Un cirque.
Voilà ce que ce lycèe évoquait à Greg.
Un cirque, avec pour chapiteau le vaste dôme d'entrée, et comme acteurs toutes ces "personnes" qui circulaient. Une arlequine était cachée dans l'ombre de la porte, dévoilant un arc en ciel de couleur depuis le noir bleuté de ses cheveux à ses chaussettes dépareillées verte et jaune. Elle observait deux clowns lents et costauds, habillés comme des armoires à glace daltoniennes, visiblement prêts à se prendre la tête et tout le reste avec. Plus loin, un avaleur de sabre se déplaçait plus vite qu'il n'aurait cru possible, son accessoire à moitié caché sous son kimono. Une horde de clone en min-jupette passa en gloussant en choeur, assurant le fond sonore. Tumulte des comédiens avant leur entrée sur scène...
Manquait plus que Monsieur Loyal avec son chapeau haut-de-forme, tiens.
Ah. Il avait trop vite parlé. Il était en haut de l'escalier, en train de consulter sa montre à gousset.
Chut public, tais toi. Tu n'es censé que regarder, pas commenter.
Mais Anita ne se désarçonnait pas, et lui faisait sans cesse remarquer ce qui avait changé depuis son époque. Les élèves, les tableaux, les professeurs, le temps, les nuages, tout. Sa dernière copie était trop récente pour qu'il arrive à la faire taire définitivement.
Trop de voix dehors, trop de voix dedans.
Trop difficile de rester là. Il n'avait plus l'habitude du bruit, après toutes ces années enfermé chez lui puis en hôpital.
Il passa sur le coté, évitant la cohue bigarrée, et prit le premier couloir désert qu'il vit.
Je ne veux pas savoir. Rendors toi.
Il commença à ressasser mentalement une vague rengaine, énervante mais qui avait le mérite de couvrir cette voix.
Schnipp Schnapp Schnappy, ....
Gauche pour Schnipp, Droite pour Shnapp. Tout droit pour Krokodil.
Jusqu'à ce qu'il arrive dans une pièce qu'il ne se serait pas attendu à voir ici. Une roseraie.
Les rosiers grimpaient jusqu'au plafond, leurs vrilles s'étendant en tout sens. Au bout de leur tige, les roses -mal nommées, vu leur couleur rouge sang- poussaient en tout sens.
Et d'un coup, se tournèrent vers lui.
D'ac-cord. Gref était un enfant de la ville, mais il doutait que des fleurs normales viennent saluer les visiteurs de passage. Un vague grommelement le confirma dans son impression, au fond de sa tête
Bon. De toute façon, c'était un lycée de monstres, autant ne pas parler de "normalité", ce ne devait pas être le mot-clef du coin. Pas de panneau lui interdisant d'entrer, pas de danger visible à l'horizon à part peut-être une épine volant à tort et à travers... Que risquait-il à aller voir ? Il continua à avancer, les fleurs le suivant de leurs étamines.
Un peu plus loin, il aperçut une autre personne, de dos. Un adolescent blond, portant un manteau sombre bien coupé. Il aurait sans doute été grand s'il n'avait pas été courbé au dessus d'un rosier, ses longs doigts de pianistes caressant tendrement une tige. Ils remontèrent, titillèrent une épine sous la corolle... et la pulpe du pouce vint s'empaler sur l'excroissance.
Chacun ses passe-temps, après tout, se dit Greg. Certains font des mots croisés, lui préfère attraper le tétanos.
L'adolescent lâcha d'un geste brusque la plante et se retourna d'un seul mouvement fluide vers lui. Bien campé sur ses deux jambes, il semblait prêt à bondir ; ses yeux noirs étaient à demi-clos, prunelles aux aguets.
Et il aperçut Greg.
Il s'affaissa, détendu, l'air presque déçu. C'est sûr que comme menace, on peut trouver mieux, se dit l'adolescent légérement amusé.
-Excusez moi, Inconnu. Pourriez vous m'indiquer le centre d'information ?
L'anglais n'était pas la langue favorite du jeune Allemand, mais il se débrouillait assez pour comprendre le sens général de ce qui était dit. Par contre, le vocabulaire et l'accentuation des mots sonnaient étrangement, comme s'ils avaient été appris dans un livre ancien. Ce qu'il trouvait le plus étrange était que cette demande ait été faite en anglais : il se trouvait bien dans un lycée japonais, non ?
Dans le doute, il répondit en anglais :
- Je n'en ai pas la moindre idée. A vrai dire, j'avais l'impression d'être la seule personne ici à avoir besoin d'une carte. Je suis rassuré de voir que ce n'est pas le cas. Je suis Greg Ogramann, je viens d'arriver. Qui es-tu ?

L'autre s'avança tout en le toisant, jusqu'à pénétrer dans son espace vital. Greg ne recula pas, conscient que l'autre tirerait probablement parti de la moindre faille. Les pouces dans les poches, il lui rendit son regard en tentant de paraitre désinvolte.
Le blond le dépassa, le bousculant presque. Greg se retourna juste à temps pour le voir attraper un téléphone cellulaire et, après une seconde de réflexion, cliquer sur un bouton avant de le mettre dans une autre poche.
Quelque chose n'allait pas.
Pas la présence du cellulaire, non ; pour ce qu'il en savait, Terminator et Casimir pouvaient possiblement vivre dans cette école. Non, ce qui le dérangeait était l'état du téléphone. Il était plein de trace de doigts et, bien que qu'en bon état, pas tout récent. Le genre de joujou que son propriétaire gardait toujours à portée de main et utilisait machinalement. Pourquoi cette seconde d'arrêt pendant lequel Greg avait presque entendu les rouages de son cerveau se mettre en marche ? Et on rangeait toujours ses affaires à la même place intuitivement, on ne jonglait pas entre les poches.
L'autre se retourna, un sourcil encore levé. Et il reprit en japonais :
-Je suis Milander Hearthorn.
Micro-silence accompagné d'un sourire discret.
-Je suis actuellement en première année au lycée Yokai, enchanté de faire votre connaissance.
Greg entreprit de traduire, un peu désarçonné par ce changement soudain de langue.
Je suis actuellement en première année au lyc-e Yokai, et.... euh...

enchanté de faire votre connaissance.

Il n'eut pas le temps de reprendre Amina que le visage de Milander s'anima. Un instant il afficha une expression de naiveté et d'incompréhension melée avant de se fermer bruquement, dents serrées. Ses mains vinrent sur ses yeux, fort. Son corps se vouta légérement, comme s'il venait de recevoir une décharge électrique.
- Qu'est-ce que... commença Greg.
Une étincelle voleta, d'une chevalière dorée à sa main vers une rose. Elle s'agita un court instant telle un feu follet, puis sembla se fondre dans les pétales.
Greg recula d'un pas. Mesure de précaution. Ca ressemblait fort à un changement de personnalité dominante.
Le blond se redressa. Il expira une longue fois, avant de retirer ses mains de son visage – son expression était redevenue celle du prédateur déçu mais intéressée par sa faible proie - et de croiser les bras sur son abdomen, comme pour contenir une douleur sourde. Tête penchée, il scruta encore une fois Greg avant de prononcer son verdict.
-C'est votre vrai visage, inconnu? Je ne sais pas à qui vous l'avez vol..

Le téléphone sonna, l'interrompant. Il leva la main – celle qu'il avait entaillée sur l'épine quelques instants auparavant, et qui était cependant intacte – pour lui demander le silence, et décrocha son téléphone avec maladresse.
De toute façon, Greg n'aurait pas su quoi dire. Trop surpris d'être si facilement dévoilé.
" Quoi, encore?"

Il se tut quelques secondes avant de répondre : "Ecoute, j'ai pas le temps de te faire un cours. Arrete de m'appeller! "
Ultime réplique de son interlocuteur puis téléphone raccroché.
Et tout s'enchaïna d'un coup.
Alors même que le claquement du portable retentissait, Milander blêmit. Il vacilla sur place, à la façon d'un oiseau qui vient de passer d'un vol en chute libre à un atterissage d'urgence. Puis ses genoux lâchèrent. Une main au sol, l'autre en poing sur son plexus solaire, il se mit à tousser comme un cancéreux en phase terminale.
Gregory se rapprocha, restant juste hors de portée.
Profitant d'une pause entre les quintes de toux, l'adolescent blond releva la tête et regarda autour de lui. Ses yeux s'arrêtérent sur Greg ; un peu dans le vague, il lui demanda dans un japonais haché :

Euh, et vous sauriez pas ou est l'infirmerie?

Mais ils avaient quoi à le prendre pour un GPS ambulant?
Quoi qu'il en soit, l'autre était parti, sans aucun doute possible. Plus aucune trace de rouerie sur ce visage, uniquement de la douleur et un sentiment de naïveté et d'abandon qui le faisait paraitre plus jeune qu'en réalité. Sa voix même s'était départie de ses consonnances séches et stridentes pour adopter es rondeurs de la gentillesse.
Mais l'analyse phrénologique attendrait plus tard : pour l'instant, il y avait un malade à traiter.

Il reprit en anglais, plus doucement pour être sûr que le garçon le comprenne malgré son accent prononcé :

-Non, je ne sais pas où est l'infirmerie. Cependant, je pense que nous devrions déjà sortir d'ici et croiser quelqu'un qui lui le sait. Tu peux marcher ? Je ne pense pas être assez fort pour pouvoir te porter.

L'autre ne lui répondit pas, l'air d'écouter une voix inaudible pour son oreille. Ca ne lui plaisait pas.

-Milander ?

Milander sourit bêtement, l'air gêné par ce qui venait de se passer. Puis il haussa les sourcils alors qu'il fouillait dans ses poches. Mauvaise poche, bonne poche, portable sorti, vibreur en fonction.
-Heu, ça va, répondit il à Greg en lui lança un regard perplexe. Un petit coup de mou. Un instant; s'il vous plait?

Greg le regarda décrocher. Il avait une vague idée de qui serait au bout du fil.
Effectivement, le blond lui tendit le téléphone.

-Je crois que c'est pour vous.

Il attrapa le portable remarquant que Milander s'efforçait de ne pas effleurer ses doigts. Ca n'aurait rien changé vu que ses mains étaient gantées comme d'ordinaire, mais c'était révélateur de ce que lui avait dit l'autre au téléphone.
Et quand on parlait de l'autre....

-Déclarez vos intentions, changemorphe, entendit-il de l'oreille gauche.

Il s'éloigna de quelques pas, plus pour ne pas être distrait que pour empêcher l'adolescent de l'écouter. Il allait écouter le plus attentivement possible ce qui serait dit, et c'était tout à fait normal. Au moins, pendant ce temps, il ne ruminerait pas le choc d'avoir été utilisé comme un pantin.
Si. Il avait suffisamment d'expérience en ce domaine pour savoir quand une personne avait été utilisé contre son gré. Milander n'avait certainement pas été volontaire pour accueillir dans son corps un vieux barbon paranoïaque, il en était sûr. Il suffisait de voir son état de faiblesse et son visage perplexe.
Si, c'étaient ses affaires. On ne joue pas avec l'esprit des gens.
Pas de mais. C'est moi qui commande, qui décide. Moi.
Et je ne vais certainement pas me plier aux désirs d'un manipuleur mental.

Il reprit donc, bien déterminé à prendre le dessus sur la conversation : "Mes intentions ? Avoir une petite conversation avec vous, déjà. Qui êtes vous ?"
Sentant l'autre sur le point de répondre vertement, il entreprit de mettre les choses au clair :"Et pas la peine d'essayer de me brusquer. Pour ce que j'en sais, c'est moi qui ai le pouvoir de raccrocher et d'aller parler de ce son et lumière auquel je viens d'assister."

Une seconde de silence.
Puis l'autre se mit un rire, d'un rire grinçant. Pas d'un rire forcé, mais comme s'il avait oublié comment utiliser ses cordes vocales et le réapprenait avec un manuel.

-Hahaha ! Vous avez du cran, voleur de visages. J'ai déja rencontré vos comparses. Ils m'appelaient Lunar. Pour vous, ca sera Sire Lunar.

Lunar ?

Lune ?

Nanar ?

Traquenard

Chut.
Le simple fait qu'il accepte de se présenter était révélateur : Greg avait piqué son intérêt. L'autre commençait à comprendre qu'il ne tenait pas un monologue, mais véritablement un dialogue. Depuis quand n'avait-ce pas été le cas ? Milander – il se retourna : le blond était toujours assis par terre, l'air hébété- avait l'air d'être quelqu'un de gentil, mais pas une forte tête. Il n'avait pas dû lui opposer une grosse résistance...
Quoi qu'il en soit, l'autre commençait à lui révéler des informations. Ne serait-ce que ce nom ou pseudonyme, qui pourrait lui servir de base de recherche par la suite. Ou l'information qu'il avait existé un peuple comme lui... Il n'était donc peut-être pas si seul qu'il l'avait pensé.
Ne restait plus qu'à le titiller un peu, pour qu'il en laisse échapper plus.

