Mon sacrifice.

"Et donc, tu vas te morfondre sur ton sort comme un gosse perdu dans un parc d'attraction? Nous avons passé l'age, Milander. Tu auras rapidement accès a plus de réponses que tu n'auras de questions."

-Nos routes se séparent ici.

-Tu ne me laisses pas le choix de toute façon,

Une fois de plus, Milander avait l'impression de parler à son ombre. Pouvait il aider Milander? Avait il un sort qui lui permettrait d'offrir une quelconque vie astrale à son double?

-Rappelle toi, Milander. Il y a quelque chose que je tu dois faire.

-M'effacer, être un visage positif, je sais.

Ce Milander la était grognon comme le premier jours ou il avait du apprendre le japonais.

-Mais Milander ? Je crois que je préférais quand je ne me connaissais pas. Sincérement.


C'est sur, Ce double l'a n'aurait pas tenu une mi temps. Mais Milander n'était que Milander. Dans un sens, il faisait partie de la flatterie. Même si il l'exprimait mal, il se sentait étrangement lié à ce double. Il avait droit à des adieux dignes de ce nom. Il lui tendit la main. Celui ci la serra. Le jeune anglais ne sentit une once de Hearthorn dans cette poignée de main. Il manquait juste un peu d'exercice !

Le jeune adolescent leva un sourcil. Il tendit l'autre main.

"Ah, oui, ce portable. Je n'ai le droit de rien garder, hein ?"

Milander ne put s’empêcher de trouver son double triste. Il lui arrachait son dernier doudou.

"De toute façon, ce n'est pas comme si j"allais avoir d'autres occasions de m'en servir."

Milander en profite pour pianoter sur l'engin. Il range son portable. Il porta la main à sa poche et fit bourdonner sa bague de magie. Il en ressortit deux bonbons au citrons. En plus d'avoir un fort potentiel nostalgique, ces bonbons étaient des "fioles de magie." Si il devait rappeller à ce Milander qui il était, il lui rappellerait qu'il était un magicien.

Son dernier cadeau d'anniversaire, offert par ses parents pour fêter son anniversaire. Il avait donné son I-phone dernière génération à Mongomery en échange. L'I-phone était bien pratique, mais c'était un objet utilitaire pur, pas un cadeau. Pas un don.
Il regarda Milander. Ce n'était même plus un cadeau. Même plus ses parents. Même plus à lui.
Il était Millie, pas Milander.

"Ah, oui, ce portable. Je n'ai le droit de rien garder, hein ?"

Il lui tendit, résigné, son dernier lien le rattachant à la réalité. Milander le saisit ; Millie eut la brève impulsion de lui effleurer les doigts et de redevenir Milander, pour pouvoir encore quelques instants considérer cet objet comme le sien.
Mais Milander reprit son portable avant qu'il n'ait eu le temps de céder.

"De toute façon, ce n'est pas comme si j"allais avoir d'autres occasions de m'en servir., bougonna-t-il.

Milander, sans répondre, pianota sur son téléphone avant de le ranger. Il sortit d'une autre poche deux bonbons au citron acidulé, enveloppés dans leur papier craquant. Les mêmes que ceux que sa grand-mère lui offrait quand il avait huit ans, les lui glissant doucement dans la main pour éviter que ses parents ne les lui confisquent. Un petit secret entre eux-deux, acide et doux, un geste d'affection qui dépassaient les générations. Tout un symbole.

Millie eut un petit rire qui sonnait presque comme un sanglot.

-Merci. J'espère juste qu'il n'est pas allergique." Il enlèva l'emballage du bonbon en synchronisation avec Milander et le glissa sur sa langue. Sa bouche s'emplit aussitôt de salive alors que le bonbon commençait à fondre doucement, déversant ses arômes artificiels sur sa langue. "Apparemment non".

Il se sentait grisé par le sucre qu'il absorbait. Etrangement grisé.
Trop grisé.

Milander sourit en face de lui.

Millie eut un petit rire qui sonnait presque comme un sanglot.

-Merci. J'espère juste qu'il n'est pas allergique. Apparemment non".

" Quelque chose à rajouter?"

Oui. En attendant que je... en attendant, que fait-on ? Je ne sais pas si rester à coté de cette énorme plante carbonisée est une bonne idée. Le Comité risque de ne pas apprécier."


-" Ce n'est plus ton probleme "

Milander sourit. Il n'y avait plus de "On". C'était bien lui, Milander le fantastique magicien-jardinier. Il ne pensait pas connaitre un seul sort qui se ratache aux roses.
Il se frotta les mains, se retournant vers les roses carbonisés. Il avait un sort sur le bout de la langue. Mais Percelune refusait de lui donner plus d'informations. Et si il pouvait forcer le vieux mage à l'aider? Une idée bourgeonna dans son esprit. Son double aurait surement assez de magie intérieure pour tenir tête au vieillard. Il s'offrait une dernière revanche. Sans prévenir, il se retourna vers son double, canalisant l'esprit de Percelune en un souffle magique. Il regarda avec émerveillement les crépitements disparaître de ses longs doigts. Il y avait de nouveau du silence dans son esprit.

Tu as du temps pour toi, Milander. Sans responsabilité, sans contraintes, sans magie. Le monde t'appartient de nouveau. "

Son double lui lanca un regard dubitatif, silencieux. N'avait il pas compris le message?
Soudain, Greg sembla tresaillir.

Milander ? Qu'est ce qui se passe encore ?!"

Pour seule réponse, le jeune anglais fit un clin d'oeil.

"Milander, si ça vient de toi, arrête ça tout de suite !"

Tu as toutes les armes qu'il faut, Milander. Je suis sur que tu as un petit quelque chose à dire a Lunar?"


Décidement, son double était un peu long à la détente. Il soupira avec amertume qu'il devait partager beaucoup de ces caractéristiques. Son double mordit à l'hamecon. Il crispa ses poings, semblant contenir une colère naissante.

Je ne saurai même pas par où commencer... Déjà, ça rime à quoi, tout à ça ? Me voler mon corps au début, mon existence maintenant. Me forcer à combattre sans mes armes. S'il veut me... nous tuer, qu'il le fasse carrément et qu'il arrête de tourner autour du pot.

Il leva soudainement les yeux. Apparemment, il pouvait voir quelque chose que Milander ne pouvait pas.

"Percelune. Vous."

Il tendit soudainement la main dans un geste dramatique. Son double avait il blessé Lunar? L'allemand lui adressa un regard furtif. Milander était parfaitement jaloux de son double. Une apparition fantomatique éveillait toujours en lui la curioisité de cent épisodes de Scoubidou.

" Quelque chose à rajouter?"

Ivre de sucre, Millie hésita à parodier l'ultime déclaration d'amour du héros de dessin animé japonais. Peut-être même en y rajoutant la phrase : "Ne m'oublie pas, gagne la coupe du Monde de football pour moi !".
Hum. Il ne devait pas y avoir que du sucre dans ce bonbon.
Il essaya de reprendre ses esprits. Maintenant, le problème... c'était quoi faire.

Oui. En attendant que je... en attendant, que fait-on ? Je ne sais pas si rester à coté de cette énorme plante carbonisée est une bonne idée. Le Comité risque de ne pas apprécier."

-" Ce n'est plus ton probleme "

Milander lui sourit, avant de se retourner vers le golem, se frottant les mains. C'est vrai que s'ils comptaient sur les petits bras musclés de Millie pour les débarasser du cadavre de la chose, ils y seraient encore le mois suivant. Heureusement qu'il était magicien, hein ?
Mais Milander se retourna subitement, faisant face au brun. Les étincelles qui lui couraient le long des doigts crépitèrent une ultime fois avant de s'évanouir dans les airs.

"Tu as du temps pour toi, Milander. Sans responsabilité, sans contraintes, sans magie. Le monde t'appartient de nouveau" lâcha Milander avec un sourire ravi.

Millie se contenta de lui renvoyer un regard dubitatif. Il sentait qu'il y avait un message derrière mais le sentiment d'euphorie avait fui, laissant place à un lourd sentiment d'impuissance. Il ne savait pas ce qu'avait prévu Milander, sentant seulement qu'il était totalement à sa merci.
Puis soudain, une pression se fit sentir sur lui. Sur son esprit. Les couleurs semblèrent se mettre à clignoter comme un poste de télévision mal réglé, et une vague rumeur lui emplit les oreilles. Il fouilla instinctivement sa poche d'une main, cherchant le contact réconfortant de son téléphone absent. "Milander ? Qu'est ce qui se passe encore ?!"

Milander lança un clin d'oeil joyeux à son double.

"Milander, si ça vient de toi, arrête ça tout de suite !"

" Tu as toutes les armes qu'il faut, Milander. Je suis sur que tu as quelque chose à dire a Lunar?"

Lunar... Percelune...
Autant Millie ressentait des sentiments ambivalents envers Milander, autant il n'avait aucune hésitation au sujet de Lunar : de la rage. Un instant enfouie sous les cendres du découragement, elle reflamba de plus belle lorsqu'il repensa au vieillard. Son ton arrogant, ses manières, son condescendance... Tout en lui lui donnait envie de frapper, de cogner. L'écart de puissance contribuait à jeter de l'huile sur le feu ; Millie avait appris des leçons avec son oncle comment transformer la peur en colère.
Il serra les poings, essayant de ne pas se mettre à hurler.

"Je ne saurai même pas par où commencer... Déjà, ça rime à quoi, tout à ça ? Me voler mon corps au début, mon existence maintenant. Me forcer à combattre sans mes armes. S'il veut me... nous tuer, qu'il le fasse carrément et qu'il arrête de tourner autour du pot."

*Je ne souhaite pas le tuer. * entendit-il devant lui.

Il releva la tête tellement vite qu'il sentit son cou craquer. Là, devant, la silhouette fantomatique qu'il avait espéré ne jamais revoir.

"Percelune. Vous."

Sans même réflechir, il tendit le bras séchement dans sa direction. Une boule de magie se forma au creux de sa poitrine, suivit sa main puis fusa vers le sorcier. Les roses derrière lui voltigèrent, la silhouette se brouilla pour réapparaitre quelques mètres à coté.

*Allons, vous n'allez pas frapper un fantome?*

Millie jeta un coup d'oeil à Milander, qui avait tout l'air du Schtroumpf farceur attendant que le cadeau explosif pète à la figure de son heureux destinataire. Pas d'aide à attendre de ce coté là, ni pour l'un ni pour l'autre.
Libre et sans contraintes ? Donc il pouvait toujours essayer de mettre une patée à Percelune sans crainte. Finalement, avoir tout perdu n'était peut-être pas si mal.

"Pourquoi pas ? Répondit Millie. Il se concentra pour envoyer une autre rafale de magie. Vous n'avez pas hésité à vous en prendre à un adolescent, vous !"

Un tronçon du golem s'enflamma sous le coup de l'attaque du brun. Percelune disparut :

*Si tu tiens à regler tes comptes, je te propose un endroit plus tranquille *

Vert.
Blanc.
Noir.
Couleurs.

Il tourna sur lui-même, stupéfait.

Etant enfant, sa mère l'emmenait régulièrement à l'ancienne bibliothèque du quartier pour emprunter quelques romans policiers. Il avait horreur de ça, ces livres mornement rangés lui donnaient l'impression de le toiser. Le temps qu'elle sélectionne ce qui l'intéressait dans les nouveautés, Milander restait placidement assis près du coin des revues à l'entrée, à moitié persuadé que s'il s'approchait trop des rayons des "grands" les livres bondiraient sur lui pour le mettre en pièces et le faire disparaitre de la bibliothèque. Peut-être même qu'il y'aurait un livre de plus sur l'étagère, un tout petit écrit en grosses lettres, avec une photo de lui sur la couverture surplombée du titre : Disparition dans la bibliothèque".

Il avait vaincu cette frousse stupide, plus ou moins "aidé" par son frère Mongomery qui, en l'apprenant, l'avait pourchassé dans toute la maison en brandissant le tome E de l'Encyclopédie Universelle. A vrai dire, il appréciait maintenant le calme et la tranquillité des bibliothèques. Mais le vieux souvenir revenait, plus puissant que jamais.

Il était au centre d'une petite place dallée autour de laquelle se déployait des étagères hautes de deux bon mètres, remplies jusqu'à la gueule de livres de toutes apparences. Impeccablement alignés mais sans aucun classement logique : les in-folio de cuir semblaient cotoyer de minces bandes dessinées, et les livres à couverture miteuses se serraient contre d'épais manuscrits à l'air ancien. Le tout baignait dans une lumière paresseuse passant à travers la verrière poussièreuse qui surplombait l'ensemble, lumière qui donnait envie de se rouler en boule dans un coin en attendant que des jours meilleurs arrivent.
L'effet était opressant, claustrophobique : il lui rappelait la roseraie. La même impression d'être observé par des centaines d'observateurs savamment cachés. Le silence était quasi total, mais il croyait dinstinguer à l'extrême limite de son audition des chuchotis inquiets.

Où Percelune l'avait-il emmené ? Ce lieu le rendait paranoiaque.

*Hé bien, on est perdu, Fantome?*

Les échos se répandirent en vagues dans la bibliothèque. Des choses bruissèrent doucement dans les rayons.

