Jimena avait dormi une heure, une heure et demi, peut-être plus. Son réveil fut difficile, elle était réveillée mais n'avait aucune envie d'ouvrir les yeux. Elle voulait juste attendre de se rendormir. Elle ne pensait plus à Greg ou à Vika, ni à tout ce qui s'est passé. Elle voulait juste se rendormir. Elle savait qu'elle n'en aurait pas pour très longtemps, que ça allait être rapide. Mais après quelques minutes, elle entendit un gémissement, un tout petit, lointain. Mais il avait été suffisant pour ramener tout ses souvenirs au niveau conscient, ou elle était et pourquoi elle y était. Et c'était pas le moment de dormir. D'ailleurs comment avait-elle pu s'endormir ? Elle avait du s'assoupir quelques instants... Pourtant en rouvrant les yeux, elle se rendit bien compte qu'elle avait du dormir un petit moment, et assez profondément pour ne rien entendre de ce qui se tramait juste devant elle.

En rouvrant les yeux son sang ne fit qu'un tour, son coeur se mit à pulser dans sa poitrine, la panique la submergeait. Greg au sol, du sang partout, des bandages rouges. Elle se releva rapidement sans faire attention à sa propre blessure à la tête, heureusement les vertiges semblaient s'être calmés. En se relevant elle vit Vika assise contre lue mur un peu plus loin, elle était visiblement blessée sur le côté droit. Mais comment... Qui avait assez de force pour blesser ainsi Vika ?! Mais qu'est ce qu'elle avait raté ! Elle s'approcha d'elle, totalement paniquée.

"Est ce que ça va ? Qu'est ce qu'il s'est passé ?!"

Elle se tourna vers Greg, inconscient. Il n'avait pas l'air d'avoir de nouvelles blessures, et si ça avait été le cas, Vika serait intervenue. Cette journée lui sembla être soudainement la plus longue et de loin la plus éprouvante de toute sa vie, elle semblait interminable, il se passait toujours quelque chose.

Vika lui raconta ce qu'il s'était passé rapidement. Elle avait l'air épuisée.

"Je pourrai aller chercher de l'aide, quelqu'un pour te soigner, enfin vous soigner."

Elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle devait faire. Elle n'était pas habituée à ce genre de situation, pourtant cela faisait deux fois en une journée ! Elle se sentait tellement dépassée. Jamais ça n'en finirai ?

Obscurité. Ténébres. Néant.
Rien devant, rien derrière, rien autour.
Rien... sauf lui. Au centre. Lui, tout seul, unique.
Du repos, enfin. Rien à entendre, rien à voir, rien à sentir, rien à penser. Rien à vivre.
Obscurité. Ténébres. Néant.
Tellement rare, tellement précieux.
Tellement fugace...

D'abord quelques éclats de voix rompant le silence. Pavillons en action, tympans vibrant, enclumes et enclumes s'enclenchant, conduisant le son plus loin, plus profondément, plus au centre, plus au sens. Puis une sensation de poids, de force, de contact l'orientant, le malmenant ; sol dur en bas, pression de son corps sur le bois, souffle d'air en haut affolant sa peau sensible, contact simple et complexe du kimono sur ses bras/jambes/torse, gants enserrant ses doigts, l'enfermant, le cloitrant dans un corps alors qu'il n'était rien auparavant.
Il tenta de se raccrocher aux lambeaux du néant dans lequel il s'était plongé mais les ténébres s'effilochérent, le laissant retomber dans ce foutu monde si complexe, multiple.

Trop de tout. Trop de sensations, trop d'émotions, trop de souvenirs, trop de pensées.
Envie de s'écrouler, mais il était déjà au sol. Envie de pleurer, mais l'idée de sentir les gouttes d'eau lui dévaler le long des joues et par conséquent lui affoler encore plus les sens le terrifiait. Envie de tout arrêter, mais il ne pouvait même pas bouger, trop de muscles/tendons/nerfs à mettre en jeu, trop complexe de mettre en branle la machine.

Alors il resta là, attendant que tout passe. Impuissant. Submergé. Comme d'ordinaire. Petit pantin attendant que le monde daigne le laisser se relever pour continuer sa course insensée.

Le temps s'étirait, trainait en longueur, devenait éternité. Une seconde, une heure ou un siècle ; aucune importance quand on est à la merci de tout. Toujours plus long, plus lent. Temps agonisant, temps mourant, temps tuant.

