s'évanouie… Ce qu'il lui avait fait… Ce que l'élève dont elle prenait actuellement soin lui avait fait vivre… Elle baisse un instant la tête sur "l'enfant". Jamais elle ne lui pardonnerait… Mais ça ne sera bientôt plus qu'un très mauvais souvenirs, et sans doute parviendra t-elle à lui parler normalement… Elle n'aimait pas détester les gens… Sauf le pourris. Mais Isidore… C'était un gosse… Et elle aimait les gosses…

- Il m'a fait… vivre quelque chose d'encore pire que la pire épreuve de ma vie… J'ai été mariée à un humain avant d'arriver ici… Une belle pourriture qui nous battait à sang mes enfants et moi… C'est la pire période de toute ma vie… Isidore, en tant que bon croque-mitaine qui se respect m'a fait revivre ça… En pire… À la place de l'humain, c'était Kuyo… Et il n'avait pas seulement battu les twins… Il les avaient tués…

Un violent frisson la parcouru. Elle en planta ses ongles dans la joue de l'ado. Oups… Elle reprit les caresses. Dans son état actuel, Yûko ne voulait plus qu'il souffre… Mais quand il sera soigné, ça sera autre chose:

- J'ai réussi à m'en sortir seule cette fois, rassure toi… Les seuls dégâts à déplorer son ma culotte trempée, et plusieurs nuits de cauchemars sans doute. Mais un bon soutient de Kuyo devrait me remettre d'aplomb! Ça n'est pas la réalité après tout!

Elle finirait bien par s'en persuader… Enfin… Elle espérait…

S'il sursauta, ce n'était pas de frayeur contrairement aux apparences. Les flammes avaient beau recouvrir son corps, la température était loin de le faire cuire. Mais ce frôlement de flammes faisait écho à ses pensées de contact physique et lui rappelait le jour pas si lointain ou une animorphe-corbeau l'avait effleuré de ses plumes. C'était la première fois que quelqu'un le touchait ainsi... Il se renfonça dans son manteau de feu, lâchant un large sourire à Yuko. Aujourd'hui n'était peut-être pas un présent qui rassurait, mais il nétait pas loin d'en être un.

Son sourire se figea sur ses lèvres puis en dégringola lorsqu'elle lui expliqua en quoi consistait le cauchemar revécu. C'était juste horrible. Greg avait lui aussi connu la douleur des coups, que ce soit à l'école ou à l'hôpital, mais il lui restait toujours un asile où se réfugier. Du moins, se corrigea-t-il, du temps où ses parents voulaient encore de lui. La maison familiale avait été son sanctuaire, l'endroit béni où il pouvait s'accorder le luxe d'être faible et lécher ses blessures. Alors imaginer que le seul lieu au monde où vous pouviez vous offrir le droit d'être vous-même, loin du monde, devienne le pire des lieux de tortures...

Non. Il ne voulait pas l'imaginer. Parce qu'il savait qu'il pourrait le comprendre. Et pire encore, que des échos de ce genre de situation lui empliraient le crâne. Il ne le voulait pas.

Il jeta un regard dégouté à Isidore. Ce qu'il avait fait était dégueulasse. Ces souvenirs étaient déjà difficiles à vivre au quotidien, et il avait fallu qu'il souille le peu de choses qui comptaient désormais pour Yuko. Ses enfants. Yuko. L'amour se percevait dans sa voix chaque qu'elle en parlait avant... mais désormais, cet amour se teintait de doute et de crainte. Elle avait beau le prendre à la légére, il savait que l'image de l'homme qu'elle aimait battant à mort ses tout-petits la hanterait longtemps et qu'à chaque étreinte une part d'elle même frissonnerait, se demandant si la façade de gentillesse n'allait pas crever et révéler le monstre dissimulé dessous. Salopard.

Il se racla la gorge cherchant quoi dire. Il ne voulait pas la prendre en pitié - certainement pas- mais chaque parole à laquelle il pensait donnait l'impression de la juger. Comment dire à quelqu'un qu'on comprenait ce qu'il ressentait, probablement même mieux que lui-même ne le savait ? Comment lui faire comprendre qu'on sait que derrière la façade souriante, des larmes peuvent couler et des murs s'écrouler sans que personne ne s'en rende jamais compte ? 

Comment le dire ? 

Greg tourna la tête en entendant du bruit. Des voix. L'une d'elle ne lui était pas inconnue, c'était un infirmier. LEs secours. Plus le temps de trouver les mots.

"Il faudra peut-être... aller voir quelqu'un pour ça" balbutia t il maladroitement. Pas terrible mais mieux que rien.

Il ouvrit la porte prudemment, son manteau de flammes toujours sur les épaules. Les infirmiers reculèrent, il s'empressa de les rassurer. Il n'était pas le blessé. C'était à l'intérieur que ça se passait.

Alors que les brancardiers, escortés par les membres du comité, chargeaient sur des brancard Yuko et Isidore, il échangea un sourire triste avec Yuko. Cette satanée nuit allait peut-être enfin se terminer...

Gregory sembla mal à l'aise. Comme s'il comprenait parfaitement ce qu'elle venait de subir. Yûko espérait que non. Personne ne méritait de subir ce genre de chose. C'était bien trop moche!

Le silence qui suivit dura. Elle fixa Isidore… Pourquoi ne pouvait-elle pas le carboniser?! Se venger?! Elle devrait le haïr! Et au lieu de ça, elle l'avait protégé et prenait soin de lui maintenant. Ce petit con avant eu de la chance dans son malheur… Il était gravement blessé et ça lui faisait penser à ses enfants.

Je suis professeur! Je ne peux pas m'en prendre aux élèves!

Et s'ils tentent de me faire du mal?!

Il doit bien y avoir une explication!

Oui, sans doute! Quand elle avait donné son avertissement à Isidore, il avait fait la tête mais n'avait pas osé la défier. Son aura de yôko l'en avait sans doute dissuadé. Et son rôle de professeur aussi. Mais alors, pourquoi l'attaquer maintenant? Il faisait partit d'Antithèse… Quelqu'un lui aurait ordonné? Mais pourquoi?!

Du bruit la coupa dans sa réflexion. Les secours arrivaient! Greg lui conseilla d'aller voir quelqu'un et alla leur ouvrir. Ooooh, il s'inquiétait pour elle! Mais il n'avait pas à s'inquiéter. Elle n'était pas très puissante, physiquement ou mentalement, mais elle avait l'habitude de ce genre de "surprise". Après tout, elle avait aussi aimé l'humain un jour.

L'un des infirmiers déposa Isidore sur un brancard. Un autre tenta de la mettre elle sur un brancard. Ah non! Elle pouvait marcher!

- J'ai rien! Je vous le promet! Regardez!

Ouais, mais non. Têtus comme des mules ces infirmiers! Bon bah, fallait ce laisser faire…

- Je vous préviens, le premier qui me tripote, je le croque! Je suis en pleine forme!

Physiquement au moins.

Au moment de sortir, Gregory lui fit un sourire triste. Elle le lui rendit:

- Quand ils me laisseront tranquille je chercherais un créneau pour un futur cours d'escalade et je te préviens, d'accord?

Il avait été effrayant, certes, mais elle ne voulait pas le laisser tomber "pour si peu". Si tout le monde faisait comme ça, le pauvre devait avoir bien peu d'amis. Pas question de le laisser tomber! Il n'était pas dangereux! C'était l'autre qui l'était! Et Greg avait réussi à le retenir! À limiter les dégâts! Elle était fière de lui!