- Papa, pourquoi le rossignol ne chante plus ?
-Il est mort, ma chérie.
L'horreur se lisait sur son visage d'ange, alors que ses yeux gardaient la même expression vide que d'habitude, écarquillés vers l'endroit où semblait être le cadavre de l'animal, ses doigts fins posés sur les barreaux de la cage. une unique larme, seul damant s'échappant de son oeil, coula sur sa joue et s'écrasa silencieusement sur le sol.

Yamiyo se réveilla en larmes, étendue sur son lit. D'une main tremblante, elle essuya les quelques gouttes qui gênaient ses joues, mais grogna en s'apercevant que, bientôt, elles furent remplacées par d'autres, qui glissaient sur son visage comme un torrent de tristesse et de douleur.

Ce n'était pas tant cet oiseau qui la rendait si émotive, mais le mot mort en question. Elle avait tué tant de fois, par pur égoïsme. Au lieu de demander gentiment qu'on l'aide, elle assassinait et empruntait la maison. Mais qui pouvait soupçonner que c'était une petite enfant qui semait la terreur dans cette ville ? Personne.

Mais, alors qu'elle se levait en douceur, une voix désagréablement familière retentit dans sa tête, la faisant grimacer. *Yamiyo... Yamiyo tu m'entends, ma chérie ?* Elle serra les poings, et l'ignora. Sauf que la Voix insistait. Une seule idée parvint à l'esprit de la jeune fille, et elle hurla mentalement : *MISAKI !*

Un grognement de fureur fut sa seule réponse, puis plus rien. Satisfaite, Yamiyo revint à la réalité, et s'aperçut qu'elle était tous Vecteurs sortis, et que de la sueur perlait sur son front. Une bonne douche la détendrait sûrement.

Après ladite douche, la Diclonius se vêtit silencieusement, et sortit. Un jour sans cours était un jour d'exploration, pour que, dans sa tête, un plan de son environnement se crée, constitué de mots et non pas d'images. Jamais aucune image n'avait naquit dans son esprit, seules des voix et des phrases.

Cette fois, elle ne rentra pas ses "bras" invisibles dans son dos, et se guida avec, marchant presque comme une personne voyante. Mais, dès qu'un bruit de pas se faisait entendre, elle les rétractait et s'appuyait au mur le plus proche pour s'aider à se situer. La marche fut longue et périlleuse mais, enfin, elle fut dehors.

Une bourrasque fit voleter ses cheveux blancs aux pointes noires et s'immisça dans ses deux cornes toutes aussi blanches et noires. Sa petite rose, accrochée par un élastique autour de sa marque du virus, donnait une couleur plus rose au visage pâle de Yamiyo, alors que ses yeux étaient enfin secs, mais toujours aussi vides.

Il faisait trop chaud pour qu'elle mette sa "moumout" habituelle, alors elle avait seulement gardé ce qu'il y avait en-dessous, c'est-à-dire un tee-shirt sans manches, seulement accroché par une ficelle autour du cou, et une jupe ni trop courte ni trop longue, de la même couleur. Symbole de pureté ? Peut-être. En tout cas, cette couleur était la préférée de Yamiyo, car c'était celle de Misaki.

Ses Vecteurs plongèrent en avant, évitant chaque obstacle qui semblait être vivant, et s'enfoncèrent soudainement dans des feuilles. Curieuse, la jeune fille s'y dirigea, s'infiltrant dans ce qui semblait une forêt. Là, elle marcha tout droit, rentrant parfois dans des arbres. La lumière était cachée par les feuilles, mais Yamiyo ne remarqua rien, constamment envahie par ce noir-là.

Ce fut ainsi qu'elle s'égara dans une forêt sombre, et, quand elle chercha à rentrer, jugeant qu'elle avait passé beaucoup de temps dans cet endroit, elle s'en rendit compte, et s'inquiéta. Peut-être faisait-il déjà nuit ? Peut-être qu'elle était désespérément seule, et qu'elle devrait rester ici encore longtemps ? Sa gorge se serra à cette pensée.

Une plage de galets polis réfléchissant le soleil. Un maigre abri de planche de bois, cabane de bricoleur où on pouvait encore trouver une scie rouillée dans un coin ou un vieux couteau ailleurs.
Un ruisseau qui glougloutait gaiement

De quoi lapider, fracasser, écraser. De quoi déchiqueter, couper, arracher, tordre, creuser, couper. De quoi noyer et se laver.