Impossible de bouger, d'agir, de ressentir correctement. Pas assez ou trop pour faire.
Alors il commença à être, classant les pensées et les idées, retrouvant son identité. Chronologie remise en place, association d'idées, coordination entre les pensées... et réparation de la membrane. Un lien invisible, une étagére mise à sac, jetée à terre. Un pêle-mêle de tout et rien, méli-mélo de souvenirs-échos-pensées. Une proie de choix pour le Monstre, une porte d'entrée pour prendre ce corps.
Être. Réparer. Soigner.

Coincé dans son corps inanimé, Greg entreprit de réparer les dégats psychiques, trop conscient de ce qui l'entourait pour vraiment s'y intéresser.

Cuisiner. Jimena ne l'avait jamais fait. Jamais. Elle n'avait jamais touché une casserole ou une poêle de sa vie. Avant son arrivé ici et quand sa mère était toujours là, c'était elle qui cuisinait. Jimena n'avait que le droit de rester regarder, à l'entrée de la cuisine. Autant dire qu'elle ne voyait pas grand chose. Et puis ça ne l'intéressait pas vraiment, elle était encore jeune à l'époque. Ensuite sa mère était morte et son père avait embauché une cuisinière pour la faire la cuisine le plus souvent. Ou parfois la nounou s'en chargeait. Elle grandit et ce fut toujours la même chose, elle ne devait pas entrer dans la cuisine lorsqu'on y préparait le repas. Et elle n'en avait jamais eu vraiment envie non plus.

Alors qu'est ce qu'elle pouvait faire ? Elle voulait se rendre utile, mais visiblement Vika ne voulait pas d'aide extérieur. Elle ne voulait pas non plus la décevoir. Et c'est vrai que manger leurs ferait du bien à tout les trois. Sans grande conviction elle hocha la tête et se redressa. Qu'est ce qu'elle pouvait bien faire ? Elle hésita un instant à laisser Vika seule, alors elle ajouta :

"si tu as besoin de quoi que ce soit... Peut-être puis-je t'aider à t'installer plus confortablement ? Tu veux peut-être aller t'allonger un peu ?"

Vika accepta et la portant du mieux qu'elle pu, elles parvinrent au matelas ou avait dormit Jimena auparavant [Je savais pas si elle accepterait alors si faut que je modifie dis-moi]. Puis elle se tourna ensuite vers la porte de la cuisine après s'être assuré que Vika allait bien. Plus ou moins. Et doucement elle s'y rendit, et ouvrit la porte pour s'y engouffrer et s'y enfermer. Plutôt une belle cuisine, relativement bien équipée. Assez spacieuse. Qu'est ce qu'elle faisait la dedans ?

Bon, première chose à faire, état des lieux. Elle se dirigea vers le frigo et regarda à l'intérieur ce qu'il s'y trouvait. Pas mal de chose. Des choses qu'elle connaissaient, mais dont elle n'avait pas trop idée de comment ça se cuisinait. Elle le referma et ouvrit les placards. Eux aussi étaient assez remplis. Elle sortit un paquet de riz, c'était pas compliqué il paraît. Elle fouilla un peu avant de tomber sur une casserole et de la remplir d'eau, et de la mettre sur le feu. Jusque là, pas trop compliqué. Et puis... Il fallait un peu de protéine... Retour dans le frigo, et prendre la première chose qui lui semble être pas trop compliqué et surtout pas trop long à faire cuir, des oeufs. Ce sera oeufs aux plats. Ca faisait longtemps qu'elle n'en avait pas mangé. Elle en avait envie. elle partit sur une base de deux personnes, donc 6 oeufs. D'ailleurs, oeufs au plat ou omelette ? Question existentielle qu'elle se posa longtemps. L'eau se mettait déjà à bouillir dans la casserole, incertaine elle y versa d'abord un quart du paquet. Est ce que ça allait suffire ? Ca n'avait pas l'air de faire beaucoup. Elle en rajouta encore, la moitié du paquet y passa. Ca faisait pas beaucoup... Ca allait gonfler mais ils étaient quand même trois, et puis ça faisait si peu là, dans la casserole. Elle voulut en rajouter un peu, et finalement c'est tout le paquet qui y passa, sans vraiment faire exprès. Heureusement que c'était une grande casserole.

Bon, la suite. Pendant que ça cuit, elle allait préparer l'omelette. Parce qu'elle avait décidé qu'une omelette serait plus simple finalement. Elle sortit un bol, une fourchette, ainsi qu'une spatule pour le riz. Casser les oeufs... Une grande première ! Elle priait pour ne pas foutre de coquilles dans le bol. lle tapota doucement le premier oeuf, il ne se brisa pas. Elle tapota un peu plus fort, il commençait tout juste à se craqueler. Elle tenta alors de l'ouvrir à la main, mais le contenu de l'oeuf ne trouva rien de mieux à faire que de tomber par terre. Enfin sur sa chaussure. Bravo. Elle soupira longuement, resta au moins une minute en attente avant de se décider à nettoyer tout ça. La cuisine n'était pas son truc.