Millie reprit ses esprits. S'occuper de Percelune. Par réflexe, il porta la main à son portable... portable absent.Il s'arrêta.
De sa main, il tata le conteu de sa poche : deux pièces de monnaie et une boulette de papier froissé. Le contenu de la poche du manteau de Milander, pas de celui de Greg. Etait-il possible que.. ?
Totalement absorbé, il s'observa rapidement.Ses mains étaient longues et fines. Ses cheveux – il en approcha une mèche de ses yeux – étaient blonds. Sa cicatrice au tibia était là.

Il était revenu dans son corps. Que c'était bon !

Un bruit sourd le ramena au présent. Percelune devait se rapprocher.
Il sentit le sol vibrer sous ses pieds. Par réflexe, il regarda par terre. Juste devant son pied droit se trouvait sa bonne vieille épée. Il la prit en remerciant mentalement Milander – qui d'autre aurait pu la lui envoyer ?


Mal.
Ille avait mal.
Bribes éparses de souvenirs, sensations étranges. Douleur à la tête, dans la tête. Implosion.
Ille n'aurait pas dû être là. Trop tôt. Trop d'informations. Trop d'êtres.
Trop d'intrus.
"Mal... de l'aide"


Millie s'avança avec un rayon au hasard - Sur l'étagère de gauche se trouvait placardé un écriteau énigmatique :"Lorsque tu regardes au fond de l'abysse, l'abysse aussi regarde en toi", charmant - s'efforcant de marcher silencieusement. Son coeur lui donnait l'impression de résonner plus fort qu'un tambour de guerre, une flèche lumineuse indiquant sa position.
Il avança le long du rayon, épée bien en main. Il en était presque à la moitié quand Percelune surgit devant lui.

Ce qui suivit fut du pur réflexe ; il esquiva d'un pas de coté un sortilège qui roussit le sol, et balança à l'aveugle une rafale de magie. Le mage l'évita tout aussi facilement, l'impact allant déloger de leurs étagères une dizaine de livres.Visiblement, tous deux avaient décidé de ne pas faire de quartier.
Percelune leva haut son bourdon avant que Millie n'aie eu le temps de prévoir l'attaque suivante, foudroyant litttéralement le blond sur place. Il hurla, tous ses muscles se contractant en même temps sous la douleur, et s'effondra contre un rayonnage.

Percelune s'avança, sourire aux lèvres.

Millie attrapa la première chose qui lui tomba sous la main pour effacer cet odieux sourire -



Décharge électrique.
Corps en sueur, douleur à la machoire. Odeur de sève et de cendre mêlée. Lumière transperçant ses paupières.
Elle ouvre les yeux : un grand blond se penche vers elle, l'air inquiet.
-Oh merde.


- et le balança sur le vieillard.

Qu'est-ce que -

Raté. Le livre atterrit devant le sorcier, ouvert. Le sol frémit. Du livre jaillit l'image illusoire d'un feu d'artifice, puis des roses noires.

Percelune, un instant étonné, émit un ricanement moqueur alors que d'un geste il faisait léviter les fleurs.
Millie en profita pour relâcher une autre salve d'énergie, mais visant cette fois le rayonnage d'en face. Peut-être que dans d'autres livres il trouverait une arme.

Il n'eut que le temps de voir les étagères d'en face se vider avant de se prendre en pleine poitrine un sort de Percelune. Il fut projeté en arrière sans rien pouvoir faire, rentrant de plein fouet dans le rayonnage.




-Je ne devrais pas être là !
Où est Gregory ? Putain de merde, elle n'a pas à prendre la place ! Il a dû y avoir un gros problème lors de la copie, du genre cataclysmique.

Elle se redresse vivement s'approche du garçon qui recule d'un pas : "Toi là, je ne sais pas ce que tu as fait, mais je vais devoir aller réparer les dégats. Arrange toi pour que personne ne touche ce corps jusqu'à ce que Gregory revienne, vu ?"

Et elle replonge en arrière sans attendre la réponse, laissant le corps libre. Pas le temps, pas le choix, il faut foncer.
Où est le nouveau ?


-Debout !

Une main lui secoua l'épaule plutôt brusquement.

-C'est pas l'heure de dormir !

On l'aida à se mettre en position assise. Il ouvrit péniblement les yeux pour distinguer qui venait de le récupérer. Une jeune femme d'une vingtaine d'années, plutôt quelconque, mais aux agréables yeux bruns à l'expression décidée. Elle lui rappelait quelqu'un.

-Nouveau ici, hein ?

-Euh... Bonjour mademoiselle la.. fantôme ?"

Elle lui donna une bourrade dans les cotes : "Fantôme ? Et puis quoi encore ?".
Aie, elle avait quand même une sacrée détente.

-Maintenant, fais moi un topo rapide. La bibliothèque s'agite, et ce n'est pas bon signe -

Ille est de retour, on lui a rendu la place. Corps allongé, herbe molle, vent sifflant. Méches volantes, chatouilles.
Sol bougeant et remuant. Quelque chose approche, de gros, de vaste. Trop gros pour lui. Vent arranchant ses tympans, de plus en plus vite, de plus en plus fort.
Ille doit halluciner, forcément. Encore.
Ille se recroqueville, position foetale. Respiration saccadée à calmer. Sous ses doigts, le pouls. Sang, partant, revenant, partant, revenant.
Contact intolérable sur le corps, la moindre poussière fait tressauter ses nerfs. Soleil éteint, ombre de la chose sur lui.
Se concentrer. Ralentir son coeur. Sentir le battement. Respirer. Évacuer le cauchemar.



Avant même qu'il ait pu répondre, un grondement se fit ressentir. Elle leva le nez, comme si elle avait entendu un signal : "Merde. C'est quoi ça ? Un intrus ? Tu as ramené un intrus ici ? Cet abruti feuillette les livres, il ne sait pas ce qu'il risque !"

Elle se précipita sans hésitation vers l'autre extrémité du rayon. Millie se relèva et la suivit tant bien que mal: elle, au moins, avait l'air de savoir quoi faire. Elle tourna deux fois à droite, accélérant sans cesse le pas, semant presque le garçon. Il avait encore les muscles raidis par la décharge, et le sol s'agitait par secousse. Elle finit par s'arrêter net à l'entrée d'un rayon, indiquant à Millie de ne plus bouger.

Dans le rayon, Percelune était acculé contre les rayonnages vides. Son plan avait dépassé ses espoirs les plus fous ; les livres ouverts au sol tressautaient spasmodiquement, libérant par moment des créatures insensées, des êtres issus d'un cauchemar d'enfant nourri aux films d'horreur. Pour l'instant, des mains cadavériques sortaient du sol et essayaient de s'agripper aux vêtements du sorcier. Des ombres sans corps grimpaient le long des étagères pour tenter de lui sauter dessus par surprise. Des espèces de chauve-souris à deux bouches et aux ailes fines comme du vélin tournoyaient autour de lui, esquivant sans grande difficulté les sortilèges envoyés par son bourdon.

"Cet espèce de... de voleur ! Abruti !" cracha la fille.

C'est seulement à ce moment là que Mil reconnut cette voix. "Voleur de visage" ; ça avait été la voix de Greg lorsqu'il l'avait attaqué.

Greg. Ils étaient dans l'esprit de Greg.
Et alors tous ces livres...

La jeune femme prit le controle des opérations : "Si on le laisse comme ça, on va tous y rester. Je vais faire distraction, tire le à l'écart à mon signal."

-Comment ça, on va y rester ?! S'inquiéta Millie.

-Je t'expliquerai après, fonce !

Ses jambes suivèrent l'ordre avant même que sa tête ait pu acquiescé. Il ne fit qu'un crochet sur la gauche pour récupérer son épée qui dépassait d'un tas de livre avant de foncer à la rescousse de Percelune.
Foncer à la rescousse de Percelune. Nom de Dieu. La journée ne pouvait rien lui réserver de pire.

Aidan Percelune, ancien porteur de l'anneau avait été piégé. Il n'en revenait pas. Ce jeune Milander l'avait coincé dans l'esprit d'un Doppleganger. Ce n'était pas une situation inconnue pour lui. Il avait déja arraché des souvenirs de l'esprit d'une de ces créatures. Et sa condition d'etre astral lui donnait accès à de vastes perceptions. Il était dans son élément. En moins d'une demi seconde, il avait senti la présence de Milander. Il lui murmura quelque chose, s'assurant qu'ils étaient encore reliés.

*Hé bien, on est perdu, Fantome?*


Pour l'esprit d'un doppleganger, Lunar trouvait que l'endroit était étrangement organisé. Il y avait de longues allées emplies de livres. Pas d'escaliers renversés ni de portes escamotées cachant des horreurs millénaires. Il n'était pas en sécurité pour autant. Il frôla la couverture d'un vieux livre et refoula le flot d'émotions et de souvenirs qui manquait de l'étouffer. Il ferma les yeux. Il savait parfaitement ou était le reflet de son disciple. Il traversa les longues allées d'un pas décidé, prenant soin de ne toucher aucun livre.

Au détour d'une allée, il fit face au Jeune anglais. Il réagit prestement, matérialisant un bourdon entre ses mains. Il lanca une salve magique comme pour tester les capacités du jeune homme. Le souvenir du blond fit un pas de coté. Il eut même l'audace de répliquer. Lunar disparut une demi seconde, esquivant l'attaque. Le vieux mage sourit. Il leva son baton et sans attendre une seconde de plus, foudroya le jeune homme.

Lunar devait partir. Il le savait. Il le sentait. L'attaque du jeune homme avait secoué les rayonnages. L'endroit était réveillé. Milander semblait l'avoir comprit. Il projeta sur lui un livre. Le livre tomba a ses pieds, s'ouvrit et... après des effets pyrotechniques lamentables, un bouquet de roses noires surgit.
Hé bien, Millie venait de s'offrir une mort artistique. Percelune fit tourner son bourdon et les roses s'élevèrent autour de lui. Il s’apprêtait à donner le coup de grâce. Mais le rayonnage derrière lui s’effondra, rependant sur le sol un bric à brac horrifique. Il comprit à cet instant que le jeune homme avait gagné. Des mains qui surgissaient du sol, des livres volants qui bondissent pour tenter de le mordre, des ombres dans les ombres qui tentait de l'étouffer, des silhouettes de poussière qui l'encerclaient, Percelune était dans la panade. Il tenta de s'enfuir de l'endroit, s'arrachant de la psyché. Malheureusement, le verrou que lui avait imposé le véritable Milander l’empêchait de s'échapper.

Il fut contraint de repousser les différentes apparition maladroitement. Le reflet de Milander semblait avoir disparu, le laissant seul avec les horreurs de l'esprit du Changemorphe. Mais ce n'était pas les horreurs qui étaient problématique. Les blessures qu'il recevait sous forme astrale ne pouvaient l'atteindre. Mais le flot de souvenirs qui l'assaillait lui donnait une nausée terrible. Il sentait son esprit étiré et fragmenté en même temps. Seul l'épuisement viendrait à bout de lui.

Puis, Millie refit son apparition. Accompagné d'une demoiselle. Celle ci dit quelque chose et rentra dans un rayonnage. Soudainement, les créatures qui l'assaillaient l'ignoraient. Elles retournèrent leur attention sur quelque chose qui était invisible aux yeux du vieux magicien. C'était l'occasion pour s'enfuir. Il se mit à fuir dans les allées. Juste derrière Milander. Les monstruosités dormaient de nouveau. Profitant de l'occasion, il s’apprêta à assommer le jeune magicien. Une main sortit de nul part, lui arrachant son bourdon des mains. Le jeune vit alors la demoiselle qui l'avait sauvé sortir d'un rayonnage. Lunar eut l'occasion d'observer un peu plus son interlocutrice. Brune aux yeux sombres, des cheveux mi-longs... Plutot jeune, un visage commun. Des formes attrayantes et plutot callipyge. Tous ces adjectifs familiers rappelèrent à Percelune la raison de sa présence ici.

Cet endroit était bien plus calme avant que vous ne débarquiez.

Elle avait son bourdon entre ces mains féminines. Son bourdon noueux qui avait connu connu tellement d'aventures...

* Je n'ai pas retenu votre prénom, mademoiselle. *

"Etant donné que je ne vous l'aie pas donné, ce n''est pas étonnant. Mais vous pouvez m'appeler Hilfe. Un nom n'est qu'un nom, après tout. Et donc, mondamoiseau ? Pardon, mesdamoiseaux ?"

Lunar parlait allemand. Il comprenait le message. Et cela faisait une éternité qu'une jolie demoiselle ne l'avait pas appellé "mondamoiseau." Le jeune anglais répondit timidement.

Milander Hearthorn... avant. Millie maintenant, j'imagine."

Percelune ignora totalement ce fantome incapable. Maintenant qu'il avait été repéré par le gardiens des lieux, il fallait plutôt coopérer.

*Et bien, Dame Hilfe. Vous devez réaliser que je n'ai pas accedé cet endroit par des moyens... habituels. Pouvez vous m'apporter votre aide? *


Cela dépendra de votre coopération. Qui êtes vous, et qu'êtes vous vous venus faire ici?
Je vous déconseille de me mentir ou de me menacer. Je doute que vous trouviez à l'heure actuelle quelqu'un de mieux disposé que moi à votre égard.

Le ton autoritaire éveilla un désir lointain dans les souvenirs de vieil homme. Il n'y avait rien de plus charmant que de voir un esprit empli de confiance en soi et de certitudes glacées se relaxer entre ses mains expertes. Mais tout cela remontait à une époque lointaine, pensa Percelune. Son enveloppe astrale était inutile dans ce domaine. Cela ne l’empêchait pas de répondre d'un ton légèrement enjôleur.

