Vika : Eh bien mon loulou, tu sais te servir que de ce bras? C'est le seul que t'as musclé à force de tripoter le petit Becka? On peut l'appeler le temps qu'il entraine l'autre, si tu veux?

Adam contra des deux bras les attaques de sa sensei, tentant de remettre ses idées en place. Il se prit un, deux, puis trois coup, et recula brusquement, pour se dégager de l'étreinte des corps s'entrechoquant. Il croisa ses bras, en mode défensif, incrédule. Que voulait dire Vika par ... oh, par Maureen ! Qu'il avait été idiot, il savait qu'il avait trop parlé. Il le savait, et pourtant il avait persisté à se confier à Vika, sa sensei, sa supérieure hiérarchique, tellement au-dessus de toutes les moqueries dont se fendaient les autres sans prêter attention à ce qu'il pouvait ressentir.

Son incrédulité se mua petit à petit en colère. Elle savait qu'il tenait à Becka. Elle savait qu'il respectait son attirance pour lui. Et elle savait également que ne pas avoir touché à une femme depuis son arrivée lui pesait. Plus encore lorsqu'il passait ses soirées à discuter avec l'élémentaire d'eau. Un grognement furieux monta de sa poitrine, tandis qu'il sentait une rage lui monter le long de la gorge. La douleur se fit très intense, dans ses jambes, dans ses bras, dans son dos. Toute sa chair se transforma en une masse de douleur indicible. La pupille dilatée, il sentit la terre battue devenir plus fraîche, les zones odorantes s'accentuer. Il sentait l'odeur de Vika à pleins poumons, et s'en imprégna tandis que sa tête était brusquement projetée en arrière, sa fourrure lui poussant.

Un hurlement lupin traversa l'arène de longues secondes, tandis que le loup fauve s'habituait à sa forme, légèrement pantelant. Ses crocs acérés claquèrent une fois, puis deux. Son regard de prédateur fixa avec menace l'animorphe corbeau, son iris réduit à un fin cercle doré ceignant sa pupille noir d'encre. Le loup avança sur ses deux pattes arrières, en équilibre maîtrisé. La fourrure épaisse de sa tête et son dos luisaient de mille feux. Il était plus en forme que jamais, sous ses traits animaux. Et il allait le lui montrer.

Sans prendre le temps de savourer la liberté de ses mouvements, il se jeta sur le corbeau, et continua le combat. De ses deux pattes, il enchaînait coups de griffe et parades, se fichant bien à présent de la blesser ou pire encore. Elle avait insulté Becka. Elle l'avait insulté lui. Pire encore, elle s'était mis dans une peau qu'il ne voulait plus jamais avoir à affronter. Celle de Dehvi, son maître, lui apprenant à se maîtriser. Une usurpatrice qui se faisait passer pour quelqu'un de bienveillant. Une idiote de plus qui avait abusé de sa naïveté - à cette pensée, sa colère grandit encore un peu.

Ses coups, et ceux de Vika partirent à une vitesse hallucinante. Elle le frappait avec rigueur, de ses poings et ses pieds. Lui répliquait d'une force animale brute, ses griffes jointes pour tuer. Il ne la perdait pas des yeux, la suivait avec un dessin malsain évident. Il mourrait d'envie de la saigner, de lui faire retirer ses paroles, de lui tirer un chapelet d'excuses, sous la menace de ses griffes.

Adam : Je te tuerai. Et je te tuerai une seconde fois pour Becka s'il le faut. Sombre ignorante.

Sa voix caverneuse se noya dans un grognement lorsqu'il fila loin de son adversaire, pour revenir comme une flèche. Adam se mua en une balle de poils rebondissante, passant chaque fois à deux doigts de griffer sa proie. Il était en furie, et son corps fonctionnait à deux cent pourcents. Il ne tiendrait évidemment pas longtemps de la sorte, mais au corps à corps Vika avait plus de chances de le blesser -d'autant qu'il commençait à fatiguer des coups qu'il avait reçu. Vika avait beau être une fille menue, elle n'en mettait pas moins des patates à faire braire un âne déjà mort. Ses pectoraux et ses bras commençaient à le meurtrir. En plus, il avait soif. Tellement soif.