Luna avait trouvé l'endroit parfait pour sa prochaine escapade.

Quant à sa prochaine proie, elle l'avait déjà repérée. Un troll du groupe d'athlétisme, plus occupée à terroriser ses camarades qu'à courir - Bruna n'avait pas trouvé cette raison suffisante - et, après vérification sur le réseau internet, sous le coup de plusieurs condamnations pour meurtres et violences aggravées. Bruna avait donné son accord devant la photo de la dernière victime - un cambriolage au cours duquel il avait arraché trois doigts à une femme pour avoir la combinaison de son coffre.
Au vu de son comportement avec ses camarades, il suffirait à Luna de trébucher devant lui et de lui demander de l'aider à se relever pour qu'il prenne ça pour une tentative de séduction. Et il chercherait à aller plus loin. Trop loin. On ne revient pas de certains voyages.

Quoi qu'il en soit, ce projet ne se réaliserait que d'ici quelques jours. Toujours varier les intervalles entre deux massacres, toujours attaquer des coupables ; ne jamais s'en prendre aux faibles, ne jamais revenir au même endroit. Telles étaient les règles à respecter. Pour l'heure, il était temps de retourner à l'école comme après une banale promenade, diner, faire ses devoirs, dormir. Gentille Bruna qui veut s'intégrer, brave fille, innocente mais appréciable.

Telles étaient les pensées de Luna alors qu'elle avançait dans la forêt : presque innocentes. Et puis, ua détour d'un buisson, une forme blanche avait attiré son oeil et elle s'était arrêté, sa méfiance revenant à toute vitesse. Une adolescente, presqu'une gamine toute vêtue de blanc. Esquivant les arbres, elle avançait en trébuchant de temps à autre sur le sol irrégulier. D'où elle était Luna percevait ses gestes affolés et son souffle court, signe évident de fatigue et de peur.

Cette jeune fille... Elle l'avait déjà vue auparavant. Errant dans les couloirs comme une âme en peine, frôlant les murs de ses doigts lors de son passage. Une gamine timide, un fantôme coiffé de cornes, jusqu'au moment où vous entraperceviez ses grands yeux opaques, irisés et vides comme deux agates.

A priori, une faible, privée d'un sens. Mais une faible yokai.... Qu'elle n'avait jamais vu trébucher, maintenant qu'elle y pensait. Ou percuter quelqu'un. Qui suivait les cours sans problème apparent, seule. 
Peut-être pas si faible, finalement. Peut-être pourrait-elle être divertissante. Pas forcément pour la massacrer... enfin, pas tout de suite. Sa rencontre avec Jimena lui avait au moins appris que parfois, il n'y avait pas besoin de faire couler une goutte de sang pour faire éprouver de la douleur à une personne.

Aussi la rousse resta-t-elle campée sur sa position, à quelques mètres de la jeune fille. Qu'allait-elle faire ? Pleurer ? S'évanouir ? Appeler à l'aide ? La repérer ? L'ignorer ? Faible insecte, ou proie intéressante ? A elle de le montrer.

Ses vecteurs étaient libérés, ils voletaient partout comme ses cheveux dans le vent.
Ses yeux vides l'étaient toujours.
Sa respiration était saccadée, mais elle n'avait pas si peur que ça.
Ses bras se couvraient de chair de poule.
Elle frissonnait sous la caresse de la brise fraîche.

Mais le plus frappant, c'était certainement sa façon de marcher. Elle ne marchait pas vraiment, on aurait dit qu'elle flottait dans l'air, portée par une force invisible. Sauf qu'il n'y avait aucune "force". Elle avait toujours marché comme ça quand elle voulait aller vite. Ses pieds effleuraient à peine le sol.

Elle guettait le moindre bruit, la moindre vibration dans l'air qui signalerait une présence. Alors qu'elle perdait tout espoir, un bruissement la fit sursauter. Mais ce n'était qu'un animal, elle sentait ses quatre pattes. De frustration, elle lui arracha la tête avec ses Vecteurs, et la jeta. Pas une tâche de sang ne souillait sa tenue, elle avait pris soin de tourner le lapin dans un sens précis, de sorte qu'aucune éclaboussure rouge ne se pose sur sa tenue blanche.