* Rassurez vous, charmante créature, j'écouterais vos directives. Je suis un simple voyageur égaré.*

Millie, une épée, des monstres. Pour sauver Percelune. C'était comme combattre des piranha avec une canne à pêche pour sauver un crocodile. Mais il ne pouvait pas laisser quelqu'un dans une telle situation, même si c'était Percelune. La chevalerie n'avait pas que du bon.

Il fonça donc vers le coeur de la mêlée, évitant les mains blanchâtres qui cherchaient à lui saisir les chevilles. Son épée taillait dans l'air, mettant à terre deux des grosses chauve-souris qui harcelaient le vieil homme, tandis qu'il tentait de le rejoindre.
Tout d'un coup, il sentit les créatures se tourner ailleurs. A vrai dire, il sentait lui aussi un endroit qui... clignotait ? Quelque part, à la fois dans sa tête et un peu plus loin, une portion de la bibliothèque lui hurlait de venir la rejoindre, vite, le plus vite possible, toute affaire cessante. Y aller était plus important que combattre. Que se défendre. Que respirer.
Il fit un pas dans cette direction, instinctivement. Quelque chose le frôla près de sa cheville : il baissa les yeux et vit une de ces mains orphelines se trainer dans cette direction : un être aux doigts aussi longs que les siens mais dont les ongles écorchaient laisser apercevoir une chair brûnatre rongée. Un frisson de dégoût le parcourut, rompant le charme.

Millie se retourna, trottina dans la direction opposée et en passant près du vieux sorcier visiblement sous le choc lança "Par ici, vite !"... avant de continuer sa course vers l'autre bout du rayon. Hilfe arriverait sans doute à le repérer, et il ne pensait pas Percelune assez bête pour retenter sa chance tout seul.
Dommage ?

Ce n'est qu'au bout de trois rayons que l'incident se poduisit. Ils couraient dans la direction opposée à la verrière, les pieds de Millie martelant l'ombre de Percelune lorsqu'il vit l'ombre en question s'étaler en hauteur, un bâton long en émergeant, se balançant... Le blond fit un pas de coté et se retourna, sachant pertinemment qu'il était trop tard pour esquiver le coup mais ne pouvant pas ne pas réagir.
Il se retourna juste à temps pour voir sortir un bras de la bibliothèque, bras dont la main saisit sans difficulté le bâton et l'arracha au vieux sorcier. Le reste du corps émergea à son tour du bois, et Hilfe en sortit, sans hâte, agrippant fermement le sceptre. Elle avança de quelques pas et s'arrêta à mi-chemin entre Percelune et Milander. Le vieux la déshabilla du regard, l'air de calculer ses chances avec elle, pendant que le jeune lui adressa un bref regard de gratitude.

Cet endroit était bien plus calme avant que vous ne débarquiez, fit-elle remarquer sur le ton de la conversation.

Percelune continua un bref instant à fixer son bourdon tandis qu'elle tapotait dessus de ses doigts. Visiblement, il aurait aimé qu'elle joue avec autre chose... Millie était écoeuré par la lacheté de sa dernière attaque et par son attitude envers leur sauveuse. D'accord, elle n'était pas maldans son genre, mais ce n'était pas une raison pour la contempler comme un bout de viande.

Il finit par reprendre ses esprits et demander d'une voix -relativement- suave : Je n'ai pas retenu votre prénom, mademoiselle.

"Etant donné que je ne vous l'aie pas donné, ce n'est pas étonnant, lui fut-il répondu d'un ton neutre. Mais vous pouvez m'appeler Hilfe. Un nom n'est qu'un nom, après tout. Et donc, mondamoiseau ? Elle avisa Milander et corrigea. Pardon, mesdamoiseaux ?"

Hilfe, soit Aide en allemand. Le pseudonyme était tout à fait approprié à la situation actuelle. Mais sa façon de parler et son sens de l'humour proche de celui de Greg lui firent se demander s'il ne s'agissait pas du doppleganger sous une autre forme. Il espérait presque qu'il s'agisse de Greg, à la fois pour avoir des informations claires sur la situation et parce que... Rien ne pourrait le faire plus rire que de voir Percelune courtiser Gregory.
Mais même si un nom n'était qu'un nom, comment devait-il se présenter maintenant ? Dans le doute, il préféra être exhausif.

"Milander Hearthorn... avant. Millie maintenant, j'imagine."

Elle lui adressa un petit sourire et ouvrit la bouche pour répondre, mais Percelune l'interrompit : "Et bien, Dame Hilfe. Vous devez réaliser que je n'ai pas accedé cet endroit par des moyens... habituels. Pouvez vous m'apporter votre aide?"

Cela dépendra de votre coopération, lui dit-elle en croisant les bras. Qui êtes vous, et qu'êtes vous venus faire ici? Devant le silence du sorcier, elle reprit d'un ton plus autoritaire. Je vous déconseille de me mentir ou de me menacer. Je doute que vous trouviez à l'heure actuelle quelqu'un de mieux disposé que moi à votre égard.

Sans être effrayante, elle dégageait quand même quelque chose de dur qui ne donnait pas à Millie l'envie de mentir. Percelune ne dut pas le percevoir de la même façon puisqu'un répondit simplement sur un ton enjôleur : "Rassurez vous, charmante créature, j'écouterai vos directives. Je suis un simple voyageur égaré."

Elle se contenta d'attendre qu'il continue, visage impassible.

"Ce jeune homme m'a enfermé ici, finit-il par continuer. Je souhaite déjouer son sortilège et retourner à ma place."

Elle tourna la tête vers Millie – tout en gardant Percelune en vue – et lui lâcha du bout des lèvres : 'Explications ?"

Quel culot de la part de Percelune. Tout lui rejeter sur le dos comme ça... Et il avait cette intonation quand il parlait de lui, qui laissait entendre qu'il le considérait comme aussi important qu'un vieux chewing-gum collé sous sa semelle. Dire qu'il venait de le sauver – avec Hilfe, certes, mais quand même ! Il eut un geste de déni plein de colère.

"Ce n'est pas moi. Nous nous battions, et il m'a dit que si je tenais à régler mes comptes, il connaissait un endroit plus ... tranquille. Et je me suis retrouvé là, sans comprendre. Je n'ai compris ce que c'était qu'en touchant les livres. Avant, je pensais juste que c'était une bibliothèque normale."

Hilfe le sonda du regard un bref instant avant de se retourner vers Percelune.

"Alors, monseigneur Voyageur Egaré, je pense que des détails vont être nécessaires. Et puisque vous parlez de sortilège... Joli bourdon que vous avez là." Elle fit tourner le sceptre entre ses mains, jouant distraitement avec le bout arrondi. Percelune n'arrivait pas à lâcher le spectacle du regard pendant qu'elle continua d'un ton un tantinet plus doux :"Expliquez moi comment un jeune homme incapable de tenir une épée a pu forcer un si grand sorcier à le suivre ici ? J'ai hâte que vous me parliez de ces "sortilèges"..."

Milander aurait dû se vexer, et quelque part au fond de lui il fut effectivement blessé par le commentaire de la jeune femme. Mais il restait trop abasourdi par la transformation de Percelune le sorcier mystérieux en Percelune le Roméo sur le retour de ces dames. Il préféra se taire, histoire de voir jusqu'où la jeune femme pouvait faire parler le sorcier. Sans compter qu'une petite part de lui-même se tordait intérieurement de rire à l'idée de voir Percelune faire du gringue à ce qu'il soupçonnait être un déguisement ou un visage de Greg.

Percelune déglutit et... un soupçon de rose lui monta-t-il aux joues ?

-Hé bien, si vous souhaitez discuter, on devrait bien trouver un endroit plus tranquille et intime dans les alentours?

Non, mais... Non ! Il tourna la tête vers le mur, incapable de cacher le sourire hilare lui montait aux lèvres. Le panache de Percelune venait de prendre un coup dans l'aile.

Hilfe s'appuya sur le bourdon et continua sur le même ton : "C'aurait été intéressant, mais je ne peux pas à la fois veiller sur le jeune Millie et sur vous dans deux lieux différents. Il faudra donc que nous discutions ici. Et soit dit en passant, nous ferions mieux de ne pas tourner autour du pot. Vous avez causé pas mal de dégats par ici, je ne sais pas comment les choses vont évoluer."

*Bien, comme vous voulez*

Percelune tendit la main vers Milander mais Hilfe reprit d'un ton soudainement polaire : Non. Vous ne pourrez pas partir comme ça. Pas tant que vous n'aurez pas répondu à mes questions. Je fais partie de ce lieu, et je dois le protéger. Donc, pourquoi êtes vous ici ? Quel est votre lien avec Greg, exactement ?

Percelune fit un vague geste de la main vers Millie : La demoiselle te parle.

"Je ne crois pas, non" répondit le blond, peu désireux de se retrouver encore comme le responsable de la situation.

Elle opina : "Je sais ce qu'est Millie. C'est vous l'intrus ici, l'inconnue à identifier."

Devant le silence obstiné de PerceLune, elle secoua la tête : "Bon. Vous ne voulez rien dire ? Tant pis pour vous. Vous devrez donc rester ici jusqu'à ce que je sois assurée que vous n'êtes pas un danger."

Elle se rapprocha de Millie : "Viens avec moi, je vais t'expliquer comment ça marche. Et quant à vous derrière, si jamais vous avez besoin d'aide.. Hurlez. J'arriverai peut-être à temps cette fois-ci encore."

-Peu de femme m'ont déja fait hurler. Répondit fraichement le vieux sorcier alors qu'ils n'avait même pas fait trois pas. Hilfe s'arrêta, mit une main sur l'épaule de Millie pour le faire s'arrêter aussi et fit demi-tour.

-ll y a bien pire que des femmes par ici." Elle se rapprochait doucement de Percelune. "Attendez quelques minutes encore, que les livres se rendent compte de ce que vous êtes. De ce que vous avez réveillé. Des souvenirs enfouis qui sont remontés. Attendez que la bibliothèque elle-même se mette à votre poursuite, que la Bête d'encre et de papier renifle votre odeur, qu'elle vous suive pas à pas, s'approchant de vous jusqu'à sentir l'odeur de votre peur... Sa voix baissait peu à peu, comme si elle ne voulait pas que le reste des livres l'entendent. Attendez. Et ...hurlez..

Le dernier mot était chuchoté alors qu'elle se dressait juste devant lui, yeux dans les yeux. Pourtant Millie crut entendre comme des échos se réverbérer sur les étagères. Il ne savait pas si Percelune était impressionné mais lui l'était.

Comme si elle avait perçu son angoisse, elle tourna la tête et lui adressa un sourire d'encouragement : "Ne t'en fais pas. Je t'expliquerai comment l'éviter."

"Hé bien, l'endroit à l'air d'être charmant, reprit Percelune. Sa voix semblait moins arrogante que précédemment.

Hilfe lui lança un regard moqueur en se remettant en marche vers Millie : "Vous seriez surpris par l'apparence de votre esprit. Croyez moi, je préfére passer mon existence ici que dans le votre."

Millie opina distraitement, pensant à la vague de souvenirs qui avait failli le submerger dans la roseraie. Elle n'avait pas tort : ici au moins, on pouvait choisir de conserver son individualité. Percelune ne lui avait laissé aucun choix, lui. Pas de demi-mesure : investissons l'esprit de Milander et lâchons-y des souvenirs à tort et à travers, youpi. Tant pis s'il devient fou, après tout c'est l'Heritier, c'est tout ce qui compte.
Sa colère contre le vieux sorcier remontait, mais n'arrivait pas à effacer son sens des responsabilités. Peu importe la rancoeur qu'il ait envers le vieil homme, il ne voulait pas se sentir coupable de sa mort. Et il ne pensait pas que Percelune céde, ou que Hilfe mente... Pas d'autre choix que de céder les informations demandées donc, au risque de passer pour un traitre aux yeux de l'autre.
Il grimaça : dire qu'il était censé transmettre ces "choses positives" à Greg... positif, ah !

'Percelune a déjà fréquenté des changemorphes, comme Greg. Il pense qu'il est un danger, une coquille creuse qui cumule les cotés négatifs de l'humanité, et m'a.... "chargé", disons, de le rendre meilleur. Et de le surveiller."

Percelune lui lança un regard plein de haine avant de reporter son attention sur Hilfe et de continuer froidement. "N'écoutez pas cet idiot. Je n'avais jamais vu un esprit configuré de cette manière."


-Et à quoi vous attendiez vous ? lui demanda-t-elle d'un ton moqueur.A des petits diablotins faisant griller des innocents au dessus de brasier ? A des mares de souffre ? Des ricanements démoniaques ?

-Si on cherche, ca doit pouvoir se trouver."

Réponse immédiate :
"Probablement. Dans votre reflet.Et qu'est ce que cet esprit a de si particulier ? Il est fonctionnel. Il a presque toujours été ainsi."

-Fonctionnel et organisé.

-Quel problème cela pose-t-il ?

Lunar dévisagea Hilfe sans répondre. Il secoua doucement la tête et alla s'asseoir quelques mètres plus loin. Discussion close visiblement. Hilfe le regarda s'éloigner, sourcils froncés.