Le loup se fendit d'un rire tonitruant. Un rire bien à lui, bien que teint d'animalité. Dieux ! Qu'il aimait sentir le souffle de l'air dans son poil. Ça, c'était pour Becka. Ce tendre élémentaire incapable de défendre son propre honneur, même s'il le désirait de toutes ses forces. Le loup s'arrêta, brusquement, et s'assit sur ses fesses, comme un gentil chien domestique.

Adam : Jouons un autre jeu Vika. Voyons si ton art te permettra de m'attraper.

Après tout, il prenait des coups surtout parce qu'il venait les chercher.

Le loup eut un hurlement bestial, truffe en l'air, et jeta un regard vers le ciel. Il ne pourrait pas être suffisamment rapide pour tout éviter. Il était bien trop tôt dans la journée et la lune n'était pas assez influente. Mais en tous cas, il pourrait sacrément embêter la maîtresse en arts martiaux. Le prédateur sourit au fond de lui. C'allait être une belle partie.

Le loup plissa les yeux lorsque sa sensei lui remonta les bretelles une nouvelle fois, lui expliquant qu'elle avait fait exprès de le provoquer. Le loup sentit de la joie monter au fond de lui. Une joie destructrice et très prenante, qui lui monta à la tête plus vite encore qu'une bouteille entière d'alcool fort. Elle s'attendait à ce qu'il soit furieux? Il l'était. Mais elle avait oublié quelque chose chez lui qui ferait qu'il ne se retiendrait pas. D'une, elle lui avait montré qu'elle savait se défendre, alors il n'allait pas hésiter à frapper fort. De deux, il était en terrain extérieur, et ne risquait de tuer personne avec sa maladresse légendaire. De trois, il adorait se battre. Oui, il adorait ça.

Contre Dehvi, les combats tournaient court, et se finissaient par des insultes et souvent un K.-O. des deux côtés. Contre elle, il y avait un enjeux, du challenge. Et puis, la rage au fond de lui voulait tellement l'écraser qu'il en était presque douloureux de l'ignorer. Bah ! Qu'il se fasse plaisir ! Qu'avait-il à respecter de quelqu'un qui manipulait ses craintes pour les utiliser contre lui ?

Le loup rebondissait contre les gradins, ne parvenant plus qu'à choquer la garder de son adversaire, malgré toute la force et la vitesse qu'il y mettait. Alors quoi, elle ne voulait plus l'attraper ? Oh, ce n'était pas drôle, en plus elle commençait à fatiguer, il sentait une légère odeur de... sel. Le loup s'arrêta, truffe en l'air, et resta parfaitement immobile, tentant de comprendre ce que lui faisait sa sensei. Est-ce qu'elle venait de se mettre à pleurer ? Mais, pourquoi ? Il supportait en serrant les dents tellement de choses depuis tant de temps, et n'était pas en train de pleurer pour une souvenir de perte de contrôle. Puisque lui n'avait jamais eu de contrôle. Adam était comme ça. Une boule d'instinct, la colère à fleur de peau, un volcan en constante menace d'éruption.

Le loup changea donc de méthode, et s'accroupit, jambes prêtes à le faire bondir. Il passa un peu moins bruyamment derrière Vika, la colère faisant battre son sang à tout rompre. Par Maureen, il mourait réellement d'envie de la tuer !

Adam : Esprit vif. Ne réagis pas personnellement à ce que ton adversaire fait. Ne monte jamais ta peur ou tu deviendras proie. Tu peux en rajouter un.

Il se plaça derrière elle, debout sur ses deux pattes, et ne faisant pas mine de la frapper.

Adam : Esbroufe. Si tu sais que tu ne peux pas battre ton adversaire, fais-lui peur et la balance penchera de l'autre côté.

