Tout semblait se dérouler comme d’habitude, le réveil sonnait à la même heure et ma mère adoptive venait me tirer de force du lit au bout d’une trentaine de minutes en me répétant à peu près la même chose. Et à mon habitude, je grommelai sous mes couvertures sachant pertinemment comment allait se dérouler ma journée… Toujours la même rengaine…
Je n’étais pas surprise que ma mère adoptive, Nozomi Saoya, tire mes couvertures pour me forcer à me décider à quitter ma torpeur. Je devais bien m’avouer vaincue sur ce point… encore.
Après m’être assise sur mon lit, ma mère reposa les couvertures pour m’annoncer le programme de sa voix douce qui était pour moi une lueur dans les ténèbres de ma cécité innée.

« - Cesses de faire ta marmotte et montre-moi ta nuque ! » dit-elle doucement à mes oreilles

Sans même chercher à protester pour ce réveil forcé, je déboutonnai les deux premiers boutons de mon chemisier de pyjama afin de libérer ma nuque que je dévoilai en mettant ma chevelure grisonnante sur le côté droit de mon cou.
Etant née aveugle, je possède une ouïe très développée alors entendre Saoya préparer une seringue pour mon injection quotidienne n’avait rien d’inquiétant… Vous vous demandez de quoi je parle, n’est-ce pas ?
Dans ce cas, laissez-moi vous conter une histoire… La mienne !

Mon nom est Sausrai Tenshi, je dois avoir entre 17 et 18 ans et je suis orpheline de parents inconnus, j’ai passé les six premières années de ma vie dans un orphelinat situé dans le sud du Japon et je suis aveugle de naissance, je ne connais rien d’autres que l’obscurité.
Je pensais avoir une vie à peu près normale et une famille d’adoption mais rien de cela ne se produisit… Bien au contraire, tout changea de cap lorsque des hommes vêtus de blanc vinrent me chercher. Je n’avais pas peur car je connaissais la voix de l’un d’entre eux, il venait parfois pour nous faire des prises de sang prétextant que c’était pour prévenir les maladies et autres soucis de santé et je pense que nous avions été un peu naïfs sur ce coup-là…
J’ignorai où ils allaient m’emmener mais je sentais que quelque chose allait mal se passer… J’étais bien loin de la vérité…
Pendant des mois voire des années, j’ai perdu mon nom pour n’être plus que le « Sujet 00 » d’un projet scientifique nommé « Unification »… J’étais leur cobaye… et ils me privèrent de mon humanité et d’une partie de ma raison… Je ne savais plus qui j’étais… J’étais devenu non-humaine !
Je ne comprenais pas complètement ce qui se passait autour de moi mais j’étais en mesure de savoir ce qui m’arrivait, ces fous m’injectèrent du sang de monstre sur des périodes régulières pour tenter de créer une nouvelle race entièrement artificielle et de ce fait, soumise à ses créateurs… Ils créèrent une Chimère avec le sang d’autres races monstrueuses…
Mais alors que la « conception » se poursuivait et que la douleur qui me rendait de plus en plus folle, quelqu’un mit un terme au projet « Unification »… Nozomi Saoya…

J’ignore comment elle est parvenu à mettre un terme à ce cauchemar mais grâce à elle, je peux aspirer à une vie à peu près normale et maintenant revenons à nos moutons !
Après avoir reçu mon injection quotidienne pour refouler une partie de mes pulsions, une bonne douche et enfiler l’uniforme du lycée où j’allais passer ma scolarité, je descendis les escaliers en prenant appui sur la rambarde d’escalier même si je les connaissais que trop bien.

« - N’oublie pas qu’aujourd’hui, tu vas enfin intégrer le lycée Yokai, mon enfant ! »
« - Je le sais ! Tu me l’as répété tous les jours pendant le mois précédent ! »

Un petit-déjeuner rapide composé de deux tartines, d’un bol de lait chaud et un verre de jus de fruits, ma mère adoptive m’aida à porter mes affaires jusqu’à l’arrêt du bus qui devait m’emmener et qui arriva pile à l’heure mais ma mère me glissa une enveloppe dans la main alors que je montais dans le transport scolaire pour m’en expliquer la raison de sa voix douce et rassurante comme si j’étais encore cette enfant instable…

« - Tu remettras ceci au proviseur Mikogami avec qui tu vas avoir rendez-vous dès ton arrivée ! »
« - Rendez-vous ? Pourquoi ? » fis-je en arquant un sourcil
« - Ne t’en fais pas, c’est juste pour ton dossier. »
« - Du moment que je ne dois parler de ce que je suis, ça me va parfaitement ! Au fait, comment as-tu trouvé cette école ? »
« - C’est simple, j’ai été élève dans cet établissement. » ria ma mère adoptive

Personnellement, ce rendez-vous commençait déjà à m’inquiéter alors que je n’avais pas encore posé les pieds dans cette école mais si c’était obligé que je passe par là alors autant s’y plier… Saoya me laissa monter dans le bus avec mes affaires avant de me saluer de la voix alors que celui-ci démarra lentement.
J’étais incapable de dire quel trajet il avait emprunté mais l’atmosphère n’étais plus la même à un moment donné, c’était différent comme si nous n’étions plus dans le monde des humains et cette sensation avait de quoi être angoissante.
Lorsque le trajet toucha à sa fin, le chauffeur du bus m’aida à descendre avec mes affaires alors que son odeur ne me disait rien avant de repartir. Il y avait une forte odeur dans l’air et le croassement grave des corbeaux vint chatouiller mes oreille alors que j’avançais lentement ma valise à la main et la lettre pour le proviseur dans l’autre…
J’aurais dû demander au chauffeur la direction à prendre… Bon sang, saleté de cécité de naissance !

A l'attention de Greg Ogramann : accueil d'une nouvelle élève Tenshi Sasurai, demain, 9 h, arrêt de bus. La direction.
Petit post-it lapidaire collé à la porte de sa chambre, découvert la veille au soir.

Décidément, cette école avait une méthode de transmission des informations inégalable. Rien ne prouvait l'authenticité de l'émetteur, rien ne prouvait que le destinataire ait connaissance des informations. Pas étonnant que Chryss ait mis tant de temps à le rejoindre à son arrivée.
Dans tous les cas, ça ne répondait pas à la question : pourquoi ce mot ? Etait-ce une mise à l'épreuve, une marque de confiance, ou le syndrôme de l'administration aka "tu nous as filé du boulot supplémentaire, assume" ? Aucune idée.
Ou même, une blague d'un autre élève ? Pour qu'il se fasse coller pour avoir séché un cours ? Non, seul Chryss était au courant de sa suggestion d'accueil, et même elle ne devait plus s'en souvenir.
Bref, qu'était-il censé faire ? Aller accueillir une hypothétique élève ou aller en – il prit son agenda – arts plastiques...
Bon. Il n'allait pas refuser de donner un coup de main à une nouvelle venue. Il fallait être bon samaritain, parfois.
Et puis au pire, même si c'était une blague, il présenterait le post-it. On ne pourrait pas lui reprocher d'avoir obéi à un ordre de la sacro-sainte direction.

C'est ainsi que le lendemain matin, Greg se réveilla tranquillement une demi-heure plus tard que d'ordinaire, attrapa ses vêtements – uniforme de l'école et paire de gants noire, il était relativement mal vu d'être "trop" humain par ici – et se mit en route vers l'arrêt de bus, grignotant un toast chipé sur une table de petit déjeuner désertée.

Le temps était gris, la température décente, et surtout, surtout, il n'avait pas à écouter un prof cinglé s'exhorter à "libérer les courants intérieurs de la création, montrer au monde toutes les capacités enfouies au fond de votre être". Greg savait très bien ce dont il était capable. Si ces capacités étaient enfouies, il y avait une raison. Il ne tenait pas à les faire sortir.
Tiens, d'ailleurs, pas de petite voix depuis ce matin ? Pas de souvenir impromptu ? Cette journée était parfaite !

Une personne l'attendait déjà là-bas. Pourtant, il n'était que – il consulta sa montre - 8h54 : le bus aurait-il eu de l'avance, pour une fois ? Cette journée était définitivement pleine de surprises.
La jeune fille aux longs cheveux gris lui tournait le dos, avançant précautionneusement vers le lac tout en tirant sa valise. Il fronça les sourcils : était-elle téméraire ou curieuse au point d'aller y jeter un coup d'oeil avant même de déposer ses bagages ? Bah, c'était son affaire. Lui devait juste la ramener jusqu'à l'école.