-Et bien ils m'appellent Gregory. Pour vous, ce sera Messire Gregory, reprit-il en le parodiant. Mais un nom n'est qu'un nom. Qui êtes vous, et que faites vous ici ?
-Vous vous etes déja présenté, Messire Oggraman.
Il tentait de reprendre pied en lui rappelant que lui aussi disposait d'informations ? Qu'il le rappelle donc : c'est quand on est le plus sûr de soi qu'on laisse échapper le plus d'informations.
-Les votres sont un peuple de conspirateurs. Je tiens à m'assurer que vous ne tramez rien de dangereux.
"Un peuple de." Formule typique de l'ennemi, généralisation à outrance. Se serait-il donc battu contre des doppelgangers par le passé ?
"Conspirateurs" : Penser à vérifier les grandes affaires de complot dans l'histoire des monstres.
Et "dangereux"... ah ah ah. Comme s'il pouvait faire quoi que ce soit de ce genre. Ou même, comme s'il en avait envie.
Il aurait pu continuer sur cette vague sans Milander. Le garçon était-

Perdu

seul

déraciné
debout, absorbé en lui-même, et faisait tourner mécaniquement une chevalière qu'il portait à l'annulaire. L'image même du petit enfant réveillé en sursaut, et qui se retrouve dans un lieu inconnu.
D'abord, s'occuper de Milander. Le mettre au courant.
Le meilleur moyen d'avoir des informations à ce sujet, et en même temps de l'informer, était encore d'attaquer Lunar là-dessus.
-Conspirateurs ? Venant de celui qui possédait ce pauvre garçon sans son accord il y'a quelques minutes, je trouve ce terme vaguement insultant.

Le blond releva subitement la tête, pendant que Lunar répondait d'un ton irrité : "Insultant? Ne vous leurrez pas, créature. Les gens de votre peuple n'attirent que le chaos. Je tiens avant tout à protéger mon... héritage."

"Son peuple", encore une fois.
La pause avant le mot "héritage" ne lui avait pas échappé. Une hésitation ? Un choix de terme ? A approfondir.

Il surjoua l'indignation : "Héritage" ? C'est comme ça que vous qualifiez cet adolescent ? D'héritage ?
Milander eut un sursaut. Il arrêta de jouer avec sa bague, préférant croiser les bras sur sa poitrine.

-Je ne m'étendrais pas plus sur le Jeune Milander. Les liens qui nous lient ne concernent que lui et moi. Eh bien, Changemorphe, dois je reposer ma question? Quels sont vos intentions?"

Donc, des liens possiblement à double sens. Penser à interroger le garçon là dessus.
Quant à ses intentions...

-Vous voulez dire, à part sortir Milander de là avant qu'il ne s'écroule inconscient ? J'ignore ce qui vous lie à lui exactement, mais si vous ne pouvez pas le maintenir d'aplomb, je vais devoir cesser là pour l'emmener se faire soigner.

Milander leva un sourcil, pendant que Greg lui faisait signe de se taire. Oui, il avait l'air d'aller mieux. Et oui, Greg le savait.

-L'état de Milander n'est pas de mon fait. Rassurez-vous, il va bien. Il subit juste un contrecoup. Bien, Messire Gregory, j'ai répondu à vos questions. Répondrez vous aux miennes?

Pas d'indication autre sur les liens qui les liaient. A part le fait non négligeable que Milander et Lunar n'était pas la même personne dans le sens où ils ne partageaient pas leur énergie vitale. Bon à savoir pour le futur.
Ah, petit bonus : Lunar ne pouvait pas, a priori, être en même temps dans le téléphone et contrôler Milander. Sinon il aurait su que l'état de Milander ne nécessitait pas de soins immédiats.
Ah oui, Milander... Il lui adressa un pouce en l'air pour lui signifier que tout allait bien, et continua ses réflexions.
Quant à l'usage du Messire Gregory, il signifait que c'était à son tour de répondre à cette fichue question.
Fichue question parce qu'il ignorait totalement la réponse à fournir. Ou l'usage qu'il ferait de sa réponse.
Autant être franc, dans ce cas.

"Posez vos questions tant que vous voulez, tant que je ne suis pas obligé d'y répondre."

Ton froid de Lunar : " Créature, j'ai surement du mal me faire comprendre. Bien qu'affaibli, j'ai encore le pouvoir de vous faire payer le prix de votre audace. Ne me forcez pas à en venir à de telles extrémités. "

Ben voyons. Tu aimes discuter, tu aimes qu'on te tienne tête, et tu aimes enfin pouvoir t'exprimer par toi-même. Tu n'irais sûrement pas foudroyer la première personne qui te divertir depuis pas mal de temps.
Sans compter que s'il avait du mal à contrôler Milander pour quelque chose d'aussi simple qu'une discussion, il avait peu de chance de lancer un sort de grande envergure.
Mais à quoi bon le lui signaler ? Les gens prennent mal qu'on leur renvoie en pleine face leurs faiblesses. Autant en garder sous le coude.

Il lui répondit donc, avec un soupçon d'humilité dans la voix : " J'ai également dû mal me faire comprendre. Si je voulais faire preuve d'outrecuidance, j'aurais directement raccroché ce téléphone après avoir eu les réponses à mes questions.
Maintenant, vous avez refusé de répondre à certaines de mes questions ; permettez moi si besoin est de conserver certains de mes secrets.

-Je ne jouerai pas ce jeu la avec vous. Vos secrets m'importent peu. Ma patience diminue et vous n'avez toujours pas répondu à la première de mes questions."

Pas assez humble, visiblement : Lunar commençait à se fatiguer de ses réponses.
Bon. Conclure en beauté, sans lui donner réellement d'informations. Le mettre assez en rage pour qu'il arrête la conversation de lui-même.
Il était pratiquement sûr que Lunar tenterait de le joindre par la suite pour avoir de vraies réponses, mais d'ici là il aurait eu le temps de se préparer.

-Quelles sont mes intentions ? Oh, vaste question... Obliger Milander à pleurer devant sa facture téléphonique, trouver un plan, prendre une douche, manger quelque chose, survivre à cette journée si possible...
Il entendit Milander et Lunar inspirer fortement sous le coup de son impertinence dans une belle synchronisation, ce qui le fit sourire.
Si vos questions sont trop vagues, vous ne risquez pas d'avoir de réponse, esprit. Qu'est ce que vous voulez savoir exactement ? Parce que par "semer le chaos", je peux très bien le comprendre comme "mélanger mes notes de cours"

Le blond lui lança un drôle de regard : normal. Mais il préférait qu'il entende l'expression "semer le chaos" sortant de sa propre bouche avant que Lunar ne le lui souffle à l'oreille.

-Je vois, fit froidement son interlocuteur. Je n'ai rien à ajouter. Pouvez vous rendre le téléphone à Milander, j'ai quelque chose à lui dire?"

-Je vous le rends. Juste une chose : la prochaine fois que vous voulez parler à quelqu'un, faites le directement par téléphone. Je ne sais pas ce que vous lui avez fait, mais il avait l'air de souffrir le martyre.
Et il était sérieux. C'était bien plus simple de traiter avec une voix désincarnée qu'avec un Milander possédé ; moins de pensées interférentes.

Il enleva le combiné de son oreille et s'approcha de Milander qui se dandinait sur place, ne sachant visiblement pas sur quel pied danser.
Milander ? Toujours parmi nous ? L'autre au bout du fil veut te parler ; tu veux reprendre ton téléphone, ou tu préféres que je raccroche ?

Milander hocha la tête ; Greg lui tendit le portable, qu'il récupéra avec extrême précaution. Etait-ce la peur de le toucher lui, ou la répugnance à l'idée de reparler à Lunar ? Greg hésitait là dessus.
Milander Hearthorn écouta le téléphone, hocha la tete et fit " Euh. D'accord. Je voudrais savoir ce- " Puis il leva les yeux vers Greg et fit : "Il a raccroché."
Greg roula des yeux: "Probablement un passage sous un tunnel. Ce fichu réseau... C'était important au moins, où c'était juste pour me forcer à te rendre le téléphone ?"
Milander Hearthorn regarda le téléphone, regarda Greg, regarda le téléphone, regarda Greg, Ouvrit la bouche, la referma. On avait dû le brancher sur clignotant. Il finit par dire : "Je ne sais pas."

Forcément. A quoi s'attendait-il ? Avec tout ce qui venait de lui tomber dessus, c'était un miracle qu'il ne se soit pas déjà enfui en courant.

Il lâcha un soupir : "Tu ne veux pas en parler, pas de problème. Mais tu as écouté notre conversation, n'est-ce pas ? Du moins, mon coté de la conversation ? Si tu as des questions là-dessus, il serait préférable de les poser maintenant, pendant que nous sommes hors de portée d'oreille de qui que ce soit.

Prenant une posture style cow-boy prêt à dégainer – Il n'avait jamais approché Clint Eastwood, mais avait bien le droit de faire des imitations en toc, comme tout le monde -, il continua : "Donc à toi de choisir : on se traine comme deux limaces juqu'à l'infirmerie, où qu'elle soit, ou tu poses tes questions, étranger ? "

Greg fit quelques pas. Milander n'aimait pas trop donner son portable à des inconnus. Il remarqua que son téléphone avait été tenu par un nombre impressionnant de créatures magiques en l'espace d'une semaine. Il se demandait si le portable pouvait être influencé par d'autres personnes. Milander écouta la discussion, toujours curieux et légèrement avide d'informations sur cet étrange esprit qui venait le hanter. Il n'avait jamais vraiment eu de discussion avec lui.

"Mes intentions ? Avoir une petite conversation avec vous, déjà. Qui êtes vous ?"
"Et pas la peine d'essayer de me brusquer. Pour ce que j'en sais, c'est moi qui ai le pouvoir de raccrocher et d'aller parler de ce son et lumière auquel je viens d'assister."
"Et bien ils m'appellent Gregory. Pour vous, ce sera Messire Gregory. Mais un nom n'est qu'un nom. Qui êtes vous, et que faites vous ici ?

Chacune de ces phrases était espacé de silence. Milander était surpris de voir que le jeune homme avait une répartie vivace, presque insolente. Le jeune anglais savait qu'il n'aurait surement pas parlé ainsi à un sensei.


-Conspirateurs ? Venant de celui qui possédait ce pauvre garçon sans son accord il y'a quelques minutes, je trouve ce terme vaguement insultant.

Milander leva la tête, ne sachant pas trop quoi penser du fait que Greg prenait sa défense. Il repensait encore au moment ou le fantôme l'avait possédé. Il ne savait pas trop comment une telle chose était possible mais ce qu'il savait, par contre, c'était qu'un tel évènement ne se reproduirait plus. Ca n'arrivera pas deux fois, pensa il, plein d'amertume.

"Héritage" ? C'est comme ça que vous qualifiez cet adolescent ? D'héritage ?

Le jeune anglais était pensif. Il se sentait lié au fantôme sans vraiment comprendre pourquoi. Cet indice était digne d’intérêt. Dans son esprit, il tenta d'imaginer les réponses du fantome.

-Vous voulez dire, à part sortir Milander de là avant qu'il ne s'écroule inconscient ? J'ignore ce qui vous lie à lui exactement, mais si vous ne pouvez pas le maintenir d'aplomb, je vais devoir cesser là pour l'emmener se faire soigner.

Milander leva un sourcil, s’apprêtant à parler. Son état s'était amélioré grandement. Il n'avait plus besoin d'aller à l'infirmerie. Greg leva une main et répondit.

Posez vos questions tant que vous voulez, tant que je ne suis pas obligé d'y répondre.
J'ai également dû mal me faire comprendre. Si je voulais faire preuve d'outrecuidance, j'aurais directement raccroché ce téléphone après avoir eu les réponses à mes questions.
Maintenant, vous avez refusé de répondre à certaines de mes questions ; permettez moi si besoin est de conserver certains de mes secrets.

Le jeune magicien était impressionné par le débit soudain de Greg. Il pouvait presque entendre un léger accent irlandais dans le son de sa voix. Il comprenait pourquoi on l'avait mis en garde. Milander ne savait pas trop ce qu'avait pu répondre le fantôme mais sa chevalière le démangea soudainement. Il sentit un afflux de pouvoir soudain s'accumuler dans la bague. Une magie qui ne lui appartenait pas.

-Quelles sont mes intentions ? Oh, vaste question... Obliger Milander à pleurer devant sa facture téléphonique, trouver un plan, prendre une douche, manger quelque chose, survivre à cette journée si possible...

Milander inspira avec horreur. Il ne pouvait pas expliquer à ses parents une facture exorbitante pour une discussion téléphonique avec un fantome. Il fut tenté une seconde d'arracher le portable des mains de Greg puis repoussa cette pensée. En y réfléchissant, Milander commençait à avoir très faim.


Si vos questions sont trop vagues, vous ne risquez pas d'avoir de réponse, esprit. Qu'est ce que vous voulez savoir exactement ? Parce que par "semer le chaos", je peux très bien le comprendre comme "mélanger mes notes de cours"
-Je vous le rends. Juste une chose : la prochaine fois que vous voulez parler à quelqu'un, faites le directement par téléphone. Je ne sais pas ce que vous lui avez fait, mais il avait l'air de souffrir le martyre.

La douleur que l'anglais avait ressenti au torse avait été aussi cuisante qu’éphémère. La seule gène qu'il ressentait actuellement provenait de son estomac vide.


Milander ? Toujours parmi nous ? L'autre au bout du fil veut te parler ; tu veux reprendre ton téléphone, ou tu préféres que je raccroche ?

Milander hocha la tête, il récupéra le téléphone prenant toujours soin de ne pas toucher Greg. Il porta le téléphone à son oreille.