L'eau se mettait à déborder dans la casserole, elle s'y précipita et éteignit le feu le temps que ça se calme. Elle avait du mettre trop de riz. Cuisiner l'énervait, elle n'arrivait à rien. Il fallait qu'elle se calme. Alors elle se mit à chantonner une chanson qu'elle affectionnait particulièrement. Elle l'avait apprise en primaire et elle l'adorait. Elle se mit à chanter tout bas du Pierre Bachelet, ainsi elle retrouvait sa langue natale, et cela lui plaisait. Bon, donc, cette omelette. Elle avait coupé l'eau du riz et avait simplement mit un couvercle sur la casserole, cela finirait de cuir tout seul. C'est ce que sa mère faisait. Si elle se souvenait bien. Puis elle en revint aux oeufs.

Cette fois-ci elle préféra tapoter l'oeuf avec un couteau puis l'ouvrir à la main. Cette méthode semblait mieux lui convenir. Elle parvint à casser ses six oeufs, y laissant deux ou trois coquilles qu'elle retira par la suite. Ne lui restait plus qu'à y mélanger. Elle prit une fourchette et se mit à touiller doucement, crevant les jaunes d'oeufs. Elle mélangea d'abord doucement, puis commença à fouetter encore et encore, elle trouvait que ça avait une consistance plutôt bizarre. sérieusement, c'était la journée la plus étrange de toute sa vie. Commencer par un massacre, terminé par de la cuisine. WTF ?

Poêle sur le feu, attendre qu'elle chauffe, et y verser les oeufs. Ni salé, ni poivré, et elle n'avait pas beurré la poêle. L'omelette ne manqua pas de coller dans le fond de celle-ci. Avec sa spatule Jimena peina à y décoller, et finalement cela ressemblait plus à des oeufs brouillés qu'à une omelette. Elle soupira longuement. La cuisine c'était vraiment pas fait pour elle. Bon, tant pis... C'était mangeable au moins. Enfin elle l'espérait.

Page après page, livre après livre, étagère après étagère... La bibliothèque se remontait tranquillement. Bien sûr, elle n'était pas réelle, seulement une manière de visualiser son esprit et ses pensées, mais le pourquoi du comment était le dernier des soucis de Greg pour l'instant. Seul importait le fait de classer, ranger, réparer ; rendre à Linda, inconsciente, ce qu'elle avait pensé et ressenti, séparer les personnes mélangées, remettre en ordre le sommaire des évenements... Le tout en restant conscient bien sûr.

Enfin, le dernier livre - Trachéotomie sauvage avec stylo bic et autres trucs qui peuvent vous sauver la vie, par Lorenzo Ost - fut reposé sur les étagères. Tout n'était pas parfaitement remis en place, mais cela ferait l'affaire pour l'instant. A revoir plus tard, mais il y avait plus urgent pour l'instant. Le jeune homme tourna son attention vers son corps et constata, soulagé, que les sensations étaient retournées à un seuil supportable. Beaucoup d'informations, de la douleur, mais pas cet afflux constant et écrasant qu'il avait éprouvé auparavant. Il allait pouvoir se concentrer sur ses muscles. Sur les battements lents, puis plus rapides de son coeur. Sur son souffle, toujours profonds. Sur ses paupières qui laissaient transparaitre la lumière chaude du soleil.

Il ouvrit les yeux et cilla pour accommoder, sans se relever le moins du monde. A part ses paupières ouvertes, rien ne montrait qu'il était désormais réveillé. Juste le temps de vérifier où il se trouvait, de voir qui était à ses cotés et pouvait l'attaquer, de remettre en place les événements.

Evanouissement, Linda, passage dans le kekkai, bain, Jim, monstre, attaque, soin, évanouissement. Comme un air de déjà vu... Sauf que là c'était lui qui avait tenu le rôle du soigneur. S'il y'avait quelqu'un tout là haut, il était doté d'un sens de l'humour bien à lui se dit Greg, pour la énième fois. Et c'était quoi la suite logique ? Que l'espèce de monstre-chimère soit soigné par Vika ? Que Jimena aille comb-

Jimena.
Il avait vu Jimena. Elle discutait avec Vika, puis elle dormait comme une souche. Qu'est-ce que la jeune fille faisait là ?! C'était illogique, elle était censée être à l'infirmerie et se reposer. Donc c'était que Vika l'avait ramené ici. Mais pour quoi faire ?