Il s'approcha d'elle, exagérant sa foulée pour qu'elle l'entende arriver. Nouvelle ou pas, ce devait être un yokai, et il ne tenait pas à subir les foudres d'un monstre paranoiaque.

Tenshi Sasurai ? Lança-t-il.

Qui d'autre cela pourrait-il être, franchement ?
Il continua : Je suis Greg Ogramann, venu t'accompagner jusqu'à l'école.

Il répéta cette phrase en anglais, français et allemand. Avec quelques efforts, il aurait sans doute pu le dire en grec ancien, italien et schtroumpf aussi. Après tout, rien ne disait qu'elle parlait le japonais couramment.

Premier jour et à pene arrivée, j'étais complètement perdue ! Non mais ce que je peux être tête en l'air parfois ! En temps normal, j'aurais demandé à quelqu'un de me décrire les lieux pour que je puisse visualisr mais non, je ne l'ai pas fait et il y avait personne dans les environs ! Bon sang !
J'étais totalement perdue et pas moyen de savoir si je prenais la bonnes direction ou non jusqu'à ce que un son vienne tinter à mes oreilles... Une voix ?

"- Tenshi Sasurai ?"

A première vue, il devait s'agir d'un individu de sexe masculin et ayant à peu près mon âge... Sûrement un élève du lycée Yokai... C'est moi où il a parlé plusieurs langues juste pour se présenter ?!

"- Je suis Greg Ogramann, venu t'accompagner jusqu'à l'école. "

Entendant les pas arriver à ma hauteur, je me stoppa avant de me tourner pour faire face à mon interlocuteur pour lui rpondre calmement dans un anglais simple sans pour autant cacher mon accent du pays du soleil levant.

"- Oui, je suis Tenshi Sasurai. Tu es du lycée Yokai ?"

Question à la réponse tellement évidente mais c'était nécessaire pour que je puisse être sûre que je ne me sois pas éloignée plus que je ne le craignais.
Mais si il y a une chose qui m'intéressait : Connaitre la réaction de ce dénommé Greg lorsqu'il remarquerait ma petite différence.
Se retrouver face à une personne ayant les yeux violets presque laiteux, ça doit surprendre... une peu ?

"- Je ne suis pas contre un coup de main pour trouver mon chemin." riai-je

Je dois avouer que l'idée d'accompagner les nouveaux élèves jusqu'à l'établissement est bien pensé, ça mévitera de me perdre ou de tomber du haut d'une falaise.
Étrangement, l'odeur qui émanait de l'élève était étrange mais je ne parvenais pas à en identifier la race à qui elle appartenait... Enfin, c'est pas important !

Tenshi – si c'était bien elle - se retourna vers lui. Elle était petite et frêle, évoquant une poupée de porcelaine – ou une écolière japonaise typique. Il passa rapidement sur son visage aux traits fins pour s'attarder sur ses yeux : deux globes d'un mauve pâle, sans iris ou pupilles. C'était la première fois qu'il en voyait de pareil. Voyait-elle quelque chose avec ça?

Mains serrées sur sa valise, elle s'inclina légerement avant de répondre dans un anglais aux accents japonais : "Oui, je suis Tenshi Sasurai. Tu es du lycée Yokai ?"

Conversation en anglais : tant mieux pour lui. Il opina en réponse à sa question ; pas de réaction de sa part. Donc elle était bien aveugle. Ca ne devait pas être pratique tous les jours. Et cet ahuri de chauffeur de bus l'avait laissé en pleine nature sans même lui donner de marche à suivre ?

- Je ne suis pas contre un coup de main pour trouver mon chemin, continua-t-elle en riant.

Et donc il allait devoir la guider. Voire, la mener jusqu'à l'école. Il savait bien que la journée était trop belle.
Pitié, faites qu'elle soit assez autonome pour marcher seule... il ne voulait pas avoir à lui tenir le bras tout le long du voyage. Il n'était même pas sûr de pouvoir le faire. Rien de personnel, mais il était très... "mal à l'aise" disons au sujet de la proximité physique. Encore plus quand elle était continue.

Il reprit en anglais : "Oui, je suis du lycée Yokai, arrivé moi-même il y a peu. Il semblerait qu'on m'ait désigné comme chaperon pour t'escorter à l'école. Tant mieux, vu que visiblement le conducteur du bus n'a pas eu la décence de te mettre sur le bon chemin."

Il se rapprocha, s'arrêtant à deux bons mètres d'elle –hors de portée : "L'école est de ce coté. Tu peux marcher seule en suivant le son de ma voix, ou... ou non ?"

Pourvu qu'elle dise oui.

A en sujet par sa voix et la distance qui nous séparait, le dénomm Greg ne semblait pas être à l'aise en ce qui concerne le contact avec un autre individu... Ce n'est pas bien grave car du moment que j'atteignais ma destination, les petits détails ne me dérangeaient.

"- Oui, je suis du lycée Yokai, arrivé moi-même il y a peu. Il semblerait qu'on m'ait désigné comme chaperon pour t'escorter à l'école. Tant mieux, vu que visiblement le conducteur du bus n'a pas eu la décence de te mettre sur le bon chemin."

Enfin, une bonne nouvelle dans ce début de journée catastrophique !
C'est vrai que le conducteur du bus ne s'était pas comporté de la meileure façon qui soit mais cela n'avait plus vraiment d'importance maintenant que j'avais quelqu'un pour me guider jusqu'à destination.
Je releva un peu plus la tête en entendant les bruit des pas de Greg avançait doucement avant de s'arréter toujours à quelques mètres de moi et il ne semblait pas toujours à son aise.

"- L'école est de ce côté. Tu peux marcher seule en suivant le son de ma voix, ou... ou non ?"

La question était idiote mais pas tant que ça car la plupart des gens s'iimagine que je ne peux me déplacer facilement à cause de cécité,alors je ne pouvais le lui reprocher.
Je pencha légèrement la tête sur ma gauche pour retirer les quelques mèches de cheveux qui encombraient mon oreille droite avant de répondre quelque peu amusée par la situation.

"- Ne t'en fais pas, je te suivrais au son de tes pas. Tu n'as qu'à passer devant !" lui dis-je en redressant la tête

Sans me faire attendre, j'emboitta le pas du jeune homme en restant à environ 1 ou 2 mètres derrière lui alors que je concentrais mon ouïe sur le son que produisait ses pas sur le sol particulièrement sec et le croassement sinistre des corbeaux nous suivait... Si je pouvais voir, je m'attendrais à regarder un décor digne d'un film d'horreur ou dun cauchemar matérialisé.
Je ne savais pas combien de temps, il nous faudrait pour atteindre le lycée mais pour gagner du temps, je leva ma main qui tenait la lettre que ma mère adoptive m'avait remise afin de demander quelques indications à mon guide.

"- Excuse-moi, est-ce que cela ne te dérange pas de me guider jusqu'au bureau du proviseur... Mikogami, je crois ? Ma mère m'a dit que j'avais rendez-vous avec lui pour lui remettre cette enveloppe." demandai-je quelque peu inquiète

Je ne savais pas si Greg serait en mesure de m'aider mais qui ne tente rien n'a rien !
D'un autre côté, je n'étais pas particulièrement enchantée de ce rendez-vous mais si il faut passer par là qu'il en soit ainsi... Ma mère et ses idées bizarres, je vous jure !

A en juger par le petit sourire qui effleurait les lèvres de la demoiselle, la question était idiote. Possible, mais après l'avoir vu se diriger tout droit vers le lac, il s'estimait en droit de poser la question. Elle pencha la tête, écartant d'un geste quelques méches grises qui lui taquinaient l'oreille.

Ne t'en fais pas, fit-elle en relevant la tête, je te suivrai au son de tes pas. Tu n'as qu'à passer devant !"

Sauvé.

Il reprit son chemin, vérifiant qu'elle le suivait bien. Effectivement, toujours à un mètre ou deux derrière elle, la jeune fille avançait, vérifiant d'abord de la semelle la sureté du sol avant d'y mettre tout son poids. Elle avait toujours à la main sa valise, mais elle semblait être accoutumée à son poids et la porter sans problème. Elle était aveugle après tout, pas handicapée moteur.
Par mesure de précaution, il entreprit d'avancer à un rythme régulier mais pas trop rapide, esquivant les ornières les plus profondes qui auraient pu faire trébucher la jeune fille. Il ne voulait pas être obligé de la trainer jusqu'à l'infirmerie.
Elle reprit la parole alors qu'ils passaient au milieu des bois, près d'un groupe de corbeaux en pleine discussion – quelle charogne nous cuisines tu ce soir, chéri ?

