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 C'est pour mieux te dévorer mon enfant...

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Anonymous

C'est pour mieux te dévorer mon enfant...  Empty
MessageSujet: C'est pour mieux te dévorer mon enfant...    C'est pour mieux te dévorer mon enfant...  I_icon_minitimeMer 27 Juin - 6:28

Elle pleurait à chaudes larmes, ses mains coupant les racines de carotte blanche en fines lamelles. Il devait être près de deux heures du matin, et Kyô l'écoutait avec agacement sangloter. Face à un petit chaudron en fonte, il remuait sans prêter la moindre attention au désir de son élève d'aller se coucher. Trois fois vers la gauche, puis une fois rapide vers la droite. Après tout ce n'était pas de sa faute. Cette petite idiote était arrivée avec dix minutes de retard dans son cours. Il ne pouvait laisser passer du relâchement dans des cours aussi rigoureux que ceux des Sciences Occultes. Soit on arrivait à l'heure, soit on n'arrivait pas.

Alors, il avait dû la placer en détention. Elle y était depuis vingt heures, et se plaignait que ses mains lui brûlaient. Elle n'avait pourtant fait que nettoyer des paillasses et couper des ingrédients. Kyô pensait avec déception que cette année, il n'avait pas encore croisé d'élève qui en valait vraiment la peine. Autant les années précédentes, certains bons éléments avaient pu être amenés à maturation rapide. Enfin. Ils avaient rapidement fui ses cours après une année à l'assister, mais leur puissance avait été légèrement débridée. Suffisamment pour qu'ils deviennent un peu plus menaçants pour leurs camarades de classe. Mais cette petite écervelée. Comment s'appelait-elle déjà ? Alice, Alix ou quelque chose comme ça.

Kyô : Faites attention à ne renverser aucun liquide lacrymal sur les rondelles, leur sel dérègle les onguents préparatoires.

Alice/Alix ? : J'ai... mal... aux mains. Et tellement... sommeil.

Le démon de la peur esquissa un sourire satisfait. Elle coupait de plus en plus lentement ses rondelles. Bientôt, elle tomberait d'épuisement. Et il n'aurait plus qu'à stimuler un sommeil paradoxal pour se nourrir. Sensible comme était cette gosse, elle serait sans doute un délice à dévorer.

Kyô laissa les heures passer, et entendit un léger ronflement aux alentours de quatre heures du matin. Il éteignit le feu sous sa préparation et se pencha en silence vers son élève. Alice. C'était Alice, pas Alix. La Phobie posa ses pouces sur les tempes de la jeune femme et récita une incantation en grec, invoquant le sommeil profond et les rêves. Son élève cessa d'avoir l'air gêné, et s’apaisa dans un sommeil soudain. Le démon au trépignait d'impatience au fond de son enveloppe charnelle, mais prit tout de même la peine de s'asseoir à son bureau, mains jointes en signe intense de réflexion. Il fixa Alice pendant plusieurs minutes, en pensant à ce qu'il allait trouver sous son crâne. La plupart des gamines de son âge n'avaient que des peurs classique de rejet. Mais Alice était rongée par une dépression profonde, et il l'avait remarqué dès l'instant où elle avait mis les pieds dans sa classe.

Il allait se régaler.

Une légère fumée noire s'échappa de Kyô, filant vers le visage d'Alice. Le démon de la peur inspira longuement, puis expira en poussant ses forces en direction du cerveau de la malheureuse, s'attendant à rencontrer une barrière.

Et pourtant, il pénétra son esprit aussi simplement qu'un clou dans une motte de beurre fondu. L'accueil était différent des autres esprits qu'il avait pu visiter. Au lieu d'être vaste, blanc, et épuré, il était étouffant, même pour lui.

Kyô avait l'impression d'être étouffé par des émotions qu'il identifia comme des remords et des regrets. Des souffrances humaines et amoureuses. Des plaies à l'âme. Des insultes et des déshonneurs à répétition. Excité par autant d'énergies négatives, il se déploya de toute sa force. Une couronne haute lui poussa, son visage s'aplatit pour ne plus être qu'un fin masque aux yeux luisants. Ses mains s'agrandirent, devenant squelettique. Ses jambes s'effacèrent, comme brouillées par de la fumée. Enfin, un corps maigre, osseux, à la peau presque morte, remplaça son torse de samouraï. Quatre grands bras supplémentaires lui poussèrent soudain dans le dos, et ses épaules s'agrandirent, le secouant de surprise. Sa peau miroita un instant, puis se couvrit d'écailles minuscules et luisantes. Comme les fragments d'un cd.