-Millie ? Je pense que nous avons besoin de parler tous les deux.

-Et à quoi vous attendiez vous ?A des petits diablotins faisant griller des innocents au dessus de brasier ? A des mares de souffre ? Des ricanements démoniaques ?

Le vieux mage repensa à Aurion. Il avait déja voyagé dans l'esprit de son vieil ami. Il savait quelles horreurs pouvaient se cacher dans les recoins de l'esprit d'un doppleganger. Pragmatiquement, il répondit.

-Si on cherche, ca doit pouvoir se trouver.

Caustique, Hilfe répondit sans réfléchir. Le vieux mage sourit intérieurement. Il s’interrogeait sur l'identité de cette demoiselle. Visiblement, elle semblait pouvoir s'irriter. Mais ce n'était pas le moment pour tester les limites de cet esprit.

Probablement. Dans votre reflet.Et qu'est ce que cet esprit a de si particulier ? Il est fonctionnel. Il a presque toujours été ainsi."

-Fonctionnel et organisé.

-Quel problème cela pose-t-il ?

Lunar dévisagea Hilfe sans répondre. Cette demoiselle ne savait elle pas apprécier des compliments lorsqu'ils surgissaient? Il secoua doucement la tête et alla s'asseoir quelques mètres plus loin. Il était persuadé qu'il pouvait sortir d'ici sans l'aide de Milander. Il ferma les yeux, fouillant dans son esprit.
Sa méditation fut interrompue par Hilfe. Il ne savait pas combien de temps s'était écoulé. Sa concentration constante pour fermer ses pensées à autrui nécessitait une attention constante.

"Aidan Percelune ?"

Aidan Percelune était son nom. Le reflet de Milander semblait ouvrir sa conscience aux autres.

J'ai discuté avec Millie. Il semblerait que... disons que si vous continuez ainsi, Milander risque d'y laisser sa santé mentale. Millie a déjà du mal à distinguer ses souvenirs propres des votres, et pourtant la liaison entre vous n'a duré qu'un temps.Je pense qu'un esprit... organisé et fonctionnel, disons, pourrait l'aider à mieux surmonter ce cap.

Millie ne savait rien sur l'état de Milander. Même si le vieux sorcier restait coincé ici, un autre esprit prendrait sa place. Et Milander n'aimerait pas le traitement de cet esprit là. Les tests qu'offraient Lunar au jeune magicien restaient assez simples. Lunar savait que l'esprit de son maitre transmettrait son savoir à travers le sang.

Je peux faire disparaitre ces souvenirs là.

J'en doute. Votre présence-même occasionne ces souvenirs, vous ne pourrez pas les effacer éternellement. ET plus longtemps vous le ferez, plus rude sera le choc pour Milander.

Balivernes.

C'était une des capacités particulière du vieux mage. Son esprit pouvait devenir imperméable aux doppleganger. Il ne laisserait derrière lui qu'un nom et un visage. Le choc que ressentait Millie était le résultat du traumatisme récent qu'avait vécu le jeune sorcier. Le jeune magicien n'était pas encore mur.

Vous savez pertinemment que je dis vrai. Regardez dans vos souvenirs et dites moi que ce n'est jamais arrivé.

Hilfe avait raison. Mais ces souvenirs dataient d'une époque révolue. Un époque ou Aidan Percelune voyageait encore sur le monde. Une époque ou il pouvait encore s'enivrer et aimer.

Je peux faire disparaitre ces souvenirs la.

Vous vous répétez. Quoi qu'il en soit, j'ai une proposition à vous faire. Veuillez l'écoutez avant de la refuser en bloc, je vous prie.

La proposition que fit Hilfe était raisonnable et argumentée. De son vivant, le mage aurait débattu des heures et aurait surement fini par accepter. Il savait que les Changemorphe pouvaient être retors.

Votre candeur vous honore, joli visage. Mais je crains qu'aucun d'entre nous soit en état de négocier.

C'était une triste réalité. Percelune n'avait aucun droit d'influencer les choix Milander. Il ne pouvait que le tester.

Et pourquoi cela ?

Deja, je vais vous donner un conseil inestimable. Si vous voulez des informations sur votre peuple, lisez des livres. Ma volonté n'a aucun poids sur les négociations. J'honore vos bonnes intentions mais je ne puis rien pour vous. Je suis juste victime d'une farce. Votre joli minois et vos paroles ne m'extorqueront aucun serment.


Ce fut à Milander de parler. A vrai dire, Lunar avait presque oublié son existence. Il leva un sourcil de mépris vers l'image du jeune anglais. Un vrai homme n'a pas à se cacher derrière les jupons d'une demoiselle. Il y avait tellement mieux à faire avec les jupons d'une demoiselle, pensa Aidan, l'esprit soudainement empli de nostalgie.

Je vous l'avais dit. Il n'en a rien à faire de m- de Milander. Vous n'aviez aucune chance de l'amener à négocier avec vous. Seul sa personne l'intéresse.

Lunar jeta un regard amusé à Milander. Sa personne n'existait plus vraiment. Il était le souvenir d'un temps passé.

Fantome, vous etes jeune. Votre original comprendra mes actes lorsque son temps viendra.


Ne m'appelez plus jamais...

La colère naissante du jeune homme réveilla Lunar. Avec fluidité, Il se releva. Ses yeux vinrent se planter dans ceux de Milander.

Fantome?...Ce n'est que la triste vérité.

Un fantôme veut dire qu'on est mort, qu'on a fini de vivre. A cause de vous, je ne mourrai pas, je resterai ici. A cause de vous, je ne vieillirai jamais. Je ne me battrai plus à l'épée, je ne verrai plus jamais ma famille, je ne mangerai plus jamais de lasagnes."

Millie marqua un temps.

Et vous savez le pire ? Je préfère encore être Millie le non-existant que Milander tel qu'il deviendra. Je resterai au moins moi, et je ne verrai pas ma famille devenir de parfaits étrangers parce que vous aurez glissé sournoisement vos souvenirs en moi. Je garderai toujours mes souvenirs de jeux avec mes frères, sans me lamenter sur la tombe d'innombrables personnes que je n'ai jamais connues."
Et surtout, je n'aurai pas l'obligation d'être le ver dans le fruit à ma mort, de devenir le maigre spectre errant qui videra la tête d'un pauvre gamin pour le posséder et avoir ainsi un semblant de vie.

A ce moment, Lunar ne put s’empêcher d’être fier de Milander. Il avait le temps de murir, certes. Mais il semblait avoir une force de caractère puissante. Avec une sincérité qu'il ne pensait plus possible d'exprimer, le mage fatigué fit :

Tu as une belle vie qui t'attends, fantome.

Plus belle que celle de Milander, en tout cas. Parce que vous refusez d'accepter quelque aide que ce soit. Cet esprit est... est... étrange. Dangereux. Mais regardez le nombre de livre, le nombre de personnes qui y sont. Regardez ! Des centaines et des centaines ! Et Greg arrive à vivre ! Le peu de temps où vous étiez dans ma tête, ma seule idée à moi était de survivre. Ca ne vous choque pas ?

A vrai dire, A partir de ce moment là, Lunar arrêta d'écouter Millie. A vrai dire, il avait comprit le point bien assez tôt. Il avait été, comme lui, un jeune homme perdu, la tête emplie de souvenirs étrangers. Laconiquement, il répondit :

Je peux faire disparaitre ces souvenirs là.

Et combien de sorciers avant vous ont répété cette même phrase et l'ont mis en exécution, Percelune ? Combien ? Aucun ? Un ? quelques uns ? Tous ? Vous ne saurez jamais. Peut-être que depuis le début, tout ça n'est qu'un échec qu'on efface et qu'on retente sans cesse, un échec. Voudriez vous qu'on efface Alela parce qu'elle était un échec ? Ou Aurion ? Quel droit avez vous de décider d'effacer des souvenirs?

Le véritable Milander sentit une décharge soudaine d'énergie. Il avait laissé Greg fixer le vide d'un air neutre, cherchant dans son esprit un sort qui aurait pu réparer les dégats causés par son alter-égo. Il ne savait pas trop ce qui se passait pour Greg mais il n'avait jamais reçu un tel choc. Son anneau semblait soudainement le brûler. Il ferma les yeux, refoulant cette sensation.

Percelune leva un visage de pierre vers Millie. Le lycéen tentait il de l'énerver volontairement en puisant dans ses souvenirs? Si il avait été vivant et réel, Millie aurait payé durement le prix le ces propos. D'un ton tranchant comme l'acier, l'esprit de l'archimage fit :

Ce ne sont pas tes souvenirs.

Mauvaise idée. Très mauvaise idée.

Millie avait répondu aux questions de Hilfe du mieux qu'il pouvait. Ses interrogations étaient très ciblées et précises, et l'adolescent avait eu à plusieurs reprises l'impression de confirmer des données plus que d'informer. Elle avait l'air très informée sur ce qui s'était passé dans la roseraie, par exemple. Quoi qu'il en soit, elle s'était tue à la fin, essayant de rassembler les informations, avant d'expliquer à Millie qu'elle voulait faire une "proposition" à Lunar.
Pendant un bref instant, il se méprit sur le type de proposition en question et en resta bouche bée. Puis il comprit, et lui opposa un torrent d'argument.

Se fier à Percelune était une très, très mauvaise idée. Pas sûr. Dédaigneux. Avait failli le tuer. Dangereux. Puissant. Un foutu misogyne.

Mais Hilfe lui avait demandé s'il préférait l'avoir avec ou contre lui. Le voyant hésiter, elle avait précisé que s'il ne lui faisait pas confiance, Percelune devrait rester ici.

Mauvaise, très mauvaise idée. Mais l'autre option était pire. Il accepta, la laissant néanmoins gérer la discussion.

"Aidan Percelune ?"

Le sorcier ouvrit les yeux, sortant de sa transe. Il jeta un regard méprisant à Millie – oui, il lui avait donné son nom, et alors ? - puis se reconcentra sur Hilfe.

J'ai discuté avec Millie. Il semblerait que... disons que si vous continuez ainsi, Milander risque d'y laisser sa santé mentale. Millie a déjà du mal à distinguer ses souvenirs propres des votres, et pourtant la liaison entre vous n'a duré qu'un temps.Je pense qu'un esprit... organisé et fonctionnel, disons, pourrait l'aider à mieux surmonter ce cap.

Aucune réaction de la part de l'autre. Il aurait tout aussi bien pu discuter de l'importance de la technique du pied retourné dans un match de foot : aucun intérêt. Juste un vague :

Je peux faire disparaitre ces souvenirs là.

J'en doute. Votre présence-même occasionne ces souvenirs, vous ne pourrez pas les effacer éternellement. ET plus longtemps vous le ferez, plus rude sera le choc pour Milander.

Balivernes, fut la seule réponse de Percelune.

Hilfe continua avec une patience dont Millie aurait été incapable : Vous savez pertinemment que je dis vrai. Regardez dans vos souvenirs et dites moi que ce n'est jamais arrivé.

A cette remarque, le vieux sorcier plissa les yeux. Visiblement, l'argument était justifié. Mais reconnaitre avoir tort ? Oh non, pas lui. Mieux valait s'obstiner.

Je peux faire disparaitre ces souvenirs la.

Vous vous répétez. Quoi qu'il en soit, j'ai une proposition à vous faire. Veuillez l'écoutez avant de la refuser en bloc, je vous prie.

Percelune resta assis en tailleur tout du long, sans réagir. Seul ses prunelles acérées montraient son intérêt pour les paroles de la jeune femme.
Pourtant, le marché était loin d'être inintéressant. Aide de Greg pour que Milander gére mieux l'afflux de souvenirs en échange d'information sur les Changemorphes. Protection conjointe. Pas de contact physique futur. Un serment de ne pas mettre l'autre en danger volontairement.
Sérieusement, en tant que Milander, il aurait accepté et se serait juste demander innocemment comme sceller ce contrat sans serrer la main de son partenaire.

Sauf qu'il était désormais Millie et que Percelune n'avait visiblement pas le même point de vue sur la question.

Votre candeur vous honore, joli visage. Mais je crains qu'aucun d'entre nous soit en état de négocier.

Et pourquoi cela ? Demanda calmement Hilfe. Heureusement qu'elle avait pris les rênes de la conversation, parce que Milander aurait été bien moins aimable.

Deja, je vais vous donner un conseil inestimable. Si vous voulez des informations sur votre peuple, lisez des livres. Ma volonté n'a aucun poids sur les négociations. J'honore vos bonnes intentions mais je ne puis rien pour vous. Je suis juste victime d'une farce. Votre joli minois et vos paroles ne m'extorqueront aucun serment.

C'en était trop. Pas la peine d'essayer de le convaincre, le vieillard avait juste décidé de refuser toute tentative de conciliation. Si Hilfe n'avait pas été plutôt mignonne, il l'aurait carrément dit depuis longtemps. Il s'avança et s'adressa à le jeune femme : Je vous l'avais dit. Il n'en a rien à faire de m- de Milander. Vous n'aviez aucune chance de l'amener à négocier avec vous. Seule sa personne l'intéresse.

Lunar lui jeta un regard amusé qu'il ne comprit pas.

Fantome, vous etes jeune. Votre original comprendra mes actes lorsque son temps viendra.