Puis le loup grogna franchement dans son dos, de toute la menace dont il était capable. Si Vika ne se secouait pas, ce n'était pas drôle. Allez quoi, il avait tellement de rancœur à évacuer, qu'elle réponde, cette animorphe !

Un grognement s'apparentant à un grognement lui échappa lorsque Vika le corrigea une nouvelle fois. Elle avait tort. L'intimidation, c'était le nom que donnaient les faibles à l'esbroufe pour rien. Lui, il était sérieux. Il savait qu'il était capable de lui faire mal - très mal - et il fanfaronnait en fonction de sa capacité. Mais puisque l'animorphe avait décidé de jouer la tutrice jusqu'au bout, il n'allait certainement pas se retenir. Soudain, le regard de sa sensei changea, se faisant plus... animal. Bien sûr. Elle devait avoir plus d'un tour dans son sac. En revanche, ce qu'il avait moins prévu, c'était la suite.

Devant les yeux écarquillés d'Adam, un corbeau géant prit forme devant lui. Un mauvais remix du château ambulant, cinq fois plus glauque. Il ne restait plus rien de la belle et robuste Vika. Plus rien de sa chevelure d'ébène ou de ses gestes sûrs. Elle était... un monstre. On appelait souvent à tort les élèves de Yokaî par ce petit nom affectueux, mais aucun autre n'aurait été plus adapté à la situation présente. Un instant, Adam sentit le louveteau en lui gémir. Puis, il sentit une poussée d'adrénaline. Un poulet géant à exécuter. Ses babines s'étirèrent dans un sourire lorsqu'un vacarme assourdissant lui fit lever la tête.

Une flopée, que dis-je, une ARMÉE de corbeaux vint couvrir le terrain, obscurcissant presque totalement le ciel. Les spectateurs dans les gradins hurlaient à ne plus avoir de gorge. Adam, lui, sentit tout son poil trembler. C'était ça, le vrai pouvoir d'un animorphe ? Par la culotte de Maureen, il n'aurait jamais pu le soupçonner. Son anxiété se tut lorsqu'il vit le corbeau ouvrir grand ses ailes, dans sa direction.

A cet instant, Adam avait l'impression d'être une fourmi face à l'ange de la Mort en personne.

Son visage poilu passa par toutes les couleurs possibles, et un hurlement étranglé sortit d'entre ses crocs.


Adam : PAR LES COUILLES DE DEHVI !

Un juron peu familier, qui lui échappa. La poussière l'aveugla, et il en avala une quantité suffisante pour le faire tousser. Il dut fermer l’œil, et remercia Dehvi de lui en avoir fait perdre un. Maureen ! Que cela faisait mal ! Des secousses régulières lui indiquaient la position de la Vika géante. Il esquivait comme il le pouvait, fortement ralenti par la poussière - et par l'absence d'un de ses deux yeux. Commença alors un balais grotesque. Vika, sautant avec la grâce d'une patate en sauce, et lui, esquivant comme il le pouvait ce pilon sur pattes pour éviter de finir en bouillie. Il n'aurait pu être plus en colère. Puis, il se prit au jeu. Ses mouvements étaient fortement ralenti, et il se sentait comme Ulysse contre le cyclope. Sauf que dans le cas personne, c'était lui l'aveugle.

Plus calme, il se remémora l'enseignement de Vika. Un adversaire en furie était plus simple à parer. Dans le cas présent, il se contentait de l'éviter, avec la joie évidente du chasseur ayant trouvé une proie à sa hauteur. Il fila comme une flèche, et s'arracha deux touffes de poils pour les enfoncer dans ses oreilles. De cette manière, son audition fragile n'était plus abîmée par l'armée volante qui recouvrait le ciel. Aveugle, et presque sourd, il ne se fia plus qu'à son ressenti. Adam avait toujours été quelqu'un de très tactile, et ce facteur kinesthésique lui sauverait sans doute la vie, pour cette fois.