Lui qui avait toujours été un peu affamé était désormais un démon tout ce qu'il y avait de plus solide. Bien mal avisé qui voudrait le déloger de cet esprit friand.

La Phobie s'avança dans l'esprit au rythme d'un sanglot d'enfant. Il passa au travers de traumatismes qu'il ignora. Il aurait pu dévorer cette petite peur, mais le cœur semblait bien meilleur. Bien meilleur.

Alice : Non ! Arrêtez !

Kyô tourna la tête et envisagea de délaisser la fillette qui pleurait pour aller voir la Alice plus âgée.

Alice : ARRÊTEZ ! ARRÊTEZ ! LAISSEZ-MOI TRANQUILLE !

Le démon se fendit d'un rire qui résonna comme un coup de gong, et fonça vers la fillette. Elle était à genoux à côté d'un cadavre, et se frottait les yeux avec force. Une large marre de sang l'entourait, et le décor fluctuait. Successivement, des personnes sans visage, grandes et menaçantes. Puis des voitures, arrêtées. Et un bruit assourdissant de klaxon. Kyofushou s'approcha de la petite Alice et posa une main réconfortante sur son épaule. Elle tressaillit, et hurla, s'éloignant à reculons.

Kyofushou : Et bien, il semblerait qu'on ait un ... gros chagrin ?

Sa voix, semblable à deux scies circulaires s'entrechoquant, ne sembla pas déranger outre mesure la fillette qui papillonna du regard.

Kyofushou : Qui est-ce, là ?
Alice : Mon... mon...

Sentant une faille large comme le poing s'ouvrir, il s'y engouffra.

Kyofushou : C'est toi qui l'as tué, n'est-ce pas ?
Alice : Non, non... Je traversais la route et...
Kyofushou : Tu es un être ignoble, Alice. Tuer les personnes qui te sont si chères. Jamais ta mère ne te pardonnera un tel crime.

La petite commença à gémir, et ses hurlements de détresse ravirent le démon au delà de l'imaginable. Il lui fit miroiter l'abandon par sa mère. Sa famille entière la tenant pour responsable de cet accident. Il appuya sur sa culpabilité avec tant de force que les hurlements de la gamine devinrent insupportables. Un rire échappa à Kyô, qui relâcha la pression, et se jeta sur toute la peur qu'il avait extraite de la fillette. Il sentit le creux se remplir petit à petit et ignora la fillette qui s'accrochait à sa main avec la force du désespoir. D'un geste sec, il propulsa l'ersatz d'enfance et se pencha vers elle, déchirant son visage pour laisser voir une bouche béante.

Kyofushou : Réfléchis à ce que tu as fait. Erreur de la Nature.

Sentant qu'il avait touché juste, il disparut aussitôt, et suivit les cri de supplication de la plus grande Alice. L'esprit devint noir. Ses yeux roses luisant dans un tunnel étroit et chaud, la Phobie tendit l'oreille, revenu à ses pulsions primaires de faim.

Alice : ARRÊTEZ ! LAISSEZ-MOI TRANQUILLE ! JE LE DIRAI A MA MÈRE !

Le tunnel se contracta, puis se dilata et explosa dans une immense gerbe de sang. Alice était recroquevillée dans le coin de ce qui semblait être une chambre. Une ombre masculine se tenait sur le pas de sa porte. Lorsqu'elle aperçut Kyô, elle tenta de s'enfuir. Il la saisit entre ses doigts démoniaques et sentit quelque chose flancher en lui. Parmi tous les crimes dont pouvaient se rendre coupables les hommes, cette fille avait subi le plus affreux. Le démon se sentit hésiter, danser d'un pied sur l'autre, puis poussa un soupir.

Kyofushou : Cet homme t'a souillée, n'est-ce pas ?

La Alice se recroquevilla d'avantage, mains plaquées contre sa chemise de nuit ensanglantée. Merde. Certains êtres humains n'avaient vraiment aucun scrupule. La peur regarda tout autours de lui. Il y avait suffisamment d'énergie négative pour le rassasier pendant plusieurs semaines. Mais est-ce qu'il avait vraiment envie d'aider Alice ? Son enveloppe avait dû le corrompre. Il n'était pas gentil. Il était simplement... démoniaque. Mais il avait pu découvrir avec June ce qu'une relation incluait. Et être détruite de l'intérieure empêcherait Alice d'atteindre le niveau monstrueux qu'elle pouvait envisager.