Son sens pratique lui disait qu'elle avait pu ramener Jim ici en tant qu'otage pour l'obliger à coopérer. Quel meilleur moyen pour s'assurer de la bonne conduite d'un prisonnier que de garder à portée de main la seule personne à qui il semble tenir ?
Sauf que ça ne tenait pas. Qui dit kekkai dit accès sécurisé. Et qui dit accès sécurisé dit impossibilité de désobéir au passeur, en l'occurence Vika, sous peine de rester coincé ici à jamais. Pas besoin d'otage pour cela. L'animorphe avait déjà toutes les cartes en main... A moins qu'il ne la copie et ne puisse lui aussi user du droit de passage ? Il soupesa l'idée et l'entreposa dans un coin. Au cas où. On ne sait jamais.

Alors pourquoi ramener Jimena ici ?

Il suivit des yeux les traces de sang. Vika ne s'était pas relevée toute seule, quelqu'un l'avait trainé jusqu'au lit puis l'avait bordée - idée incongrue, mais totalement dans l'esprit de la jeune fille. Traces de pas jusqu'à la cuisine ensuite, d'où s'élevaient des bruits d'éclaboussure et de choc.
A moins qu'un quatrième invité ne se soit invité - auquel cas, que fichait-il quand Vika se vidait de son sang ? - Jimena avait aidé Vika à se mettre sur le futon puis était partie... faire à manger ? Donc elle était libre de ses mouvements ? Pas prisonnière, donc.

Une bulle de pensée remonta doucement puis éclata avec un plop presque audible. Il cligna des yeux, surpris.
Protection.
Est-ce qu'elle avait ramené la jeune fille ici pour la protéger ? Tout comme lui ? Mais rien ne l'y forçait pourtant...

Quelques jours auparavant, il aurait juste rejeté cette idée d'un air dédaigneux. Une inconnue prête à affronter la mort pour deux quidams ? Ts. Vous ne connaissez pas l'être humain comme je le connais mon brave. Plus égoiste et trouillard, il n'y a pas.
Il n'en reste qu'un... on partage ?

Vite les enfants, passez par la trappe, ils arrivent !

Vous voulez un coup de main pour traverser, madame ?

Bon d'accord, il y a des exceptions mais...
Laissez, ça me fait plaisir.

Chut, ne lui dites pas que ça vient de moi. Il refuserait.

Merci de me porter ça, jeune fille, mon dos me fait tellement mal...

Je ne vous dirai rien. Partez.

Je t'en ai gardé un bout, tiens...

Garde ça précieusement. Désormais, c'est le tien...

D'accord, d'accord, je lui accorde le bénéfice du doute. J'essaie, du moins.

Au revoir les enfants
Il est tard , il est temps
Mon regard vous suivra longtemps
Au revoir les enfants

Ca sifflotait du coté de la cuisine, du français. Petite chanson fredonnée sans hâte, presque négligemment. Il esquissa un sourire devant cette situation absurde : blessure, sang, larmes, et certains trouvaient encore la force de fredonner... Il aimerait bien savoir faire ça lui aussi. Jimena ne se rendait vraiment pas compte de l'impact qu'elle pouvait avoir sur les gens.

Il releva le regard vers Vika, absurdement bordée sur le futon. Jimena, encore. L'animorphe le regardait, l'air impénétrable ; il effaça le sourire de son visage et lui opposa un visage tout aussi impassible.

"Tout le monde est vivant, on dirait ?"

Il désigna d'un geste vague la porte.

"Est-ce que nous sommes vraiment en sécurité ici ? La... "chose" dehors semblait tout à fait capable d'abattre les murs de cette maison et de se servir de ton épée comme cure-dent. Il ne risque pas de surgir au milieu du salon ?"

Le monstre ne s'approcherait pas de la maison. S'il avait attaqué, c'était uniquement parce que Linda était sortie de la zone protégée. Greg encaissa la rebuffade sans broncher. C'était effectivement de sa faute, il ne pouvait pas le nier. Pour avoir laissé la place tout d'abord, et ensuite pour ne pas avoir pensé à ce genre de problème ; il aurait dû choisir quelqu'un de mieux à même de contrôler ce corps.
Et puis, il devait admettre être un peu soulagé par la réponse de Vika. Il pouvait encore ressentir la terreur immense de Linda devant ce monstre tout droit surgi de ses cauchemars, ce croque-mitaine émergeant du placard pour la dévorer. Encore une horreur qui survivait à la lumière du jour, quoi qu'en disent les plus grands.