Euh. D'accord. Je voudrais savoir ce-

Il sentit un flot soudain de souvenir remonter à lui. Il resta un impassible et refoula le plus de mémoire, se concentrant sur son identité. Il cligna des yeux un instant. Lorsqu'il les rouvrit, il était désormais au milieu d'une gigantesque foret. Au centre de cette épaisse végétation se trouvait un chêne millénaire. Son tronc avait une circonférence gigantesque. Milander n'avait jamais vu un arbre avec de telles proportions. Il avança, regardant autour de lui, sentant clairement qu'il connaissait cet endroit. Il trébucha sur une racine et s'érafla les mains. Lorsqu'il releva la tête, le fantôme se tenait la. Ce n'était pas exactement un esprit immatériel, pour le coup. Il lui sourit, lui tendit une main noueuse, l'aidant à se relever. Et la, Milander comprit. Le choc d'une telle révélation lui coupa le souffle. Il regarda la forêt d'un nouvel oeil. Il sentait la panique monter en lui. Il craignait qu'elle déborde. Et qu'elle brule tout. Le viel homme du comprendre la détresse du jeune magicien. Il fit

" C'est un processus naturel, Milan... "

L’être parlait avec la voix de Milander. Cette chose le paniqua. Le jeune anglais déchira le rêve comme un enfant fou. Il était encore trop tôt pour que Milander rencontre son destin. Les souvenirs qui s'accumulaient refluèrent vers lui avec la puissance d'une tempête. Mais le jeune anglais se cramponna à son identité et tint bon. Sa mémoire revint à la normale. Il ouvrit les yeux, réalisant qu'il venait juste de cligner des yeux.

Puis il leva les yeux vers Greg et fit : "Il a raccroché."


L'enfant roula les yeux et fit "Probablement un passage sous un tunnel. Ce fichu réseau... C'était important au moins, où c'était juste pour me forcer à te rendre le téléphone ?"


Il fixa Greg, confus. Il se sentait comme une abeille coincé derrière une vitre. Il n'avait plus du tout envie de parler de ce qui venait de se passer. Il pensait que si il se concentrait fort, il finirait par oublier totalement. Il finit par répondre


"Je ne sais pas."

"Tu ne veux pas en parler, pas de problème. Mais tu as écouté notre conversation, n'est-ce pas ? Du moins, mon coté de la conversation ? Si tu as des questions là-dessus, il serait préférable de les poser maintenant, pendant que nous sommes hors de portée d'oreille de qui que ce soit.

Comme pour se moquer de lui, sa chevalière lui envoya une petite décharge magique. Milander en avait assez des questions. Il avait entrevu les réponses et n'avait envie que d'une chose. Greg enchaîna, prenant soudainement des allures de cow-boy.

"Donc à toi de choisir : on se traine comme deux limaces juqu'à l'infirmerie, où qu'elle soit, ou tu poses tes questions, étranger ? "

Milander souffla un instant et s'assit contre la barrière. Il avait fini par conclure que le jeune garçon était un copy-cat. Mais à ce moment précis dans la vie du jeune anglais, il n'en avait strictement rien à faire. Il avait la tête vide.

" Ni l'un ni l'autre, à vrai dire." dit il d'un ton las.

Il sortit son portable et pianota doucement, l'esprit ailleurs. La magie crépita doucement de sa chevalière à son portable. Il le rangea et regarda Greg qui le dévisageait. Il avait du remarquer le sort qu'il venait de lancer. Pour seul explication, Milander sortit une barre chocolatée de sa poche et l'entreprit de le manger. Il en tendit une au jeune garçon. Il pensait qu'un Snickers suffirait à lui couper l’appétit. Bien au contraire, le magicien avait désormais les dents collantes une furieuse envie de lasagne.

Adossé à la barrière, le bond souffla, las : "Ni l'un ni l'autre, à vrai dire."

Sous son regard surpris, il ressortit son portable et commença à pianoter, machinalement.
Accro au portable à ce point, il n'avait encore jamais vu.
Une étincelle crépita, jaillisant de la bague à l'annulaire de Milander. Elle bondit dans les airs jusqu'au portable, où elle sembla se fondre.

Oh.

C'était quoi ce
Stop !

Héritage, penses-y...

Fatigue, du mal à renvoyer les voix. Plus l'habitude de jouer et ruser ainsi, ou de cotoyer du monde.
Zen. Pause.

Milander sortit deux barres chocolatées de sa poche. Il ouvrit l'une d'entre elle et y mordit, avalant la bouchée sans presque la mâcher. De l'autre main, il tendit la deuxième à Greg.
C'était... gentil. Vraiment. Le pauvre venait de se faire posséder, puis harceler par téléphone par un spectre le tout en cotoyant un type qu'on lui avait probablement présenté comme le descendant de Satan.. et il prenait le temps de lui offrir une barre chocolatée. C'était peut-être naïf, mais gentil.
Ou alors très rusé, un coup fourré de Lunar pour l'attendrir le mettre en confiance. Après tout, s'il était dans la chevalière, on pouvait penser que...
Hum. Observant le garçon macher consciencieusement, les yeux dans le vague, il décida de lui accorder le bénéfice du doute.

Au fait...

-Hum, j'ignore comment marche ce téléphone, dit-il en attrapant la confiserie – toujours en faisant attention à ne pas toucher les doigts de Milander, mais je te paierai la communication si besoin.

Milander haussa les épaules sans mot dire, se contentant d'avaler une autre bouchée de sa confiserie.
Gregory s'assit contre la barrière, un peu à l'écart de l'adolescent. Il entreprit de déballer sa barre -Un Snickers, rien que ça- en sentant son ventre se réveiller. Il n'avait pas eu le temps de manger depuis son départ, il y avait de ça une douzaine d'heures. Le jet-lag et la faim commençaient à peser sur lui.
Il croqua sa première bouchée, savourant la lente fonte du chocolat contre sa langue.

-  D'ailleurs, c'est quoi comme téléphone ? Reprit-il, par curiosité. Je sais que chez Apple, il y'a une application pour tout, mais là quand même...

Milander Hearthorn leva un sourcil, visiblement étonné de cet intérêt.

"Ch'est un samsung première génération, postillonna-t-il en finissant d'avaler sa bouchée. Tu n'as pas de téléphone? "

-J'en avais un, il y a quelques années. Et puis, j'ai dû m'en séparer.

Les téléphones n'étaient pas autorisés à l'hôpital psy, mais Milander n'avait pas besoin de le savoir. Ce n'était pas le genre de souvenirs qu'on tient à partager, encore moins quand un rosophile pouvait écouter vos moindres mots. Mieux valait sous-entendre que c'était dû à une décision parentale.
Mais un portable... C'est vrai que c'était pratique. Surtout quand on était à plusieurs milliers de kilomètres de chez soi, et encore plus quand on se retrouvait coincé dans un lycée de monstres. Même s'il n'était pas sûr que le 911 vienne le chercher en cas d'urgence.
Quoique, la majorité des médecins qu'il avait croisé par le passé avaient des têtes de vampires. Et au moins l'une d'entre elles était vraiment une succube.

-Mais si on capte ici, je serai tenté d'en reprendre un. C'est le cas ? On a une couverture réseau ?

Milander Hearthorn jeta un coup d'oeil à son portable : Non.

Bon. Au moins, il pouvait abandonner l'idée du téléphone. Il mordit une fois de plus dans sa barre, pensif.

Le blond avait quant à lui terminé son Snickers. Il froissa le papier et dit d'un ton perplexe : Il y a un truc bizarre avec toi, Greg. Tu n'as pas l'air surpris de ce qui vient de se passer. Tu as quel age exactement?

C'est amusant comme les gens se raccrochent à des banalités pour se soutenir en période de stress. Tu as quel âge ? Une fille ou un garçon ? Tu aimes les bananes ?
Ca l'amusait toujours de penser qu'on le considérerait différemment selon que ses appareils génitaux pendent ou non, ou selon qu'il ait le droit de se saouler en toute légalité.Cela dit, ca l'amusait nettement moins de se rendre compte grâce aux souvenirs des autres qu'en fait, oui, on le considérerait différement. Encore plus s'il déclarait son amour des bananes.

Bref... Son âge physique...

Il dut calculer rapidement ; il n'avait pas fêté ses deux derniers anniversaires, et sa conscience du temps s'était faite assez erratique au cours de son séjour dans ce grand bâtiment blanc, où tous les jours se ressemblaient mornement.

Seize ans, conclut-il. Et toi ?

-J'ai eu 17 ans il y a quelques mois.

C'était étonnant qu'il ait pu atteindre cet âge en conservant une telle candeur.

L'autre lui montra son téléphone : C'était mon cadeau.

-Chouette cadeau. De la part de tes parents ? Demanda-t-il d'un ton neutre. Il lui était toujours difficile de penser aux siens sans ressentir des sentiments de haine et d'amour partagés... Et ce qui rendait les choses pires était qu'il ne savait pas lesquels lui appartenaient en propre.

Le technophile était déjà retourné à pianoter sur son téléphone. S'il n'y avait pas de réseau, c'était qu'il prévoyait un sort – ou faisait un kikoo à Lunar.

-Oui oui.

Greg se demanda à quoi ressemblaient les parents de ce grand gaillard blond. Une armoire normarde pas commode mais le coeur sur la main, et une petite bonne femme souriante, mère au foyer, préparant à la perfection des lasagnes et élevant 5 enfants dans sa grande maison ?
Ah non. Pas une armoire normande, c'est vrai, vu son parler.

-Ils sont restés au pays ? En... Angleterre, si j'en crois ton accent.

-Oui oui, refit il en rangeant son portable à sa place habituelle. Il claqua dans ses mains, se releva prestement et se dirigea vers une roseraie. Il écarta un buisson d'épine et en sortie un Tupperware et une fourchette.

Congelo express, commandez, c'est livré.

-Shit, lâche-t-il en s'éraflant encore une fois la main sur des épines.
Masochiste ou grand distrait ? L'un n'empechant pas l'autre, de toute façon...

-Tu ne peux pas la soigner? remarqua Greg en regardant la coupure peu profonde mais semblant douloureuse. Je croyais qu'il y avait une application pour tout...

Iil jeta un rapide coup d'oeil à sa main, avant d'ouvrir son Tuperware. L'odeur des lasagnes fraiches se répandit alentours.

-Je mettrai un bandage plus tard.

Ah, des lasagnes... Son estomac se mit à en grogner d'envie.

Le jeune anglais était assailli par des souvenirs qui ne lui appartenaient pas. Il se cramponnait à son identité comme à une bouée. Les vagues ne cessaient de le renverser, tentant de le submerger.

Hum, j'ignore comment marche ce téléphone mais je te paierai la communication si besoin. D'ailleurs, c'est quoi comme téléphone ? Je sais que chez Apple, il y'a une application pour tout, mais là quand même...

"Ch'est un samsung première génération. dit il, la bouche toujours pleine. Il se délectait de sa barre chocolatée avec une lenteur préméditée. Tant qu'il se concentrait sur Ses machoires qui mastiquaient Sa barre chocolatée, il pourrait rester lui même.

Tu n'as pas de téléphone? "

-J'en avais un, il y a quelques années. Et puis, j'ai dû m'en séparer.-Mais si on capte ici, je serai tenté d'en reprendre un. C'est le cas ? On a une couverture réseau ?

Milander Hearthorn jeta un coup d'oeil à son portable. Toujours pas de couverture réseau. Selon le technicien, il pourrait passer des appels d'ici quelques jours. Trop concentré pour expliquer tout cela, il fit:

Non.

Milander repensa à la discussion qu'il avait entendu. Il aurait voulu entendre ce que le fantome lui avait dit. Qu'est ce que l'esprit avait vu en Greg qui avait tant attiré son attention? Milander convint que le jeune allemand n'avait pas l'air terrible mais qu'il devait cacher quelque chose d'important.

Il y a un truc bizarre avec toi, Greg. Tu n'as pas l'air surpris de ce qui vient de se passer. Tu as quel age exactement?

Après un délai d'attente que le jeune magicien trouva trop long pour être honnête, Greg répondit.

Seize ans. Et toi ?

-J'ai eu 17 ans il y a quelques mois. C'était mon cadeau.


Il avait l'air beaucoup plus jeune que cela. Et à sa façon de parler, il avait l'air beaucoup plus agé que Milander. Qu'importe si Greg lui mentait. Milander n'avait aucune raison de mentir. D'autant qu'ainsi, il se raccrochait à ce qu'il était, manquant toujours d'être envahi par des souvenirs inconnus.
Il savait qu'il était le seul dans sa tête à avoir ce souvenir là. Il avait refourgué son Iphone première génération à son frère Mongomery.

-Chouette cadeau. De la part de tes parents ?

-Oui oui.

Milander réalisa qu'il avait encore son portable en main. Cet objet était l'ancre qui le retenait à la réalité. Il se demanda un instant si ce n'était pas en réalité l'ancre qui le tirait vers le fond de l'océan. Il éloigna ses pensées et commanda des lasagnes. Ne voulant pas faire apparaître les lasagnes de nul part, il se concentra pour les matérialiser hors de vue de Gregory.

-Ils sont restés au pays ? En... Angleterre, si j'en crois ton accent.

-Oui oui

Il se leva, fouillant dans le buisson. Il s'érafla par mégarde la main sur une épine vicieuse. Il étouffa un juron avec plus ou moins de succès. Soudainement, il entendit l'écho du murmures des roses. Venait il d'activer par mégarde un sort qu'il ne connaissait pas? Il se rappelait s’être déjà fait piqué par une rose. Pourtant, il n'avait aucune trace de cette échauffourée. Ce n'était donc pas ses souvenirs.

-Tu ne peux pas la soigner? remarqua Greg en regardant la coupure peu profonde mais semblant douloureuse. Je croyais qu'il y avait une application pour tout...