Fantôme... Le mot résonna un instant dans sa tête. C'était douloureux. Réel ou pas, il sentit son coeur se serrer à la mention de ce terme.
Il serra les poings et gronda : Ne m'appelez plus jamais...

Percelune se releva d'un geste fluide et regarda Millie dans les yeux, une lueur maline et pas franchement amicale dans les prunelles : "Fantome?...Ce n'est que la triste vérité."

La colère enflait, menaçant de lui envahir le cerveau. Il jeta un oeil vers Hilfe qui resta stoique, se contentant de lui retourner son regard. Fais ce que tu veux, semblait-elle dire. Faire ce qu'il voulait... Ce qu'il voulait, c'était mettre le vieillard au tapis et lui enfonce dans le crâne qu'il n'était qu'un sombre crétin. Tout ce qu'il pouvait, c'était parler... Et il se mit à parler, sans même filtrer ce qui lui venait en bouche. C'était ça ou donner un crochet du droit à Percelune.

Un fantôme veut dire qu'on est mort, qu'on a fini de vivre. A cause de vous, je ne mourrai pas, je resterai ici. A cause de vous, je ne vieillirai jamais. Je ne me battrai plus à l'épée, je ne verrai plus jamais ma famille, je ne mangerai plus jamais de lasagnes."

Il s'arrêta un moment. L'idée toute bête d'avoir mangé ses dernières lasagnes avait créé une boule dans sa gorge. Il déglutit avant de reprendre :

Et vous savez le pire ? Je préfère encore être Millie le non-existant que Milander tel qu'il deviendra. Je resterai au moins moi, et je ne verrai pas ma famille devenir de parfaits étrangers parce que vous aurez glissé sournoisement vos souvenirs en moi. Je garderai toujours mes souvenirs de jeux avec mes frères, sans me lamenter sur la tombe d'innombrables personnes que je n'ai jamais connues."
Et surtout, je n'aurai pas l'obligation d'être le ver dans le fruit à ma mort, de devenir le maigre spectre errant qui videra la tête d'un pauvre gamin pour le posséder et avoir ainsi un semblant de vie.

Bizarrement, alors que Millie se tenait là, pantelant, sachant à peine ce qu'il avait pu dire, le regard de l'autre se modifia? Il y détecta une lueur nouvelle. Du respect peut-être ? De la fierté ? C'était étrange, nouveau... et ça ne le calmait pourtant pas. Il avait commencé à vraiment déballer ce qu'il avait sur le coeur et rien ne saurait l'interrompre à part peut-être une attaque de l'autre.

Tu as une belle vie qui t'attends, fantome, commenta Percelune.

Plus belle que celle de Milander, en tout cas, contre attaqua Millie Parce que vous refusez d'accepter quelque aide que ce soit. Cet esprit est... est... étrange. Dangereux. Mais regardez le nombre de livre, le nombre de personnes qui y sont. Regardez ! Des centaines et des centaines ! Et Greg arrive à vivre ! Le peu de temps où vous étiez dans ma tête, ma seule idée à moi était de survivre. Ca ne vous choque pas ?

L'étincelle fugace avait disparu. Le vieux sorcier se contenta de ressortir sa vieille rengaine, comme un jouet cassé.

Je peux faire disparaitre ces souvenirs là.

C'était quoi ? Sa formule magique ? Son passe-partout ? Millie était en rage devant son refus de prendre en compte ces paroles et chercha un moyen de le toucher.
Moyen dont il disposait. Ses souvenirs.
Il avait voulu les lui imposer ? Et bien, il allait les récupérer !

Et combien de sorciers avant vous ont répété cette même phrase et l'ont mis en exécution, Percelune ? Combien ? Aucun ? Un ? quelques uns ? Tous ? Vous ne saurez jamais. Peut-être que depuis le début, tout ça n'est qu'un échec qu'on efface et qu'on retente sans cesse, un échec. Voudriez vous qu'on efface Alela parce qu'elle était un échec ? Ou Aurion ? Quel droit avez vous de décider d'effacer des souvenirs?

Réaction immédiate
Percelune releva son visage, une expression figée sur ses traits. Une aura magique se mit à palpiter autour de lui, puissante, dangereuse.

Ce ne sont pas tes souvenirs, dit-il d'un ton polaire.

Millie vit Hilfe bouger du coin de l'oeil et tendit la main vers elle pour l'arrêter. Il avait enfin réussi à faire sortir Aidan de ses gonds et comptait bien continuer sur cette voie pour épancher sa colère.

Vous me les avez imposés.répliqua-t-il vertement. Prenez vous en à vous-même.

"Tu as raison, fantome. Je vais assumer le poids de mes actes" répondit le sorcier en s'approchant de lui. Millie recula au même rythme que lui, refusant de l'approcher."Tu n'as pas subi le processus jusqu'à maturation. Ces souvenirs ne sont pas les tiens, Fantome. L'anneau te les a imposés."

Ce mot, ce fichu mot ! Il devait faire exprès de l'employer pour le mettre en colère, ce n'était pas possible autrement. Et ça marchait très bien.

"Je ne suis pas un fantôme ! Et maintenant que ces souvenirs sont là, ce n'est plus à vous de décider quoi en faire."

Millie s'arrêta là. Souvenirs à lui ou non, il était hors de question qu'il laisse Percelune toucher encore une seule fois au contenu de son crâne. Qu'il s'approche, et on verrait si le vieillard était aussi fort à la boxe qu'au lancer d'éclair. Il se mit sans prendre garde en position de combat, attendant la suite.

Vous me les avez imposés. Prenez vous en à vous-même.

Depuis un certain moment dans sa non-vie, Aidan Percelune s'en prit à lui même. Apres tout, il n'y avait pas moyen de faire marche arrière.

"Tu as raison, fantome. Je vais assumer le poids de mes actes. Tu n'as pas subi le processus jusqu'à maturation. Ces souvenirs ne sont pas les tiens, Fantome. L'anneau te les a imposés."

Milander se recula lorsque le vieil homme s'avança. Savait il ce qu'il allait faire?

"Je ne suis pas un fantôme ! Et maintenant que ces souvenirs sont là, ce n'est plus à vous de décider quoi en faire."

Le souvenir d'une jeune anglais se mirent en position de combat. Le vieil homme se rappelait encore avec fierté la façon dont il avait vaincu ce demi-troll simplement en se servant de ses poing. Enfin, c'est ce qu'on lui avait rapporté. Son état d'ébriété lorsqu'il avait accompli une telle prouesse était évident. Ses souvenirs en étaient confus. Mais il n'allait pas briser de l'enfant. Il pouvait garder le peu de souvenirs qu'il avait obtenu de sa part. Il n'avait rien récupéré de capital.

* Ces souvenirs n'ont aucun sens, incomplets. Libere moi d'ici, Milander. Et je te les laisserais*

"Je ne suis plus Milander non plus."

Milander ou non, ce jeunot commençait à lui peser. L'archimage se demandait si il avait été aussi insolent, dans son jeune age. Il lui avait pourtant fait une proposition digne d'etre écouté ! Il lui laissait son intégrité et il retournait à la mission qui lui avait été donnée. Il devait retourner auprès du vrai Milander, coûte que coûte.

* Ton nom m'importe peu. *

Non seulement il avait fait l'effort d’arrêter de l’appeler Fantome. Mais en plus, pour la première fois depuis longtemps, il se montrait conciliant. A cela, le reflet du jeune anglais répondit d'un ton légèrement boudeur

A moi, il m'importe."

* Ma patience a des limites. J'en ai assez de négocier avec des colégiens geignards. *

Aidan Percelune se retourna vers Hilfe. Après tout, la seule personne qui pouvait l'aider, c'était elle. La femme allait devenir la nouvelle maman du jeune anglais. Cette pensée accabla l'esprit. Il avait encore un sale gosse à s'occuper, une fois qu'il serait retourné dans l'anneau.

* Je regrette que vous ayez eu a assister à ce différent. Sachez que je cherche une solution a notre probleme mutuel. Vos demandes n'étaient pas réalistes. Mais je suis prèt à négocier avec vous, charmante créature. *

"J'estime que ce différent aurait pu bien plus dégénérer. Aucun d'entre vous n'est étendu sur le plancher."

* Ce n'est pas l'envie qui manque, rassurez vous.*

"J'imagine que tu as une idée de comment le renvoyer hors d'ici ?"

"J'ai peut-être une idée".

Il inspira en profondeur. Lunar sentit soudainement une accumulation d'énergie autour de Milander. Pour un reflet, le magicien ne put s’empêcher d’être impressionné par le pouvoir déployé. Percelune reconnu le sort. Et il ne s'agissait surement pas de celui qui le libérerait de cet endroit. Il offrit un sourire plein de défi au jeune anglais. Une boule d'énergie violette se forma dans sa main.

* Je pensais que tu ferais ça avec Honneur, Milander.*

"Le but de Milander était que je vous atteigne au moins une fois. Evitez de trop bouger."

Aidan Percelune n'allait surement pas rester les bras croisées sous les coups de cet apprenti magicien.
Hifle avait encore son baton dans la main. Heuresement pour lui, le monde de l'esprit possède des barrières assez fines si on sait ou aller. Le magicien fit apparaître un nouveau bourdon. Il prépara le même sort que Milander, faisant apparaître une boule violette légerement plus grosse que celle de Millie. L'afflux soudain d'énergie allait réveiller sous peu les monstres d'entre les pages. Comme pour répondre à cette pensée, Hilfe s'interoposa.

"CA SUFFIT ! Vous tenez à ce qu'on se fasse repérer ?!""

* Vous avez peur des ombres, Hilfe? A quoi sert votre organisation si vous etes constemment en train de fuir vos démons? *

Contrairement à ce que Millie pensait, Lunar se calma en le voyant se mettre en position de combat. Il se contenta de lâcher un soupir - celui qu'une mère aurait eu en voyant son enfant refuser d'aller se coucher.
Ces souvenirs n'ont aucun sens, incomplets. Libere moi d'ici, Milander. Et je te les laisserais

Si Lunar était calmé, Millie lui ne l'était pas. L'impression que le vieillard se dérobait devant ses attaques le mettait même encore plus en colére. Pour une fois qu'il disait vraiment ce qu'il avait sur le coeur, son interlocuteur se conduisait comme s'il n'était qu'un enfant braillard, tellement puéril qu'il ne valait pas la peine de s'énerver !

"Je ne suis plus Milander non plus."

Lunar se contenta de répondre en haussant imperceptiblement les épaules: "Ton nom m'importe peu."

A moi, il m'importe.", répliqua vertement Millie.

* Ma patience a des limites. J'en ai assez de négocier avec des collégiens geignards. * conclut Aidan Percelune en lui tournant le dos.

Oui, en lui tournant le dos. Comme s'il ne représentait rien.
Bouillant, le jeune sorcier se prépara à se rapprocher du vieillard pour continuer la discussion, espérant tout au fond de lui que l'autre refuse et qu'il ait enfin l'occasion de taper sur quelque chose.
Mais avant même d'avoir pu faire un pas, il sentit quelque chose bouger dans sa tête. Pas vraiment une voix, mais des mots ? Il ne les comprenait pas vraiment, mais il sentait qu'il devait rester à sa place pour le moment.

Inconscient des pensées de Millie, Lunar s'inclina légérement devant Hilfe et poursuivit sur un ton d'excuse :"Je regrette que vous ayez eu a assister à ce différent. Sachez que je cherche une solution a notre probleme mutuel. Vos demandes n'étaient pas réalistes. Mais je suis prèt à négocier avec vous, charmante créature."

Elle eut un petit sourire et lui répondit sur un ton narquois :"J'estime que ce différent aurait pu bien plus dégénérer. Aucun d'entre vous n'est étendu sur le plancher."

"Ce n'est pas l'envie qui manque, rassurez vous."

L'envie, peut-être pas. Les moyens par contre...
Il sentit le regard d'Hilfe peser sur lui et des mots tranquillisants passer dans son esprit ; il y trouva la force de ne pas lancer sa réflexion à Percelune lorsqu'il daigna enfin le regarder :"J'imagine que tu as une idée de comment le renvoyer hors d'ici ?"

Une idée pour sortir d'ici ? Il ne savait même pas comment ils y étaient arrivés !
Cela dit, c'était Milander qui les avait envoyés ici. Et Milander voulait lui accorder une chance de se venger... non, peut-être pas de se venger. Une chance de se défouler sur celui qui était responsable de la situation : Percelune. On pouvait donc supposer que pour rompre le sort il devait blesser au moins une fois le sorcier.
La logique n'était peut-être pas évidente, mais de toute façon, il ne voyait pas d'autre solution. Et pour être honnête, il n'en cherchait pas d'autres : la seule chose dont il avait envie était effectivement de mettre une dérouillée à Lunar.

"J'ai peut-être une idée", lâcha-t-il négligemment avant de se concentrer. L'énergie magique l'envahit encore une fois, se coula de son coeur jusqu'à sa main, enflant jusqu'à former une boule violette. Une décharge de magie pure.
Percelune sourit devant cette vision, sourire de défi.

* Je pensais que tu ferais ça avec Honneur, Milander.*

Se retenant de lui dire ce qu'il pensait de l'honneur en cet instant précis, Millie se contenta d'exposer une version simplifiée de son raisonnement.

"Le but de Milander était que je vous atteigne au moins une fois. Evitez de trop bouger."