Sa course effrénée ralentit peu à peu, il s'épuisait. Alors quoi, il allait juste se faire écraser par un canari aux OGM, et finir comme une crêpe au sable ? Il se rappela un livre stupide qu'il avait lu. Comment survivre à une invasion de robots ? Les gros robots, il fallait les blesser aux jambes, le plus haut possible pour qu'ils ne puissent pas s'adapter immédiatement, et empêcher sa chute. Le loup grimpa à vitesse d'escargot sur le mur, chutant à trois reprises, puis bondit, sentant que la poussière se faisait moins dense. Son odorat était rempli de sable et de sueur, il devrait respirer du café des heures durant avant de pouvoir retourner chasser sans confondre un élève avec un lapin.

Ses griffes se refermèrent sur des plumes, et il se cramponna comme un diable pour descendre jusqu'aux pattes recouvertes d'une carapace épaisse de sa sensei. Il entrouvrit un oeil et sentit l'humain en lui rougir.


Adam : Désolé. D'ordinaire je suis plus galant quand je me trouve entre les cuisses d'une dame.

Puis, il joignit ses doigts pour qu'ils ne forment plus qu'un pieu tranchant, et frappa.

Adam avait quelques phobies, mais celle de la hauteur n'en faisait pas partie. Il resta cependant mortifié lorsque a Vika géante décolla du sol, et hésita un trop long moment pour pouvoir sauter avant qu'elle se transforme en humaine. Il leva l’œil, et sentit un frisson traverser sa fourrure. Il était maintenu par les bras à une fille totalement nue. Non, à une femme totalement nue, Vika était loin d'avoir la mentalité ou le corps d'une fille comme on en voyait à Yôkai. Il baissa le regard, et s'aperçut qu'ils étaient haut, assez pour qu'il se casse quelque chose en tombant. Merde, il aurait dû agir plus tôt, beaucoup plus tôt. Mais l'appât du gain - le sang frais de Vika, même sous sa forme humaine, lui donnait très faim - l'avait poussé à jouer avec sa proie. Le loup plissa ses sourcils plein de sable et grogna lorsque des corbeaux vinrent couvrir Vika. Il se flagella mentalement de ne la trouver que plus érogène. Une femme nue était bien moins belle qu'une femme peu vêtue.

Par la culotte de Maureen. Il était en train de perdre des yeux le combat.


Vika : Je peux te lâcher ici et maintenant, ou te faire lacérer par mes petits amis. Sinon, tu te retransforme, ici et maintenant, et je te dépose tranquillement au sol, et on va gentiment se soigner.

Le loup se tordit pour voir le visage de sa Sensei. Elle était on ne peut plus sérieuse, et cela le perturba. Quoi, elle le considérait toujours comme un enfant turbulent ayant besoin d'être remis sur les rails ? Un sourire moqueur se peignit sur le visage du lycanthrope. Un visage terriblement craquant -il le savait- et qui le représentait tellement. Il tira sur ses bras pour donner un coup de bassin vers l'arrière, et joua de ses jambes pour se balancer. Lorsqu'il fut sûr qu'elle n'aurait pas la force de le rattraper, il donna un coup sec sur ses poignets, la griffant pour la dernière fois. Vika bascula légèrement de la poussée de sa chute, et lui tomba de longues secondes, la fixant.

Ses pattes monstrueuses heurtèrent la terre battue, à quelques mètres du mur de l'arène. Il sentit une douleur intense lui parcourir les jambes tandis que ses deux tibias se brisaient d'un coup sec. Une seconde plus tard, il était nu et noir de crasse dans la boue. Sa vue se brouilla sous le coup de l'onde douloureuse qui irradiait de ses jambes et de tout son corps, revenir sous son visage d'humain sans préparation était toujours extrêmement choquant. Il n'eut pas la force de se relever, mais prit la peine de fermer le poing. Ce n'était pas elle qui l'avait vaincu, il avait décidé de perdre.

Il adressa un majeur triomphant à sa sempai.

Puis, il s'évanouit.