-Excuse-moi, est-ce que cela ne te dérange pas de me guider jusqu'au bureau du proviseur... Mikogami, je crois ? Ma mère m'a dit que j'avais rendez-vous avec lui pour lui remettre cette enveloppe."

Son ton inquiet était-il dû au fait de l'environnement nouveau, ou à la mention du directeur ? Personne à sa connaissance ne prononçait ce nom à la légére, il ignorait pourquoi. Et sa mère avait pris contact avec le directeur... Quelqu'un de haut placé, peut-être ?
Quoi qu'il en soit, Greg savait où était son bureau, même s'il n'y avait jamais été. Il pouvait l'emmener là-bas sans problème. Mais peut-être aurait-elle au moins le temps de poser ses bagages auparavant ? Arriver à un rendez-vous potentiellement important encombré d'une valise et de plusieurs heures de voyage n'était peut-être pas l'idée du siècle.

- Je devrais pouvoir t'y emmener. Mais à quelle heure est ton rendez-vous ? Il serait peut-être préférable que tu déposes tes affaires et prennes possession de ta chambre auparavant, non ?

Lui laissant le temps de réfléchir à ce sujet, il embraya, se rendant compte qu'elle ne connaissait peut-être pas grand chose de l'école :

-Je manque d'ailleurs à tous mes devoirs : as tu des questions à me poser ? Au sujet de l'école, de ce chemin, de la météo ? Evite juste de me demander les prochains numéros du loto, ma boule de cristal s'est mise en grève ce matin.

Un petit rire lui répondit derrière. Greg sourit : au moins, celle-ci avait le sens de l'humour.

Donc, aile ouest. Pas son aile mais comme l'annonçait son nom, elle était à l'ouest. Il devrait pouvoir l'y emmener et l'y déposer sans se perdre, ni avoir de problèmes puisque la majorité de ses condisciples étaient en classe. La meilleure solution était encore d'aller jusqu'au bâtiment central puis de la mener à sa chambre, qu'elle commence à prendre ses repères.
Quant à sa mère... Pardon, mère adoptive. C'était une ancienne élève de l'école. Elle en connaissait donc probablement plus sur le réglement que lui pensa-t-il, amusé. Lui avait été parachuté de nulle part. Son inquiétude, elle, semblait plus ciblée sur la lettre qu'elle brandissant que sur la rencontre en elle-même.

Il réorganisa toutes ces informations dans sa tête pour essayer de lui en faire une synthèse.

-Très bien. Je propose qu'on passe déjà au bâtiment principal puis que je t'emmène au dortoit ouest. Le chemin n'est pas beaucoup plus long et tu pourras commencer à te repérer pour te déplacer toute seule. Par contre, essayons d'être discrets, je ne suis théoriquement pas censé accéder à ce bâtiment. Une histoire de guerre des ailes, qui a l'air autrement plus sévére qu'une bataille de polochons. Enfin, tant qu'ils me laissent dormir...

Il eut un petit rire. Parfois, les élèves de ce lycée lui semblaient autrement plus puérils que les adolescents humains. Ou peut-être était-ce lui qui était blasé ?

-Si ta mère était une ancienne élève, j'imagine que je n'ai plus rien à t'apprendre sur tout ce qui est réglements, bâtiments, cours, plats de la cantine à éviter. C'est juste dommage qu'elle n'ait pas pensé à te donner une carte en relief de l'école, ça aurait pu t'être très utile pour les premiers jours. Pour une fois, la direction a eu une bonne idée en envoyant quelqu'un t'accueillir à l'arrêt ; d'ordinaire, elle laisse les nouveaux se débrouiller. J'ai idée que ça permet de réduire les effectifs de classe à moindre frais...

Ses dernières paroles étaient prononcées sur le ton de la plaisanterie, mais il n'en pensait pas moins : ce lycée ressemblait plus à une vaste farce qu'à une structure scolaire. Il s'attendait sans cesse à voir un petit diable jaillir d'un coin, caméra à l'épaule, en beuglant : "Surpriiiiiiise ! Vous y avez cru ?!".
Enfin, sans doute était-ce lui qui était trop rigide... Avoir passé la majeure partie de sa vie enfermé chez lui puis à l'asile n'aidait pas à évoluer dans une structure aussi lâche.

J'attendis patiement que mon guide réorganise son esprit afin de pouvoir assimiler les informations que je venais de lui fournir avant de pouvoir parler de nouveau.

"-Très bien. Je propose qu'on passe déjà au bâtiment principal puis que je t'emmène au dortoit ouest. Le chemin n'est pas beaucoup plus long et tu pourras commencer à te repérer pour te déplacer toute seule. Par contre, essayons d'être discrets, je ne suis théoriquement pas censé accéder à ce bâtiment. Une histoire de guerre des ailes, qui a l'air autrement plus sévére qu'une bataille de polochons. Enfin, tant qu'ils me laissent dormir..."

J'écoutais attentivement les propos de Greg au sujet d'un guerre entre les différentes ailes... Non mais sérieusement, il ne manquait plus que ça ! Une guerre ouverte entre élèves !
Mais bon sang, où est-ce que je suis tombée sérieusement ?!

"-Si ta mère était une ancienne élève, j'imagine que je n'ai plus rien à t'apprendre sur tout ce qui est réglements, bâtiments, cours, plats de la cantine à éviter. C'est juste dommage qu'elle n'ait pas pensé à te donner une carte en relief de l'école, ça aurait pu t'être très utile pour les premiers jours. Pour une fois, la direction a eu une bonne idée en envoyant quelqu'un t'accueillir à l'arrêt ; d'ordinaire, elle laisse les nouveaux se débrouiller. J'ai idée que ça permet de réduire les effectifs de classe à moindre frais..."

Je ne savais pas pourquoi mais sa dernière explication me fit l'effet d'un vent glacial dans le dos... Je me demandais même si ma mère n'avait forcé la main au proviseur pour que queulqu'un m'accompagne le jour de mon arrivée... Ca lui ressemblait bien !
Je repris un peu mes esprits avant de serrer légèrement l'enveloppe dans ma main espérant ne pas à en venir aux mains lors de cette guerre des ailes car c'est l'une des choses que je veux éviter... faire resurgir mon autre nature... Sûrement pas !

"- Elle a peut-être eu un oubli, ça arrive... Enfin bref, passons !" fis-je pour éviter d'entrer le sujet fâcheux

Ils arrivaient en vue du bâtiment de cours. Il devraient y être d'ici quelques minutes. Le chemin était mieux entretenu, Greg avait moins d'écart à faire.

Derrière lui, le silence répondit à sa dernière remarque. Silence méditatif et géné. Tenshi finit par répondre " Elle a peut-être eu un oubli, ça arrive... Enfin bref, passons !"d'un ton bien trop insouciant pour être vrai.
Qu'est-ce qui lui posait problème ? L'oubli de sa mère, ou la guerre des ailes ? Difficile pour lui de le savoir, il lui avait tourné le dos quasiment tout le trajet et n'avait pas pu l'observer.

Quoiqu'il en soit, il arrivèrent devant le bâtiment de cours dans le silence le plus complet. Il s'arrêta et fit demi-tour, avant de reculer de deux pas à cause de sa proximité. Elle devait être perdue dans ses pensées pour mettre tant de temps à s'arrêter.

- Tu as senti la fraicheur ambiante ? Nous sommes devant le bâtiment principal, dans son ombre plus exactement. C'est ici que sont rassemblées la majeure partie des salles de classe et les locaux administratifs. Les autres bâtiments, plus loin, regroupent quelques salles de cours, la bibliothèque et l'infirmerie notamment. Pour y accéder, il faut contourner ce bâtiment et rester sur les allées de gravillons. D'ordinaire, tu pourras te repérer en plus aux pas des élèves ou à leurs bavardages pour te guider ; il y a notamment toujours une bande de groupies gloussantes devant l'infirmerie à main droite à cause de l'infirmier. Pour la bibliothèque, elle est à main gauche et est recouverte de lierre : l'odeur est relativement prononcée, tu devrais y arriver sans peine.

Il décrivit un arc de cercle autour de Tenshi, pour se placer dans la bonne direction.