C'était bien moins crédible dit à haute voix.
Percelune n'en avait rien à faire de toute façon : avant même qu'il ait terminé sa phrase, il avait fait apparaitre un bourdon entre ses mains. L'énergie crépita autour de lui puis se concentra dans une boule semblable à celle de Millie.
Cette fois-ci, ce n'était pas des mots qui passérent dans la tête de Millie, mais une impression : danger. Ecrit en majuscules rouges, souligné, encadré deux fois et surligné. Danger.
Sa boule de magie s'évanouit.

Hilfe devait partager cette impression puisqu'elle se précipita entre eux deux, véritable rempart humain :"CA SUFFIT ! Vous tenez à ce qu'on se fasse repérer ?!""

Le seul à coté de la plaque comme d'ordinaire était Percelune. Sa boule d'énergie encore crépitante à la main, il demanda avec une ironie méchante à la jeune femme : "Vous avez peur des ombres, Hilfe? A quoi sert votre organisation si vous etes constamment en train de fuir vos démons?"

Elle lui jeta un regard noir et méprisant et en un instant, Millie comprit quelque chose. Le monstre dont elle avait parlé n'était pas un démon. C'était plutôt... Des images passérent en flash devant ses yeux. Une protection ? Un gardien ? Une conséquence ? Tout à la fois ? C'était quelque chose de dangereux, mais nécessaire, et ça Lunar n'en avait aucunement conscience. Et dire que c'était censé être lui, l'expert en Changemorphe.

"En général, je n'ai pas deux idiots en train de ravager l'esprit de Greg à coups de boules de magie et par conséquent multipliant les "démons", comme vous dites."

Lunar jeta un coup d'oeil curieux vers les rayonnages avant de revenir sur la jeune femme. Il suspectait quelque chose d'étrange sans savoir quoi, et Millie s'en sentait bizarrement soulagé.

"Je vois. Ne soulevons pas la poussière, jeune homme."

Millie hocha la tête sans y prêter attention et perdit de vue une seconde Percelune. Une seconde de trop. Il sentit un déplacement d'air derrière lui et on lui passa un bras autour du coup, l'étouffant à moitié. Il essaya de se dégager mais il était déjà trop tard.

"Désolé jeune homme. Je n'arracherai rien de ton esprit."

Comme s'il allait le croire.

"C'était un interlude divertissant continua son agresseur en s'adressant désormais à une Hilfe furieuse qui se dirigeait vers lui. "C'est avec plaisir que je vous recroiserai. Dans un lieu moins... atypique, bien sur.

Quelque chose traversa la tête de Millie, littéralement, et il perdit connaissance.

Il arrivait à respirer sans que ses poumons ne lui donnent l'impression de bruler de l'intérieur. L'herbe frémissant sous le vent avait cessé de lui déchiqueter la peau, le soleil de transpercer son crâne au travers de ses paupières closes.

Perceptions en recul, esprit en éveil.

Dans sa tête, un bric-a-brac de pensées et de sensations continuait de filtrer. De la peur, de la colère, du désespoir et une bribe d'amusement. Une attaque par derrière, un bras jaillissant d'une étagére, un monstre hantant les espaces sombres, une rose blanche gisant sur le sol. Une trahison ressentie, quelques soupçons de galanterie, une vision d'horreur. Galimatias de choses inintelligibles

Tout fut soufflé et remélangé subitement, en même temps qu'il lui semblait entendre des voix bien connus dans sa tête. L'une d'elle était bien connue mais l'autre... Milander ? Que faisait-il là ?
ET ensuite un choeur de voix désordonnées qui les submergeait, remontait, menaçait de le noyer...

Il ouvrit les yeux.

Du bleu, que du bleu. Il voyait le ciel bleu. Il était allongé dans l'herbe. La roseraie. Il y était avant. Avec quelqu'un d'autre. Quelqu'un de bizarre.

Il se redressa, la tête bizarrement lourde. Sa machoire lui faisait mal : était-il tombé dessus ? Il la frotta doucement en regardant autour de lui. Des roses, des roses, des cendres, des roses, un blond.
Sa respiration s'accéléra alors qu'il observait le blond. Milander. Ou Lunar ? Pourquoi les deux noms lui venaient-ils en tête ? Des yeux noirs qui l'observaient avec inquiétude, une posture raide contre l'arbre qui le soutenait.
Lunar lui semblait être un nom plus menaçant. Ce devait être...

Milander ?

Le blond acquiesça et lui tendit en réponse une bouteille de soda.
Avant même de comprendre, le corps de Greg prit le relais. Rejet brusque en arrière en même temps pour éviter à tout prix la trajectoire de la bouteille tandis qu'une vague de nausée l'envahissait. Penché en arrière, en appui sur ses bras, son coeur se mit à tambouriner plus fort que jamais auparavant. Danger.
La réaction était violente au point de le surprendre lui-même. Milander était à deux bons mètres, nom d'un chien ! Qu'est ce qu'il risquait ?
Son coeur se mit à battre plus vite pour toute réponse. Danger.

Il se rassit prudemment, rouge de honte sous l'oeil du sorcier. Il ne savait pas ce qui lui était passé par la tête. Les souvenirs commençaient à se réagencer doucement mais il ne savait même pas ce qu'il faisait allongé là.

Il.. Il s'est passé quoi ? La dernière chose dont je me souvienne, c'est de...

D'un golem. D'une attaque en traitre. D'une menace de copie.
Oh putain.

Greg se prit la tête dans les mains, totalement honteux. Il espérait sauver la situation en faisant ça, mais il avait dû encore faire tout capoter. Vu sa perte de conscience, il s'était soit évanoui, soit retrouvé submergé par un double - et s'il s'était retrouvé à copier Milander, il ne serait jamais remonté si tôt, trop dangereux. Il avait dû s'écrouler au sol, sans doute à cause d'un coup du goler.
Ils avaient de la chance d'être encore en vie.

"Désolé. Je suis vraiment mauvais en bluff. Merci de m'avoir sauvé."

Milander ?

Le jeune allemand semblait le reconnaitre. C'était un premier pas. A sa proposition de soda, Greg réagit d'un mouvement de recul. Milander fixa son pepsi d'un air curieux. Avait il évoqué une grenade par mégarde? Le brun se souvenait il de la droite que Milander lui avait infligé? Ou était ce simplement un contrecoup du transfert de personnalité? Pantelant et écarlate, le jeune homme se rassit.

Il.. Il s'est passé quoi ? La dernière chose dont je me souvienne, c'est de...


Il se prit la tete entre les mains comme si c'était un lendemain d'octoberfest. Il n'avait donc pas de souvenir de la façon dont il avait carbonisé le golem de roses. Une tragédie, cela avait été un geste d'un héroisme rare. Beaucoup plus efficace que son idée de sécateur artisanal.

"Désolé. Je suis vraiment mauvais en bluff. Merci de m'avoir sauvé."

Bluff? Milander eut soudainement le souvenir du coup qu'il avait reçu dans les parties. Il avait voulu prendre l'anglais en otage. Milander eut un sourire légèrement crispé à cette image. De la ou il venait, une attaque fourbe dans cette zone là se payait chèrement. La fratrie ne rigolait pas avec les testicules. Heuresement pour lui, Gregory semblait avoir reçu assez de choc pour la journée. Le sorcier nota dans le coin de son esprit de lui renvoyer l’ascenseur, à l'occasion.

"Tu n'as vraiment aucun souvenir de ce qui s'est passé? Tu as désormais une part de moi en toi."

Milander fronça les sourcils. Sa phrase sonnait bizarrement à ses oreilles. Il entreprit d'expliquer un peu à Greg ce qui s'était passé.

" Tu.. Enfin, L'autre moi nous à sauvé."


Le grand blond ne voulait pas raconter l'anecdote ou il avait injecté l'esprit de Lunar dans celui de Greg. Il s'était résigné à ne pas avoir le fin mot de l'histoire. Chacun des Milander devait suivre sa route. Il rangea son portable dans sa poche et ouvrit sa canette. Il sirota le pepsi d'un air absent, observant la roseraie.

Vu le sourire crispé de Milander, lui aussi trouvait les capacités de bluff de Greg pitoyables.
L'Allemand regarda ailleurs, gêné. Parfois, il aurait vraiment aimé être un méchant, capable de commettre les pires méfaits sans rougir comme une pucelle quand on lui rappelait que ses actions n'étaient pas joli-joli. Il l'avait pourtant fait pour la bonne cause, vraiment. C'était un fiasco, mais pour la bonne cause.

"Tu n'as vraiment aucun souvenir de ce qui s'est passé?

Il reporta son regard sur le magicien, étonné de son ton. Non, son dernier souvenir datait du moment où le golem les avait chargés et où il s'était reculé pour ne pas toucher Milander, qui lui avait décoché...
...
Non.
Pourquoi l'image d'un poing venait de lui passer devant les yeux en un flash?
Est-ce que...

Tu as désormais une part de moi en toi."

Non. Il n'avait pas entendu ça. Non.
C'était pas possible. Pas encore une copie.
Non.

" Tu.. Enfin, L'autre moi nous a sauvés."

Il était au courant.
Il l'avait vraiment touché.
Il avait vraiment copié Milander.
Non !
Il était justement venu ici pour éviter que ce type d'incident se reproduise !

Il se prit la tête dans les mains, essayant de ne pas paniquer.

Bon.
Il avait encore un nouveau venu sous son crâne. Une voix de plus qui allait tenter de prendre sa place, de le controler, et qui pourrait possiblement le supplanter et agir à sa guise. Et celui-là avait des pouvoirs magiques aléatoires, en plus. Potentiellement meurtriers. Et vu comme son original avait l'air d'être doué, béni par Murphy.
Putain de merde.
Il déglutit à la pensée de ce qu'il pourrait arriver. Incendie involontaire. homicide involontaire, inondation involontaire... Milander n'avait pas l'air d'être un mauvais bougre, mais ça ne consolerait aucunement ses victimes si jamais la copie de Milander prenait le dessus.

Prendre le dessus?

Oh non !

Il tourna la tête d'un coup sec vers Milander et lui demanda, paniqué : "Pitié, dis moi que je t'ai copié toi seulement ! Dis moi que je n'ai pas Lunar dans ma tête !"

Pas le grand mage psychotique et manipulateur ! Pas ça en plus ! Milander était possiblement une catastrophe ambulante, mais Lunar était un cataclysme annoncé !
Mais comment la situation avait pu dégénérer à ce point là en quelques min...
Minutes ?
Le soleil n'avait quasiment pas bougé, et le tas de cendres du golem était encore chaud. Il n'aurait pas dû être là aussi vite ; normalement, la copie gardait la place quelques heures à un jour ou deux, le temps que Greg récupére et que la passation se fasse en douceur.
Il n'aurait pas dû être là. Est-ce que la copie avait été blessée ? Ou Lunar lui avait-il joué un mauvais tour ?

Hilfe, Schutz, répondez !
Seulement le silence au fond de son crâne. Un calme qu'il aurait apprécié avec bonheur une autre fois, mais qui contribuait à l'affoler un peu plus. Aucune voix, rien. Personne.
Se calmer, respirer. Il doit y avoir une explication tout à fait logique. Sensé. Raisonnable.

"Milander ? Je ne devrais pas être là. Qu'est-ce qu'il s'est passé exactement ?!"

Greg tourna la tête d'un coup sec vers Milander et lui demanda, paniqué :

"Pitié, dis moi que je t'ai copié toi seulement ! Dis moi que je n'ai pas Lunar dans ma tête !"

Lunar était retourné de là ou il était venu. Il n’embêterais plus le jeune homme. L'anglais comprenait assez bien que Greg craigne l'archimage. Après tout, il ne s'était pas montré très agréable à son égard. Mais il ne pensait pas possible que le doppleganger puisse copier l'esprit dans la chevalière. Il sentait de nombreuses barrières. Lui même peinait déjà accéder au contenu de celui ci.


"Milander ? Je ne devrais pas être là. Qu'est-ce qu'il s'est passé exactement ?!"

Milander ne put retenir un sourire en coin. Décidement, Greg posait beaucoup de questions. L'anglais resta silencieux, haussant les épaules. Il était persuadé que l'allemand avait plus de réponses qu'il ne voulait l'admettre. Il sirota le pepsi que Greg n'avait pas pris. Son interlocuteur le dévisageait silencieusement. L'anglais ne savait pas si le regard qui le détaillait était empli de tiède panique ou de froide confidence.

"Milander, si tu veux me taper là où ça fait mal, vas-y. Je me suis déjà excusé, mais je te donne ma bénédiction. Mais ne joue pas avec moi au sujet de mon esprit ! Dis moi ce qu'il se passe !"

Milander ne savait pas ce qu'il se passait. Il pensait que son double devait s'offrir un peu de répit. Il pouvait enfin avoir une vrai discussion avec Greg. Sans parasites ou autres visages qui viendrait les interrompre. Et le pire dans cette situation, c'était qu'il ne trouvait rien à dire. Il nota cependant sa proposition de le frapper ou ça faisait mal et se promit d’accéder à sa demande quand l'occasion s'y prêterait. D'une voix neutre, il fit :

Il y a un problème?

Je ne devrais pas être là ! Théoriquement, c'est ta copie qui devrait être là!