En arrière, il sentit la petite s'agiter dans son presque-sommeil.
Chut, Linda, tout est fini. Il est parti, et Vika lui bottera les fesses s'il revient, tu verras. Tout ira bien. Rendors toi, tu as le droit d'être fatiguée... Tu as été brave, tu as du mieux que tu as pu. Le plus gentille des enfants...
L'ancienne camarade de Greg remua une dernière fois et se renfonça dans l'inconscience, apaisée par ses sentiments.

Retour au monde réel.

Jimena était visiblement occupée à la cuisine ; dans son état, il ne pensait pas être bon à grand chose de ce coté là. Sans compter que question hygiène, un garçon blessé, débraillé et plein de sang n'était pas une bonne idée.
Quant à Vika... Il plissa les yeux. Elle avait les traits tirés par la souffrance, malgré le masque de sérénité qu'elle affichait. Est-ce que les antidouleurs ne marchaient pas sur elle ? Possible vu son métabolisme d'animorphe. Il ne pouvait lui en donner plus sans risque.
Ou alors, elle avait d'autres blessures non traitées ?
Mémoire en branle, souvenirs... A son arrivée, elle maintenait un tissu sur sa plaie au ventre d'une main. D'une seule main, parce que l'autre était elle-même enroulée dans un linge ensanglantée.
Greg grimaça. Elle avait vraiment encaissé pour venir le récupérer. Est-ce qu'elle s'était fait transpercé la main en tentant de se protéger ? Il espérait que non ; si les tendons ou nerfs avaient été touchées, elle aurait du mal à manipuler de nouveau son épée, et il s'en voudrait vraiment si elle ne pouvait plus se défendre à cause de lui.
Allez, on respire. Avec un peu de chance, elle ne s'était que démis les doigts. Ou brisé. Ca, c'était soignable assez facilement.

Il se releva en prenant appui sur le mur, le temps de reprendre le contrôle de son corps. Tous ses membres étaient engourdis par son somme sur le plancher et venaient se plaindre en même temps de ce mauvais traitement. Toujours à se plaindre ceux là...

- Comment va ta main ? Si les doigts sont démis, on peut les remettre en place. Ou au moins poser une attelle s'il y a fracture.

Il se dirigea vers le lit et s'agenouilla à coté. Il fallait examiner ça. Il tendit la main vers elle et
N'approche pas!

C'est dangereux !

Recule de suite...

Inconscient !

Tu ne devrais pas être là, tu es trop près !

Pan...
Pas de panique ?
Les voix lui disaient de s'éloigner, de partir, mais son corps ne réagissait pas. Son souffle restait calme, son coeur ne s'accélérait pas, il ne se sentait pas étouffer...
Pas de panique ? A proximité de quelqu'un ? Qu'est-ce qu'il se passait ?!

Vika remua, Greg essaya de mettre ça de coté. On verrait ça après. Priorité aux soins. Pour une fois qu'il pouvait être utile, il n'allait pas faire la fine bouche.

- Fais voir ta main ?

Putain de riz tout gluaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaant ! La pauvre Jim' était tellement éreintée que rien que servir du riz dans des bols devenaient une épreuve de force. Déjà que les oeufs étaient moyennement réussis. Elle n'aurait jamais pensé en tout cas que la cuisine puisse être aussi compliqué et difficile. Et fatiguant. Sérieusement.

Elle avait sortie trois bols qu'elle tentait à présent de remplir de riz. En tout cas si cette journée lui avait bine appris une chose, c'était qu'elle n'était pas faite pour la cuisine. Mais au moins durant tout ce temps ou elle s'était affairée en cuisine, elle n'aura pas pensé au reste. C'était comme quand on faisait le ménage, durant tout ce temps on ne pense plus à rien.

Finalement elle avait fait plus de riz qu'elle ne le pensait. Genre beaucoup plus. Elle avait remplis trois bols et la casserole était encore remplis jusqu'à environ trois quarts. Quel gaspillage... Elle mit les morceaux d'oeufs dans un autre bol à part, précaution dans le cas ou ce serait immangeable. Elle n'avait encore rien goûté et n'osait pas vraiment, de peur d'ensuite se jeter dessus sans plus pouvoir se réfreiner. Parce qu'elle avait faim tout de même, bine qu'elle en prenait tout juste réellement conscience. Elle disposa enfin les bols sur un plateau, ne manquait plus que les baguettes. Elle ne mit pas longtemps à les retrouver. Elle se souvenait très bien de ses débuts avec des baguettes, elle qui avait toujours mangé avec une fourchette, son temps d'adaptation avait été assez long. Elle n'avait jamais vraiment été très habile de ses dix doigts.