-Je te ferai un mémo si besoin, je connais le braille. En tout cas, dortoir ouest, par ici. Suis moi, il y en a pour quelques minutes.

Greg se remit en route, cherchant les indices durables à sélectionner pour l'aider à se repérer. Elle lui reparlerait si elle avait envie. Il n'était ni son psy ni son confident et n'avait aucun droit de se montrer indiscret en lui demandant ce qui la dérangeait.

J'étais tellement perdu dans mes pensées et trop concentrée sur le son des pas de Greg que je failli lui rentrer dedans... A éviter !
Coup de chance, je me suis arrété à temps mais aussotôt, Greg recula comme si il croyait que j'allais l'attaquer... J'ai pas de maladies contagieuses que je sache.

"- Tu as senti la fraicheur ambiante ? Nous sommes devant le bâtiment principal, dans son ombre plus exactement. C'est ici que sont rassemblées la majeure partie des salles de classe et les locaux administratifs. Les autres bâtiments, plus loin, regroupent quelques salles de cours, la bibliothèque et l'infirmerie notamment. Pour y accéder, il faut contourner ce bâtiment et rester sur les allées de gravillons. D'ordinaire, tu pourras te repérer en plus aux pas des élèves ou à leurs bavardages pour te guider ; il y a notamment toujours une bande de groupies gloussantes devant l'infirmerie à main droite à cause de l'infirmier. Pour la bibliothèque, elle est à main gauche et est recouverte de lierre : l'odeur est relativement prononcée, tu devrais y arriver sans peine."

J'écoutais attentivement les indications du jeune homme et aiguisant mes sens pour pouvoir mémoriser au mieux les changements de l'air, les odeurs et les sons produits par le sol.
Je tendis l'oreille lorsque Greg changea de direction afin de pouvoir le suivre mais en gardant la distance de sécurité étant donné qu'il semblait fuir le contact comme la peste.

"-Je te ferai un mémo si besoin, je connais le braille. En tout cas, dortoir ouest, par ici. Suis moi, il y en a pour quelques minutes."

Quelqu'un qui connait le braille ?! Oh mon dieu, merci ! Les miracles existent !
Bien entendu, 'évitais d'exprimer ma joie en sautant sur place et en poussant des cris de joie à vous en briser les tympans... à la place, je me contenta de sourire avant de finalement me décider à rouvrir la bouche.

"- Je ne suis pas contre un petit mémo car je me connais, je vais sûrement me perdre pendant quelques jours !" riai-je de bon coeur

Je suivis Greg jusqu'au dortoir en me doutant qu'on allait rencontrer mon pire ennemi... Les escaliers mais ce ne sont pas quelques vulgaires marches qui vont me faire peur alors en route, mauvaises troupes !
Plus vite, j'aurais monté les marches,. Plus vite, je pourrais poser mes affaires et m'installer avant de me rendre... à ce foutu rendez-vous !
Si jamais, je revois ma mère, je sens qu'on va avoir un très longue discussion...

"- Je ne suis pas contre un petit mémo car je me connais, je vais sûrement me perdre pendant quelques jours !" entendit-il derrière lui. Visiblement, l'idée que quelqu'un ici connaisse le braille l'avait mise en joie.
Greg soupira. Il aurait dû mieux surveiller ses paroles. Il ne connaissait pas vraiment le braille... Mais il avait copié quelqu'un qui l'avait appris. Il espérait juste disposer d'assez de bases pour taper ce mémo sans devoir aller fouiller dans les connaissances de l'autre. Pas que la personne en question soit mauvaise ou dangereuse, mais... Ce n'était pas lui.

En tout cas, il continua tout droit jusqu'à arriver à un tournant. Il allait devoir trouver une manière de l'orienter pour accéder à son dortoir. Un repère fixe... Rocher, mur, arbre... Arbre. Un sapin juste devant qui ferait l'affaire.Les branches les plus basses devaient être juste au dessus de la tête de Tenshi, elles lui serviraient de repère.

-Stop !

Il se força à se rapprocher d'elle. Ce n'était pas dangereux, il le savait, mais ce qu'il détestait ça.

-Ici, il faut tourner. Je vais te prendre la main droite pour te montrer les points de repère sur l'arbre juste devant. Ne bouge pas.

Il ne s'agissait que d'une adolescente qui avait besoin d'un peu d'aide. Il devait apprendre à dépasser cette phobie, de toute façon. Rien de dangereux n'allait arriver, elle ne tenterait pas de lui toucher le visage ou autre chose. Et ses gants empêchaient toute copie.
C'était vrai. Mais tous ces arguments n'empêchaient pas sa main de trembler alors qu'il se rapprochait d'elle.
Du nerf, bordel ! Ne lui montre pas cette faiblesse, calme tes tremblements.
Il stabilisa sa main et la mit tant bien que mal dans celle de l'adolescente, sans réussir à se forcer à la serrer cependant.

Vite, parler, s'obliger à communiquer pour ne pas penser à cette proximité.

-Viens par là, trois pas en avant. Ce sapin a des branches juste au dessus de ta tête, touche celle là... Voilà... Repère la bien. Les noeuds sont assez caractéristiques. Tu l'as bien en tête ? Très bien, maintenant, main sur le tronc, tu avances dans le sens anti-horaire jusqu'à tomber sur... cette branche sciée. Là. Oui, ce moignon de branche de quelques centimères. Juste au dessus, la grosse branche te donne pile-poil la direction pour arriver à l'entrée de ton dortoir. Avance en la suivant de la main, tout droit, puis continue. Je te lâche, tu es orientée correctement. Encore une centaine de mètres à faire. Passe devant.

Il la laissa prendre un peu d'avance, s'autorisant à inspirer et expirer longuement. Ca avait été dur. A deux doigts de la repousser pour qu'elle lui laisse de l'espace, vraiment à deux doigts. Ou de hurler un coup, peut-être. Mais il fallait voir le bon coté, il avait réussi, non ?
Il la suivit, vérifiant qu'elle avançait dans le bon axe. Très bien. Il ignorait si elle se repérait grâce au soleil ou autre chose, mais elle n'avait pas dévié d'un pouce.

Il l'arrêta une nouvelle fois alors qu'elle arrivait devant l'entrée du dortoir : "Stop. Laisse moi vérifier avant si la place est libre."

Il la dépassa – distance de sécurité maintenue – et grimpa les marches avant de pousser la porte. Personne ne lui hurla de la fermer, ce qui lui parut bon signe.
Retour aux instructions.
-Tu es devant l'entrée du dortoir. Escalier devant toi, droit ; cinq marches, d'une largeur de quarante centimètres, d'une hauteur de vingt. A trois mètres sur ta gauche si besoin, une rampe. Je t'attends.

Étrangement, Greg était devenu bien silencieux d'un coup et j'en venais à me demander si je ne l'avais pas vexé sans le vouloir... Ou il était peut-être perdu dans ses réflexions, ça arrive à tous le monde.
Je continuais de marcher à quelques pas derrière lui en restant concentrée sur le son de ses pas jusqu'à ce qu'il me coupe dans mon élan en manquant de me faire sursauter.

"-Stop !"

Je m'arréta aussitôt en me demandant ce qu'il voulait mais à mon avis, c'était pour m'indiquer de nouveaux repères sensoriels.

"- Ici, il faut tourner. Je vais te prendre la main droite pour te montrer les points de repère sur l'arbre juste devant. Ne bouge pas."

J'entendis les pas de mon guide se rapprocher de moi mais il y avait une odeur étrange qui émanait de lui... une odeur de peur... De quo pouvait-il avoir bien peur ? Pas de moi quand même ?
Je sentis une main ganté se glisser dans la mienne afin de la lever au-dessus de ma tête si c'était celle de Greg, il avait les doigts particulièrement fins pour un garçon.

"-Viens par là, trois pas en avant. Ce sapin a des branches juste au dessus de ta tête, touche celle là... Voilà... Repère la bien. Les noeuds sont assez caractéristiques. Tu l'as bien en tête ? Très bien, maintenant, main sur le tronc, tu avances dans le sens anti-horaire jusqu'à tomber sur... cette branche sciée. Là. Oui, ce moignon de branche de quelques centimères. Juste au dessus, la grosse branche te donne pile-poil la direction pour arriver à l'entrée de ton dortoir. Avance en la suivant de la main, tout droit, puis continue. Je te lâche, tu es orientée correctement. Encore une centaine de mètres à faire. Passe devant."