Milander refusait de se stresser pour si peu de choses. Sa digestion terminée, il n'avait aucune envie de se prendre la tête sur des questions dont il ne possédait aucune réponse. L'excitation et la panique de Greg le laissait indifférent. Il était comme un lézard au soleil qui buvait un pepsi. Paisiblement, il répondit :

Mon double a du t'accorder un peu de répit ? Ou il est surement en train de farfouiller dans ton esprit. C'est ce que je ferais, en tout cas.

Il ponctua sa phrase par une nouvelle gorgée de pepsi.

Ca ne marche pas comme ça. Il ne peut pas me laisser revenir comme ça. Personne ne l'a jamais fait. Et je devrais au moins le sentir, pas avoir un mur qui me répond quand j'essaie de le joindre !

Milander ne pouvait s’empêcher de se sentir fier. Il savait que si quelqu'un pouvait accomplir quelque chose d'inédit, c'était bien lui. Il félicita son double d'une telle performance. Tenant avant tout à calmer Greg, le sorcier fit :

Si ca peux te rassurer, Lunar ne t'embetera plus. C'est tout ce que je peux te dire

Comment ça, il ne m'embêtera plus ? Qu'est ce qu'il a fait à ta copie ?!

Milander n'aimait pas pas le ton de Greg. La conversation prenait une tournure étrange. L'anglais rechignait à parler de l'incident avec l'archimage. Il ne savait pas du tout ce qui était sorti de cette tentative là. Lunar avait il saccagé l'esprit de Greg? Son double avait il eut sa revanchee? Pragmatiquement, il répondit :

Comment je pourrais savoir?

Lunar... ca doit être lui, je ne vois que ça. Est-ce qu'il est rentré dans ma tête avec ton double ?

La mémoire de Greg semblait lui revenir. A ce rythme là, il allait trouver le pot au rose. Mais Milander avait un passé de petit filou qui mentait sans vraiment mentir. Eludant discrètement la question, l'anglais répondit :

Pas avec mon double, non.

La tournure de phrase ne suffisait pas. Greg lut entre les lignes. Quel crétin était il d'avoir rajouté ce "non". Il était découvert. L'allemand répondit, éructant presque de rage.

Il est rentré SANS ton double ? C'était volontaire ?!

Heum. C'était un pari.

Tu as fait un pari avec MON esprit ?!

Milander avait découvert le pouvoir terrible des silences. Après ces deux phrases pleines de ressentiment, le silence de l'allemand n'augurait rien de bon. Milander se retint de porter la main à son portable. Il termina sa canette d'une longue gorgée et fixa Gregory de ses grands yeux sombres. Son air était impassible et sa voix emplie d'un détermination inébranlable.

Tu as fait un pari avec ma vie.

Dans effet théatral, il écrasa l'innocente canette de pepsi dans son poing. Il eut un petit sourire et fit :

Sans rancune?

Milander se contenta de lui adresser un sourire en coin sans rien lui répondre. Visiblement, il prenait plaisir à regarder Greg s'affoler du silence soudain dans sa tête.
Est-ce qu'il n'était pas au moins un tout petit peu concerné par le sort de son double ? D'ordinaire, les gens étaient inquiets ou révulsés à l'idée que Greg garde en lui leur souvenir, pas nonchalants. Il avait dû se passer quelque chose d'important pendant son absence mais quoi ? Il devait savoir ! Qu'est qu'il - ou ils - lui avait fait ?!

"Milander, si tu veux me taper là où ça fait mal, vas-y. Je me suis déjà excusé, mais je te donne ma bénédiction. Mais ne joue pas avec moi au sujet de mon esprit ! Dis moi ce qu'il se passe !"

L'Anglais resta de marbre, comme non concerné. Stay cool !
Stay cool, stay cool, ben voyons. Prends donc un glaçon et va jouer avec plus loin, mais dis moi ce qu'il se passe. Il n'aurait pas dû être là, il n'aurait pas dû être seul et il n'aurait pas dû être amnésique : il y'avait de gros, gros problèmes en préparation.
Le blond finit par lâcher, tranquillement :"Il y a un problème?"

Ne pas répondre en hurlant. Ne pas l'insulter. Ne pas paniquer. Respirer. Juste répondre : "Je ne devrais pas être là ! Théoriquement, c'est ta copie qui devrait être là!".
Et se mordre les lèvres pour ne pas lui lancer d'épithétes colorés à la figure.

Gorgée de Pepsi avalée, tête tournée vers le soleil, Milander le lézard nonchalant.
Mon double a du t'accorder un peu de répit ? Ou il est surement en train de farfouiller dans ton esprit. C'est ce que je ferais, en tout cas.

Greg s'arrête quelques instants, cherchant comment lui faire comprendre. Après une copie, la personnalité copiée ne choisissait pas d'être intégrée, pas comme ça. Elle percevait de plus en plus la voix de Greg alors qu'il essayait de revenir au premier rang, et le combattait aussi longtemps que possible pour ne pas disparaitre. Elle ne choisissait pas de s'en aller comme ça. L'instinct de survie prédominait.

Ca ne marche pas comme ça. Il ne peut pas me laisser revenir comme ça. Personne ne l'a jamais fait. Et je devrais au moins le sentir, pas avoir un mur qui me répond quand j'essaie de le joindre !

Le sourire béat de Milander l'énerva encore plus : il ne le félicitait pas d'une performance. Certainement pas.

Si ca peux te rassurer, Lunar ne t'embetera plus. C'est tout ce que je peux te dire

C'était censé le calmer ? Il ne répondait absolument pas à sa question et préférait une réponse détournée. Qu'avait-il à lui cacher ?

Comment ça, il ne m'embêtera plus ? Qu'est ce qu'il a fait à ta copie ?!

Greg se rendait compte que son ton montait de plus en plus haut, mais il était paniqué. Complétement paniqué. La situation actuelle ne s'était encore jamais présentée, il ne savait pas la gérer. Et ce silence subit dans son esprit, cette absence... Impression d'être amputé d'une nez ou d'un doigt, d'un organe dont on se sert quotiennement sans s'en rendre compte et ne devient important qu'une fois enlevé. Plus de chuchotis en fond, plus de lutte sous-jacente, plus de flash indésirables, plus de montée de voix quand il commençait à sortir de ses gonds. Plus que lui.
Plus que lui. Tout seul.
Bien loin de son inquiétude, Milander lui fit remarquer en haussant les épaules : Comment je pourrais savoir?

Si Milander ne savait rien, il ne restait plus que...

Lunar... ca doit être lui, je ne vois que ça. Est-ce qu'il est rentré dans ma tête avec ton double ?

Pas avec mon double, non.

Oh non. Oh noooon. Greg était le roi de la réponse ambigue et Milander ne l'aurait pas avec une tentative aussi piètre. Bien trop enfantin pour tromper l'Allemand.
Et il avait peur d'avoir mal compris. Lunar n'avait pas été envoyé dans sa tête par accident, non. L'Anglais l'avait fait volontairement...
Il n'était quand même pas stupide à ce point là ? Quand même pas ?
...Si. Il en était capable cet abruti.
Incapable de réfréner sa colère, il lui demanda en haussant la voix : Il est rentré SANS ton double ? C'était volontaire ?

Heum. C'était un pari. lui répondit le blond, l'air très vaguement gêné.

Un. Pari.
Un. Pa. Ri.
Avec son esprit.
Espéce de ..... Rah, il n'avait pas d'insultes assez fortes en japonais pour ce qu'il en pensait !

Tu as fait un pari avec MON esprit ?! répéta-t-il en surarticulant.

Il prit un instant pour se calmer. Respireeeeer. En temps normal, l'afflux de voix l'aurait forcé à se stopper instinctivement mais là, sans personne d'autre dans sa tête, il devait faire l'effort de réfléchir, de penser à réfréner sa colère. Ne pas taper sur cet ahuri. Ne pas taper.
L'ahuri en question avait l'air d'avoir compris la situation. Il perçut distinctement son geste avorté vers son portable, ce petit mouvement du bras furtif vers la fameuse poche magique. Au premier faux pas de travers, l'entente cordiale se finirait en explosion de Greg. Ou en chute de lasagnes.
Cette idée stupide contribua à le calmer. Des lasagnes, ouais, il était bien capable de se tromper dans les applications. De le submerger de pâte fraiche, de le noyer dans la sauce tomate. Garde ces idées débiles en tête, calme toi...
Milander reprit un longue gorgée de soda, trop longue pour être vraie et fixa Greg d'un air dur. D'un ton dur, il lui dit :Tu as fait un pari avec ma vie.

Son poing se serra, écrasant la canette. Dans le bruit de tôle froissé, il continua avec le sourire :Sans rancune?

Greg le regarda avec des yeux ronds. Pardon ? Il comparait son pari stupide avec ta tentative de leur sauver la vie à tous les deux ? Il était vraiment sérieux ? Ou était-il complétement abruti ?
Se dire que c'était la fatigue, le soleil, le pollen, le coke, tout mais...
Oh et puis merde. Non, il était juste stupide. Stupide.

Sa réponse fusa illico : J'ai fait un pari pour ta vie, crétin ! Pour te sauver ! C'est loin d'être comparable !

- Hé bien, le Vrai Greg est bien grognon. On a eut raison pour nos deux paris et tu trouves encore le moyen de raler?

Il allait se lever et le secouer comme un prunier, jusqu'à ce que le petit pois censé lui servir de cervelle finisse en purée verdatre à l'intérieur de sa boite crânienne.
Debout. Vers Milander. Lui remettre les idées en place, vite.

-Bien sûr. Tu étais aussi joyeux quand Lunar jouait avec ton esprit ? Parce que je te-

A deux pas de Mil, il s'arrêta. Son coeur s'était mis à battre si fort qu'il avait l'impression qu'il allait s'ejecter d'un moment à l'autre, ses jambes tremblaient, l'horizon vacillait. Chaud et froid mêlés, lui brûlant la peau et la glaçant par dessus.
C'était quoi, ça ?

- Un probleme? demanda Milander en reculant d'un pas et en mettant sa main sans sa poche à portable.

Comme si Greg avait en tête de l'attaque. L'entente cordiale touchait vraiment à sa fin.
Mais l'Allemand avait d'autres soucis en tête pendant qu'il s'effondrait à moitié sur un genou. C'était au tour de ses poumons de s'emballer, accélérant le rythme comme un tapis d'usine à l'heure de pointe. Il se sentait tomber, tomber... "Non, ça va pas...." lâcha-t-il entre ses dents serrées.

Le visage de Greg avait prit une teinte rouge chamarrée. Milander avait l'impression de fixer une cocotte minute.

J'ai fait un pari pour ta vie, crétin ! Pour te sauver ! C'est loin d'être comparable !

- Hé bien, le Vrai Greg est bien grognon. On a eut raison pour nos deux paris et tu trouves encore le moyen de raler?

Il se releva d'un coup. Décidement, à ce rythme là, l'après midi risquait vraiment de se terminer à l'infirmerie. Porté par une force inconnue, la voix de Greg lui paru familière

-Bien sûr. Tu étais aussi joyeux quand Lunar jouait avec ton esprit ? Parce que je te-

Oh, encore mon double, pensa tristement Milander. Il pensait en avoir fini avec ce gars là. A moins d'un mètre, Gregory s’arrêta. Il savait que si il avait été son double, il aurait tenté de récupérer la bague à tout prix. Le plus grand mystère pour le jeune sorcier était cette chevalière. Elle offrait un pouvoir incommensurable. Au dela de la raison. Mais l'anneau avait prit soin de vous offrir un mode d'emploi obligatoire. Son examinateur du jour n'était qu'un souvenir. Une fois la surprise dissipé, Milander avait balayé l'esprit de l'archimage.

Greg était pale. Le sorcier porta naturellement la main à son portable.

- Un probleme?

"Non, ça va pas...." lâcha-t-il entre ses dents serrées.

Greg avait passé l'après midi au soleil. Il avait recu un coup de poing à la machoire, avait assimilé une personalité, combattu une allée de roseraie et tout cela sous un soleil de plomb. Milander avait été ce petit gosse qui s'épuisait trop. Mais avec ses frères, il avait acquis une certaine hygiène de vie. ( Bien qu'il refuse de se mettre au pepsi sans sucre. )

Tu devrais t'allonger et t'hydrater.

"C'est bizarre, mais j'ai du mal à me détendre là tout de suite."

Le grand blond fixait Greg. La suggestion de Milander sonnait plutôt comme une menace.

La raison dut revenir au jeune allemand. Il s'assit à l'ombre et prit de grandes inspirations. Il finit par grommeler. "Esprit chevaleresque, mon oeil, oui."

Milander ne put s’empêcher d'avoir une idée. Il pianota rapidement sur son téléphone. Il demanda, d'un air innocent :

Tu n'as vraiment aucun souvenirs?

Greg semblait en avoir lourd sur la patate. Dans un éclat de self-control, il fit . "Non".

Tant pis.

Son sort finit par arriver. Il posa entre lui et Greg un plateau en fer blanc. Deux tasses de porcelaines blanches les attendaient. Elles étaient accompagnés par une théière, une carafe, du sucre, du lait ainsi qu'un assortiment de gâteaux.

"Tea or Iced-Tea"

Le ton de Milander lorsqu'il répondit était bizarrement paternaliste : Tu devrais t'allonger et t'hydrater.

"C'est bizarre, mais j'ai du mal à me détendre là tout de suite." rétorqua Greg.