Milander trouvait la curiosité de Greg étrange. Il n'avait parlé à personne du pouvoir de son téléphone. C'était pourtant la deuxième fois que le jeune allemand en parlait. Comment avait il acquis tant de connaissance à son sujet? Il regarda sa main d'un air absent. Il savait que si il commençait par se méfier de Greg, Percelune reprendrait le contrôle. Il n'avait pas de souvenir d'avoir rencontré quelqu'un nommé ainsi. Il refusa de s'y attarder plus. La douleur le tenait lucide. Il avait une faim terrifiante. Il ouvrit son tupperware et fut embaumé par une douce odeur de sauce tomate.

-Je mettrai un bandage plus tard.

Milander entendit un grognement terrible. Cela faisait autant de fracas que la destruction des portes de Gibraltar. Il avait été témoin d'un tel évènement. Non. Non non. Surement pas. Les roses le contredisaient. Il leva les yeux, esquissant un sourire, fixant Greg d'un air curieux.

Euh... Désolé. C'est l'odeur. Je te laisse manger en paix, peut-être ?


Milander Hearthorn sortit son portable et pianota dessus. Il commanda une autre portion. Il failli le ranger dans la mauvaise poche, arrêta son geste et finit par le placer à l'endroit habituel. Il jeta un coup d'oeil furtif au buisson de roses, vérifiant que le sort avait marché.

Y'a une part pour toi.

... Milander Hearthorn, je t'épouserai si le mariage homosexuel était légal.

Milander resta silencieux à cette déclaration. Ses origines chrétiennes ne l'encourageait pas à rire à ce genre de choses. Selon son oncle, un homme et une femme devaient être ensemble. Tout le reste était contre nature. Il ne devait pas envisager l'amour et la sexualité de façon si conventionnelle. Il se fermait la porte à des opportunités inoubliable. Il avala une bouchée de lasagne, dispersant les sourires d'une vie antérieure. Milander n'avait jamais fait de sexe avec quiconque. Ni homme, ni femme, ni centaure. Il ne comprenait pas comment une pensée si abjecte avait pu surgir dans son esprit.

Greg fouilla dans le buisson et en sortit un tupperware. Il revient l'air extatique.
Les lasagnes étaient gratinées. Milander n'aimait pas trop le gratiné. Il se concentra sur Ses souvenirs, se rappellant les lasagnes qu'il avait mangé avant son départ pour le japon. Comme pour affirmer ces pensées, il fit.

Ca ne vaut pas celle de ma mère.

Possible. Mais ce sont les meilleures que j'ai mangées depuis longtemps. Si ta mère en fait des encore meilleures, conseille lui d'ouvrir un restaurant.

Gneu t'interdis de marier ma mère. répliqua entre deux bouchées le jeune anglais qui avait récupéré son sens de l'humour. Pour l'instant.

Oh, je suis donc si prévisible ? Je me contenterai donc de me cacher dans la maison, dormant la journée et pillant le frigo la nuit.

Les roses se mirent à murmurer fort. L'une d'entre elle chantait. Ou criait. Greg venait il de menacer sa famille? Non, c'était encore ce foutu sort qui lui embrouillait l'esprit. Il n'arrivait pas à l'arreter.

Le probleme avec ce lycèe, c'est que je ne sais jamais si les gens sont sérieux ou non.

Dans n'importe quel lycèe, on ignore si les gens sont sérieux ou pas. Ici, c'est juste une base de communication.Mais si c'était une façon déguisée de demander si j'avais vraiment l'intention de me faufiler dans un placard pour vandaliser ton frigo, la réponse est non, je n'étais pas sérieux. Le billet Allemange-angleterre coute trop cher pour ça.

Un train ! Oui , un train ! Milander avait oublié l'existence des trains. Il ne savait pas pourquoi mais il avait le souvenir d'être venu ici en bateau à voile. Il se rappella le concept de frigo, d'avion et de Wifi. Tous ces souvenirs rassurants le raccrochèrent à sa réalité actuelle. Il fut de nouveau pleinement Milander, le temps d'une seconde.

Tu rentrerais dans le placard de la buandrie.

C'est une invitation ?

Non.

Il ne laisserait jamais une telle créature atteindre sa famille! Il préférait réduire la roseraie en cendre plutôt que de laisser un Doppleganger accéder à ses proches! Et si il ne se faisait pas cela, il n'était pas digne d'être appellé Aidan Percel... Non, il était Milander Hearthorn. Et il mangeait des lasagnes. Et il s'en mettait de partout. Il poussa un nouveau juron. Les roses lui soufflaient qu'il se trompait. Dans un cantique magnifique, elles chantaient sa gloire. Il était le protégé de Richard coeur de Lion, Pourfendeur du dragon des glaces de Horkavik, défenseur du Portail de L...

CA SUFFIT MAINTENANT !

Il enleva sa chevalière. Les roses se turent. Le silence total revint sur la roseraie. Milander se demanda un instant si il avait crié.

De ?Oh. Je ne pensais pas que tu le ferai. Ou même, que l'autre te laisserait faire.

Ha oui, il parlait avec quelqu'un, à l'origine. Depuis combien de temps était il assis ici? Il leva un regard navré vers Gregory. Il était bon pour l'asile. Sa tete avait cessé de bourdonné. Il ne reviendrait plus jamais ici. Il n'offrirait jamais de roses à une jolie demoiselle. Il était dégouté de ces fleurs là pour toujours.

Hm, désolé.

Pas de mal. Ca va mieux ?

L'autre? Non, c'est les...Roses

Il ferma les yeux un instant et nettoya son esprit d'un coup de Karcher magique. Il avait la tête qui tournait. Ca n'allait pas mieux, non. Mais les souvenirs avaient soudainement cessé de l'assaillir. Au même moment, une silhouette fantomatique apparut à coté de Greg. Il se doutait que le jeune garçon ne pouvait pas le voir. L'esprit fit :

*Milander, tu ne devrais jamais retirer ton anneau.* La silhouette se tourna vers Gregory, levant un sourcil mesquin * " L'autre", hein? Je lui avais demandé de m'appeller Sire Lunar !* Milander prit une autre bouchée de lasagne, ignorant l'apparition et fixant le jeune allemand dans le blanc des yeux.

Euh... Désolé. C'est l'odeur. Je te laisse manger en paix, peut-être ? Proposa Greg, mal à l'aise.

Milander sortit son portable et tapota dessus : il y eut comme un souffle dans le buisson de rose le plus proche. Greg tourna instictivement son regard dans cette direction et revient juste à temps sur Milander pour le voir, mine perplexe, chercher dans quelle poche chercher son portable.
Mauvais signe, ça. Lunar encore dans le coin ? Ca expliquerait que Milander soit aussi distrait... et ça voulait dire être

sur ses gardes

attentif

prudent

Milander n'était pas le seul à être distrait.
Le blond finit par trouver la bonne poche et y ranger son téléphone. Il désigna de la tête le buisson :

Y'a une part pour toi.

Encore ? Ce garçon était soit un maitre en matière de manipulation, soit un bon samaritain gagnant à être connu.

... Milander Hearthorn, je t'épouserai si le mariage homosexuel était légal, lui dit-il en se ruant vers le buisson. Des lasagnes, rien que pour lui. Miam.

Il ramena sa boite – les roses l'ignorèrent, bénis soient tous les dieux pour ce petit bonheur -et l'ouvrit, sous l'oeil désapprobateur de Milander. Visiblement, la plaisanterie n'était pas à son goût, soit qu'il soit coincé soit que Lunar lui sussure des aneries à l'oreille.
Oh, et puis qu'il fasse ce qu'il veut. Les lasagnes n'attendent pas.

Il en prit une bouchée

Trop crêmeux

Gratinées ? Quelle honte sur un plat italien

Pas aussi bonnes que celles de sa fille.

N'importe quoi. Excellentes.

Vos... bouches.
Il se força à se remémorer celles qu'il avait mangé personnellement, pour comparer.
Au restaurant étant petit. Mais végétariennes, contrairement à celle là. Plus fondante.
Celles de sa mère, mitonnées toujours trop longtemps et un rien trop sec.
Rien à voir avec celles de l'hopital, qu'on servait en portions individuelles et qui avaient un goût et une texture de plastique à la tomate, qu'on devait macher et ruminer pour faire passer.
Et... Euh.. Quoi d'autre ?

Milander le coupa dans ses pensées : Ca ne vaut pas celles de ma mère.

Tiens, il n'était pas le seul à jouer à ce jeu de comparaison.

Possible, répondit-il, franchement. Mais ce sont les meilleures que j'ai mangées depuis longtemps. Si ta mère en fait des encore meilleures, conseille lui d'ouvrir un restaurant.

Gneu t'interdis de marier ma mère, rétorqua l'autre qui semblait avoir regagné un semblant de sens de l'humour.

Marier sa mère ?
Oh. Oui, le terme anglais. Et en passant, là haut, allez vous recoucher.

Tu as besoin d'aide. Et donc nous-

Il essaya de les ignorer en continuant sur le ton de la plaisanterie : "Oh, je suis donc si prévisible ? Je me contenterai donc de me cacher dans la maison, dormant la journée et pillant le frigo la nuit."

Milander eut un geste instinctif de recul et le foudroya du regard.
Oh. Effectivement, vu le sens du premier degré de Lunar, il avait dû prendre ça comme une menace déguisée.
Non !

Milander reprit comme pour lui-même : "Le problème avec ce lycée, c'est que je ne sais jamais si les gens sont sérieux ou non. "

Tant de candeur. Comment lui faire comprendre ? Et en passant, le rassurer ? Il Finit tranquillement sa bouchée, le temps de trouver comme le lui expliquer.

Dans n'importe quel lycèe, on ignore si les gens sont sérieux ou pas. Ici, c'est juste une base de communication.
Mais si c'était une façon déguisée de demander si j'avais vraiment l'intention de me faufiler dans un placard pour vandaliser ton frigo, la réponse est non, je n'étais pas sérieux. Le billet Allemagne-Angleterre coute trop cher pour ça.

Le regard du blond sembla s'éclaircir un peu tandis qu'il avalait une autre bouchée, répandant de la sauce tomate sur son pantalon sans faire attention.

Tu rentrerais dans le placard de la buandrie, Fit-il remarquer.

Greg continua sur le ton de la plaisanterie.
C'est une invitation ?

Non.
Sec et définitif. Renfrognement. Repli sur lui. Et quelques taches de sauce supplémentaire. Au temps pour la tentative de copinage.

Le silence se répandit, plein de tension, pendant qu'ils finissaient leurs pâtes. Tâche d'huile de non-bruit, se répandant et gelant les possibilités de conversation.
Rompu par un beuglement de Milander, qui se redressa d'un coup.
CA SUFFIT MAINTENANT !

Il enleva d'un geste sec sa chevalière, la brandit dans son poing tel Arthur exhibant Excalibur, et un silence assourdissant se fit dans la roseraie.

De ?Oh.

Greg cligna des yeux, s'attendant presque à ce que Lunar apparaisse et vienne râler sur le manque de soin de son héritier. Auquel cas, il se ferait un plaisir d'hurler sur ce barbon qui lui empoisonnait son repas.
Mais non, rien ne vient pendant que Mil attendait que la foudre lui tombe dessus.

-Je ne pensais pas que tu le ferai. Ou même, que L- l'autre te laisserait faire.

Pas de raison de laisser filtrer le nom et de possiblement perdre le pauvre garçon.

Celui-ci marmonna, l'air d'un gamin pris en faute : Hm, désolé.

Il le rassura : Pas de mal. Ca va mieux ?

L'autre? Dit Milander, perplexe. Non, c'est les...Roses.

Roses.
Qui le suivaient.
Qui l'observaient.
Qui entaillaient la peau de Milander, plaie cicatrisée puis saignante.
Lunar et les roses.

Donc un druide ?

Elémentaire de plantes, plutôt.

Ou hallucination et paranoïa.
Vous allez me rendre barge.
Milander ferma les yeux un court instant, inspirant et expirant profondément. Il rouvrit les yeux, et son regard se porte un court instant à droite de Greg, avant de se reporter résolument sur lui. Il reprit une bouchée de lasagnes, finissant de salir son pantalon.

-Je pense que les deux s'équivalent, conclut Greg – Milander lança un regard furtif sur sa droite, lui donnant l'impression de regarder quelqu'un du coin de l'oeil.

Espion ?

Lunar ?

Paranoia ?

Besoin de sortir d'ici, ou ça ira ?

Un " J'ai pas fini mes lasagnes" laconique lui répondit. Milander attrapa sa bouteille d'eau et la vida d'un trait.
Le regarder boire rappela à Greg comme sa gorge était séche. Il posa son Tuppeware de lasagnes, désormais terminé, récuré et presque léché, et attrapa une bouteille d'eau dans son sac à dos. Sa bouteille était désormais tiède, mais qu'importe : il en but une gorgée, savourant l'extinction du feu dans sa gorge. Il reposa sa bouteille dans son sac – ou il risquait de la laisser sur place ensuite – et tendit une perche à Milander pour relancer la discussion.

-Donc, tu disais ?

Le blond termina ses lasagnes tranquillement, et se contenta de lui répondre d'un ton coincé: Tu manges vite.

Et j'en ai pourtant eu plus que toi, vu que la moitié de mon plat n'a pas fini sur mes vêtements, pensa Greg. Il se contenta de lui expliquer diplomatiquement : Décalage horaire. Je n'avais pas mangé depuis une douzaine d'heures. Merci pour le repas ; si j'avais dû chercher le réfectoire et me perdre encore une fois, on m'aurait sans doute retrouvé mort de faim.