Je glissa doucement la pointe de mes doigts puis posa ma main à plat sur le bois du sapin pour mieux en sentir les moindres détails imprimés dans son écorce.
La texture était lisse mais à certains endroits, l'écorce était abimée sûrement en raison de son âge ou des nombreuses créatures qui devaient passer par là... C'est assez amusant mais certains noeuds avaient des formes assez étonnantes... l'un d'entre eux ressemblait à un chien à trois têtes... Un Cerbère ?
Je poursuivis mon "inspection" du conifère sans pour autant rester soude aux indications de Greg dont la respiration me parut suspecte.
J'avançais doucement en mémorisant au mieux ce que je ressentais : noeuds de l'écorce, texture du sol ainsi que les odeurs et autres sons...

"- Stop. Laisse-moi vérifier avant si la place est libre."

La voix de Greg me fit m'arréter à quelques pas de l'entrée du dortoir alors qu'il me devança sûrement pour vérifier l'état des lieux.

"- Tu es devant l'entrée du dortoir. Escalier devant toi, droit ; cinq marches, d'une largeur de quarante centimètres, d'une hauteur de vingt. A trois mètres sur ta gauche si besoin, une rampe. Je t'attends."

Décidément, il était d'une précision hors du commun et je ne pouvais m'en plaindre car plus j'avais de détails plus il me serait aisé de me déplacer sans aide pour la suite de l'année.
Je posa, par sécurité, ma main sur la rampe avant d'entreprendre l'ascension des marches alors que mes oreilles furent chatouiller par le son du bois... Intéressant, chaque marche avait son propre son mais pour des gens ayant une ouïe normale, ils ne s'en rendraient pas compte.

"- Tu es plus drôlement éfficace, je te remercie de prendre ton temps pour m'aider !" souris-je en poursuivant la montée

Tenshi se déplaça vers la gauche. Elle changea sa valise de main et posa la gauche sur la rampe, délicatement, plus par sécurité que par besoin. Elle monta les escaliers aussi facilement qu'une personne voyante.

-Tu es plus drôlement efficace, je te remercie de prendre ton temps pour m'aider ! Lui lança-t-elle alors qu'elle grimpait la troisième marche.

Greg haussa les épaules, géné. Il ne pouvait pas lui dire qu'il avait quelque part au fond de son crâne des souvenirs de personnes aveugles. Noir absolu, prépondérance des autres sens, et trop souvent le sentiment d'être perdu, inutile. C'était très délicat de vivre dans un monde où quasiment tout reposait sur la vision. Ca l'était encore plus quand beaucoup confondaient handicap et débilité. Déprimant, quand il y repensait.

Quand elle atteignit le haut des marches, il lui décrivit la suite des événements : "La porte d'entrée est à double battant, bois ancien, s'ouvrant vers l'extérieur. Je te laisse faire sa connaissance et l'ouvrir seule, prends ton temps."

Il la regarda explorer des doigts le bois, lisant les moulures du bout des doigts. Il l'enviait de ce coté-ci. Le toucher était un sens qu'il utilisait très peu, devant sans cesse porter des gants. Les rares fois où il osait ne pas en mettre, les informations qui lui parvenaient étaient trop nombreuses, trop diverses, pour vraiment être utiles. Rien que cette porte : chaleur, densité, grain du bois, veines qui ressortaient et vernis qui s'écaillait, minuscules accrocs qui ressortaient et écorchaient l'épiderme, endroits lissés par les innombrables mains qui s'était appuyées sur le montant... "Bois ancien". Peu de mots, trop de sensations. Rien que d'y penser, il en avait mal au crâne. Et en même temps, envie de tenter l'expérience, de s'y perdre.

Il secoua la tête quand elle saisit la poignée et tira sur la porte, difficilement. Ne pas y repenser.

-Si mademoiselle veut bien pénétrer dans cet humble dortoir et découvrir par elle-même le hall d'entrée, plaisanta-t-il en se fendant d'une courbette.

Il la regarda entrer et lança un regard de regret sur la poignée. Du fer forgé, chaud d'être resté au soleil probablement. Une douche tiédeur qui serait montée par sa paume de main, doucement, sans son gant.

Saleté de souvenir.

Il la suivit à l'intérieur.

La porte se referma doucement. Tenshi en lâcha la poignée et s'avança au centre de la pièce avant de se mettre à siffler. Pas le petit sifflotement distrait, non, le gros et aigu qui vous ferait presque regretter le vrombissement de la roulette du dentiste ; chez lui vous avez les mâchoires contractées mais pas les tympans explosés, au moins.

Greg grimaça sous la douleur. Restait juste à espérer que le batiment soit vide et qu'aucun loup-garou furieux ne vienne voir qui le sifflait ainsi. Ils auraient l'air fin, tous les deux, tiens. Lui le "clandestin" et elle la petite nouvelle ; cible de choix pour une brute en colère.

Elle resta quelques secondes immobile, tout son corps à l'écoute de .. de quoi ?
Une petite bulle de souvenir remonta et éclot.

Envie de faire pipi. Très envie.
Mais la lumière est éteinte, dans sa nouvelle chambre. Ses parents ont mis les malles de jouets et les cartons de vêtements quelque part... Mais où ? Comment est-elle censée sortir de là ? Ce n'est pas possible.
Mais plus de pipi au lit, papa a dit...
Elle sort de sous sa couverture, son doudou sous le bras. Il faut y aller, pas possible d'attendre. Un pied par terre, puis l'autre... sur le parquet froid et inconnu. Une main serrant son doudou et l'autre devant, dans le vide, essayant de toucher un mur.
Un pas, un autre, encore un autre... La pièce n'est pas si grande. Si ?
Encore un pas, toujours rien.
Un autre... et son pied glisse sur un tissu par terre, la faisant tomber cul par dessus tête. Plus de doudou, plus de direction, ne reste que le sol et elle. Et le noir. Et son envie de faire pipi.
Elle se met à pleurer, sans trop faire de bruit quand même. Elle n'est plus un bébé... mais elle voudrait bien un calin. Et sa peluche.
Elle renifle, se mouche dans sa manche... et entend des pleurs. Mais tout petits, comme si on chuchotait.
-Y'a quelqu'un ?
Sa voix flotte.. et lui revient, mais différente. Et moins forte. Elle ouvre grand les yeux, fascinée.
-Quelqu'un ?répéte-t-elle en se tournant sur le coté.
Réponse faible comme si on lui répondait de plus loin.
Comme la montagne, quand elle avait crié dans la vallée, et que sa voix était revenue. Comme-

-Des échos, souffla-t-il.
Il adressa un regard admirateur à Tenshi. Si elle avait vraiment réussi à utiliser les échos pour se faire une image mentale de la pièce, elle était vraiment loin d'être sans ressources. Ce n'était pas le genre de chose accessible à n'importe qui.

-Pas besoin de te décrire la disposition de la pièce, j'imagine. Il sourit, sachant qu'elle ne le verrait pas mais qu'elle le sentirait dans sa voix. Par contre, je te déconseille d'utiliser cette technique trop souvent. Pas mal d'élèves ont l'ouie sensible par ici, et l'humeur chatouilleuse. Certains tiquent quand on siffle dans un sifflet pour chien, imagine leur réaction si tu leur perces les tympans.

Il n'avait pas l'intention de l'inquiéter, mais mieux valait lui faire un peu peur maintenant que de la retrouver à l'infirmerie dans quelques jours.

-Nous allons donc directement passer à ton épreuve détestée: les escaliers. En face de nous, deux ouvertures avec des escaliers. Vu que ta chambre est la.. F4, c'est ça ? Tu es au deuxième étage. Il te faut prendre l'escalier de droite. Celui de gauche ne va qu'au premier. Théoriquement, les dortoirs sont tous identiques donc l'escalier doit être de type colimaçon dans le sens horaire, 33 marches de pierre inégales de hauteur moyenne d'une trentaine de centimètres, glissantes par temps de pluie. Puis un palier, et rebelote. Rampe des deux cotés. L'ascension risque d'être difficile pour la première fois : veux que je prenne ta valise et que je passe devant ?

-Je t'en prie, passe devant, je te suis et ne t'en fais pas pour ma valise, je peux la porter.

A sa guise. Il espérait juste que le poids ne la déséquilibrerait pas pendant la montée.
Il reprit la tête, grimpant tranquillement mais régulièrement, entendant qu'elle le suivait de plus en plus loin. Il s'arrêta au palier et s'adossa au mur, l'attendant tranquillement.