Après son comportement puéril, le blond ne lui ferait pas la leçon comme une mère à un gamin capricieux. Mais il ne se sentait vraiment pas bien. Pas bien du tout...
Il se releva péniblement avec l'impression d'être sur le pond d'un bateau en pleine tempête. Tout tournait et son coeur palpitait bien trop fort. Il se dirigea vers une barrière isolée des rosiers - il mettrait du temps avant de pouvoir tourner le dos à un arbuste de ce type - et se laissa tomber dans son ombre. Respirer, garder la tête droite et le sol à l'horizontale...
Il aurait dû fermer les yeux pour mieux se détendre mais n'y arrivait pas. Son regard restait fixé sur Milander. Quelque part, il avait l'impression tenace qu'à la moindre distraction de sa part, le sorcier - ou ce barbon qu'était Lunar - profiterait de l'occasion pour l'achever. Plus de Greg, plus de problème. Il avait rencontré et copié - il chercha distraitement à entendre les autres, sans succès - plein de gens qui l'auraient fait sans hésiter, le justifiant même par de grands principes comme le "principe de précaution" ou "la sécurité de tous".

"Esprit chevaleresque, mon oeil, oui." grommela-t-il sans faire attention.

Ceux qui agissaient pour le Bien étaient en général les pires. La fin justifiait les moyens pour eux, tous les moyens.

Tout à ses réflexions, il sursauta en voyant Milander bouger du coin de l'oeil et prendre son portable. Il se tendit, se demandant ce qu'il allait encore faire tandis que le blond tapotait sur son téléphone. Inconscient de son trouble, celui-ci lui demanda d'un air innocent :

Tu n'as vraiment aucun souvenirs?

Langue mordue, puis tournée 7 fois dans sa bouche. Fais pas le con, il a un portable et n'hésitera pas à s'en servir. Tu ne hurles pas, tu ne l'insultes pas.

"Non". grogna-t-il. Il referma la bouche avant que la tentation d'en dire plus ne se fasse trop grande.

Tant pis.

Greg porta sa main dénudée à sa bouche et se mordit la première phalange de l'index. Il allait vraiment craquer et se mettre à hurler si l'autre n'arrêtait pas tout de suite son petit jeu. Rester calme, calme.

Milander se redressa, un plateau tout fraichement apparu dans les mains. Un pas, deux pas, trois pas vers Greg ; son coeur s'emballa à la même allure. Cinq, six , le monde qui tournait, le souffle court.
Oh merde. C'était pas lui la source du problème. C'était Milander. Qu'est-ce qu'il avait fichu avec sa tête ?!

Plateau posé entre eux deux, avec service complet à thé et biscuits assortis. En temps normal, Greg aurait apprécié l'attention mais là il se demandait juste combien de temps il allait tenir avant de s'évanouir.

"Tea or Iced-Tea ?"

Le cadet de ces soucis pour l'instant. Milander le regardait de la haut, d'une hauteur insurmontable, inatteignable, géant au sommet de la montagne face à un petit humain en plaine. Vertige en plus... Il ferma les yeux et posa une main sur son ventre, essayant de convaincre son estomac de rester en place.

"Milander, recule. Recule !"

Cerveau qui enfle, manque d'air, pulsations le secouant entièrement. Il avait dû se rapprocher, venir voir peut-être ce qui n'allait pas. Ou frapper un dernier coup. Un spasme chassa cette pensée paranoiaque avant même qu'il en ait pris conscience.

"T'approche pas j'ai dit, recule !"

Coeur qui ralentit, respirations plus profondes, tête qui diminue. Diminution des symptômes presque instantanée.
Il rouvrit les yeux : Milander se tenait deux pas en arrière par rapport à sa place.

Alors c'était ça. Ce chambard dans sa tête avait bien eu des conséquences

Félicitations champion, lâcha-t-il d'un ton amer. Tu as exacerbé ma phobie du contact, je vais avoir un malaise dès que quelqu'un sera assis à coté de moi. Ma vie n'était pas assez pourrie à ton goût, tu devais vraiment en rajouter ?

L'Anglais ouvrit la bouche, visiblement prêt à répondre à la réflexion de Greg. Ironie, désinvolture, intérêt, colère ? Comment allait-il réagir ?
Milander referma la bouche, sans rien dire.
Encore une fois, il n'allait pas répondre. Ce garçon était plus fuyant qu'une anguille ; est-ce qu'il pourrait une seule fois répondre honnêtement à ses remarques ? C'était trop espérer qu'il essaie de régler les problèmes qu'il avait causés ?

Se calmer. Respirer. Ne pas hurler.

- Respire un coup. Je reviens.

Le blond déposa son plateau à distance et s'en alla d'un pas tranquille, un gâteau sec et une tasse de thé à la main. Il le regarda s'éloigner, en colère mais un peu déçu malgré lui. Qu'est-ce qu'il espérait, vraiment ?
Rien, ne rien espérer.
Rester à distance. Eviter les contacts. Ne rien attendre des autres. Et il avait fallu qu'il enfreigne ces trois règles de sécurité le jour de son arrivée, et avec un type pareil...

Milander commença déambuler tranquillement le long des allées, sirotant visiblement son thé et profitant du soleil. Une telle nonchalance... Comment faisait-il ? Spectre d'un mage mort, possession, attaque d'un monstre, copie, et lui grignotait son gâteau. Est-ce qu'il vivait ça tous les jours ? Blasé jusqu'à l'absurde ? Ou incapable de comprendre ce qui venait de se passer ?
Le blond s'éloigna un peu plus, d'un pas de travers. De travers pour ne pas quitter du regard Greg, toujours affalé contre son arbre. Celui-ci sourit faiblement : non, pas si débile, finalement. Toujours garder l'autre à l'oeil, règle de base.

Est-ce que la copie de Milander était pareille ? Dans ce cas, pourquoi ne venait-il pas lui faire signe? Milander ne serait pas resté caché dans un coin, non ; il serait allé "farfouiller dans ses souvenirs" comme il l'avait dit, ou venu prendre contact avec Greg.
Alors est-ce que la copie était différente ? Imparfaite ? Ou blessée ? Effacée ?
Il sentit des frissons lui parcourir l'échine. Il y avait eu des cas dramatiques par le passé. Des copies attaquant violemment leur original. Des crises de délires psychotiques quand elles se retrouvaient face à elles-même. Et même une copie survivant à son original...
Ne pas y penser.

Il détestait copier quelqu'un. Disparaitre pour peut-être toujours et revenir avec une voix de plus dans sa tête. Retrouver son corps aux mains de quelqu'un d'autre, ayant parfois commis des actes horribles, et batailler pour le récupérer. Supporter les conséquences des actes des autres. Combattre pour garder sa place, garder la tête.

Mais là... C'était une première.
Il lui était arrivé d'avoir une "crise" de possession ou de copie et de revenir en place sans récupérer aucun souvenir. C'était rare, mais c'était arrivé. Sans certitude, ils soupçonnaient les autres esprits de faire barrage, pour l'empêcher d'avoir accès à certaines choses qu'il ne pourrait pas se pardonner.
Mais dans ce cas-ci, il ne revenait pas aussi tôt. Et gardait toujours un contact lointain avec les autres, comme on entendrait la rumeur de la rue à travers une fenêtre fermée.

Là... Rien. Juste le silence, vide perturbant. Silence de mort.
Personne ne lui répondant.
C'était comme vivre dans une halle géante, toujours grouillante, toujours agitée, dont les murs trembleraient sous les cris des poissonnières et les réclamations geignardes des clients mécontents. Y vivre, la tête prise par le son, les tympans toujours en action. Et se réveiller un matin au milieu d'un silence sonore, les étals désertés et les allées uniquement parcourues par quelques moutons de poussière. Le seul bruit audible était le frottements de ses semelles alors qu'on remontait l'allée en cherchant quelqu'un, n'importe qui, bruit de plus en plus fort, de plus en rapide, jusqu'à devenir une course effrénée.
Son crâne lui donnait l'impression d'être hantée par ses propres échos. Et c'était horrible. Il pouvait appeler qui il voulait, Milander, Hilfe, Schutze, Amina, Herbert, n'importe qui, rien ne lui répondrait en dehors de sa propre voix. Personne.

Trop de silence. Plus que sa voix qui résonnait, et les questions qui s'entrechoquaient.

-Je ne comprends pas. Vraiment pas... murmura-t-il.

Parler, rompre le silence. Essayer de comprendre. Il respira profondément, essayant de calmer sa panique, sa colère.
Communiquer. Pas hurler.

-Milander ? Explique-moi, s'il te plait. C'est... Ce que tu as fait a modifié quelque chose dans ma tête, et il faut que je sache quoi pour pouvoir le réparer. Je ne peux pas rester comme ça. Je vais devenir dingue, sinon. Tu ne peux pas comprendre ce que ça fait, d'être coupé de tout comme ça. J'ai jamais connu ça, je sais pas gérer...

Il attendit la réponse du blond, espérant désespérément qu'il lui accorde quelques éléments de réponse...

Le sorcier arborait un air modérément perplexe tout en continuant à siroter sa tasse de thé, tel un amateur de casse-tête devant un Rubik's Cube mélangé. L'énigme était intéressante, mais sans plus... Il finirait par la résoudre. Maintenant, ou après une autre tasse de thé. Ou deux.
Se retenir d'hurler. Attendre qu'il finisse de réfléchir. Il attrapa une tasse de thé et en but une gorgée. Tant que sa bouche était pleine, il ne pourrait pas faire de remarques acerbes, justifiées ou non, à Milander. Il n'était pas sûr que l'assortiment de biscuits secs soit suffisant pour ça.
Le blond tendit un doigt dans la direction de Greg, l'encourageant à se taire encore plus. Comment ? Le stade d'en dessous, c'était de l'anti-bruit. Mâchonne, mâchonne, regarde Milander pencher la tête pour mieux écouter et ne pense pas à lui signaler qu'il a l'air d'un chiot espérant le retour de son maitre pour avoir sa dose de patée journalière. Mince, trop tard.

Enfin l'autre daigna reprendre la parole, surarticulant comme s'il lisait ce qui était écrit sur un prompteur. Greg arrêta aussi sec de bouger, prêt à utiliser toute information utile.

- Lunar et mon double ont combattu. Ils ont tout les deux été blessés. Rien de fatal. Mon double doit être en train de reprendre des forces. Ta situation est...

Combat dans sa tête. Combat. Dans. Sa. Tête. Avec un vieux sorcier aigri qui disposait de renseignements sur l'agencement de son esprit et pouvait possiblement y retourner faire un tour comme il voulait, et une copie de Milander blessée qui gisait dans un coin. Sa tasse de thé commença à tressauter alors que sa main tremblait ; il reposa le tout encercla ses genoux de ses bras, tentant de se calmer. Bazar dans sa tête. Attaque. Alors, réflexe de sécurité ? Tout avait été fermé ? Ou alors... -Il déglutit, expira une fois, longuement - ou alors tous les autres étaient morts ? Hors service ? Qu'est ce qui empêchait Lunar de mentir ? Ou Milander ? Est-ce qu'il était tout seul ? Est ce que la situation allait s'arranger ?

La situation est... est quoi, nom d'un chien ?!!

Il releva la tête, un peu paniqué à l'idée d'avoir détourné le regard d'un potentiel danger. Et se mit à rire nerveusement. Un bug, encore un. Milander avait planté comme quelques minutes/heures/éternités plus tôt. Posture figée, traits figés, voix figée, statue de cire d'un genre nouveau. Mais pourquoi ce genre de chose ne lui arrivait jamais qu'à lui ?

Il se releva, s'appuyant sur le tronc de l'arbre et se rapprocha de Milander. Un pas, deux pas, chaleur. Trois pas, coeur qui s'accélère. Quatre, monde qui se bouleverse et sol qui penche.

Limiter les dégats. S'approcher plus n'aiderait personne ; le sorcier resterait bloqué, le doppelganger évanoui. S'éloigner, et vide, avant que le monde devienne encore gris.

Sortir, trouver de l'aide.

Il jeta un dernier regard à Milander, sentant son coeur se serrer. Le garçon était fuyant, énervant, bien trop manichéin à son goût, mais il n'aimait pas l'idée de le laisser ainsi à la merci de n'importe quoi. Mais comment faire autrement ?

"Je reviens dès que possible" souffla-t-il, au cas où Milander percevrait quelque chose malgré sa stase. Il tourna les talons, chercha pendant plusieurs minutes la sortie de la roseraie - quelle idée de la cacher derrière un rideau de lierre aussi.
Puis direction les couloirs, avec des virages à gauche et à droite alternativement. Il était déjà perdu, alors un peu plus, un peu moins.... Jusqu'à tomber sur un élève.

"Je suis Greg Ogramann, nouveau. Il y a un blessé à la roseraie, il faudrait prévenir l'infirmerie ou le comité. Comment fait-on ?"

Et à partir de là, les choses lui échappèrent totalement... L'élève en question le traina jusqu'à un bureau ou un albinos mal embouché lui posa des questions - qu'il esquiva en majeure partie -, l'albinos le fit conduire jusqu'à sa chambre par deux armoires à glace- les armoires à glaces lui firent comprendre qu'il avait intérêt à ne pas sortir de là jusqu'à ce le lendemain...

Greg s'allongea sur son lit, la tête à la fois vide et pleine. C'était quoi cette école ? C'était quoi ce sorcier ? Et c''était quoi ce vide sous son crâne ?

Foutu premier jour !