Kyofushou : Sais-tu qui je suis ... ?
Alice : La... la mort ? Je veux mourir, je... je veux mourir.

La peur se sentit hésiter à nouveau. Devait-elle écorcher son âme et la faire passer dans l'au-delà ? Sa couverture de professeur serait compromise s'il exécutait une élève pendant une retenue. Il plissa les paupières.

Kyofushou : Je suis... tes phobies. Tu en es remplie. Je peux te débarrasser de la plus impure. Je t'ai entendue hurler depuis l'entrée de ta cervelle de moineau.
Alice : Mes... mes phobies ? C'est faux... je n'ai pas peur... je...
Kyofushou : Alice. Je pourrais te tuer aussi rapidement que je suis parvenu ici. Passons un marché.
Alice : Un marché ? (Sa voix partit dans les aigus) Un marché ! Je viens de me faire... d'être... je...

La phobie oscilla entre l'exaspération la plus totale et une once de pitié. Il saisit le visage de la petite Alice entre ses mains et laissa son visage afficher un sourire affreux.

Kyofushou : Donne-moi tes peurs. Toutes tes peurs sur cet évènement. Je m'en nourrirai, et tu n'en auras plus jamais.
Alice : Et... et si ça me fait oublier ?

Le démon sentit un air blasé s'imposer sur ses traits droit sortis de l'Enfer. Il se força à paraître menaçant, et grogna.

Kyofushou : Oublier ?
Alice : Je ne veux pas... oublier. Toujours me souvenir.
Kyofushou : Et souffrir pour l'éternité.
Alice : C'est ça qui me... pousse à donner le meilleur de moi-même. Je veux, je veux prouver que je ne suis pas juste un...
Kyofushou : Donne-moi toute ces peurs, ou je te les prendrai de force.

Une terreur indicible se peignit sur le visage d'Alice. La phobie sentit une excitation incroyable s'emparer de lui alors qu'il aspirait à grande lapées les frayeurs d'Alice. Décevoir sa mère. N'être pas capable d'aimer. Ne plus pouvoir avoir d'enfants. Porter un enfant non désiré. Les hommes. Leur pilosité. La mort d'un père. Sa responsabilité. Culpabilité. Sa mère avec d'autres hommes. Horrible. Méchant. Sournois. Ses draps. Elle ne pouvait plus voir une chemise de nuit. L'envie de mourir. Culpabilité. L'amour. Pour sa mère.

Ce raz-de-marée de frayeurs engloutit Kyofushou avec plus de force qu'une enclume lâchée du vingtième étage sur sa tête. Il s'agrippa à l'esprit d'Alice pour ne pas être emporté, et avala lentement mais sûrement chaque information, s'arrêtant pour ne pas ressentir de nausée. Il les emporta toutes, jusqu'à la plus infime et ridicule, pour ne plus laisser aucune peur irrationnelle à Alice concernant ce soir-là. Il se sentit grossir, grandir, puis une douleur le fit se rouler au sol. Il sentit quelque chose se briser en lui, puis se releva, complètement groggy. Sa carapace s'était épaissie. Et Alice le regarda avec un air de vénération absolue.

L'esprit se brouilla, tandis que la Phobie se détachait de sa proie.

Alice : ...Merci...

Kyô heurta le dossier de son siège avec fracas, et tomba à la renverse. Il grogna et roula sur le côté, tandis que son élève s'éveillait en sursaut. Les deux protagonistes se fixèrent, avec l'air de deux lapins pris devant les phares d'une voiture. Puis Kyô se secoua, redressa son corps, et croisa les bras sur son torse.

Kyô : J'en ai fini... Vous pouvez rentrer vous coucher. Je vous excuserai pour cette journée de cours.

Alice hocha doucement la tête, semblant encore sous le choc, et avança doucement jusqu'à la porte.

Alice : Monsieur ?
Kyô : Plait-il ?

Elle ferma la porte, et il la sentit s'appuyer sur le battant. Elle n'osait même plus le regarder.

Alice : Merci.

Elle s'enfuit en courant, et il se laissa tomber sur son siège. Foutue gamine.
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C'est pour mieux te dévorer mon enfant...

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