-Tu parles japonais?

Un saut du coq à l'âne.

A vrai dire, Greg parlait très bien l'allemand et avait des notions en français et anglais, sa maison natale étant située à proximité de la fontière suisse. On lui avait aussi donné quelques cours de japonais en prévision de ce voyage – cours dont il avait surtout retenu que cette langue était un carcan sans nom, qui enfermait les gens dans une hiérarchie archi-codifiée et rigide. Kun, chan, sensei, sama et tralala, autant de mot qui lui déplaisaient à l'oreille comme au cerveau.
Cela dit, il savait pertinemment que d'autres personnes qu'il avait connues le parlaient fort bien – ne serait-ce que sa psychiatre- et que donc il pourrait possiblement s'en sortir bien mieux. Mais il refusait de s'approcher volontairement d'une conscience copiée, de peur qu'elle prenne le contrôle.

-De préférence, le moins possible. J'ai eu quelques cours avant mon départ, mais je crains de ne pas être très compréhensible. Les langues n'ont jamais été ma tasse de thé.

Milander sourit.et récita comme un écolier récite sa leçon : " Hallo, Ich bin Milander." Les langues n'ont jamais été ma chope de biere non plus.

Jolie réplique. Gregory répondit à son sourire : "Ca y est, le quota cliché est rempli. On peut passer à la suite. Ca te dit qu'on se refasse une petite guerre mondiale-

Ce tatouage horrible, infamie sans nom

Encore des topinambours ?

Fusillade: oeuvre de charité et non massacre, tu dois t'y raccrocher

Non monsieur, ils sont partis il y a plusieurs jours.

Chut, ils sont là

Cancer de l'Allemagne : purifier par le feu et le gaz

Exterminez-moi tout ça, et remplissez bien votre rapport ensuite.

Un peu de savon madame ?

-tant qu'on y est ?

Son sourire se transforma en grimace, alors que les souvenirs reprenaient le dessus, s'affrontaient, et se tiraient dans les pattes. Sauveur, tueur, opportuniste et survivant, j'm'en foutiste et fanatique... Un être humain ne pouvait pas être tout à la fois! Et il ne voulait pas accueillir un seul d'entre eux, non ! Lui n'avait rien à y voir !

Ce fut son tour de fermer les yeux et d'expirer-inspirer rapidement, pour tenter de calmer cette tempête sous son crâne. Il n'allait pas tenir longtemps à cette allure.

Je pense que les deux s'équivalent.

Milander n'était pas d'accord. Mais l'image du vieux en train de chanter lui arracha un sourire.

Besoin de sortir d'ici, ou ça ira ?

*Il veux surement t'emmener dans un traquenard. Reste vigilant, Milander.*

J'ai pas fini mes lasagnes"

Il récupéra la bouteille d'eau qu'il vida d'un trait. Le vieux mage pestait bruyamment, lui indiquant que c'était une chose particulière imprudente à faire. Milander ignora toute recommandation du fantome, étanchant sa soif sans retenue.

-Donc, tu disais ?

Milander ne disait rien du tout. Il se contentait d'apprécier son repas. Il considéra le jeune allemand d'un air nouveau. Etait il mal à l'aise avec le silence? Il avala une nouvelle bouchée, pensif. Il fit remarquer d'un ton neutre :


Tu manges vite.

Milander considéra les deux taches de tomates sur son vêtement. Non seulement il mangeait plus vite mais en plus il mangeait proprement. Enfin, il n'avait pas eut à lutter pour garder le contrôle de son esprit. Il avait déja vécu une telle chose. Après qu'il ai récupéré la chevalière, transmise par son maitre.... Non non. Milander avait récupéré cette bague dans les catacombes de l'église. Encore des souvenirs qui ne lui appartenait pas.


Décalage horaire. Je n'avais pas mangé depuis une douzaine d'heures. Merci pour le repas ; si j'avais dû chercher le réfectoire et me perdre encore une fois, on m'aurait sans doute retrouvé mort de faim.

*Ca n'aurait pas été une grande perte. *

-Tu parles japonais?

Milander voulait parler japonais. Il n'avait jamais pensé être un jour dans une telle situation. Chaque mot anglais réveillait en lui des lieux, des visages, des endroits.

-De préférence, le moins possible. J'ai eu quelques cours avant mon départ, mais je crains de ne pas être très compréhensible. Les langues n'ont jamais été ma tasse de thé.

Milander compatit sincèrement avec le jeune allemand. Il se rappela alors ses cours. A 12 ans, on lui avait proposé d'apprendre l'allemand ou le francais. Il avait choisi le germain sans l'ombre d'une hésitation. Le professeur de francais, "Monsieur Dupied" avait la réputation d'avoir une haleine terrible.

Hallo, Ich bin Milander." Les langues n'ont jamais été ma chope de biere non plus.

"Ca y est, le quota cliché est rempli. On peut passer à la suite. Ca te dit qu'on se refasse une petite guerre mondiale tant qu'on y est ?"

Le visage du jeune allemand se tordit dans une grimace étrange. C'est vrai que selon les critères, Milander était un parfait aryen. Surement la culpabilité germaine. Milander se retint de rebondir le sujet. La seule chose qui lui venait à l'esprit était " De tout facon, vous allez encore perdre ou génocider des gens." Il préféra retenir cette remarque. Le fantôme déambulait alors dans les allées, l'air relaxé.

Ca ira. Un dessert?

Volontiers. Mon sorcier bien-aimé, qu'y a t il à la carte d'aujourd'hui ?

Milander ne put se retenir de dévisager le jeune allemand. Il n'était jamais très à l'aise avec ce genre de remarques. D'autant qu'il n'avait aucune envie de choisir pour Greg. Si il voulait quelque chose, qu'il le demande une bonne fois pour toute !

Tu as un téléphone, tu dois bien savoir ce qu'est une série télé ? Ma sorcière bien-aimée ? Ce n'était pas diffusé en Angleterre ?

Milander n'avait pas du tout compris la référence. C'était donc de l'humour, pas une autre avance ambigue. Il avait une tante qui avait la série complète en video cassette. Le jeune anglais ne savait pas exactement comment marchait ce genre d'anciennes technologies. Il leva un regard curieux vers Greg

Ce n'est pas vraiment ma génération. Tu es sur d'avoir 16 ans?

A moins que mon papa et ma môman ne m'aient menti, oui. Je me sens un peu vexé quand même... Tu es plus vieux que moi, je te rappelle.

Tellement plus vieux ! Il avait parcouru le monde entier ! Il avait voyagé sur tous les continents ! Il avait rencontré le peuple oublié du continent gelé ! Il avait marché sur les ruines du plus grand empire de la terre ! Il avait côtoyé des esprits d'une sagesse infinie! Ce jeune voleur de visage n'avait même pas une vingtaine de printemps ! Il n'avait jamais connu l'euphorie de la fête du solstice d'été de Wheatstone !

Excusez moi.

Il avait parlé en japonnais. Ses souvenirs lui jouaient encore des tours. Son seul moyen de rester sain d'esprit était de parler japonais.

Garde l'anglais. Et ne t'excuse que quand c'est nécessaire. Ce n'est pas parce que je me sens vexé que tu dois modifier ce que tu penses de moi ou t'en excuser.

Qui était il pour oser ordonner quoi que ce soit de lui?! Si il savait à qui il s'adressait, il n'aurait jamais eu l'audace de lui donner une seule directive ! Milander savait qu'il délirait totalement. La mémoire de Percelune refusait de s'effacer devant lui, quelque soit ses tentatives. Il commençait à comprendre qu'il ne pouvait pas lutter contre le processus. Il devait juste y aller petit à petit.

Désolé si je suis pas locace, on m'a toujours dit de ne pas parler en mangeant. Tu ne veux rien, donc?

Greg Ogramann soupira. Milander sortit son portable et commenca à pianoter. Il avait envie de chocolat. Le fantôme flottait désormais au dessus de la roseraie, appréciant le paysage. Milander sentait le regard de l'être sur lui.

Allez, un pudding, en l'honneur des Anglais.

Milander Hearthorn leve un sourcil moqueur et rangea son portable. Le pudding était la seule chose qu'il détestait de la culture anglaise. Sa tante en servait toujours à la fin des longs repas familiaux. Aromatisés à la menthe, le seul souvenir d'un tel dessert lui donnait la nausée. Cela montrait bien la piètre connaissance de la culture anglaise qu'avait Greg. Il sortit un brownie de sa poche et en tendit un au jeune allemand. Il allait apprendre à ce jeune homme ce qu'était un vrai dessert. Ce brownie était bourré de noix de pécan. Un régal. ( Bien sur, pas autant que les viennoiseries élaborées par le cuisinier du chateau. Mais c'était une autre époque, personne ne connaissait le cholesterol, à ce moment là.)

Merci. A charge de revanche.

Il regarda le brun se délecter du dessert. Il offrit beaucoup moins de délicatesse à son gâteau, le dévorant en trois bouchées. Il offrit un sourire radieux à l'allemand, remarquant qu'il s'était décidé à parler japonais.

Inspiration, expiration.
Se détendre.
Inspiration.
Sourire.
Expiration.
Tout va bien, contrôle repris.
Inspiration...

Milander le regardait, intrigué.
Rien à fiche. Si besoin, il lui parlerait de ce si connu sentiment de culpabilité allemande et laisserait sous-entendre que ceci expliquait cela. Pas de mensonge, juste un quiproquo intentionnel.

Mais l'adolescent se contenta de lui demander : Ca ira. Un dessert?

Dessert. Oh, oui.
Joie de sentir ses dents s'enfoncer dans un moelleux au chocolat, cette saveur sucrée qui emplit la bouche et noie sous son arôme toutes les autres nuances, avec ce petit fondant dans lequel enfoncer sa langue tendrement.
Ou l'acidité du citron dissimulé sous ccouche de meringue craquante, à peine contrecarrée par le goût massif mais délicat d'une pate brisée bien cuite.
Voire une pomme : la peau qui cède sous les insicives, le jus qui gicle légérement juste que sur la langue et vous donne un aperçu du secret sucré que vous vous apprêteez à déguster.
Trop de choix possibles...
Sans compter que pour ce qu'il en savait, ce téléphone n'était peut-être capable que de faire apparaître que des yaourts allégés. Ou des lasagnes au chocolat.

-Volontiers. Mon sorcier bien-aimé, qu'y a t il à la carte d'aujourd'hui ?

Milander le dévisagea. L'incultivation, quel fléau...

Tu as un téléphone, tu dois bien savoir ce qu'est une série télé ? vérifia-t-il. Ma sorcière bien-aimée ? Ce n'était pas diffusé en Angleterre ?
Ce n'est pas vraiment ma génération, lui fut-il répondu.Tu es sur d'avoir 16 ans?

A moins que mon papa et ma môman ne m'aient menti, oui. Je me sens un peu vexé quand même... Tu es plus vieux que moi, je te rappelle.

Vexé, pas vraiment mais un peu surpris. Cette série était encore rediffusée trois ans plus tôt en Allemagne, et Greg prenait un malin plaisir à la regarder juste pour lister les clichés éculés dont elle était farcie.
Et puis, il passait ensuite sur McGyver histoire de voir comment faire une bombe atomique avec un chewing-gum à la fraise, deux élastiques et une pâle de ventilateur.

S'il y avait un tel décalage avec un élève occidental et qui venait d'un milieu non magique, il n'osait pas imaginer ce que ça allait donner avec les yokai et japonais du coin...


Milander le surprit une fois encore en lui répondant en nippon : Excusez moi.

Et voilà.
C'est pour ça qu'il aborait cette langue. Outre les niveaux de hiérarchie et les tournures tarabiscotées qui tournaient autour du pot avant de grimper dessus et de s'en aller sans jamais l'ouvrir, l'expression la plus utilisée semblait être : "Excusez moi".
Excusez-moi de me tromper, de ne pas vous écouter, de ne pas vous apprécier, de ne pas être vous.
Excusez-moi d'exister.
Langue de clones.

-Garde l'anglais. Et ne t'excuse que quand c'est nécessaire. Ce n'est pas parce que je me sens vexé que tu dois modifier ce que tu penses de moi ou t'en excuser.

Au vu de la tête butée de Milander, l'explication ne lui plaisait pas. A moins qu'il ne se sente supérieur au point de mal vivre sa reprise ? Mais il enchaina d'un ton pincé:

Désolé si je suis pas locace, on m'a toujours dit de ne pas parler en mangeant. Tu ne veux rien, donc?

Greg soupira. Encore une excuse, au moins il était revenu à l'anglais.

Mais il trouvait plutôt drôle de voir Milander lui reprocher son non-choix, alors que le blond ne répondait pas plus aux questions que lui.
Tu disais ? Ah, que je mange vite. Effectivement. C'est mon principal talent, après l'imitation et le savoir ambulant. Et tu devrais boire comment je bois ! Un vrai numéro ! Deux livres et j'avale une gorgée !
Tu veux sortir ? Ah, mais tu manges tes lasagnes. Quelle malchance que tu aies un Tupperware, on aurait pu aller manger ailleurs sinon. Oh, wait.
Ce n'était probablement pas fait exprès, mais c'était assez agaçant de le voir refuser de parler franco.

Bon. Allez. Une réponse.
Anglais, donc il devait bien avoir une spécialité anglaise dans son téléphone.
Pudding ? C'était ça, ou un fish and Chips.

Allez, annonça t il, un pudding, en l'honneur des Anglais.