Elle montait lentement mais précautionneusement. La rampe, ici, lui était vraiment utile ; elle s'appuyait de tout son poids dessus à chaque montée pour éviter la chute. Elle gérait plutôt bien son bagage, s'en servant comme contrepoids pour se stabiliser. Le plus surprenant était que, si elle bougeait la tête sans difficulté, ses globes oculaires ne bougeaient visiblement pas ; elle devait être aveugle de naissance, ce qui expliquait son aisance dans ses mouvements et déplacements.

Elle arriva au palier. Il écouta un instant sa respiration – rapide, mais pas essoufflée – et vérifia qu'elle tenait la route avant de reprendre son ascension. Allez, le plus gros était fait. Enfin, c'est ce qu'il fallait se dire. Il lui aurait bien adressé un encouragement, mais mieux valait qu'elle garde son souffle pour monter.

Grimpette, grimpez, ça vous fera les mollets...
Quoiqu'il en soit, il faillit se casser la figure en arrivant au deuxième. Il avait machinalement compté les marches... et il n'y en avait que 31. La gamelle de la marche manquante, fournisseur officiel des urgences depuis que les escaliers existent.

Il lança par dessus son épaule : "Attention, trente-et-une marches seulement !" pour prévenir l'aveugle qui grimpait péniblement derrière lui. Il se décala sur le coté d'un bon mètre, observant le couloir : comme chez lui, un corridor vide, quatre portes de bois clair, deux de chaque coté. La F4 devait être la plus éloignée du coté gauche. Elle devait être fermée à clef, il espérait que Tenshi avait de quoi l'ouvrir : sinon, il devrait redescendre et espérer trouver un responsable compréhensif prêt à monter deux étages pour ouvrir la chambre. Peu crédible. D'après ces souvenirs, les gardiens de cette aile n'était pas vraiment des bisounours altruistes. Plutôt du genre à le coller pour être venu ici.

Il entendit Tenshi sortir de l'escalier et la prévint sans tourner la tête vers elle : "Ne siffle pas s'il te plait. Le couloir est vide. Une douzaine de mètres de long, trois de large. Ta chambre doit être au fond, je vais t'y emmener. Sors ta clef, nous allons en avoir besoin."

Il se mit en route vers la porte de la chambre F4, n'attendant pas sa réponse.

L'ascension fut longue et quelque peu éprouvante mais avec un peu de persévérance, on peut déplacer des montagnes et je savais que j'en verrais le bout... si je peux m'exprimer ainsi. Le pods de ma valise me permettait de garder un bon équilibre alors que je me servais de la rampe comme sécurité pour monter les marches aux aspects traitres.
Alors que je poursuivais mon ascension, les pas de Greg se stoppèrent sûrement parce qu'il venait d''atteindre le sommet des marches.

"- Attention, trente-et-une marches seulement !"

Il vaut meiux prévenir que guérir... C'était parfait, Greg eu la noblesse d'esprit de me prévenir qu'il s'était trompé dans le nombre de marche et je ne pus m'empécher de faire un léger sourire.
Enfin arrivée au bout de ce calvaire montant, je posa un bref instant ma valise au sol pour reprendre légèrement mon souffle et me dégoudir le bras par la même occasion.

"- Ne siffle pas, s'il te plait. Le couloir est vide. Une douzaine de mètres de long, trois de large. Ta chambre doit être au fond, je vais t'y emmener. Sors ta clé, nous allons en avoir besoin."

Il avait bien raison, je n'avais pas particulièrement envie de siffloter à tort au risque de m'attirer les foudres des autres élèves... Je ne suis pas suicidaire, pas encore.
Je glissa doucement ma main libre dans l'un des poches de ma veste afin d'en sortir une clé sur laquelle était gravé le numéro de ma chambre sans pour autant ignorer les indications de mon guide.

"- La voilà !'

Ne voulant pas perdre plus de temps qu'il n'en faut, je repris ma valise en main pour me diriger vers la porte concernée dont je tapota le bois lentement pour trouver la poignée et la serrure.
Le bois semblait également avoir eu quelques soucis au fil de son existance et la serrure n'était pas de première fraîcheur à en juger par la texture du métal. Je glissa lentement la clé dans cette dernière avant de la faire pivoter en appuyant sur la poignée laissant la porte s'ouvrir lentement dans un faible grincement étouffé.

"- Il faudra peut-être huiler les joints." riai-je en ramassant mon bagage

Elle avait sa clef. Bonne nouvelle.

Il la regarda toucher la porte quelques secondes, repérant rapidement la poignée et la serrure. Clef introduite, cliquetis du clenche.... et grincement des gonds alors que le battant s'ouvrait.

"- Il faudra peut-être huiler les joints." suggéra Tenshi en riant.
-Oh, je ne sais pas. Ca a un coté très Famille Adams... continua Greg sur le même ton, alors qu'elle reprenait sa valise.
Elle pénétra à l'intérieur, riant toujours. L'adolescent hésita : en temps normal, il serait resté à l'extérieur et aurait laissé à Tenshi le temps de se familiariser avec les lieux et de s'installer. Mais ce n'était pas son aile... Il ne tenait pas à se faire attraper devant la chambre d'une fille, dans un dortoir où il était censément ne pas se rendre. D'un responsable, il pouvait espérer au minimum une colle ; d'un élève... aucune idée. Certains des Yokai scolarisés n'étaient pas partisan des solutions pacifiques. Mot de la direction ou pas, il risquait gros.
Bien sûr la punition pour rentrer dans la chambre d'une élève de sexe opposée devait être pire, mais il avait quand même moins de chance de se faire attraper.

Il rentra à sa suite, juste à temps pour entendre un autre sifflement. Encore un coup de sonar. Il referma presque la porte, la laissant tout juste entrebaillée et laissa la main sur la poignée avant de demander d'un ton gêné : Tenshi ? Est-ce que je peux rester dans ta chambre pendant que tu t'installes ? Dis moi juste où me mettre, et je ne bouge plus. Je préférerai éviter de rester dans le couloir, vois-tu ; si d'autres arrivent, ils risquent de cogner d'abord et de poser les questions ensuite. Oh, et pendant que j'y pense, à moins que tu aies vraiment du mal à descendre les escaliers, tu as – il vérifia à sa montre au poignet droit – une petite demi-heure avant que nous partions pour ton rendez-vous.

"- Oh, je ne sais pas. Ca a un coté très Famille Adams..."

Je ne pus m'empécher de sourire à la remarque de Greg qui me semblait parfaitement convenir à la situation actuelle alors que je ramassai mon bagage pour entrer dans ce qui allait être ma chambre pour le reste de ma scolarité en ces lieux.
J'en profita également pour refaire le coup du sonar avec un sifflement moins fort pour avoir déjà une idée sur la disposition des la pièce. Lorsque je suis parvenu à visualiser l'emplacement, je déposa ma valise sur le lit qui ne semblait pas avoir été défait mais alors que je l'ouvris d'un geste lent, j'entendis la voix de mon guide qui était resté au niveau de la porte.

"- Tenshi ? Est-ce que je peux rester dans ta chambre pendant que tu t'installes ? Dis moi juste où me mettre, et je ne bouge plus. Je préférerai éviter de rester dans le couloir, vois-tu ; si d'autres arrivent, ils risquent de cogner d'abord et de poser les questions ensuite. Oh, et pendant que j'y pense, à moins que tu aies vraiment du mal à descendre les escaliers, tu as... une petite demi-heure avant que nous partions pour ton rendez-vous."

Je sortis de ma valise lentement l'ensemble de mes affaires pour les disposer sur le couvre-lit avant de tourner très légèrement la tête vers Greg pour lui apporter une réponse.

"- Oui, ça ne me pose pas de probème. Mets-toi où ça te chante !"

Je fis donc plusieurs aller-retour entre mon lit et l'armoire pour ranger mes vêtements en prenant mon temps de trouver mes marques et je sortis une petite boîte en fer fermée par un verrou à code que je glissa soigneusement sous ma pile de pull pour la dissimuler : cette petite boîte contenait plusieurs doses d'un sérum élaboré par ma mère adoptive et permettant de refouler mes pulsions les plus violentes...
Rangement effectué, je rangea correctement ma valise vide et mit contre mon bureau, ma guitare acoustique qui tait encore dans son étui de protection, j'espérais que j'aurais l'occasion d'en jouer de temps en temps.
Parfaitement installée et repères mémorisés, je posa l'enveloppe destinée au proviseur sur une petite table avant d'ouvrir la fenètre pour aérer quelques instants.