Aucun remord ne lui tordait les entrailles, ce n'était qu'un animal. Elle était agacée, et voulait surtout sortir de cette fichue forêt. Un long soupir de lassitude plus tard, Yamiyo se mettait en route, frappant cette fois le sol violemment de ses petits pieds.

Un long moment passa sans qu'elle ne trouve quoi que ce soit qui puisse l'aider à retrouver son chemin, jusqu'à ce qu'une présence se fasse sentir. La Diclonius s'arrêta aussitôt, et projeta ses Vecteurs vers l'inconnu(e), les arrêtant à quelques millimètres de sa gorge. Un seul mouvement suspect et elle l'étranglerait.

Tout en gardant ses "bras" à la même distance, elle se retourna d'un bloc, et fixa l'endroit où semblait être la présence. Sans même ouvrir la bouche, elle calcula la distance qui les séparait, et fut satisfaite. En cas de réel danger, elle pourrait fuir sans tuer, et ça la rassurait un peu. Elle n'aimait pas tuer quelque chose comme les autres yokai, elle l'avait fait une fois et ne voulait pas recommencer pour l'instant.

Son souffle s'apaisa. Si quelqu'un était là, peut-être pourrait-elle se faire guider jusqu'à la sortie ? Sans se faire de faux espoirs, elle s'autorisa à mettre cette hypothèse dans un coin de sa tête. Vu le gabarit, l'inconnue était une femelle, c'était certain.

Yamiyo baissa légèrement la tête, et se frotta le bras, jouant la timide perdue. Peut-être l'inconnue prendrait-elle pitié d'elle et la ferait sortir de cet endroit ? C'était tout à fait possible, il ne fallait pas se déclarer morte aussi tôt.

" - Hum... Yamiyo sent qu'il y a quelqu'un... Si ce quelqu'un pouvait se manifester.. Ou même aider Yamiyo à sortir de cette forêt.. Elle serait contente..."

Une petite moue gênée étira ses lèvres, et elle continua de se frictionner les bras, ignorant la chair de poule qui les recouvrait. Vu la température ambiante, il était tard, mais pas trop non plus. Un juron sortit de sa bouche, et l'envie de sortir se fit plus pressante. Elle devait s'en aller, c'était une obligation.

Un moment, la fille cornue avançait péniblement dans la forêt, et celui d'après, elle était figée sur place, totalement immobile. Allait-elle craquer et se mettre à pleurer, petite Gretel perdue dans cette étendue déserte ? Appeler à l'aide et gémir, espérant qu'un hypothétique ange-gardien vienne à son secours ? Se calmer le temps de trouver un plan plus adéquat ? Luna resta plantée, à sa place, attentive. C'était maintenant que les choses devenaient intéressantes.

C'était maintenant que la fille aux longs cheveux blancs se retournait et que ses yeux venaient se poser dans sa direction, semblant fixer un point derrière elle. La rousse se raidit : elle avait été repérée. Par une possible proie. Comment était-ce possible ?

Petite proie qui d'ailleurs perdait son attitude assurée pour s'affaisser un peu et commençait à montrer des signes évidents de malaise. D'une petite voix, elle marmonna :[/color][color=#cc3333]" Hum... Yamiyo sent qu'il y a quelqu'un... Si ce quelqu'un pouvait se manifester.. Ou même aider Yamiyo à sortir de cette forêt.. Elle serait contente..."

Le premier réflexe de Luna fut de se renifler. Elle n'avait pas transpiré tant que ça quand même, comment est-ce qu'elle avait pu la -
Sentir. Repérer. Percevoir.
Oh. Oui. Vu comme ça...

Donc, elle l'avait repérée. Comment, elle ne savait pas. Elle lui tira la langue, sans provoquer aucune réaction chez la gamine, ce qui signifiait qu'elle devait vraiment être aveugle. Restait donc une quantité innombrable de réponses possibles, qui allait de perception de l'aura aux sens exacerbés en n'oubliant pas les pouvoir du genre "J'entends des arbres qui me parlent."