Milander leva haut un sourcil, l'air de jouir d'une plaisanterie personnelle.
Et il sortir de sa poche deux brownies. Un pour chacun.
Le pudding devait vraiment être une horreur pour que même un Anglais n'en veuille pas.

Merci. A charge de revanche, dit Greg en nippon en saisissant délicatement le gâteau.

Le gâteau était tout frais, et ô joie, bourré de noix de pécan. Le fondant du chocolat noir et le croquant des noix, tout un contraste en bouche, tout un régal pour ses papilles.

Milander lui décocha un sourire bordé de chocolat.
Amusant comme cet adolescent évoquait un enfant de livre d'aventures grandi trop vite : barbouillé de chocolat en haut, de saute tomate en bas, les cheveux blonds et les grands yeux noirs... Manquait plus que les taches de rousseur et deux couettes pour en faire un Foufou Brindacier. Il l'imaginait bien courir après un ballon de foot à la façon des enfants des jardins d'enfant, tête en avant et pieds qui pédalent pour empêcher le tout de tomber...

Le blond termina son brownie en une bouchée alors que lui n'en était qu'à la moitié, se releva et se frotta les mains.
Non, les mains ne cadraient pas avec le tableau. Elles auraient dû être écorchées, avec un pansement de ci de là, et des cicatrices rougeâtres, médailles témoignant du courage du survivant de la Grande Chute sur les Gravillons de 2000. Pas ces mains fines et délicates, mains de pianiste ou de chirugien, sur lesquelles ne ressortait que l'empreinte blanchâtre de la chevalière magique.
Peut-être pas Foufou Brindacier alors. Harry Potter à ses débuts ?
Hum, vu sa taille on aurait pu caser plein de mouflets de 9 ans là dedans.
Ou alors, Bastien Baltasar Bux tombé dans l'Histoire sans Fin ? Entrainé là dedans à l'insu de son plein gré et vivant ses aventures avec un optimisme forcené mais forcé.

-J'ai quelque chose sur le visage? Fit Milander. Ce n'est qu'à ce moment là que Greg se renfit compte qu'il devait le dévisager depuis plusieurs secondes. Peu désireux de lui faire partager ses rêvasseries, il se contenta de lui répondre : Un nez, deux yeux, et une bouche.

Le sorcier releva un sourcil : Tous les Allemands sont ils aussi bizarres ?

L'hôpital qui se moque de la charité. Paille, poutre, tout ça... Et cette fichue généralisation. Il préféra répondre diplomatiquement : Les généralisations, surtout à partir de mon comportement, ne sont pas une bonne chose.

-Je voulais dire bavards.

Il résista à l'envie de clamer d'un air dramatique "Ach, mais gue dirait Freud de ce labsus ?" : "Non. Ca fait juste du bien de discuter de tout et de rien pour une fois. Mais je peux juste me taire, si tu veux ?"

-J'ai un peu mal à la tête.

Et tu veux que je m'en aille pour te calmer ?
Que je te parle pour te changer les idées ?
Que je cherche un saule pour te concocter une aspirine-jardin ?
Que je creuse directement un trou bien profond où tu pourrait t'allonger, au cas où ce serait un anévrisme ?
Que je fouille dans ma valise à la recherche d'une dose de Valium ?
Que je te fasse encore plus mal à la tete en te tapant dessus avec ma valise ?

Prise de décision, choix, tout ça....

Bon. D'un autre coté, il n'était pas pressé, et était tout aussi paumé que le blond. Il pouvait bien attendre un peu qu'il se décide à bouger pour le suivre jusqu'en terre civil... monstrolisée.
Et puis, il n'avait pas l'impression de penser très droit depuis sa crise de tout à l'heure. Les voix étaient calmes, mais ses pensées vagabondaient.
Repos, soldat.

-D'accord.

Le brun s'étendit sur l'herbe verte, son sac à dos calé sous la tête comme oreiller. Les yeux toujours rivés sur les roses inertes – mesure de précaution-, il croisa les mains sur son ventre et entreprit de se calmer. Concentration sur ses paumes, pour percevoir le battement de son pouls. Le battement de son coeur. Le flux du sang, écarlate et marron, abreuvant ses muscles et son cerveau. Circuit clos, tournant, fixe et pourtant changeant.

Il se sentait considérablement plus calme quand il entendit Milander se relever.

Je vais y aller, dit Milander en se relevant.

D'accord.

Greg se releva lui aussi, s'étira comme un chat puis se réaccroupit pour fermer son sac à dos.

Dans son dos, le blond continua d'un ton neutre – trop neutre pour être vrai : Le vieux me dit que tu ressembles à quelqu'un nommé Alela.Ca t'évoque quelque chose?

Une information de plus. A noter. Et Mil évitait lui aussi de nommer l'autre. Une raison à ça ?
Quoiqu'il en soit, non, ce nom ne lui disait strictement rien. Et fait rarissime, aucune voix en arrère-fond de son esprit n'essayait de lui glisser des informations à ce sujet.
Il se retourna vers le sorcier, ajustant les bretelles de son sac à dos :

Alela ? Ca ne me dit rien. Il en a dit plus ?

Il a dit que tu ne devrais pas te coucher par terre. Alela faisait la meme chose.

Fuyant, vous avez dit fuyant ?
Et Milander claqua des mains puis... buggua. Les yeux dans le vague et la bouche béante, il resta là, à contempler mornement les roses grimpantes. Ce type devait tourner sous windows, ce n'était pas possible autrement.
Il s'approcha de quelques pas et agita une main devant ses yeux : aucune réaction.

Milander ?

Redémarrage du système. Le blond secoura la tête, comme pour se débarasser de ses pensées encombrantes et lui répondit: Theseïn dans un crachotis impeccable.
Mode sans échec... introuvable. Please press any key.
Qu'est-ce que c'était encore que ça ? Encore un coup de ...
Lunar ?

Milander fit non de la tête. Bon, c'était toujours ça de pris. Mais elle sortait d'où cette nouvelle langue ? Les sonorités lui évoquaient l'arabe, mais aucun mot de sa connaissance ne correspondait.
Le sorcier prit son portable et tapota quelques touches : son pantalon et sa chemise retrouvèrent leur lustre d'antant. Il le rangea dans sa poche, et s'inclina vers Gregory en articulant une longue phrase incompréhensible.
Et puis il fit demi-tour et se dirigea vers la sortie de la roseraie.
Euh... Non. Pas d'accord.
-Milander ? Je te rappelle que moi aussi je suis perdu, lui rappela t il en le suivant de près.

Milander comprenait doucement le sort d’ubiquité que lui avait offert le fantôme. Il détenait dans son esprit des sorts nouveaux. Des sorts anciens. Il avait envie de voir si il était capable. Digne de porter l'anneau. Les exploits de ses prédécesseurs lui revenaient par moment, images diaphanes dans l'esprit confus du jeune anglais.

-Milander ? Je te rappelle que moi aussi je suis perdu.

Il marchait le long des allées, observant les roses d'un air hésitant. Il se retourna vers Greg,un sourire innocent aux lèvres. Il avait une idée folle en tête. Avait il assez de compétence pour accomplir ce qu'il voulait?

*Il n'y a qu'une seule façon de le savoir.*

Sans aucun préambule, le magicien leva la main vers le ciel. Il murmura des mots magiques dont il ignorait le sens. La magie crépita jusqu'à sa chevalière et explosa. Des étincelles octarines volèrent un peu partout dans la roseraie. Milander regarda autour de lui. Rien n'avait changé. Rien du tout. Percelune riait. Le jeune anglais se retourna vers la silhouette fantomatique, qui était juste à coté de l'allemand.

Qu'est ce que c'était que ça ! Ce n'était pas censé faire tout ce... Oh merde.

Derrière Gregory, les roses s'étaient mises à bouger. Elles rampaient doucement sur le sol, formant un amas de plus en plus gros. Le rire de Percelune était hystérique. Il le dévisagea avec un air de défi.

*Vois tu Milander, ton manque de prudence finira par te tuer. Si tu ne contrôles pas la magie, elle finira par te consumer. Enfin, tu as de la chance pour ce test là. Tu as le droit de relever ce defi avec un allié.*


Le fantôme disparut. En partant, il verrouilla la porte de ses souvenirs à clef, prenant avec lui la formule pour interrompre le sort. Milander observa avec horreur les roses s'assembler en une gigantesque forme. Il lâcha un dernier juron, sortit son téléphone portable et prit en photo Greg et le golem de rose qui était juste derrière lui. Il considéra avec avec désespoir le jeune allemand. Il aurait préféré avoir à ses cotés n'importe qui d'autre de plus costaud. Il pianota rapidement, enclenchant son sort d'attraction. Il tira d'un coup sec sur son portable, tirant le jeune allemand vers lui comme si ils avaient été reliés par une corde de lasso. Juste à temps avant que le poing épineux de la créature ne s'abatte sur lui. Il rit nerveusement.


- Je n'ai aucun controle de cette bestiole. C'est l'ultime cadeau du vieux.


Milander connaissait désormais le nom de l'apparition. Mais il se refusait de l'utiliser. Il savait qu'il n'était si assez digne ni n'avait l'autorisation de Percelune pour évoquer son nom à haute voix. Pour le moment, en tout cas.

Le membre 'Milander Hearthorn' a effectué l'action suivante : Lancé de dé

'd20' : 14

Milander remonta encore quelques allées, Greg sur les talons. Visiblement, lui savait où aller et était pressé de s'y rendre, au point de semer presque le doppleganger. Quel bonheur d'avoir de grandes jambes...
Autant dire que quand Milander s'arrêta et se retourna vers Greg, un grand sourire fou aux lèvres, il fut plus que content de s'arrêter quelques secondes pour reprendre son souffle. Ses poumons étaient en passe de demander leur émancipation pour mauvais traitement et la distance entre Milander et lui ne faisait qu'augmenter.
Il fallait vraiment qu'il se mette au sport, il était pitoyable à toussoter après quelques mètres à trottiner. De quoi augmenter son endurance, et surtout de quoi se défendre si quelqu'un s'approchait de lui... Il devrait à l'occasion aller voir si un ...

Main levée vers le ciel, formule balbutiée, cheveux qui se dressent sur sa tête à cause de la sensation d'électricité, étincelles voletant en tout sens.
Catastrophe en vue.
Recul instinctif.

Milander, non !

Le blond, si droit auparavant, s'affaissa, ses yeux désormais dépourvu de cet éclat de folie. Il regarda à droite et à gauche comme s'il ne savait pas quoi attendre exactement, avant de revenir vers Greg.
Enfin, vers la droite de Greg, dans le vide.
Lunar ?

Qu'est ce que c'était que ça ! Ce n'était pas censé faire tout ce...

Bruissement dans les rosiers. À coté de lui. Il regarda, mais le bruit reprit ailleurs.

Oh merde.

Scheisse !
Qu'est-ce qu'il avait encore fait ?!
Il commença à tourner sur lui-même, cherchant à repérer ce qui produisait ce bruit.
Une boite de lasagnes géante ?
Un animal ?
Les roses ?
Les roses.
Ses pieds commençérent à reculer tout seuls pendant que sa tête essayait de comprendre ce qui se passait.
Glissant sur le sol comme autant de serpents, les tiges de rosier convergeaient vers le centre de la pelouse, tirant à la remorque leurs fleurs, évoquant par leur couleur et leurs rondeurs flasques des organes difformes et malades. Les tiges s'entretissaient et s'entremêlaient, se torsadant dans un sussurrement immonde pour former un amas de tresses épineuses, puis un espèce d'amas de forme humanoïde.

Merde.

Pas panique, respire, ce n'est qu'un

C'oque-mitaine caché sous le lit maman ! Rega'de !

Golem de plantes

Médicaments, docteur, je ne suis pas fou

Xylomid, utilise Feu X et embraie sur Inferno

La déforestation se fait de plus en plus importante, malgré...

Putain de meeeeerde. Impossible de réagir s'il se laisse submerger.
Okay.
Panique pas à l'ordre du jour.
La priorité : Ne pas laisser les autres venir.
Laisse ton corps prendre le dessus, retiens les pendant ce temps.
Inspiration, expiration, répétition.
Se concentrer sur ton corps, ton pouls, tes muscles, l'odeur écoeurante de rose, le sol meuble sous tes pieds, le son sinueux que fait cette chose, ta bouche séche.
Vivant.
Survis, ne te laisse pas toucher. Mort ou possession sinon.
Recule doucement, regarde les branches. Sinuent, remuent, convergent, s'immobilisent.
Il t'a vu.Il arrive. Pieds/pattes/nattes qui s'élèvent, forme qui se coule vers toi.
Recule. Ne le quitte pas du regard. Sinon, tu te feras toucher. Seule chance, éviter la masse de plantes, puis fuir.
Il arrive. Il s'écroule plus qu'il ne marche, se reforme à chaque pas.
Plus vite.
Flash dans ton dos. L'autre accélère, s'emmêle les membres, trèbuchant plus que courant..
Plus vite !
Pseudopode en l'air, marteau de Thor dans les cieux. Sous son ombre. Vise sans temps mort, va l'écraser.
Essie d'éviter, roule à droite.
Trop ta-
Poitrine serrée, tirée en arrière, propulsion. Lasso.
Douleur cuisante à la tête lorsqu'il retombe au sol plusieurs mètres plus loin, pantin désarticulé. Sol vibrant lorsque le marteau retombe, loin de lui.
Vivant ? Comment ?