"- Tu ne dis rien mais j'entends que tu as des questions. Vas-y, je t'écoute !" dis-je en m'adossant à l'un des murs de la chambre

Tenshi commença à sortir le contenu de sa valise, l'organisant de façon presque militaire sur son couvre-lit. Elle se contenta de tourner légérement la tête alors qu'elle en extrayait des paires de chaussettes et de lui répondre : "Oui, ça ne me pose pas de probème. Mets-toi où ça te chante !"

Greg referma la porte lentement : le grincement couvrit le bruit du clenche qui se déclenchait. Tire la bobinette et la chevillette cherra mon enfant... Il secoua la tête, essayant de se débarrasser de ses références puériles. Probablement que le souvenir de tout à l'heure l'influençait.

Il traversa la pièce et alla s'asseoir sur le lit le plus au fond. De sa position, personne ne pourrait le voir directement en rentrant alors que lui serait prévenu par le grincement des gonds. Il pouvait dans le même temps observer Tenshi ranger ses affaires – admirablement, cela dit, tout était calculé au millimètre près – sans être dans ses environs immédiats, ce qui leur convenait à tous les deux.

L'adolescent se contenta de l'observer plus attentivement. A l'arrêt de bus, il avait été trop occupé pour faire plus que remarquer ses yeux, entre le chemin du retour, le repérage d'indices et sa phobie ; il avait le temps désormais.

Tenshi était dans la moyenne de taille des Japonaises de son âge, mais elle restait des plus menues. Son corps, sans être maigre, lui donnait l'impression d'être frêle. L'impression était encore augmentée par la longue chevelure grise qui lui tombait en dessous des genoux, cheveux noués par un petit ruban vert – très poupée de porcelaine. Un autre ruban, rouge, autour de son cou complétait le tableau, seules personnalisations apportées à son uniforme. Une figurine d'étudiante japonaise, sculptée dans le marbre, avec des globes d'agate mauve pour les yeux. Et pourtant, malgré son handicap et sa corpulence, on la sentait assurée. En retrait, mais assurée. Ses gestes étaient précis, sa posture ferme ; elle savait ce qu'elle faisait, peu importe où que ce soit.

Curieux contraste que cette fille. Greg rassembla ce qu'il savait d'elle.

Mère adoptive yokai, ancienne élève ici, connaissant le directeur. Probablement quelqu'un de "bien placé". Ses affaires étaient de plus de bonne qualité et elle avait en sa possession des objets non-indispensables, comme cette guitare accoustique.

Et pourtant... Elle avait dû vivre dans le monde humain au moins quelques années. Sa façon de se comporter était très humaine, et elle disposait de références que les Yokai n'avaient pas – la famille Adams, notamment. Son indifférence à partager un dortoir avec lui et son aisance à ranger ses affaires l'inclinait à penser qu'elle avait vécu en collectivité – un orphelinat avant son adoption, peut-être ? Mais les yeux gâchaient le tableau... Un Yokai aussi visible n'aurait pas pu vivre aussi longtemps avec des humains sans se faire repérer. Etait-elle humaine de base puis affligée d'une malédiction ? Ou une espéce de mutation, comme lui ?

Il repéra un autre élément étrange pendant qu'elle rangeait ses affaires.

Alors qu'elle tournait la tête, ses cheveux glissèrent et il vit un bref instant sa nuque avant qu'elle ne remette par habitude ses mèches en places. Très bref instant. Mais la peau présentait des marques de seringues, pour certaines toutes fraiches et pour d'autres plus anciennes. Probablement que si elle relevait ses manches, il en verrait d'autres au creux de ses coudes.

Traitement ? Maladie ? Ses soupçons se virent confirmés quand il la vit enfouir une petite boite en fer à code sous une pile de pull. Probablement un traitement. Dans ce cas-ci, sa cachette n'était pas vraiment excellente, n'importe quel colocataire un peu curieux pourrait la découvrir facilement. Peut-être devrait-elle les laisser à l'infirmerie pour plus de sécurité ?

Alors qu'il pesait le pour et le contre de cette solution, Tenshi achevait de ranger ses dernières affaires. Elle posa l'enveloppe destinée au proviseur sur un bureau puis entrouvrit une fenêtre pour aérer. L'air frais rentra dans la pièce, contribuant à refraichir agréablement l'atmosphère.

Elle s'adossa au adjacent à la fenêtre, en face de lui et ouvrit la bouche : "Tu ne dis rien mais j'entends que tu as des questions. Vas-y, je t'écoute !"

Ah. Rien que ça. Elle n'était pas paranoïaque celle-ci. Fenêtre grande ouverte en plus, n'importe qui pouvait les entendre. Faudra chuchoter. Il jeta un oeil à sa montre – 20 minutes restantes – avant de commencer à ouvrir le tir.

- Très bien. Avant même les questions, petit conseil : cache mieux ta boite. Si tu as un colocataire curieux – ou un cambrioleur, il ne lui faudra pas plus de cinq minutes pour la trouver. Peut-être n'arriverait-il pas à l'ouvrir, mais j'imagine que si cette boite venait à disparaitre les conséquences seraient importantes pour toi. Non ?

Il hésita un moment avant de poursuivre à voix basse : "J'ignore si tu dois toujours avoir cette boite près de toi "au cas où", mais si c'est à utiliser à intervalles réguliers, je pense que la meilleure solution serait de demander à l'infirmier de te la garder. A toi de voir."

Greg grimaça. Elle allait sans doute très mal prendre sa remarque – et il n'avait d'ailleurs aucune obligation d'attirer son attention là dessus – mais il n'était pas du genre à tourner pendant une demi-heure autour du pot. La paranoïa pouvait sauver des vies par ici, et plus vite on apprenait la leçon plus longtemps on pouvait espérer vivre tranquillement. Et étant venu l'accueillir, il se sentait un peu obligé de lui donner le maximum de chances pour survivre ici.

J'attendis que Greg ouvre la bouche mais je me doutais qu'il avait analysé tout ce qui venait de se passer ainsi que les moindres détails liés à mon apparence humaine sûrement pour trouver une faille ou juste pour assouvir sa curiosité.

"- Très bien. Avant même les questions, petit conseil : cache mieux ta boite. Si tu as un colocataire curieux – ou un cambrioleur, il ne lui faudra pas plus de cinq minutes pour la trouver. Peut-être n'arriverait-il pas à l'ouvrir, mais j'imagine que si cette boite venait à disparaitre les conséquences seraient importantes pour toi. Non ?"

Il avait sûrement raison mais j'avais mes raisons de garder cette boîte à ma portée et puis aucun risque, ma mère avait pris ses précautions.
Je resta adossée au mur afin de continuer de tendre l'oreille vers Greg pour la suite de son conseil.

"- J'ignore si tu dois toujours avoir cette boite près de toi "au cas où", mais si c'est à utiliser à intervalles réguliers, je pense que la meilleure solution serait de demander à l'infirmier de te la garder. A toi de voir."

Je lâcha un petit rire amusé sans aucune méchanceté avant de me calmer doucement pour apporter quelques éclaircissements à mon guide.
Je me rendis à mon armoire que j'ouvris lentement pour sortir la petite boîte en métal que je tendis vers Greg avant de prendre la parole d'un ton calme.

"- Ma mère adoptive est une Sorcière, elle a donc lancé un sort sur cette boîte. Si quelqu'un d'autre que moi touche cette boîte, il sera changé en plante pour une durée de 24 heures et recevra une bonne décharge douloureuse dans le corps durant cette période..."

Je posa ma main libre sur le verrou à code où je saisis la combinaison avant de faire basculer lentement le couvercle en arrière, je glissa ma main dans la boîte pour en saisir une petite fiole de verre dans laquelle s'agitait un liquide à la couleur rouge tellement évocatrice même pour Greg.
J'agita quelques secondes la fiole avant de la remettre en place et de refermer la boîte en la vérouillant soigneusement pour la remettre à sa place provisoire.

"- Ces injections sont mon seul espoir de... stabilité. Ma mère adoptive a failli mourir plus d'une fois juste pour élaborer ce traitement car sans cela, je serai méconnaissable et mon corps se nécroserait... Pour quelles raisons ? Ce sera mon petit secret !" terminais-je avec un léger sourire aux lèvres

Je referma l'armoire lentement avant de m'"tirer légèrement en me dirigeant vers le bureau où je saisis l'enveloppe sans pour autant relâcher mon attention à l'égard de Greg.