Elle resta quelques secondes devant le plateau, silencieuse, pensive. Elle ne pensait pas qu'ils feraient les fines bouches, mais tout de même, elle aurait pu faire mieux que ça. Elle se tourna vers la poêle dans laquelle se trouvait des restes d'oeufs à moitié cramée. Il faudrait qu'elle la lave après. Elle n'avait jamais fait ça non plus. Elle se rendait compte qu'elle ne savait pas faire grand chose. Elle n'avait jamais rien fait de sa vie finalement. Sa mère qui faisait toujours tout. Sa mère... Détournant la tête elle attrapa le plateau et entreprit de l'apporter de l'autre côté. Elle avait vaguement entendu des voix, sans doute Greg était-il réveillé à présent.

Elle prit le plateau d'une main pour pouvoir ouvrir la porte, effectivement Greg était de nouveau conscient et il était aux côtés de Vika. Mais était-ce Greg ou une autre de ses personnalités ? Quel pouvoir étrange que de celui de pouvoir capturer l'âme de quelqu'un en soi... Elle se remémora les paroles de l'animorphe à se sujet. Se pouvait-il qu'en aspirant l'autre il le tue ? Ils avaient tournés la tête vers elle et la regardait à présent mais Jimena ne les voyaient pas, plus. L'espace d'un instant elle s'imagina à la place de Greg et de l'enfer qu'il devait vivre si réellement son pouvoir consistait en ça. Ses mains tremblèrent légèrement mais elle se reprit à temps pour ne pas faire tomber ce qu'elle tenait entre les mains. Revenant à elle, elle les fixa quelques secondes avant de s'approcher, timidement. Pas trop près de Greg, à côté de Vika.

"J'ai fait du riz et j'ai essayé de faire une omelette.... C'est raté. Désolée."confessa t-elle tristement.

Elle espérait simplement que ce soit mangeable. Elle n'avait même pas assaisonné. Pas une pointe de sel, ni de poivre, ni une quelconque sauce. Elle avait oublié. Puis elle demanda :

"Et euh... Ca va mieux vous deux ?"

Vika avait du rouge partout sur elle et elle avait l'air blessée à la main, est ce qu'elle pourrait manger ? Greg semblait aller mieux, et il lui sembla que c'était bel et bien lui.

La grimace de douleur se fit plus présente ; visiblement, mentionner sa blessure venait de faire revenir la souffrance au premier-plan. Au temps pour la prévenance. Greg s'écarta un peu lorsqu'elle se redressa, par simple précaution, puis se rapprocha pour examiner la main blessée. La bonne nouvelle, c'est qu'elle ne saignait plus. La mauvaise, qu'elle ressemblait plus à une pomme de terre schtroumpf qu'à une main humaine.

Il acquiesça à ses paroles sans commenter. Vika était spécialiste des arts martiaux et avait déjà eu affaire à ce genre de cas, elle était la mieux à même de juger de l'état de gravité de sa blessure. Lui aussi savait remettre en place des doigts luxés, mais il ne pensait pas pouvoir s'occuper des siens. Trop de proximité, trop de risque.

Ou le pourrait-il ? Après tout, s'il pouvait l'approcher, peut-être qu'il pourrait se risquer à la toucher, malgré le danger ? Mais est-ce que c'était vraiment souhaitable ? Il était Greg, celui qu'on n'approchait pas ; s'il se laissait aller à rester à proximité de quelqu'un, est-ce que ses réflexes de survie n'allait pas diminuer, le laissant à la merci des autres ? Oui mais d'un autre coté, toucher quelqu'un.... c'était tellement.... Ses joues s'enflammèrent au souvenir de la sensation incroyable que c'était. Ca avait été...

Il sursauta alors que Jimena entrait dans la pièce, portant un plateau. Dos à la porte. Il s'était agenouillé dos à la porte. Crétin ! Son embarras se transforma en colère contre lui-même, ainsi qu'en gêne lorsqu'il vit les yeux de la brune le fixer avec perplexité. Elle essayait de deviner qui il était : Greg ou un autre. Quelqu'un l'avait mis au courant de son pouvoir, songea-t-il avec honte. Il avait perdu l'habitude d'être observé ainsi dans ce lycée, comme une bombe à retardement et que ce soit Jimena qui le regarde ainsi était encore plus douloureux. Et bientôt viendrait l'horreur et le rejet, sans aucun doute, quand elle se rendrait vériablement compte de ce qu'il pouvait faire malgré lui.