-Je n'ai aucun controle de cette bestiole. C'est l'ultime cadeau du vieux.

Milander. Crétin. Sauveur. Quelqu'un.
Non, tu dois te ressaisir. Millander peut t'aider, peut-être.
Penser, pas réagir?
Tant pis pour les risques.

Il cessa de se concentrer sur son corps pour essayer de prévoir un plan. Penser était délicat, des dizaines de voix hurlant leur terreur et incompréhension à l'arrière de son crâne. Quelques autres l'encourageait à sauter sur la bête pour dissiper l'illusion; au moins une autre l'encourageait à le faire pour prouver que ce n'était pas une illusion et arrêter de subir tout ça.
Concentration.

Fuite impossible : la chose est trop rapide, et le chemin n'est pas sûr. Et son corps ne tiendrait pas le coup sur une longue distance.

Il faut recueillir des informations, et voir ce qui est possible de faire.
Il se rapprocha de Milander, pâle comme un linge :

-Milander, on a besoin d'information. C'est quoi ? Comment on le bat ? Et qu'est-ce que tu peux faire ?

La réponse avait intérêt à être rapide. L'autre chose se redressait et n'allait pas tarder à se reprécipiter sur eux.
D'ailleurs c'était une chose ou.. ?

-Milander, vite ! Ce truc a un esprit, ou c'est qu'une boule de liane carnivore ?

L'Anglais ne se donna même pas la peine de lui répondre. Il esquiva presque machinalement une tige qui lui fonçait dessus et tendit le bras vers le monstre végétal.

Mais qu'est-ce qu'il allait encore faire ?! Invoquer de l'engrais ? Mais avant qu'il puisse l'interrompre, le blond entonna d'une voix d'airain :

" I call upon the scorcher of the earth, from the deepest inferno. Come forth, Hammer of Prometeus ! "

Ca avait plus de gueule que le tapotis des SMS.

Flammèche orange, flamme rouge, boule de flamme bleue, projection.
Sourire victorieux de Milander.
Pétard mouillé. Crachottis de feu d'artifice

Mais ça avait moins d'effet.

Déception et horreur se lisaient sur le visage de Mil, signe que ce sort aurait dû marcher. Le téléphone serait-il ...

Téléphone.
Chevalière.
Magie.
Lunar.
Donc qui la contrôlait ?
Lunar.
Forcément.
Et vu qu'il ne voulait pas qu'il arrive de mal à son héritage... Milander ne risquait rien de bien facheux, qu'il soit "l'héritage" ou le "porteur de l'héritage". C'était clair, au vu de ce qui s'était passé dans la roseraie.
Cette bestiole était donc soit un test pour Milander, soit une façon d'éliminer Greg ni vu ni connu.

Dans les deux cas, il pouvait s'attendre à y laisser sa peau. Surtout qu'il avait l'air d'être la cible principale.
Saloperie. Tout ce qu'il voulait lui, c'était survivre à son premier jour !

Le choeur des voix reprit plus fort derrière, en pleine panique.

FERMEZ LA, SI JE CREVE VOUS Y RESTEZ AUSSI !

Le calme se refit péniblement. Il sentait qu'elles n'étaient pas loin, prêtes à lui sauter dessus si besoin.. mais elles resteraient en arrière-fond tant qu'il controlait la situation.
Un plan.
Besoin d'un plan.

Milander, totalement inconscient des pensées qui traversaient l'esprit de Greg, se retourna vers lui, un léger sourire aux lèvres. Le sourire de quelqu'un qui compte sur un Deus ex Machina pour sortir de là.

- Je ne crois pas que cette bestiole à une âme. Il s'agit juste d'un golem d'épine !

"Je ne crois pas". Génial. Et "Juste" un monstre de deux mètres de haut.
Mais si Greg avait raison, ce devait effectivement être un golem sans âme. Lunar n'aurait pas pris le risque, de peur que Greg s'en serve ensuite contre lui.
Il ne savait pas que le doppelganger ne voulait pas se servir de ce pouvoir de copie. Il pensait qu'il était prêt à tout pour gagner. C'était sa chance.

Milander sortit encore sur son téléphone, tapa sur quelques chiffres et le remit dans sa poche. Une lame apparut dans sa main, juste à temps pour trancher une lame qui tentait de les contourner.
Bon timing, mais... Il comptait vraiment se battre avec ce truc ? Rejouer la scène du chevalier blanc partant affronter le dragon pour la main de sa tendre mie ? Il allait se faire hacher menu, si Lunar ne se contrôlait pas parfaitement.
Avant même qu'il ait eu le temps d'articuler quoi que ce soit, Milander lui lança quelque chose d'étincelant. Il recula d'un pas par réflexe, levant les mains pour se protéger le visage... avant de comprendre qu'il s'agissait d'un sécateur. Le genre maousse costaud.
Certainement pas assez pour combattre ce truc devant. De toute façon, à part un lance-flamme ou une tronçonneuse, rien ne semblait suffisant. Mais Milander aurait aussi bien pu ne rien lui donner, ce qui aurait facilité la tâche de Lunar...
Milander n'était pas Lunar. Loin de là.
Le sécateur tomba à ses pieds sans qu'il fasse mine de le ramasser.
Il lui avait donné une chance. A Greg de lui rendre la pareille.

Même s'il allait le haïr après.

-When in doubt, Aim for the heart, continua Milander.

When you're attacked, aim for the culprit, plutôt.

Il s'approcha rapidement du sorcier, se forçant à passer outre sa peur de toucher les autres. Le blond n'eut pas le temps de comprendre quoi que ce soit avant de se prendre un coup de genou dans les parties intimes. Coup douloureux, mais nécessaire ; il ne pouvait pas se permettre de le voir l'empêcher de contacter Lunar.

-Désolé Milander, vraiment, souffla Greg en attrapant le portable dans la poche. Milander, recroquevillé autour de sa douleur, n'eut pas le temps de réagir.

Greg ouvrit le combiné et valida rapidement sur "Derniers appels". Il doutait que ce soit utile, mais mieux valait en faire trop que pas assez. Il cala le portable contre son oreille gauche, tête penchée, et prit à deux mains l'épée de Milander. Qu'elle était lourde !

La créature n'avançait plus dans leur direction, ce qui confirmait les suspicions de Greg. Ses lianes virevoltaient au hasard, en attente d'instructions. Les autres fleurs de la roseraie se tournèrent vers lui, aux aguets.

Aucun changement dans le combiné, mais quelqu'un était là. Il le sentait.

-Rappelez votre rosier, Lunar. Votre apprenti a du plomb dans l'aine.

Les lianes frémirent, semblant s'avancer vers lui.
Il recula, posa l'épée à proximité de main et s'accroupit à coté de Milander. Le pauvre haletait tout ce qu'il pouvait pour juguler la douleur.

-Je n'ai rien à faire dans ce combat. Vous savez ce que je suis...

Il appela ses voix les plus familières à la rescousse. Celles qu'ils avaient le plus sous contrôle.

Kristel.
-... un voleur de visage -
Milander écarquilla les yeux devant un tel prodige. Il savait combien c'était terrifiant de le voir changer d'expression et de voix comme ça, de découvrir le monstre caché sous l'homme.
Burkhard.
-... un conspirateur prêt à tout-
L'Anglais chercha à s'écarter de lui. Greg lui mit une main sur le torse et appuya de toutes ses forces pour l'obliger à rester allongé. Cela ne faisait que lui rendre les choses plus difficiles, mais il devait rester rationnel.

En arrière. S'il vous plait, il doit me croire.

Fais

Attention.

- Au combat, toutes les armes sont bonnes. Mêmes les plus infâmes.

Il arracha son gant gauche à l'aide de ses dents et se pencha sur Milander, cherchant à ne surtout pas croiser son regard paniqué.

Garde ta main ferme.

Oui maman.

Il suffirait d'un frôlement... sussura-t-il, en approchant sa main nue du visage du garçon... A vous de décider à quel point vous tenez à votre héritage, Lunar. Décidez. Le golem ou Milander ?

Par tous les dieux ayant existés, faites qu'il croie à ce bluff...

Les dieux n'étaient pas à l'écoute.

Le golem trébucha, tomba, se rua vers eux. Maladroitement, mais rapidement. Ils allaient tous les deux y rester.

Il n'était vraiment pas doué pour jouer le méchant.

Laisse la place. Je peux m'en occuper, laisse moi sortir.

Espèce de crétin, d'abruti ! Tu vas tous nour faire tuer...

Tu aurais dû rester en cellule.

Abandonne le, cours !

Touche-le, utilise ses pouvoirs.

Non!

Hors de question d'infliger ça à qui que ce soit !

Il recula sa main de peur de céder à la tentation, détournant une fraction de seconde les yeux de peur de faire un mauvais geste.
Il ne vit donc que du coin de l'oeil le poing de Milander s'envoler vers sa mâchoire. La douleur l'éblouit, le rejetant en arrière.

NON !

=======

Milander ouvrit les yeux. Il s'étonna un bref instant que ses douleurs se soient transférées du bas-ventre à la machoire avant de réaliser : il avait remporté son pari. Devant lui, Milan- lui- Mil' gisait, la créature au dessus de lui, prête à le broyer sur le sol. Il ne pourrait pas réagir à temps.

Milander prit son portable et enclencha son sort d'attraction. Il tira d'un coup sec sur son portable, attirant à lui le Milander originel. Juste à temps avant que le poing épineux de la créature ne s'abatte sur lui.

Il rit nerveusement, en proie à un furieux sentiment de déjà-vu. L'autre Milander émit un gémissement en essayant de se redresser. Et maintenant qu'eux deux étaient hors de portée... Il tendit la main, se concentra :

" I call upon the scorcher of the earth, from the deepest inferno. Come forth, Hammer of Prometeus ! "

La flamme attendue apparut dans la paume de sa main et passa rapidement du rouge-orangé au bleu azur. La flèche de feu fila, droit vers le torse supposé de la créature et l'enflamma.
La créature, devenue torche géante poussa un cri de douleur insupportablement fort. Elle tenta de fuir, agitant ses lianes en tous sens.

Milander se précipita vers son alter-ego blessé pour le mettre à l'abri plus loin. Les lianes volaient en tout sens, il suffirait d'une épine mal placée pour être gravement blessé. Il l'attrapa sous les aisselles et tenta de le tirer. En vain. Le corps de Greg n'était pas assez costaud.
Le corps de Greg.

L'autre Milander entreprit de se relever seul, pendant que Milander réalisait que tout n'était pas résolu : le monstre était hors service, d'accord.
Mais où était Greg ? Et comment revenait-il dans son corps maintenant ?

Milander, les yeux rivés sur la plante agonisante, semblait sur le point de pleurer. Probablement d'autres souvenirs de Percelune. Souvenirs qu'il ne partageait pas, par bonheur. Son esprit semblait s'être apaisé depuis ce transfert ; le fait même qu'il n'ait aucune restriction prouvait que Percelune ne pouvait plus y accéder. Une bonne nouvelle dans cette journée.

Attendant que Milander sorte de sa transe, Milan- non, il ne pouvait plus se nommer comme ça... Millie ? Oui cela ferait l'affaire – Millie le contemplait, fasciné. Il se souvenait du jour où sa mère l'avait emmené chez un coiffeur qui, après lui avoir dégagé le cou, lui avait observé la coupe en mettant deux miroirs face à face. Millie-Milander n'avait rien pu répondre, trop fasciné par ce reflet de lui, ce reflet à l'endroit, ce jumeau de miroir. Regarder Milander désormais lui rappelait ce sentiment de fascination en encore plus exacerbé. Le reflet s'était libéré du miroir.

Enfin, reflet... Il n'avait récupéré ni sa taille, ni ses muscles. Probablement que le corps de Greg l'avait accueilli en son sein sans être modifié. Cela ne correspondait pas aux informations sur les changemorphes que Percelune lui avait transmises.

Milander se tourna finalement vers lui alors que le golem finissait de brûler.

" Et donc si ca marche je... "
-peux continuer mes phrases. Oui."

Millie échangea un sourire radieux avec son double. Il avait agit un peu à l'instinct mais son choix avait payé. Milander reprit : "Quelque chose m'échappe. Greg a disparu ou tu as accès a ses souvenirs? "

Bonne question. Greg n'avait pas fait preuve de présence depuis son arrivée. Avant le combat contre le golem, Millie aurait pensé tant de discrétion de sa part impossible. Mais vu son revirement, il ne savait plus trop quoi en pensait. Il tenta d'appeler mentalement Greg tout en se sentant ridicule, puis essaya de voir ses souvenirs. Rien.

"Aucune trace, répondit-il. J'ai l'impression d'être tout seul. Pas de Greg, ni de Percelune d'ailleurs."

Milander haussa les épaules.

" Ca ne durera pas, crois moi."

Millie acquiesça machinalement. Il appréciait quand même ce petit répit. Depuis quand n'avait-il pas vraiment été seul maître à bord de son corps ? Enfin, de son corps... Il jeta un coup d'oeil sur les bras rachitiques de Greg. Le sorcier se voyait mal vivre aux commandes d'un corps pareil.

Ca fait du bien d'être tout seul, mais c'est... dérangeant, tenta-t-il d'expliquer à Milander. Ce n'est pas mon corps. Et si je restais coincé là ?

Milander n'eut pas l'air de saisir. Il se contenta de répondre :"Tu sais que ca sera le cas. Tu es la pour apporter un visage lumineux dans la balance des souvenirs de ce Changemorphe. "

Venant de lui-même, Millie se serait attendu à un peu plus d'empathie. Il ne s'imaginait pas si... distant. Il s'était toujours vu comme le frère aimant soutenant (comme il le pouvait) le reste de la fratrie, pas comme le mystérieux type qui délivrait des indices au compte-goutte.