Un pouvoir inconnu... intéressant. Potentiellement dangereux, peut-être, même.  Peut-être fort ? Ou même coupable ? D'y penser, elle sentait son rythme cardiaque s'accélérer, aussi fort qu'à l'évocation de sa future victime.
Tu n'en sais rien.
C'est vrai. Alors, elle ne ferait rien. Elle allait juste la ramener à l'école, pauvre petite aveugle perdue. Et lui poser quelques questions. Rien de plus. Juste pour savoir.
Et puis, gentille-Bruna ne pouvait pas laisser une frêle enfant perdue dans les bois comme ça. Qui sait quel grand méchant loup pouvait décider d'en faire son repas ? 

Aussi ses lèvres remontèrent pour former un grand sourire en direction de la gamine, signe évident de sympathie. Elle ne le verrait pas, mais l'entendrait à sa voix, sans aucun doute. 

[color=grey]- Bien sûr ! Je suis Bruna, je crois t'avoir déjà vue au lycée. Yamiho, c'est cela ? Tu marches dans la mauvaise direction, attends, je vais te guider. 

Précautionneusement, elle sauta par dessus le fossé boueux qui les séparait et se réceptionna lestement. Elle s'approcha de Yamiho, souriante mais toujours alerte, prête à l'aider à ressortir de la forêt. Vivante, de préférence.

Yamiyo était indécise. L'inconnue n'était peut-être pas très gentille, elle allait peut-être vouloir lui faire du mal. Elle déglutit, mais rétracta un peu ses vecteurs, au cas où elle s'approchait. Il ne fallait pas la tuer alors qu'elle allait l'aider... Tout du moins si elle allait le faire.

Ses cornes la gênaient, dans le sens où cette différence physique la rendait nerveuse. Les préjugés sur sa race l'énervait. Soit on lui disait qu'elle était une animorphe de tel ou tel animal, soit on lui disait qu'elle était une humaine qui voulait faire croire qu'elle ne l'était pas. Oui. Elle était humaine, autrefois. Quand elle est née. Mais depuis que le virus avait été injecté dans son sang, son humanité avait disparue, en même temps qu'étaient apparues ses cornes.

Est-ce qu'elle se détestait ? Non. Est-ce qu'elle voulait mourir ? Non. Mais est-ce qu'elle voulait être considéré comme quelqu'un de normal, et non une anormalité qui n'aurait jamais dû naître ? Oui. Et là ? Elle voulait sortir de cette forêt, se reposer, et chercher Kira. Elle en avait assez de faire des conneries, à son âge, elle devrait être plus intelligente que ça. Mais elle s'était enfoncé dans le pétrin de son plein gré, et jusqu'au cou.

Une voix la fit sortir de ses pensées, et elle releva la tête vers l'endroit d'où elle provenait, aux aguets à cause de sa paranoïa. Allait-elle être sauvée, ou tué ? Aha; La tuer serait extrêmement difficile. Mais pas impossible. Ses vecteurs n'étaient pas un bouclier, une balle les traverserait sans problème. Mais aucune odeur de métal ne fendait l'air, aussi, Yamiyo pensa que la jeune inconnue n'était pas armée.

- Bien sûr ! Je suis Bruna, je crois t'avoir déjà vue au lycée. Yamiyo, c'est cela ? Tu marches dans la mauvaise direction, attends, je vais te guider.

Elle la connaissait ? C'était étrange, comment pouvait-elle connaître son nom ? La suspicion fit ressortir ses vecteurs, qui se déployèrent derrière elle, comme quatre ailes invisibles et meurtrières. Yamiyo n'avait jamais essayé de se porter avec, mais elle pouvait sans doute, étant donné la force considérable de ces bras. Elle hocha la tête, lentement.

" Merci... Yamiyo est enchantée de connaître Bruna, et la remercie beaucoup pour l'aider à sortir d'ici. "

C'était vrai. Néanmoins, elle ne put s'empêcher d'être méfiante, mais masqua ses émotions derrière un sourire reconnaissant. Bruna souriait, ça s'entendait dans sa jolie voix. Un mouvement dans l'air, suivi d'une vibration dans le sol, indiqua à Yamiyo que Bruna était près d'elle. La proximité n'était pas vraiment gênant, mais l'aveugle devait rester intensément concentrée pour ne pas laisser ses armes meurtrières se balader dans tous les sens, risquant de transpercer sa sauveuse et de la tuer par mégarde.

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