Comment il allait ? Mal, comme d'ordinaire ? Mais le dire ainsi n'aiderait personne. Il tenta un peu d'humour pour leur faire oublier qu'il ne répondait pas vraiment à la question.

-De retour à la normale. Je commence à avoir l'habitude de frôler la mort ; ça ne doit faire que la - il compta mentalement : Milander avec le golem et Lunar, Luka et Anju qui comptaient pour deux, son escapade dans les bois, ce matin.... qu'avait-il oublié ? Il ne s'en souvenait plus, tant pis – sixième ou septième fois à vue de nez depuis mon arrivée. Il faudrait trouver un autre moyen de réduire les effectifs, vraiment.

Il attrapa une portion de riz et d'oeuf sur le plateau de Jimena, ne pouvant s'empêcher de remarquer qu'elle reculait lorsqu'il tendit le bras dans sa direction. Il ignora la boule dans sa gorge qu'il sentait grossir et recula prestement avec son bol, retournant s'asseoir sur le futon. Loin du plateau. Loin des autres.

Les plats n'étaient pas si mauvais. Le riz manquait de sel mais était naturellement parfumé ce qui compensait et les oeufs... les oeufs... avait elle tenté une omelette ou des oeufs brouillés ? Bah, au moins elle avait pensé à enlever les coquilles.

Voyant que Jimena les observait manger d'un air inquiet alors que Vika avait presque fini son bol, il leva ses baguettes et déclara d'un ton grave : Mange avec nous, que nous ne soyons pas les seuls à succomber à une intoxication alimentaire. L'effet mélodramatique de sa déclaration fut totalement gâché par Vika, qui retendait son bol pour une autre portion de riz. Ce n'était absolument pas prévu, bien sûr ; une ombre de sourire vint éclairer le visage de la brune tendit qu'elle resservait la blessée.

Il en était encore à finir d'avaler sa ration de protéine – et à se demander si ce qui crissait sous la dent était un bout de coquille d'oeuf ou non – lorsque Vika reprit la parole.

« Bon. Pour la suite. On va retourner au lycée. Si vous en avez encore besoin, direction l'infirmerie. Sinon, le mot d'ordre, c'est le silence. Vous n'avez rien fait, il n'y a pas eu de combat, de mort, et vous n'êtes jamais venus ici. Gregory, tu le sais déjà, un de mes corbeaux te surveillera. Jimena, toi aussi, le temps d'être sûre que personne ne tentera de t'attaquer. Une à deux semaines, tout au plus. Greg, ma proposition tiens toujours, et si tu te sens prêt, tu peux facilement venir me trouver, au dojo, ou en demandant gentiment au corbeau qui te suivra un peu partout.

Jimena en sécurité. Lui surveillé. Dispositif d'urgence dans sa... dans son pantalon, là-haut. Amnistie totale. Proposition d'aide et un délai pour y penser. Il acquiesça machinalement en avalant sa bouchée. Ca lui semblait... correct. Pourtant il lui semblait avoir oublié quelque chose d'important, mais impossible de remettre le doigt dessus. Probablement qu'en réfléchissant à tête reposée – et bibliothèque rangée – il retrouverait ce qui manquait.

Il reposa son bol vide sur le sol et se releva doucement. Ses muscles avaient fini de protester et daignaient se mettre au travail ; une bonne chose.

-D'accord. Pas d'infirmerie pour moi, j'ai dans ma chambre de quoi soigner mes petits bobos. Je reviens tout de suite, juste le temps de chercher mes vêtements là-haut. Aussi sales qu'ils soient, je doute que revenir vêtu d'un kimono d'entrainement ensanglanté soit très discret.

La salle de bain était à ... à gauche. Il récupéra ses affaires sales et les renfila, la nausée revenant alors que les évênements de la matinée se rappelaient à son bon souvenir. Il allait devoir trouver un moyen de gérer ça d'urgence, ce genre de souvenirs ne pouvaient pas resurgir à l'improviste comme ça. Trop douloureux. Trop dangereux.

Une fois prêt, il passa rapidement par la cuisine, bricolant un bandage réfrigérant avec un vieux chiffon et des glaçons . Voilà qui devrait aider la main de Vika à désenfler. Il rentra dans la salle pricipale où l'attendaient toujours les deux filles, son pansement au bout du bras.

-Nous y allons, ou vous tenez à vous faire écharper par une autre monstruosité avant ?