"Je ne m'attendais pas à ce genre de réflexion. Il s'est passé quoi depuis notre... séparation ?"

Milander esquissa un sourire mystérieux. Sourire que Millie trouva aussi énervant que surprenant : il ne s'était jamais imaginé avec une telle expression.

Rien de très interessant, crois moi."

-"Je comprends mieux pourquoi Spartacus avait tendance à me... te... Ah ! Pourquoi il n'aimait que son frère lui réponde ça."

Milander acquiesça, se souvenant probablement lui aussi d'Alexander cherchant où cacher ces fichus magasines trouvés dans la chambre de leurs parents. Il n'aurait jamais cru avoir tant de mal à mettre hors de portée de leur benjamin ces quelques feuilles de papier mal imprimés.

Tout d'un coup, Millie réalisa qu'il ne reverrait probablement jamais ses frères, ou ses parents. Son coeur se serra dans sa poitrine.

"Et dans les faits, reprit-il vaillamment, "apporter un visage lumineux à la balance" consiste en quoi exactement ?

-Hé, c'est ton boulot, maintenant.

Si Millie avait compris, on ne pouvait pas parler d'un "boulot". Rester à attendre les bras croisés en espérant que sa présence change quelque chose en Greg n'était pas une mission, c'était un torture. Il devait bien avoir quelque chose à faire. Percelune avait bien dû lui fournir des informations supplémentaires.

-"Tu as des informations dont je ne dispose pas, je te rappelle."

Milander dévisagea Greg d'un air froid. "C'était notre sacrifice." fit-il séchement.

Millie grimaça encore une fois. Cela éveillait des souvenirs en lui, des réminiscences de paraboles bibliques et d'appel au sacrifice pour le bien collectif. Mais s'il s'était déjà vu mourir en champion de la lumière, il n'aurait jamais pensé rester coincé pour le restant de ces jours sous le crâne d'un changeforme sans plus jamais revoir ses proches. La notion de sacrifice ici était bien supérieur à ce qu'il imaginait. Est-ce que Milander se rendait vraiment compte de la situation ?

Mais est-ce que crier sur lui-même allait changer quelque chose ?

"Pendant un instant, j'ai cru entendre notre oncle. Bientôt, tu passeras aux doubles négations."

"La synchronisation n'est pas complete, Milander. Rappelle toi ce que tu es, ce que tu as et ce que tu dois faire."

Millie observa attentivement Milander. C'était... totalement hors de sujet. Il ne parlait pas comme ça, pas si froidement. Ce qui voulait dire que Percelune intervenait. Forcément.

-Il reste encore combien de "moi" là dedans ? Percelune ?

Milander fit non de la tête, levant les yeux au ciel.

-Je ne pensais pas que j'étais aussi... dissipé. Je dois te paraitre bien sérieux."

Milander rit doucement.
Millie restait tout à fait sérieux : Milander était tellement différent de l'image qu'il se faisait de lui-même. est-ce qu'il était vraiment ainsi, vu de l'extérieur ? Ou avait-il été mal copié ?

Il marmonna : Je ne sais pas ce qui m'inquiète le plus : la possibilité que je sois en fait si fuyant sans m'en rendre compte, ou celle que je sois une copie incomplète.

L'un dans l'autre, nous savons que ça n'a pas d'importance, reprit Milander avec un dose de froideur supplémentaire dans la voix. D'après Percelune, nous... enfin, tu vas te diluer doucement. "

"Pendant un instant, j'ai cru entendre notre oncle. Bientôt, tu passeras aux doubles négations."

Milander avait envie d'hurler sur greg. Ou de se battre contre lui. Il savait qu'il avait appris ses plus grandes leçons à l'issu d'un combat. Et Milander avait bien une lecon ou deux à lui transmettre. Il chassa cette idée. Il pouvait encore le convaincre.

"La synchronisation n'est pas complete, Milander. Rappelle toi ce que tu es, ce que tu as et ce que tu dois faire."

Milander se demanda a qui appartenait ces mots. Il sentait une force infinie guider ses mots. Il était transporté par la sagesse du temps. Il avait envie d'un bonbon.

-Il reste encore combien de "moi" là dedans ? Percelune ?


Non, Percelune était bien plus loin. Les mots qu'avait prononcé Milander étaient bien les siens. Il avait finit par se convaincre que c'était la chose à dire. Il avait certes été un peu aggressif. Après tout, il parlait quand meme à lui même. Il devait se relaxer.

-Je ne pensais pas que j'étais aussi... dissipé. Je dois te paraitre bien sérieux."


Il enchaîna par un rire léger. Si Greg avait prit son apparence comme selon les souvenirs du vieillard, ils auraient pu faire des farces terriblement efficaces. Son double ne devait pas avoir les même pensées. Il ne se dérida pas une seconde. Il semblait plongé dans un état de tristesse absolue. Il finit par marmonner.

La possibilité que je sois en fait si fuyant sans m'en rendre compte, ou celle que je sois une copie incomplète.

Milander fut rassuré. Son double n'avait besoin que d'encouragements. Si dans sa copie incomplete il avait gardé ses bon cotés pour laisser tomber ses mauvaises farces et ses souvenirs négatifs?

L'un dans l'autre, nous savons que ça n'a pas d'importance. D'après Percelune, nous... enfin, tu vas te diluer doucement. "

*Et justement, c'est pendant qu'il se dilue qu'il faut le marquer. Lui rappeller des souvenirs importants.*

Forcement, c'était le moment du grand retour de Percelune, pensa Milander avec amertume. Son double avait une chance inestimable. Il ne sentait pas sur son esprit le poids de ses ancêtres.

-"Me... Diluer" ?

-" Tu ne peux pas rester eternellement ainsi. Greg ou d'autres visages veulent la place.""


-"Je vais .... disparaitre ?

Il avait entrecoupé sa phrase par une déglutition bruyante. Décidement, Milander avait regardé trop de dessins animés. Dans la fratrie, un tel manque de tripes méritait un encouragement supplémentaire. Pour illustrer cette pensée, Milander tapa sur l'épaule de Gregory. Assez fort pour l'ébranler dans ses appuis. C'était sur sur ses appuis que le magicien apprenait.

Fais pas ta lopette. Tu te joindras a la grande mosaique qu'est Greg. "


Greg recula de quelques pas comme un enfant au premier jour de classe. La peur laisserait rapidement place à de la colère. L'individu, d'un ton excédé, fit :

C'est facile pour toi. Tu vas garder un corps pour toi, pour vivre. Moi je vais finir coincé dans ce... ce...

Milander aurait du le gifler. COmme pendant les terribles leçon d'escrime que lui infligeait son oncle. La douleur cuisante qui surgissait au milieu d'une passe. Son oncle était expérimenté. Il saisissait la moindre occasion pour rappeler à Milander qu'il était toujours vulnérable aux attaques. Il serra son poing, contenant cette envie d'infliger à son double une leçon de telle manière. Mais il ne pouvait pas. Il n'avait pas à faire de "Lui" ce qu'il voulait être. Il devait grandir et comprendre par lui même. Mais Milander devrait lui rappeler la raison de son existence.

-"C'est notre sacrifice."

-"Mon sacrifice."

-Me... Diluer ? Répéta bêtement Millie.
Di-lu-er. Des syllabes qui n'avaient aucun sens en elles-même, mais un terme terrifiant.

-Tu ne peux pas rester éternellement ainsi. Greg ou d'autres visages veulent la place.

-Je vais .... disparaitre ?

L'idée était horrible. Millie savait en frappant Greg qu'il se retrouverait dans son corps, mais il n'avait pas vu plus loin que le sauvetage. Il pensait que ce qui se passerait après... se passerait après. Probablement que d'une poignée de main ou d'un coup de téléphone magique, il pourrait réintégrer son corps. Ou en créer un autre. Ou... Ou ... Ou survivre. Rester lui. Il avait une famille, des amis, des rêves, des choses à lui, il ne pouvait pas tout laisser en plan comme ça.
Disparaitre. Se diluer. Ne plus jamais être lui.

Milander se rapprocha de lui et lui tapa sur l'épaule à lui en luxer l'épaule. Ce corps était vraiment trop faible. Non, Millie était maintenant trop faible.

-Fais pas ta lopette. Tu te joindras a la grande mosaique qu'est Greg.

Millie recula. Sa boule au ventre et au coeur pulsaient, lui donnant envie de se déchainer, de lutter, de faire quelque chose. A commencer par donner une bonne leçon à ce sorcier qui se permettait de décider de son avenir froidement, et venait jouer ensuite les grands-frères protecteurs quand ça l'arrangeait.
Comment pouvaient-ils être la même personne et si mal se supporter ? Comment Milander ne pouvait-il pas comprendre l'horreur qui l'attendait ? Un enfermement à vie, ignoré, entravé, seul, et en plus "c'était pour le bien des autres".

Il cracha avec rage : "C'est facile pour toi. Tu vas garder un corps pour toi, pour vivre. Moi je vais finir coincé dans ce... ce... "

Les mots ne sortaient pas. Les dire revenait à se condamner.
Milander avait l'air tout aussi en rage que lui. Il serrait les poings, se retenant visiblement à grand-peine de le gifler. Mais il ne le ferait pas, ce serait mettre en péril le "visage lumineux à apporter à la balance".
Pour la première fois de sa vie, Millie regretta d'avoir une conscience aussi tranchée de la lumière et des ténèbres. Son original ne le considérait plus que comme un martyre destiné à illuminer l'obscurité de Greg, et ne ferait rien pour le blesser... afin que sa mission réussisse. Il n'était même plus quelqu'un, seulement un pion sur l'échiquier, le cavalier blanc infiltré dans les lignes ennemies.

Même pour lui-même, il n'était déjà plus personne.

-C'est notre sacrifice.

-Mon sacrifice, rétorqua-t-il, mâchoires crispées. La seule chose que lui sacrifiait, c'était son temps. Millie, lui, allait y laisser son existence.

La précision n'eut pas l'air de plaire à Milander. Il continua sur le même ton : "Et donc, tu vas te morfondre sur ton sort comme un gosse perdu dans un parc d'attraction? Nous avons passé l'age, Milander. Tu auras rapidement accès a plus de réponses que tu n'auras de questions."

Dans peu de temps, il n'aurait même plus de questions. Il serait "dilué". "Disparu." Ne resterait que son souvenir dans la tête de Milander, et un vague spectre dans celle de Greg.

Pendant un instant, il se rappela de Greg, penché au dessus de lui alors que le golem fonçait. Il lui avait donné un coup de poing pendant que le changemorphe... reculait ? Oui, forcément : il n'aurait jamais été assez rapide pour le frapper en premier si l'adolescent avait voulu le toucher. Pas à cette distance.
Est-ce que Greg avait prévu cette issue et voulu la lui éviter ? Est-ce qu'il soupçonnait que ça finirait ainsi ? Avait-il essayé de lui éviter de subir ça ?
Qui était alors le visage lumineux dans ce cas ? L'usurpateur de corps, ou celui qui avait tenté d'éviter cette situation ? Millie ou Greg ?

C'était trop compliqué. Fichus ténèbres et lumières.

-Nos routes se séparent ici.

Il revint à l'instant présent, à Milander qui était tellement à coté de ses chaussures que c'en était presque triste. L'original n'avait pas l'air de comprendre à quel point cette banale phrase était vraie. Il n'était même plus question de "nous", désormais : Millie soupçonnait que Milander n'avait aucune idée de ses pensées depuis leur séparation.
Et Millie n'était même pas sûr de vouloir redevenir Milander, même s'il avait eu le choix. Pas après cette conversation.

-Tu ne me laisses pas le choix de toute façon, se borna-t-il à constater.

Milander dévisagea Millie, l'air étonné du manque de hargne lors de sa dernière réponse.

-Rappelle toi, Milander. Il y a quelque chose que je tu dois faire.

-M'effacer, être un visage positif, je sais.

L'ironie de la situation ne lui échappait pas : il ne s'était jamais senti aussi seul et désespéré qu'après cette conversation. Comment était-il sensé influencer positivement Greg alors qu'il n'était plus que l'ombre de lui-même, à tous points de vue ?
Mais dire ça à Milander ne servirait à rien. Il ne comprendrait pas. Ou du moins, pas maintenant, pas droit dans ses bottes comme maintenant.
Mais peut-être qu'un jour... Peut-être.

-Mais Milander ? Je crois que je préférais quand je ne me connaissais pas. Sincérement.

Milander tendit la main droite vers Millie. Celui-ci eut un geste de recul, surpris, s'attendant presque à recevoir une droite. Espérant presque recevoir une droite pour être honnête, ce qui aurait prouvé que Milander attachait encore de l'importance à ce qu'il pensait de lui.
Mais la main resta tendue en l'air à mi-hauteur, fermement.

Millie la lui serra précautionneusement, se demandant à quoi cela rimait. Visiblement, lui non plus ne pouvait plus suivre les pensées de Milander ; la rupture était consommée dans les deux sens.

La réaction n'était pas celle attendue : Milander mit une fraction de seconde avant de lui serrer la main, d'une poigne ferme qui le fit grimacer. Il haussa alors un sourcil et tendit son autre main.

Que voulait-il maintenant ?
Son autre main... La main gauche, toujours dégantée...
Son portable.
Son dernier lien avec sa vie d'avant.