"- Je n'aurais qu'une chose à ajouter... Les monstres véritables ne ressemblent pas à des monstres... Phillip M. Margolin..."

Je glissa l'enveloppe dans une des poches de ma veste alors que j'alla refermer la fenètre de ma chambre afin d'éviter les courants d'air en faisant bien attention où je mettais les pieds.

Elle se contenta de rire puis d'attraper sa boite dans l'armoire. Ses doigts remuèrent alors qu'elle saisissait le code : "Ma mère adoptive est une Sorcière, elle a donc lancé un sort sur cette boîte. Si quelqu'un d'autre que moi touche cette boîte, il sera changé en plante pour une durée de 24 heures et recevra une bonne décharge douloureuse dans le corps durant cette période..."

Greg remua doucement la tête. Tant de naiveté, c'était presque étonnant. Même lui pourrait sans doute trouver une façon d'attraper cette boite sans dégât -une bonne paire de gants ou un contre-sort adapté ferait l'affaire. Et quid du malheureux innocent qui, la tête dans le paté, se trompait d'étagère et effleurait par hasard l'objet ? Elle devrait vraiment faire attention à ce qu'elle disait, et à qui.

Le couvercle de la boite se souleva.
Tenshi saisit à l'intérieur une petite fiole remplie d'un liquide écarlate qu'elle brandit en direction de Greg. Ca pouvait être tout, d'une petite pinte de sang à une verre de grenadine saturé en sirop. Elle l'agita quelques secondes, semblant attendre une réaction dramatique de sa part – dans cette école où les vampires et les loup-garous prenaient leur repas à la cantine il voyait bien plus impressionnant tous les jours – avant de la ranger et de refermer le couvercle. L'adolescent compta intuitivement le nombre de cliquetis et la position de ses doigts, avant qu'elle ne range son petit trésor dans l'armoire. Réflexe.

Indifférente à son décompte, elle continua de lui expliquer : "Ces injections sont mon seul espoir de... stabilité. Ma mère adoptive a failli mourir plus d'une fois juste pour élaborer ce traitement car sans cela, je serai méconnaissable et mon corps se nécroserait... Pour quelles raisons ? Ce sera mon petit secret !"

Petit sourire satisfait de Tenshi et grimace de Greg. Elle n'allait pas faire long feu à révéler à n'importe qui toutes ces informations. Elle venait tout bonnement de lui donner le moyen de la condamner, sinon à la mort, du moins à un sort horrible alors qu'elle venait juste de le rencontrer ! Boite détruite équivalait à Tenshi détruite : le sort de sa mère était totalement inefficace contre cette action.

Est-ce qu'elle se rendait compte de ce qu'elle disait ?

Pendant que Greg, incrédule, se demandait jusqu'à quel point son insouciance s'étendait, elle retourna vers le bureau pour attrapa la lettre qu'elle était censée remettre au directeur.

-Je n'aurais qu'une chose à ajouter, conclut-elle, dos à lui. Les monstres véritables ne ressemblent pas à des monstres... Phillip M. Margolin..."

Il arrêta là ses réflexions sur son manque de méfiance, sentant un rire remonter depuis son ventre. Elle, lui donner des leçons sur les monstres véritables qui ne sont pas des monstres ? Alors qu'il ne possédait qu'une apparence humaine ? Et qu'il avait touché et copié par le passé des hommes et femmes qui avaient fait des choses dont ses camarades de lycée ne pouvaient... non, pardon, ne devraient même pas cauchemarder ?
Il regarda la petite Japonaise en face sur lui, si propre sur elle, si mignonne. Qu'est-ce qu'elle savait de la monstruosité, la vraie ? De celle qui se nichait non pas dans la chair, mais dans le coeur et le crâne ? Vu son comportement désinvolte, elle venait d'arriver d'un milieu protégé ; il doutait qu'un monstre de ce genre-là se soit approché d'elle dernièrement.
A part lui bien sûr, pour ainsi dire.
Le rire sortit, sarcastique, moqueur. Moquerie dirigée contre eux deux; la fille donneuse de leçons, et l'adolescent plus monstrueux qu'elle ne le serait jamais. Une blague cosmique. Et dire qu'il essayait de la protéger, lui...

Il lacha un dernier rire, puis reprit d'une voix bien plus froide que précédemment :

-C'est bien beau de sortir une citation, mais assure toi de bien la comprendre avant Tenshi. Ne parle pas de monstruosité de ce genre si tu ignores ce que c'est...

Il n'eut pas le temps de continuer.
Grincement de gonds. Quelqu'un venait de pousser la porte.

Alors que je venais de bien refermer la fenètre avant de reporter mon attention sur ce drôle d'individu qu'était Greg, je ne fus que très peu surprise de l'entendre éclater de rire à pleins poumons et apparement, cela devait être dû à ma dernière phrase.

"- C'est bien beau de sortir une citation, mais assure toi de bien la comprendre avant Tenshi. Ne parle pas de monstruosité de ce genre si tu ignores ce que c'est..."

Alors que j'apprétais à lui répondre sans aucune méchanceté, j'entendis les gonds de la porte grincer... De la visite ? De qui ?

"- Je peux savoir ce que vous manigancez, les jeunes !"

Cétait une voix relativement grave et le ton était plein de reproches... Je dirais un individu de sexe masculin et ayant pas loin de la quarantaine... Sûrement un surveillant.
Je tourna la tête vers l'origine de la voix qui ne semblait pas avoir bougé du pas de la porte pour fournir une explication qui devrait satisfaire tous le monde

"- Rien, monsieur ! Cet élève m'aide juste à m'installer avant de m'accompagner à un rendez-vous." expliquais-je calmement
"- Un garçon et une fille dans la même chambre alors que les dortoirs sont déserts... Il y a de quoi soupçonner quelque chose !" gronda faiblement l'homme

Soupçonner quoi ?
Décidément, il faut toujours qu'il y est quelque chose qui va finir de travers... Bon, restons calme ! Il ne faut surtout pas que je m'énerve... Ca pourrait mal finir... Aller, on respire profondément et on essait de régler ceci à l'amiable.
Ne préférant pas attirer des ennuis à Greg dès mon arrivée et par instinct, je mis devant mon guide comme pour montrer qu'il n'était pas coupable et que si il fallait punir quelqu'un... C'était moi !
Pendant plusieurs minutes, le silence était roi en ces lieux... Le surveillant me fixait alors que je me contentais de garder mon calme pour ne pas faire surgir ma nature refoulée...

"- Bon, ça ira pour cette fois mais si je vous y reprend, je ne serai pas aussi passif ! Allez, dégagez !" grogna l'homme entre ses dents

Le surveillant reparti sans même prendre le temps de refermer derrire lui... Ce n'est pas la politesse qui l'étouffe, on dirait...
Lorsque mes oreilles commencèrent à percevoir de moins en moins bien le bruit de pas, je souffla un bon coup pour évacuer le stress causé par ce visiteur innatendu avant d'ouvrir en vitesse mon armoire pour me saisir de ma boîte en fer que j'ouvris pour me saisir d'une fiole de traitement et d'une seringue.
Je glissa la fiole dans la seringue prévue à cet effet avant de légèrement ouvrir le col de ma veste pour libérer mon cou. Dans un geste vif et prècis, je me planta l'aiguille dans la nuque et plus précisément dans la veine jugulaire gauche pour obtenir un effet quasi-immédiat de mon traitement.
Après avoir senti la dernière goutte se glisser dans mon sang, je retira la seringue avant de l'enrouler dans une épaisse compresse stérile.

Je referma le col de ma veste après m'être légèrement massé à l'endroit de l'injection pour finalement me retourner vers Greg dont je sentais que la respiration trahissait une certaine incompréhension.

"- Tout va bien ! On a évité le pire !" dis-je doucement pour essayer de le rassurer

Je referma ma boîte que je remis à sa place temporaire pour ensuite jeter la compresse stérile contenant la seringue dans la poubelle.
Aussitôt, je saisis une des manches de Greg pour le tirer hors de la chambre dont je vérouilla soigneusement la porte en m'aidant du son du verrou, je glissa la clé dans une de mes poches avant de prendre la direction des escaliers comme si rien ne sétait passé.

"- En route ! Tu viens ?"