Ils avaient commencés à manger tout les deux et Jimena les regardait, anxieuse. Ca avait l'air au moins mangeable. Vika ne pouvant pas se servir de sa main (celle-ci était devenue.... Bleue) engloutissait plus qu'autre chose. Greg, lui (car c'était bien lui), avalait plus doucement, plus tranquillement. Ils avaient l'air tout les deux pensifs. Mais la petite brune se doutait que leurs pensées n'étaient pas tournées vers les qualités gustatives de ses plats. D'ailleurs elle non plus ne pensait pas à cela. Sixième ou septième fois qu'il frôlait la mort...Il avait tenté un peu d'humour, mais cela n'avait guère fonctionné, elle ne trouvait pas ça drôle du tout.

Elle n'avait pas touché à son bol lorsque Greg tenta un nouveau brun d'humour en la sommant de manger. Elle sourit légèrement et ramena son bol vers elle. Elle avait beau être affamée sa gorge était serrée et elle avait l'impression que rien ne pourrait passer au travers de sa gorge. Elle s'y risqua pourtant et commença par prendre un morceau d'oeuf qu'elle déglutit péniblement. Jamais manger quelque chose n'avait été aussi douloureux. Elle prit deux ou trois baguettes de riz avant de reposer la nourriture sur le plateau. C'était pas mauvais, mais c'était pasbon non plus. Ca manquait de sel. Mais c'était mangeable.

"Bon. Pour la suite. On va retourner au lycée. Si vous en avez encore besoin, direction l'infirmerie. Sinon, le mot d'ordre, c'est le silence. Vous n'avez rien fait, il n'y a pas eu de combat, de mort, et vous n'êtes jamais venus ici. Gregory, tu le sais déjà, un de mes corbeaux te surveillera. Jimena, toi aussi, le temps d'être sûre que personne ne tentera de t'attaquer. Une à deux semaines, tout au plus. Greg, ma proposition tiens toujours, et si tu te sens prêt, tu peux facilement venir me trouver, au dojo, ou en demandant gentiment au corbeau qui te suivra un peu partout."

Trop de choses... D'un coup. Retourner au lycée, ça d'accord. Faire comme si il ne s'était rien passé. Ouais admettons. Faire comme si il n'y avait pas eut de morts... La phrase de Vika venait de donner une certaine réalité dans les faits. Elle ne savait pas ce qu'il s'était passé dans ce cabanon, et elle aurait toujours pu s'imaginer qu'ils étaient toujours en vie, juste un peu amoché peut-être. Mais les mots de Vika venait de définitivement encrer la vérité dans la réalité, nouveau coup dur pour Jimena. Aller c'était pas le moment de craquer à nouveau, il fallait tenir encore un peu. Un corbeau allait donc la surveiller. Cette idée n'étais pas faite pour la rassurer. Pourquoi aurait-elle besoin d'être suivit ? Que risquait-elle exactement ?

Greg ne retournerait pas à l'infirmerie. Jimena non plus. Il sortit de la pièce pour se changer de nouveau. Jimena resta seule avec Vika, elle l'avait resservit en riz un peu plus tôt, c'était pas complètement dégueu alors. Ou alors elle était vraiment très affamées. C'était une option. Elle demanda à Jim' pourquoi elle ne mangeait pas, elle n'avait pratiquement pas touché à son bol. Elle rétorqua qu'elle n'avait pas faim. Elle resta silencieuse à regarder Vika manger, que pouvait-elle lui dire de toute façon ? Elle la laissa manger tranquillement tandis qu'elle regardait à gauche à droite, à l'affût du moindre petit truc, l'infime détail qui pourrait la faire partir en divagation, histoire d'oublier tout ça. Cette maison était... Pour le moins étrange. C'était la que Vika dormait ? C'était sa maison ? Une maison dans un autre kekkaï. Invisible, tout comme le lycée. Pas le temps d'y réfléchir davantage, Greg revenait avec un chiffon et du bandage, probablement pour la main de Vika. Elle aurait pu y penser vu qu'elle n'avait pas mangé. Elle ne pensait vraiment à rien...

"Nous y allons, ou vous tenez à vous faire écharper par une autre monstruosité avant ?"

Greg qui tentait encore de faire de l'humour. Jimena sourit pour faire bonne figure, mais elle se doutait bien que pas un seul des trois n'allaient bien réellement. Elle se releva, ses jambes étaient légèrement engourdies, puis elle attendit que Vika termine de manger avant de l'aider à se relever.

"Je vais retrouver mon lit moi !"